La Bibliothèque de la Pléiade

Version du 30 octobre 2015

Version du 19 février 2016

Version du 29 mars 2016

En décembre 2013, j’écrivis une modeste note consacrée à la politique éditoriale de la célèbre collection de Gallimard, « La Bibliothèque de la Pléiade », dans laquelle je livrais quelques observations plus ou moins judicieuses à ce propos. Petit à petit, par l’effet de mon bon positionnement sur le moteur de recherche Google et du manque certain d’information officielle sur les prochaines publications, rééditions ou réimpressions de la collection, se sont agrégés, dans la section « commentaires » de cette chronique, de nombreux amateurs. Souvent bien informés – mieux que moi – et décidés à partager les informations dont Gallimard est parfois avare, ils ont permis à ce site de proposer une des meilleures sources de renseignement officieuses à ce sujet. Comme le fil de discussions commençait à être aussi dense que long (près de 100 commentaires), et donc difficile à lire pour de nouveaux arrivants, j’ai pensé qu’il pourrait être intéressant, pour les nombreuses personnes qui trouvent mon blog par des requêtes afférentes à la « Pléiade », que toutes les informations soient regroupées sur cette page. Les commentaires y sont ouverts et, à l’exception de ce chapeau introductif, les informations seront mises à jour régulièrement. Les habitués de l’autre note sont invités à me signaler oublis ou erreurs, j’ai mis un certain temps à tout compiler, j’ai pu oublier des choses.

Cette page, fixe, ne basculera pas dans les archives du blog et sera donc accessible en permanence, en un clic, dans les onglets situés en dessous du titre du site.

Je tiens à signaler que ce site est indépendant, que je n’ai aucun contact particulier avec Gallimard et que les informations ici reprises n’ont qu’un caractère officieux et hypothétique (avec divers degrés de certitude, ou d’incertitude, selon les volumes envisagés). Cela ne signifie pas que l’information soit farfelue : l’équipe de la Pléiade répond aux lettres qu’on lui adresse ; elle diffuse aussi au compte-gouttes des informations dans les médias ou sur les salons. D’autre part, certains augures spécialistes dans la lecture des curriculums vitae des universitaires y trouvent parfois d’intéressantes perspectives sur une publication à venir. Le principe de cette page est précisément de réunir toutes ces informations éparses en un seul endroit.

J’y inclus aussi quelques éléments sur le patrimoine de la collection (les volumes « épuisés » ou « indisponibles ») et, à la mesure de mes possibilités, sur l’état des stocks en magasin (c’est vraiment la section pour laquelle je vous demanderai la plus grande bienveillance, je le fais à titre expérimental : je me repose sur l’analyse des stocks des libraires indépendants et sur mes propres observations). Il faut savoir que Gallimard édite un volume en une fois, écoule son stock, puis réimprime. D’où l’effet de yo-yo, parfois, des stocks, à mesure que l’éditeur réimprime (ou ne réimprime pas) certains volumes. Les tirages s’épuisent parfois en huit ou dix ans, parfois en trente ou quarante (et ce sont ces volumes, du fait de leur insuccès, qui deviennent longuement « indisponibles » et même, en dernière instance, « épuisés »).

Cette note se divise en plusieurs sections, de manière à permettre à chacun de se repérer plus vite (hélas, WordPress, un peu rudimentaire, ne me permet pas de faire en sorte que vous puissiez basculer en un clic de ce sommaire vers les contenus qu’ils annoncent) :

I. Le programme à venir dans les prochains mois

II. Les publications possibles ou attendues ; les séries en cours

III. Les volumes « épuisés »

IV. Les rééditions

V. Les volumes « indisponibles provisoirement »

VI. Les volumes « en voie d’indisponibilité »

Cette page réunit donc des informations sur le programme et le patrimoine de la collection.

Les mises à jour correspondent à un code couleur, indiqué en ouverture de note (ce qui évite à l’habitué de devoir tout relire pour trouver mes quelques amendements). La prochaine mise à jour aura lieu dans quelques temps, lorsque le besoin s’en fera sentir.

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I. Le programme à venir dans les prochains mois

Le programme du premier semestre 2016 est officiellement connu et publié sur le site officiel.

->Henry James : Un Portrait de femme et autres romans. Après la publication des Nouvelles complètes, Gallimard décide donc de proposer plusieurs romans de l’épais corpus jamesien. Le volume comprend quatre romans : Roderick Hudson (1876), Les Européens (1878), Washington Square (1880) et Portrait de femme (1881). La perspective de publication semble à la fois chronologique et thématique. Elle n’est pas intégrale puisque sont exclus trois romans contemporains du même auteur : Le Regard aux aguets (1871), L’Américain (1877) et Confiance (1879). En cas de succès, il paraît probable que ce volume soit néanmoins suivi d’un ou deux autres, couvrant la période 1886-1905.

On peut imaginer que le(s) volume(s) à venir comprendra/comprendront Les Bostoniennes, Ce que savait Maisie, Les Ambassadeurs, Les Ailes de la Colombe ou La Coupe d’Or, mais comme certains de ces ouvrages ont été retraduits, fort récemment, par Jean Pavans, il est difficile d’établir avec certitude ce que fera la maison Gallimard du reste de l’œuvre. La solution la plus cohérente serait de publier deux autres tomes (voire trois…).

->Mario Vargas Llosa : Œuvres romanesques I et II. M. Vargas Llosa a beaucoup publié, souvent d’épais romans (ou mémoires – comme le très recommandable Le Poisson dans l’eau). La Pléiade ne proposera qu’une sélection de huit romans parmi la vingtaine du corpus. Le premier tome couvre la période 1963-1977 et comprend La Ville et les chiens (1963), La Maison verte (1965), Conversation à La Cathedral » (1969) et La Tante Julia et le scribouillard (1977). Le deuxième tome s’étend de 1981 à 2006 et a retenu La Guerre de la fin du monde (1981), La Fête au bouc (2000), Le Paradis un peu plus loin (2003) et Tours et détours de la vilaine fille (2006).

Il faut noter l’absence des Chiots, de l’Histoire de Mayta et de Lituma dans les Andes, ainsi que des derniers romans parus. De ce que je comprends de l’entretien donné par M. Vargas Llosa au Magazine Littéraire (février 2016), cette sélection a été faite voici dix ans. Cela peut expliquer quelques lacunes. Entre autres choses, le Nobel 2010 de littérature dit aussi que, pour lui, féru de littérature française et amateur de la Bibliothèque de la Pléiade depuis les années 50, il fut plus émouvant de savoir qu’il entrerait dans cette collection que de se voir décerner le Nobel de littérature. Il faut dire qu’à la Pléiade, pour une fois, il précède son vieux rival Garcia Marquez – dont les droits sont au Seuil.

-> en coffret, les deux volumes des Œuvres complètes de Jorge Luis Borges, déjà disponibles à l’unité.

-> Jules Verne (III)Voyage au centre de la terre et autres romans. L’œuvre de Verne a fait l’objet de deux volumes en 2012 ; un troisième viendra donc les rejoindre, signe que cette publication, un peu contestée pourtant, a eu du succès. Quatre romans figurent dans ce tome : Voyage au centre de la terre (1864) ; De la terre à la lune (1865) ; Autour de la lune (1870) et, plus étonnant, Le Testament d’un excentrique (1899), un des derniers romans de l’auteur – où figure en principe une sorte de jeu de l’oie, avec pour thème les États-Unis d’Amérique (qui ne sera peut-être pas reproduit).

Un quatrième tome est-il envisagé ? Je ne sais.

-> Shakespeare, Comédies II et III (Œuvres complètes VI et VII). Gallimard continue la publication des œuvres complètes du Barde en cette année du quatre centième anniversaire de sa mort. L’Album de la Pléiade lui sera également consacré. C’est une parution logique et que nous avions, ici même, largement anticipée (ce « nous » n’est pas un nous de majesté, mais une marque de reconnaissance envers les commentateurs réguliers ou irréguliers de cette page, qui proposent librement leurs informations ou réflexions à propos de la Pléiade).

Le tome II des Comédies (VI) comprend Les Joyeuses épouses de Windsor, Beaucoup de bruit pour rien, Comme il vous plaira, La Nuit des rois, Mesure pour mesure, et Tout est bien qui finit bien.

Le tome III des Comédies (VII) comprend Troïlus et Cressida, Périclès, Cymbeline, Le Conte d’hiver, La Tempête et Les Deux Nobles Cousins.

J’ai annoncé un temps que les poèmes de Shakespeare seraient joints au volume VII des Œuvres complètes, ce ne sera pas le cas. Ils feront l’objet d’un tome VIII, à venir. Ce corpus de poésies étant restreint (moins de 300 pages, ce me semble, dans l’édition des années 50, déjà enrichie de divers essais et textes sur l’œuvre), il est probable qu’il sera accompagné d’un vaste dossier documentaire, comme Gallimard l’a fait pour les rééditions Rimbaud et Lautréamont, ou pour la parution du volume consacré à François Villon.

Le programme du second semestre 2016 a filtré ici ou là, via des « agents » commerciaux ou des vendeurs de Gallimard. Nous pouvons l’annoncer ici avec une relative certitude.

-> Après Sade et Cervantès, le tirage spécial sera consacré à André Malraux, mort voici quarante ans. Il reprendra La Condition humaine, et, probablement les romans essentiels de l’écrivain (L’Espoir, La Voie royale, Les Conquérants). Ces livres sont dispersés actuellement dans les deux premiers des six volumes consacrés à Malraux.

Je reste, à titre personnel, toujours aussi dubitatif à l’égard de cette sous-collection.

–> Premiers Écrits chrétiens, dont le maître d’œuvre est Bernard Pouderon ; selon le site même de la Pléiade, récemment et discrètement mis à jour, le contenu du volume sera composé des textes de divers apologistes chrétiens, d’expression grecque ou latine : Hermas, Clément de Rome, Athénagore d’Athènes, Méliton de Sardes, Irénée de Lyon, Tertullien, etc. Ce volume  n’intéressera peut-être que modérément les plus littéraires d’entre nous ; il pérennise toutefois la démarche éditoriale savante poursuivie avec les Premiers écrits intertestamentaires ou les Écrits gnostiques.

Pour l’anecdote, Tertullien seul figurait déjà à la Pléiade italienne, dans un épais et coûteux volume ; ici, il n’y aura bien évidemment qu’une sélection de ses œuvres.

–> Certains projets sont longuement mûris, parfois reportés, et souvent attendus des années durant par le public de la collection. D’autres, inattendus surprennent ; à peine annoncés, les voici déjà publiés. C’est le cas, nous nous en sommes faits l’écho ici-même, de Jack London. Dès cet automne, deux volumes regrouperont les principaux de ses romans, dont, selon toute probabilité Croc-blanc, L’Appel de la forêt et Martin Eden. Le programme précis des deux tomes n’est pas encore connu.

L’entrée à la Pléiade de l’écrivain américain a suscité un petit débat entre amateurs de la collection, pas toujours convaincus de la pertinence de cette parution, alors que deux belles intégrales existent déjà, chez Robert Laffont (coll. Bouquins) et Omnibus.

-> enfin, s’achèvera un très long projet, la parution des œuvres de William Faulkner, entamée en 1977, et achevée près de quarante ans plus tard. Avec la parution des Œuvres romanesques V, l’essentiel de l’œuvre de Faulkner sera disponible à la Pléiade. Ce volume contiendra probablement La Ville, Le Domaine, Les Larrons ainsi que quelques nouvelles.

Comme souvent, la Pléiade fait attendre très longtemps son public ; mais enfin, elle est au rendez-vous, c’est bien là l’essentiel.

Cette année 2016 est assez spéciale dans l’histoire de la Pléiade, car neuf volumes sur dix sont des traductions, ce qui est un record ; l’album est également consacré à un écrivain étranger, ce qui n’est pas souvent arrivé (Dostoïevski en 1975, Carroll en 1990, Faulkner en 1995, Wilde en 1996, Borges en 1999, les Mille-et-une-nuits en 2005).

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Le domaine français fera néanmoins son retour en force en 2017, avec la parution (selon des sources bien informées) de :

-> Perec, Œuvres I et II. Georges Perec ferait également l’objet de l’Album de la Pléiade. Voici quelques années déjà que l’on parle de cette parution. Des citations de Georges Perec ont paru dans les derniers agendas, M. Pradier m’avait personnellement confirmé en 2012 que les volumes étaient en cours d’élaboration pour 2013/14 ; il est donc grand temps qu’ils paraissent.

Que contiendront-ils ? L’essentiel de l’œuvre romanesque, selon toute vraisemblance (La Disparition, La vie, mode d’emploi, Les Choses, W ou le souvenir d’enfance, etc.). Le Condottiere, ce roman retrouvé par hasard récemment y sera-t-il ? Je ne le sais pas, mais c’est possible (et c’est peut-être même la raison du retard de parution).

-> Tournier, Œuvres (I et II ?). Michel Tournier l’avait confirmé lui-même ici ou là, ses œuvres devaient paraître d’ici la fin de la décennie à la Pléiade. Sa mort récente peut avoir « accéléré » le processus ; preuve en est que Pierre Assouline, très au fait de la politique de la maison Gallimard, a évoqué, sur son site et dans son hommage à l’auteur, la parution pour 2016 de ces deux volumes. Il s’est peut-être un peu trop avancé, mais selon nos informations, un volume (au moins) paraîtrait au premier semestre 2017 (ou bien les deux ? rien n’est certain à cet égard), ce qu’Antoine Gallimard a confirmé au salon du livre.

-> Quand on aime la Pléiade, il faut être patient. Après dix-sept ans d’attente, depuis la parution du premier volume, devrait enfin sortir des presses le tome Nietzsche II. Cette série a été ralentie par les diverses turpitudes connues par les éditeurs du volume. La direction de ce tome, et du suivant, est assurée par Marc de Launay et Dorian Astor.

Cela fait quatre ou cinq tomes, soit l’essentiel du premier semestre. D’autres volumes sont attendus, mais sans certitude, pour un avenir proche, peut-être au second semestre 2016 :

-> Flaubert IV : la série est en cours (voir plus bas), le volume aurait été rendu à l’éditeur. On évoquait ici-même sa parution pour 2015.

-> Nimier, Œuvres. Je n’oublie pas que l’Agenda 2014 arborait une citation de Nimier, ce qui indique une parution prochaine.

-> Beauvoir, Œuvres autobiographiques. Ce projet se confirme d’année en année : annoncé par les représentants Gallimard vers 2013-2014, il est attesté par la multiplication des mentions de Simone de Beauvoir dans l’agenda 2016 (cinq, dans « La vie littéraire voici quarante ans », qui ouvre le volume). Gallimard est coutumier du fait : il communique par discrètes mentions d’auteurs inédits, dans les agendas, que les pléiadologues décryptent comme, jadis, les kremlinologues analysaient le positionnement des hiérarques soviétiques lors des défilés du 1er mai.

-> Leibniz : un volume d’Œuvres littéraires et philosophiques s’est vu attribuer un numéro d’ISBN (cf. sur Amazon). C’est un projet qui avait été évoqué dans les années 80, mais plus rien n’avait filtré le concernant depuis. Je n’ai (toujours) pas trouvé de mention de ce volume dans des CV d’universitaires. Comme pour Nietzsche II, je tiens cette sortie pour possible (ISBN oblige) mais encore incertaine. Cependant, le site Amazon indique une parution au 1er mars… 1997 : n’est-ce pas là, tout simplement, un vieux projet avorté, et dont l’ISBN n’a jamais été annulé ? À bien y réfléchir, l’abandon est tout à fait plausible.

-> D’autres séries sont en cours et pourraient être complétées : Brontë III, Stevenson III, Nabokov III, la Correspondance de Balzac III. D’autres séries, en panne, ne seront pas plus complétées en 2016 que les années précédentes (cf. plus bas) : Vigny III, Luther II, la Poésie d’Hugo IV et V, les Œuvres diverses III de Balzac, etc.

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II. Les publications possibles ou attendues ; les séries en cours

a) Nouveaux projets et rééditions

Les volumes que je vais évoquer ont été annoncés ici ou là, par Gallimard. Si dix nouveaux volumes de la Pléiade paraissent chaque année, vous le constaterez, la masse des projets envisagés énumérés ci-dessous nous mène bien au-delà de 2020.

–> un choix de Correspondance de Sade ;

–> les œuvres romanesques de Philip Roth, en deux volumes ; une mention de Roth, dans l’agenda 2016, atteste que ce projet est en cours.

–> l’Anthologie de la poésie américaine ; les traducteurs y travaillent depuis un moment ;

–> une nouvelle édition des œuvres de Descartes et de la Poésie d’Apollinaire (direction Étienne-Alain Hubert) ; Jean-Pierre Lefebvre travaille en ce moment sur une retraduction des œuvres de Kafka, une nouvelle édition est donc à prévoir (les deux premiers tomes seulement ? les quatre ?) ; une nouvelle version de L’Histoire de la Révolution française, de Jules Michelet est en cours d’élaboration également ;

–> Une autre réédition qui pourrait bien être en cours, c’est celle des œuvres de Paul Valéry, qui entreront l’an prochain dans le domaine public ; certains indices dans le Paul Valéry : une Vie, de Benoît Peeters, récemment paru en poche, peuvent nous en alerter ; la réédition des Cahiers, autrefois épuisés, n’est certes pas un « bon » signe (cela signifie que Gallimard ne republiera pas de version amendée d’ici peu – ce qui ne serait pourtant pas un luxe, l’édition étant ancienne, partielle et, admettons-le, peu accessible) ; en revanche, les Œuvres pourraient faire l’objet d’une révision, comme l’ont été récemment les romans de Bernanos ou les pièces et poèmes de Péguy. La publication de la Correspondance de Valéry pourrait être une excellente idée, d’un intérêt certain – mais c’est là seulement l’opinion du Lecteur (Valéry y est plus vif, moins sanglé que dans ses œuvres).

–> Tennessee Williams, probablement dirigée par Jean-Michel Déprats ; une mention discrète dans l’agenda 2016 tend à confirmer cette parution à venir ;

–> Blaise Cendrars, un troisième volume, consacré à ses romans (les deux premiers couvraient les écrits autobiographiques) ; selon le CV de Mme Le Quellec, collaboratrice de cette édition, ce volume paraîtrait en 2017 ;

–> George Sand : une édition des œuvres romanesques serait en cours ; l’équipe est constituée.

–> De même, Michel Onfray a évoqué par le passé, dans un entretien, l’éventuelle entrée d’Yves Bonnefoy à la Pléiade. Ce projet est littérairement crédible, d’autant plus que l’Agenda 2016 cite plusieurs fois Bonnefoy. Je suppose qu’il s’agira d’Œuvres poétiques complètes, ne comprenant pas les nombreux ouvrages de critique littéraire. Quelque aventureux correspondant a posé franchement la question auprès de Gallimard, qui lui a répondu que Bonnefoy était bien en projet.

-> Il faut également s’attendre à l’entrée à la Pléiade du médiéviste Georges Duby. Une information avait filtré en ce sens dans un numéro du magazine L’Histoire ; cette évocation dans l’agenda, redoublée, atteste de l’existence d’un tel projet. J’imagine plutôt cette parution en un tome (ou en deux), comprenant plusieurs livres parmi Seigneurs et paysans, La société chevaleresque, Les Trois ordres, Le Dimanche de Bouvines, Guillaume le Maréchal, et Mâle Moyen Âge.

-> Le grand succès connu par le volume consacré à Jean d’Ormesson (14 000 exemplaires vendus en quelques mois) donne à Gallimard une forme de légitimité pour concevoir un second volume ; les travaux du premier ayant été excessivement vite (un ou deux ans), il est possible de voir l’éditeur publier ce deuxième tome dès 2017…

-> Jean-Yves Tadié a expliqué, en 2010, dans le Magazine littéraire, qu’il s’occupait d’une édition de la Correspondance de Proust en deux tomes. Cette perspective me paraît crédible et point trop ancienne. À confirmer.

–> Textes théâtraux du moyen âge ; en deux volumes, j’en parle plus bas, c’est une vraie possibilité, remplaçant Jeux et Sapience, actuellement « indisponible ». La nouvelle édition, intitulée Théâtre français du Moyen Âge est dirigée par J.-P.Bordier.

–> Soseki ; le public français connaît finalement assez mal ce grand écrivain japonais ; pourtant sa parution en Pléiade, une édition dirigée par Alain Rocher, est très possible. Elle prendra deux volumes, et les traductions semblent avoir été rendues.

–> Si son vieux rival Mario Vargas Llosa vient d’avoir les honneurs de la collection, cela ne signifie pas que Gabriel Garcia Marquez soit voué à en rester exclu. Dans un proche avenir, la Pléiade pourrait publier une sélection des principaux romans de l’écrivain colombien.

–>Enfin, et c’est peut-être le scoop de cette mise à jour, selon nos informations, officieuses bien entendu, il semblerait que les Éditions de Minuit et Gallimard aient trouvé un accord pour la parution de l’œuvre de Samuel Beckett à la Pléiade, un projet caressé depuis longtemps par Antoine Gallimard. Romans, pièces, contes, nouvelles, en français ou en anglais, il y a là matière pour deux tomes (ou plus ?). Il nous faut désormais attendre de nouvelles informations.

Cette première liste est donc composée de volumes dont la parution est possible à brève échéance (d’ici 2019).

Je la complète de diverses informations qui ont circulé depuis trente ans sur les projets en cours de la Pléiade : les « impossibles » (abandonnés), les « improbables » (suspendus ou jamais mis en route), « les possibles » (projet sérieusement évoqué, encore récemment, mais sans attestation dans l’Agenda et sans équipe de réalisation identifiée avec certitude).

A/ Les (presque) impossibles

-> Textes philosophiques indiens fondamentaux ; une édition naguère possible (le champ indien a été plutôt enrichi en 20 ans, avec le Ramayana et le Théâtre de l’Inde Ancienne), mais plutôt risquée commercialement et donc de plus en plus incertaine dans le contexte actuel. Zéro information récente à son sujet.

–> Xénophon ; cette parution était très sérieusement envisagée à l’époque du prédécesseur de M. Pradier, arrivé à la direction de la Pléiade en 1996 ; elle a été au mieux suspendue, au pire abandonnée.

–> Écrits Juifs (textes des Kabbalistes de Castille) ; très improbable en l’état économique de la collection.

–> Mystiques médiévaux ; aucune information depuis longtemps.

–> Maître Eckhart ; la Pléiade doit avoir renoncé, d’autant plus que j’ai noté la parution, au Seuil, cet automne 2015, d’un fort volume de 900 pages consacré aux sermons, traités et poèmes de Maître Eckhart ; projet abandonné.

–> Joanot Martorell ; le travail accompli sur Martorell a été basculé en « Quarto », un des premiers de la collection ; la Pléiade ne le publiera pas, projet abandonné.

–> Chaucer ; projet abandonné de l’aveu de son maître d’œuvre (le travail réalisé par les traducteurs a pu heureusement être publié, il est disponible via l’édition Bouquins, parue en 2010).

-> Vies et romans d’Alexandre est un volume qui a été évoqué depuis vingt-cinq ans, sans résultat tangible à ce jour. Jean-Louis Bacqué-Grammont et Georges Bohas étaient supposés en être les maîtres d’œuvre. Une mention récente dans Parole de l’orient (2012) laisse à penser que le projet a été abandonné. En effet, une partie des traductions a paru en 2009 dans une édition universitaire et l’auteur de l’article explique que ce « recueil était originellement prévu pour un ouvrage collectif devant paraître dans la Pléiade ». C’est mauvais signe.

Ces huit volumes me paraissent abandonnés.

B/ Les improbables

–> Aimé Césaire, Léon Gontran Damas et Léopold Sedar Senghor ; ce tome était attendu pour 2011 ou 2012, le projet semble mettre un peu plus de temps que prévu. Selon quelques informations recueillies depuis, il semble que, malgré l’effet d’annonce, la réalisation ce volume n’a jamais été vraiment lancée.

–> Saikaku ; quelques informations venues du traducteur, M. Struve, informations vieilles maintenant de dix ans ; notre aruspice de CV, Geo, est pessimiste, du fait du changement opéré dans l’équipe de traduction en cours de route.

–> Carpentier ; cela commence à faire longtemps que ce projet est en cours, trop longtemps (plus de quinze ans que Gallimard l’a évoqué pour la première fois). Carpentier est désormais un peu oublié (à tort). Ce projet ne verra probablement pas le jour.

–> Barrès ; peu probable, rien ne l’a confirmé ces derniers temps…

–> la perspective de la parution d’un volume consacré à Hugo von Hofmannsthal avait été évoquée dans les années 90 (par Jacques Le Rider dans la préface d’un Folio). La Pochothèque et l’Arche se sont occupés de republier l’écrivain autrichien. Cette parution me paraît abandonnée.

–> En 2001, Mme Naudet s’est chargée du catalogage des œuvres de Pierre Guyotat en vue d’une possible parution à la Pléiade. Je ne pense pas que cette réflexion, déjà ancienne, ait dépassé le stade de la réflexion. Gallimard a visiblement préféré le sémillant d’Ormesson au ténébreux Guyotat.

-> Voici quelques années, M. Pradier, le directeur de la collection avait évoqué diverses possibilités pour la Pléiade : Pétrarque, Leopardi et Chandler. Ce n’étaient là que pistes de réflexions, il n’y a probablement pas eu de suite. Un volume Pétrarque serait parfaitement adapté à l’image de la collection et son œuvre y serait à sa place. Je ne sais pas si la perspective a été creusée. Boccace manque aussi, d’ailleurs. Pour Leopardi, le fait qu’Allia n’ait pas réussi à écouler le Zibaldone et la Correspondance (bradée à 25€ désormais) m’inspirent de grands doutes. Le projet serait légitime, mais je suis pessimiste – ce qui est logique en parlant de l’infortuné poète bossu. Enfin, Chandler a fait l’objet depuis d’un Quarto, et même s’il est publié aux Meridiani (pléiades italiens), je ne crois pas à sa parution en Pléiade.

Ces neuf volumes me paraissent incertains. Abandon possible (ou piste de réflexion pas suivie).

C/ Les plausibles

–> Nathaniel Hawthorne ; à la fois légitime (du fait de l’importance de l’auteur), possible (du fait du tropisme américain de la Pléiade depuis quelques années) et annoncé par quelques indiscrétions ici ou là. On m’a indiqué, parmi l’équipe du volume, les possibles participations de M. Soupel et de Mme Descargues.

-> Le projet de parution d’Antonin Artaud à la Pléiade a été suspendu au début des années 2000, du fait des désaccords survenus entre la responsable du projet éditorial et les ayants-droits de l’écrivain ; il devrait entrer dans le domaine public au 1er janvier 2019 et certains agendas ont cité Artaud par le passé ; un projet pourrait bien être en cours, sinon d’élaboration, tout du moins de réflexion.

–> Romain Gary, en deux tomes, d’ici la fin de la décennie.

–> Kierkegaard ; deux volumes, traduits par Régis Boyer, maître ès-Scandinavie ; on n’en sait pas beaucoup plus et ce projet est annoncé depuis très longtemps.

–> Jean Potocki ; la découverte d’un second manuscrit a encore ralenti le serpent de mer (un des projets les plus anciens de la Pléiade à n’avoir jamais vu le jour).

–> Thomas Mann ; il faudrait de nouvelles traductions, et les droits ne sont pas chez Gallimard (pas tous en tout cas) ; Gallimard attend que Mann tombe dans le domaine public (une dizaine d’années encore…), selon la lettre que l’équipe de la Pléiade a adressé à un des lecteurs du site.

–> Le dit du Genji, informations contradictoires. Une nouvelle traduction serait en route.

–> Robbe-Grillet : selon l’un de nos informateurs, le projet serait au stade de la réflexion.

–> Huysmans : Michel Houellebecq l’a évoqué dans une scène son dernier roman, Soumission ; le quotidien Le Monde a confirmé que l’écrivain avait été sondé pour une préface aux œuvres (en un volume ?) de J.K.Huysmans, un des grands absents du catalogue. Le projet serait donc en réflexion.

–> Ovide : une nouvelle traduction serait prévue pour les années à venir, en vue d’une édition à la Pléiade.

–> « Tigrane », un de nos informateurs, a fait état d’une possible parution de John Steinbeck à la Pléiade. Information récente et à confirmer un jour.

–> Calvino, on sait que la veuve de l’écrivain a quitté le Seuil pour Gallimard en partie pour un volume Pléiade. Édition possible mais lointaine.

–> Lagerlöf, la Pléiade n’a pas fermé la porte, et un groupe de traducteurs a été réuni pour reprendre ses œuvres. Édition possible mais lointaine.

Enfin, j’avais exploré les annonces du catalogue 1989, riche en projets, donc beaucoup ont vu le jour. Suivent ceux qui n’ont pas encore vu le jour (et qui ne le verront peut-être jamais) – reprise d’un de mes commentaires de la note de décembre 2013.

– Akutagawa, Œuvres, 1 volume (le projet a été abandonné, vous en trouverez des « chutes » ici ou là)
Anthologie des poètes du XVIIe siècle, 1 volume (je suppose que le projet a été fondu et  dans la réfection de l’Anthologie générale de la poésie française ; abandonné)
Cabinet des Fées, 2 volumes (mes recherches internet, qui datent un peu, m’avaient laissé supposer un abandon complet du projet)
– Chénier, 1 volume, nouvelle édition (abandonné, l’ancienne édition est difficile à trouver à des tarifs acceptables – voir plus bas)
Écrits de la Mésopotamie Ancienne, 2 volumes (probablement abandonné, et publié en volumes NRF « Bibliothèque des histoires » – courants et néanmoins coûteux, dans les années 90)
– Kierkegaard, Œuvres littéraires et philosophiques complètes, 3 volumes (serpent de mer n°1)
– Laforgue, Œuvres poétiques complètes, 1 volume (abandonné, désaccord avec le directeur de l’ouvrage, le projet a été repris, en 2 coûteux volumes, par L’Âge d’Homme)
– Leibniz, Œuvres, 3 volumes : un ISBN attribué à un volume Leibniz a récemment été découvert. Les possibilités d’édition de Leibniz dans la Pléiade, avec une envergure moindre, sont donc remontées.
– Montherlant, Essais, Volume II (voir plus bas)
Moralistes français du XVIIIe siècle, 2 volumes (aucune information récente, abandonné)
Orateurs de la Révolution Française, volume II (mis en pause à la mort de François Furet… en 1997 ! et donc abandonné)
– Potocki, Manuscrit trouvé à Saragosse, 1 volume (serpent de mer n°1 bis)
– Chunglin Hsü, Roman de l’investiture des Dieux, 2 volumes (pas de nouvelles, le dernier roman chinois paru à la Pléiade, c’était Wu Cheng’en en 1991, je penche pour l’abandon du projet)
– Saïkaku, Œuvres, 2 volumes (cas exploré plus haut)
– Sôseki, Œuvres, 2 volumes (cas exploré plus haut)
– Tagore, Œuvres, 2 volumes (le projet a été officiellement abandonné)
Théâtre Kabuki, 1 volume (très incertain, aucune information à ce sujet)
Traités sanskrits du politique et de l’érotique (Arthasoutra et Kamasoutra), 1 volume (idem)
– Xénophon, Œuvres, 1 volume (évoqué plus haut)

b) Les séries en cours :

Attention, je n’aborde ici que les séries inédites. J’évoque un peu plus bas, dans la section IV-b, le cas des séries en cours de réédition, soit exhaustivement : Racine, La Fontaine, Vigny, Balzac, Musset, Marivaux, Claudel, Shakespeare et Flaubert.

Aragon : l’éventualité de la publication un huitième volume d’œuvres, consacré aux écrits autobiographiques, a pu être discutée ; elle est actuellement, selon toute probabilité, au stade de l’hypothèse.

Aristote : le premier tome est sorti en novembre 2014, sans mention visuelle d’un quelconque « Tome I ». Le catalogue parle pourtant d’un « tome I », mais il a déjà presque un an, l’éditeur a pu changer d’orientation depuis. La suite de cette série me paraît conditionnelle et dépendante du succès commercial du premier volume. Néanmoins, les maîtres d’œuvre évoquent, avec certitude, la parution à venir des tomes II et III et l’on sait désormais que Gallimard ne souhaite plus numéroter ses séries qu’avec parcimonie. Il ne faut pas être pessimiste en la matière, mais prudent. En effet, la Pléiade a parfois réceptionné les travaux achevés d’éditeurs pour ne jamais les publier (cas Luther, voir quelques lignes plus bas).

Brecht : l’hypothèse d’une publication du Théâtre et de la Poésie, née d’annonces vieilles de 25 ans, est parfaitement hasardeuse. La mode littéraire brechtienne a passé et l’éditeur se contentera probablement d’un volume bizarre d’Écrits sur le théâtre. Dommage qu’un des principaux auteurs allemands du XXe siècle soit ainsi mutilé.

Brontë :  Premier volume en 2002, deuxième en 2008, il en reste un, Shirley-Villette. Il n’y a pas beaucoup d’information à ce sujet, mais le délai depuis le tome 2 est normal, il n’y a pas d’inquiétude à avoir pour le moment. La traduction de Villette serait achevée.

Calvin : L’Institution de la religion chrétienne est absent du tome d’Œuvres. Aucun deuxième volume ne semble pourtant prévu.

Cendrars : voir plus haut, un volume de Romans serait en cours de préparation.

Écrits intertestamentaires : un second volume, dirigé par Marc Philonenko, serait en chantier, et quelques traductions déjà achevées.

Giraudoux : volume d’Essais annoncé au début des années 90. Selon Jacques Body, maître d’œuvre des trois volumes, et que j’ai personnellement contacté, ce quatrième tome n’est absolument pas en préparation. Projet abandonné.

Gorki : même situation que Brecht et Faulkner, réduction de voilure du projet depuis son lancement. Suite improbable.

Green : je l’évoque plus bas, dans les sections consacrées aux volumes « indisponibles » et aux volumes en voie d’indisponibilité. Les perspectives de survie de l’œuvre dans la collection sont plutôt basses. Aucun tome IX et final ne devrait voir le jour.

Hugo : Œuvres poétiques, IV et V, « en préparation » depuis 40 ans (depuis la mort de Gaëtan Picon). Les œuvres de Victor Hugo auraient besoin d’une sérieuse réédition, la poésie est bloquée depuis qu’un désaccord est survenu avec les maîtres d’ouvrage de l’époque. Il est fort improbable que ce front bouge dans les prochaines années, mais Gallimard maintient les « préparer » à chaque édition de son catalogue. À noter que le 2e tome du Théâtre complet, longtemps indisponible, est à nouveau dans les librairies.

Luther : Le tome publié porte le chiffre romain I. Une suite est censée être en préparation mais l’insuccès commercial de ce volume (la France n’est pas un pays de Luthériens) a fortement hypothéqué le second volume. Personne n’en parle plus, ni les lecteurs, ni Gallimard. Suite improbable. D’autant plus que M. Arnold, le maître d’œuvre explique sur son CV avoir rendu le Tome II… en 2004 ! Ces dix années entre la réception du tapuscrit et la publication indiquent que Gallimard a certainement renoncé. Projet abandonné.

Marx : Les Œuvres complètes se sont arrêtées avec le Tome IV (Politique I). L’éditeur du volume est mort, la « cote » de Marx a beaucoup baissé, il est improbable que de nouveaux volumes paraissent à l’avenir, le catalogue ne défend même plus cette idée par une mention « en préparation ». Série probablement arrêtée.

Montherlant : Essais, tome II. Le catalogue évoque toujours un tome I. Aucune mention de préparation n’est présente (contrairement à ce que les catalogues de la fin des années 2000 annonçaient). Le premier volume a été récemment retiré (voir plus bas, dans la section « rééditions »), tout comme les volumes des romans. Perspective improbable néanmoins.

Nietzsche : Œuvres complètes, d’abord prévues en 5 tomes, puis réduites à 3 (c’est annoncé au catalogue). Le premier volume a paru en 2000. Le deuxième devrait paraître au premier semestre 2017 (information officieuse et à confirmer).

Orateurs de la Révolution française : paru en 1989 pour le bicentenaire de la Révolution, ce premier tome, consacré à des orateurs de la Constituante, n’a pas eu un grand succès commercial. François Furet, son éditeur scientifique, est mort depuis. Tocqueville, son autre projet, a été retardé quelques années, mais a pu s’achever. Celui-ci ne le sera pas. Suite abandonnée.

Queneau : en principe, ont paru ses Œuvres complètes, en trois tomes, mais le Journal n’y est pas, pas plus que ses articles et critiques. Un quatrième tome, non annoncé par la Pléiade, est-il néanmoins possible ? Aucune information à ce sujet.

Sand : un volume de Romans est en préparation (cf. plus haut).

Stevenson : un troisième tome d’Œuvres est en préparation. Le deuxième volume a paru en 2005 déjà, il serait temps que le troisième (et dernier) sorte dans les librairies.

Supervielle : une édition des Œuvres en 2 volumes avait été initialement prévue, la poésie est sortie en 1996, le reste doit être abandonné.

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III. Les volumes « épuisés »

Ces volumes ne sont plus disponibles sur le marché du livre neuf. Gallimard ne compte pas les réimprimer. Cette politique est assortie de quelques exceptions, imprévisibles, comme les Cahiers de Paul Valéry, « épuisés » en 2008 et pourtant réimprimés quelques années plus tard. Cet épuisement peut préluder une nouvelle édition (Casanova par exemple), mais généralement signe la sortie définitive du catalogue. Les « épuisés » sont presque tous trouvables sur le marché de l’occasion, à des prix parfois prohibitifs (je donne pour chaque volume une petite estimation basée sur mes observations sur abebooks, amazon et, surtout, ebay, lors d’enchères, fort bon moyen de voir à quel prix s’établit « naturellement » un livre sur un marché assez dense d’amateurs de la collection ; mon échelle de prix est évidemment calquée sur celle de la collection, donc 20€ équivaut à une affaire et 50€ à un prix médian).

1/ Œuvres d’Agrippa d’Aubigné, 1969 : Gallimard a exclu explicitement la réédition. C’est le cas de beaucoup de volumes des années 1965-1975, majoritaires parmi les épuisés. Ils ont connu un retirage, ou aucun. 48€ au catalogue, peut monter à 70€ sur le marché de l’occasion.

2/ Œuvres Complètes de Nicolas Boileau, 1966 : Gallimard a exclu explicitement la réédition. Le XVIIe siècle est victime de son progressif éloignement ; cette littérature, sauf quelques grands noms, survit mal ; et certains auteurs ne sont plus jugés par la direction de la collection comme suffisamment « vivants » pour être édités. C’est le cas de Boileau. 43€ au catalogue, il est rare qu’il dépasse ce prix sur le second marché.

3/ Œuvres Complètes d’André Chénier, 1940 : Gallimard a exclu explicitement la réédition. Étrangement, il était envisagé, en 1989 encore (source : le catalogue de cette année-là), de proposer au public une nouvelle édition de ce volume. Chénier a-t-il été victime de l’insuccès du volume Orateurs de la Révolution française ? L’œuvre, elle-même, paraît bien oubliée désormais. 40€ au catalogue, trouvable à des tarifs très variables (de 30 à 80).

4/ Œuvres de Benjamin Constant, 1957 : Gallimard a exclu explicitement la réédition. À titre personnel, je suis un peu surpris de l’insuccès de Constant. 48€ au catalogue, assez peu fréquent sur le marché de l’occasion, peut coûter cher (80/100€)

5/ Conteurs français du XVIe siècle, 1965 : pas d’information de la part de l’éditeur. L’orthographe des volumes médiévaux ou renaissants de la Pléiade (et même ceux du XVIIe) antérieurs aux années 80 n’était pas modernisée. C’est un volume dans un français rocailleux, donc. 47€ au catalogue, assez aisé à trouver pour la moitié de ce prix (et en bon état). Peu recherché.

6/ Œuvres Complètes de Paul-Louis Courier, 1940 : pas d’information de la part de l’éditeur. Courier est un peu oublié de nos jours. 40€ au catalogue, trouvable pour un prix équivalent en occasion (peut être un peu plus cher néanmoins).

7/ Œuvres Complètes de Tristan Corbière et de Charles Cros, 1970 : pas d’information de la part de l’éditeur. C’était l’époque où la Pléiade proposait, pour les œuvres un peu légères en volume, des regroupements plus ou moins justifiés. Les deux poètes ont leurs amateurs, mais pas en nombre suffisant visiblement. Néanmoins, le volume est plutôt recherché. Pas de prix au catalogue, difficilement trouvable en dessous de 80€/100€.

8/ Œuvres de Nicolas Leskov et de M.E. Saltykov-Chtchédrine, 1967 : Gallimard a exclu explicitement la réédition. Encore un regroupement d’auteurs. Le champ russe est très bien couvert à la Pléiade, mais ces deux auteurs, malgré leurs qualités, n’ont pas eu beaucoup de succès. 47€ au catalogue, coûteux en occasion (quasiment impossible sous 60/80€, parfois proposé au-dessus de 100)

9/ Œuvres de François de Malherbe, 1971 : Gallimard a exclu explicitement la réédition. Et pour cause. C’est le « gadin » historique de la collection, l’exemple qu’utilise toujours Hugues Pradier, son directeur, quand il veut illustrer d’un épuisé ses remarques sur les méventes de certain volume. 39€ au catalogue, je l’ai trouvé neuf dans une librairie il y a six ans, et je crois bien que c’était un des tout derniers de France. Peu fréquent sur le marché de l’occasion, mais généralement à un prix accessible (30/50€).

10/ Maumort de Roger Martin du Gard, 1983 : aucune information de Gallimard. Le volume le plus récemment édité parmi les épuisés. Honnêtement, je ne sais s’il relève de cette catégorie par insuccès commercial (la gloire de son auteur a passé) ou en raison de problèmes littéraires lors de l’établissement d’un texte inachevé et publié à titre posthume. 43€ au catalogue, compter une cinquantaine d’euros d’occasion, peu rare.

11/ Commentaires de Blaise de Monluc, 1964 : aucune information de Gallimard. Comme pour les Conteurs français, l’orthographe est d’époque. Le chroniqueur historique des guerres de religion n’a pas eu grand succès. Pas de prix au catalogue, assez rare d’occasion, peut coûter fort cher (60/100).

12/ Histoire de Polybe, 1970 : Gallimard informe ses lecteurs qu’il est désormais publié en « Quarto », l’autre grande collection de l’éditeur. Pas de prix au catalogue. Étrange volume qui n’a pas eu de succès mais qui s’arrache à des prix prohibitifs sur le marché de l’occasion (difficile à trouver à moins de 100€).

13/ Poètes et romanciers du Moyen Âge, 1952 : exclu d’une réédition en l’état. C’est exclusivement de l’ancien français (comme Historiens et Chroniqueurs ou Jeux et Sapience), quand tous les autres volumes médiévaux proposent une édition bilingue. Une partie des textes a été repris dans d’autres volumes ou dans l’Anthologie de la poésie française I. 42€ au catalogue, trouvable sans difficulté pour une vingtaine d’euros sur le marché de l’occasion.

14/ Romanciers du XVIIe siècle, 1958 : exclu d’une réédition. Orthographe non modernisée. Un des quatre romans (La Princesse de Clèves) figure dans l’édition récente consacrée à Mme de Lafayette. Sans prix au catalogue, très fréquent en occasion, à des prix accessibles (20/30€).

15/ et 16/ Romancier du XVIIIe siècle I et II, 1960 et 1965. Gallimard n’en dit rien, ce sont pourtant deux volumes regroupant des romans fort connus (dont Manon LescautPaul et VirginieLe Diable amoureux). Subissent le sort d’à peu près tous les volumes collectifs de cette époque : peu de notes, peu de glose, à refaire… et jamais refaits. 49,5€ et 50,5€. Trouvables à des prix similaires, sans trop de difficulté, en occasion.

17/, 18/ et 19/ Œuvres I et II, Port-Royal I, de Sainte-Beuve, 1950, 1951 et 1953. Gallimard ne prévoit aucune réimpression du premier volume de Port-Royal mais ne dit pas explicitement qu’il ne le réimprimera jamais. Les chances sont faibles, néanmoins. Son épuisement ne doit pas aider à la vente des volumes II et III. Le destin de Sainte-Beuve semble du reste de sortir de la collection. Les trois volumes sont sans prix au catalogue. Les Œuvres sont trouvables à des prix honorables, Port-Royal I, c’est plus compliqué (parfois il se négocie à une vingtaine d’euros, parfois beaucoup plus). L’auteur ne bénéficie plus d’une grande cote.

20/, 21/ et 22/ Correspondance III et III, de Stendhal, 1963, 1967 et 1969. Cas unique, l’édition est rayée du catalogue papier (et pas seulement marquée comme épuisée), pour des raisons de moi inconnues (droits ? complétude ? qualité de l’édition ? Elle fut pourtant confiée au grand stendhalien Del Litto). Cette Correspondance, fort estimée (par Léautaud par exemple) est difficile à trouver sur le marché de l’occasion, surtout le deuxième tome. Les prix sont à l’avenant, normaux pour le premier (30/40), parfois excessifs pour les deux autres (le 2e peut monter jusque 100). Les volumes sont assez fins.

23/ et 24/ Théâtre du XVIIIe siècle, I et II, 1973 et 1974. Longtemps marqués « indisponibles provisoirement », ces deux tomes sont récemment passés « épuisés ». Ce sont deux volumes riches, dont Gallimard convient qu’il faudrait refaire les éditions. Mais le contexte économique difficile et l’insuccès chronique des volumes théâtraux (les trois tomes du Théâtre du XVIIe sont toujours à leur premier tirage, trente ans après leur publication) rendent cette perspective très incertaine. 47€ au catalogue, très difficiles à trouver sur le marché de l’occasion (leur prix s’envole parfois au-delà des 100€, ce qui est insensé).

Cas à part : Œuvres complètes  de Lautréamont et de Germain Nouveau. Lautréamont n’est pas sorti de la Pléiade, mais à l’occasion de la réédition de ses œuvres voici quelques années, fut expulsé du nouveau tome le corpus des écrits de Germain Nouveau, qui occupait d’ailleurs une majeure partie du volume collectif à eux consacrés. Le volume est sans prix au catalogue. Il est relativement difficile à trouver et peut coûter assez cher (80€).

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 IV. Les rééditions

Lorsque l’on achète un volume de la Pléiade, il peut s’agir d’une première édition et d’un premier tirage, d’une première édition et d’un ixième tirage ou encore d’une deuxième (ou, cas rare, d’une troisième, exceptionnel, d’une quatrième) édition. Cela signifie qu’un premier livre avait été publié voici quelques décennies, sous une forme moins « universitaire » et que Gallimard a jugé bon de le revoir, avec des spécialistes contemporains, ou de refaire les traductions. En clair, il faut bien regarder avant d’acheter les volumes de ces auteurs de quand date non l’impression mais le copyright.

Il arrive également que Gallimard profite de retirages pour réviser les volumes. Ces révisions, sur lesquelles la maison d’édition ne communique pas, modifient parfois le nombre de pages des volumes : des coquilles sont corrigées, des textes sont revus, des notices complétées, le tout de façon discrète. Ces modifications sont très difficiles à tracer, sauf à comparer les catalogues ou à feuilleter les derniers tirages de chaque Pléiade (un des commentateurs, plus bas, s’est livré à l’exercice – cf. l’exhaustif commentaire de « Pléiadophile », publié le 12 avril 2015)

La plupart des éditions « dépassées » sont en principe épuisées.

a) Rééditions à venir entièrement (aucun volume de la nouvelle édition n’a paru)

Parmi les rééditions à venir, ont été évoqués, de manière très probable :

Kafka, par Jean-Pierre Lefebvre (je ne sais si ce projet concerne la totalité des quatre volumes ou seulement une partie).

Michelet, dont l’édition date de l’avant-guerre ; certes quelques révisions de détail ont dû intervenir à chaque réimpression, mais enfin, l’essentiel des notes et notices a vieilli.

Descartes (l’édition en un volume date de 1937) en deux volumes.

Apollinaire, pour la poésie seulement (la prose est récente).

Jeux et sapience du Moyen Âge, édition de théâtre médiéval en ancien français, réputée « indisponible provisoirement ». La nouvelle édition est en préparation (cf. plus haut). Cette édition, en deux volumes serait logique et se situerait dans la droite ligne des éditions bilingues et médiévales parues depuis 20 ans (RenartTristan et Yseut, le Graal, Villon).

De manière possible

Verlaine, on m’en a parlé, mais je ne parviens pas à retrouver ma source. L’édition est ancienne.

Chateaubriand, au moins pour les Mémoires d’Outre-Tombe mais l’hypothèse a pris du plomb dans l’aile avec la reparution, en avril 2015, d’un retirage en coffret de la première (et seule à ce jour) édition.

Montherlant, pour les Essais… c’est une hypothèse qui perd d’année en année sa crédibilité puisque le tome II n’est plus annoncé dans le catalogue. Néanmoins, un retirage du tome actuel a été réalisé l’an dernier, ce qui signifie que Gallimard continue de soutenir la série Montherlant… Plus improbable que probable cependant.

b) Rééditions inachevées ou en cours (un ou plusieurs volumes de la nouvelle édition ont paru)

Balzac : 1/ La Comédie humaine, I à XI, de 1935 à 1960 ; 2/ La Comédie humaine, I à XII, de 1976 à 1981 + Œuvres diverses I, en 1990 et II, en 1996 + Correspondance I, en 2006 et II, en 2011. Le volume III de la Correspondance est attendu avec optimisme pour les prochaines années. Pour le volume III des Œuvres diverses en revanche, l’édition traîne depuis des années et le décès du maître d’œuvre, Roland Chollet, à l’automne 2014, n’encourage pas à l’optimisme.

Claudel : 1/ Théâtre I et II (1948) + Œuvre poétique (1957) + Œuvres en prose (1965) + Journal I (1968) et II (1969) ; 2/ Théâtre I et II (2011). Cette nouvelle édition du Théâtre pourrait préfigurer la réédition des volumes de poésie et de prose (et, sans conviction, du Journal ?), mais Gallimard n’a pas donné d’information à ce sujet.

Flaubert : 1/ Œuvres complètes, I et II, en 1936 ; 2/ Correspondance I (1973), II (1980), III (1991), IV (1998) et V (2007) + Œuvres complètesI (2001), II et III (2013). Les tomes IV et V sont attendus pour bientôt (les textes auraient été rendus pour relecture selon une de nos sources). En attendant le tome II de la vieille édition est toujours disponible.

La Fontaine : 1/ Œuvres complètes I, en 1933 et II, en 1943 ; 2/ Œuvres complètes I, en 1991. Comme pour Racine, le deuxième tome est encore celui de la première édition. Il est assez courant. Après 25 ans d’attente, et connaissant les mauvaises ventes des grands du XVIIe (Corneille par exemple), la deuxième édition du deuxième tome est devenue peu probable.

Marivaux : 1/ Romans, en 1949 + Théâtre complet, en 1950 ; 2/ Œuvres de jeunesse, en 1972 + Théâtre complet, en 1993 et 1994. En principe, les Romans étant indisponibles depuis des années, une nouvelle édition devrait arriver un jour. Mais là encore, comme pour La Fontaine, Vigny ou le dernier tome des Œuvres diverses de Balzac, cela fait plus de 20 ans qu’on attend… Rien ne filtre au sujet de cette réédition.

Musset : 1/ Poésie complète, en 1933 + Théâtre complet, en 1934 + Œuvres complètes en prose, en 1938 ; 2/ Théâtre complet, en 1990. La réédition prévue de Musset en trois tomes, et annoncée explicitement par Gallimard dans son catalogue 1989, semble donc mal partie. Le volume de prose est « indisponible provisoirement » et la poésie est toujours dans l’édition Allem, vieille de 80 ans. Là encore, comme pour La Fontaine et Racine, il est permis d’être pessimiste.

Racine : 1/ Œuvres complètes I, en 1931 et II, en 1952 ; 2/ Œuvres complètes I, en 1999. Le deuxième tome est donc encore celui de la première édition. Il est très rare de le trouver neuf dans le commerce. Le délai entre les deux tomes est long, mais il l’avait déjà été dans les années 30-50. On peut néanmoins se demander s’il paraîtra un jour.

Shakespeare : 1/ Théâtre complet, en 1938 (2668 pages ; j’ai longtemps pensé qu’il s’agissait d’un seul volume, mais il s’agirait plus certainement de deux volumes, les 50e et 51e de la collection ; le mince volume de Poèmes aurait d’ailleurs peut-être relevé de cette édition là, mais avec une vingtaine d’années de retard ; les poèmes auraient par la suite été intégrés par la nouvelle édition de 1959 dans un des deux volumes ; ne possédant aucun des volumes concernés, je remercie par avance mes aimables lecteurs (et les moins aimables aussi) de bien vouloir me communiquer leurs éventuelles informations complémentaires) ; 2/ Œuvres complètes, I et II, Poèmes (III) (?) en 1959 ; 3/ Œuvres complètes I et II (Tragédies) en 2002 + III et IV (Histoires) en 2008 + V (Comédies) en 2013. Les tomes VI (Comédies) et VII (Comédies) sont en préparation, pour une parution en 2016. Le tome VIII (Poésies) paraîtra ultérieurement.

Vigny : 1/ Œuvres complètes I et II, en 1948 ; 2/ Œuvres complètes I (1986) et II (1993). Le tome III est attendu depuis plus de 20 ans, ce qui est mauvais signe. Gallimard n’en dit rien, Vigny ne doit plus guère se vendre. Je suis pessimiste à l’égard de ce volume.

c) Rééditions achevées

Quatre éditions :

Choderlos de Laclos : 1/ Les Liaisons dangereuses, en 1932 ; 2/ Œuvres complètes en 1944 ; 3/ Œuvres complètes en 1979 ; 4/ Les Liaisons dangereuses, en 2011. Pour le moment, les éditions 3 et 4 sont toujours disponibles.

Trois éditions :

Baudelaire : 1/ Œuvres complètesI et II, en 1931 et 1932 ; 2/ Œuvres complètesen 1951 ; 3/ Correspondance I et II en 1973 + Œuvres complètesI et II, en 1975 et 1976.

Camus : 1/ Théâtre – Récits – Nouvelles, en 1962 + Essais, en 1965 ; 2/ Théâtre – Récits et Nouvelles -Essais, en 1980 ; 3/ Œuvres complètesI et II, en 2006, III et IV, en 2008.

Molière : 1/ Œuvres complètesI et II, en 1932 ; 2/ Œuvres complètesI et II, en 1972 ; 3/ Œuvres complètesI et II, en 2010. L’édition 2 est encore facilement trouvable et la confusion est tout à fait possible avec la 3.

Montaigne : 1/ Essais, en 1934 ; 2/ Œuvres complètes, en 1963 ; 3/ Essais, en 2007.

Rimbaud : 1/ Œuvres complètes, en 1946 ; 2/ Œuvres complètes, en 1972 ; 3/ Œuvres complètes, en 2009.

Stendhal : 1/ Romans, I, II et III, en 1932, 1933 et 1934 ; 2/ Romans et Nouvelles, I et II en 1947 et 1948 + Œuvres Intimes en 1955 + Correspondance en 1963, 1967 et 1969 ; 3/ Voyages en Italie en 1973 et Voyages en France en 1992 + Œuvres Intimes I et II, en 1981 et 1982 + Œuvres romanesques complètes en 2005, 2007 et 2014. Soit 16 tomes différents, mais seulement 7 dans l’édition considérée comme à jour.

Deux éditions :

Beaumarchais : 1/ Théâtre complet, en 1934 ; 2/ Œuvres, en 1988.

Casanova : 1/ Mémoires, I-III (1958-60) ; 2/ Histoire de ma vie, I-III (2013-15).

Céline : 1/ Voyage au bout de la nuit – Mort à crédit (1962) ; 2/ Romans, I (1981), II (1974), III (1988), IV (1993) + Lettres (2009).

Cervantès : 1/ Don Quichotte, en 1934 ; 2/ Œuvres romanesques complètesI (Don Quichotte) et II (Nouvelles exemplaires), 2002.

Corneille : 1/ Œuvres complètes, I et II, en 1934 ; 2/ Œuvres complètes, I (1980), II (1984) et III (1987).

Diderot : 1/ Œuvres, en 1946 ; 2/ Contes et romans, en 2004 et Œuvres philosophiques, en 2010.

Gide : 1/ Journal I (1939) et II (1954) + Anthologie de la Poésie française (1949) + Romans (1958) ; 2/ Journal I (1996) et II (1997) + Essais critiques (1999) + Souvenirs et voyages (2001) + Romans et récits I et II (2009). L’Anthologie est toujours éditée et disponible.

Goethe : 1/ Théâtre complet (1942) + Romans (1954) ; 2/ Théâtre complet (1988). Je n’ai jamais entendu parler d’une nouvelle édition des Romans ni d’une édition de la Poésie, ce qui demeure une véritable lacune – que ne comble pas l’Anthologie bilingue de la poésie allemande.

Mallarmé : 1/ Œuvres complètes, en 1945 ; 2/ Œuvres complètes I (1998) et II (2003).

Malraux : 1/ Romans, en 1947 + Le Miroir des Limbes, en  1976 ; 2/ Œuvres complètes I-VI (1989-2010).

Mérimée : 1/ Romans et nouvelles, en 1934 ; 2/ Théâtre de Clara Gazul – Romans et nouvelles, en 1979.

Nerval : 1/ Œuvres, I et II, en 1952 et 1956 ; 2/ Œuvres complètes I (1989), II (1984) et III (1993).

Pascal :  1/ Œuvres complètes, en 1936 ; 2/ Œuvres complètes I (1998) et II (2000).

Péguy : 1/ Œuvres poétiques (1941) + Œuvres en prose I (1957) et II (1959) ; 2/ Œuvres en prose complètes I (1987), II (1988) et III (1992) + Œuvres poétiques dramatiques, en 2014.

Proust : 1/ À la Recherche du temps perdu, I-III, en 1954 ; 2/ Jean Santeuil (1971) + Contre Sainte-Beuve (1974) + À la Recherche du temps perdu, I-IV (1987-89).

Rabelais : 1/ Œuvres complètes, en 1934 ; 2/ Œuvres complètes, en 1994.

Retz : 1/ Mémoires, en 1939 ; 2/ Œuvres (1984).

Ronsard : 1/ Œuvres complètes I et II, en 1938 ; 2/ Œuvres complètes I (1993) et II (1994).

Rousseau : 1/ Confessions, en 1933 ; 2/ Œuvres complètes I-V (1959-1969).

Mme de Sévigné : 1/ Lettres I-III (1953-57) ; 2/ Correspondance I-III (1973-78).

Saint-Exupéry : 1/ Œuvres, en 1953 ; 2/ Œuvres complètes I (1994) et II (1999).

Saint-Simon : 1/ Mémoires, I à VII (1947-61) ; 2/ Mémoires, I à VIII (1983-88) + Traités politiques (1996).

Voltaire : 1/ Romans et contes, en 1932 + Correspondance I et II en 1964 et 1965 ; 2/ le reste, c’est à dire, les Œuvres historiques (1958), les Mélanges (1961), les deux premiers tomes de la Correspondance (1978) et les onze tomes suivants (1978-1993) et la nouvelle édition des Romans et contes (1979).

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V. Les volumes « indisponibles provisoirement »

Un volume ne s’épuise pas tout de suite. Il faut du temps, variable, pour que le stock de l’éditeur soit complètement à zéro. Gallimard peut alors prendre trois décisions : réimprimer, plus ou moins rapidement ; ou alors renoncer à une réimpression et lancer sur le marché une nouvelle édition (qu’il préparait déjà) ; ou enfin, ni réimprimer ni rééditer. Je vais donc ici faire une liste rapide des volumes actuellement indisponibles et de leurs perspectives (réalistes) de réimpression. Je n’ai pas d’informations exclusives, donc ces « informations » sont à prendre avec précaution. Elles tiennent à mon expérience du catalogue.

-> Boulgakov, Œuvres I, La Garde Blanche. 1997. C’est un volume récent, qui n’est épuisé que depuis peu de temps, il y a de bonnes chances qu’il soit réimprimé d’ici deux ou trois ans (comme l’avait été le volume Pasternak récemment).

-> Cao Xueqin, Le Rêve dans le Pavillon Rouge I et II, 1981. Les deux volumes ont fait l’objet d’un retirage en 2009 pour une nouvelle parution en coffret. Il n’y a pas de raison d’être pessimiste alors que celle-ci est déjà fort difficile à trouver dans les librairies. À nouveau disponible (en coffret).

-> Defoe, Romans, II (avec Moll Flanders). Le premier tome a été retiré voici quelques années, celui-ci, en revanche, manque depuis déjà pas mal de temps. Ce n’est pas rassurant quand ça se prolonge… mais le premier tome continue de se vendre, donc les probabilités de retirage ne sont pas trop mauvaises.

-> Charles Dickens, Dombey et Fils – Temps Difficiles Le Magasin d’Antiquités – Barnabé Rudge ; Nicolas Nickleby – Livres de Noël ; La Petite Dorrit – Un Conte de deux villes. Quatre des neuf volumes de Dickens sont « indisponibles », et ce depuis de très longues années. Les perspectives commerciales de cette édition en innombrables volumes ne sont pas bonnes. Les volumes se négocient très cher sur le marché de l’occasion. Gallimard n’a pas renoncé explicitement à un retirage, mais il devient d’année en année plus improbable.

-> Fielding, Romans. Principalement consacré à Tom Jones, ce volume est indisponible depuis plusieurs années, les perspectives de réimpression sont assez mauvaises. À moins qu’une nouvelle édition soit en préparation, le volume pourrait bien passer parmi les épuisés.

-> Green, Œuvres complètes IV. Quinze ans après la mort de Green, il ne reste déjà plus grand chose de son œuvre. Les huit tomes d’une série même pas achevée ne seront peut-être jamais retirés une fois épuisés. Le 4e tome est le premier à passer en « indisponible ». Il pourrait bien ne pas être le dernier et bientôt glisser parmi les officiellement « épuisés ».

 -> Hugo, Théâtre complet II. À nouveau disponible.

-> Jeux et Sapience du Moyen Âge. Cas évoqué plus haut de nouvelle édition en attente. Selon toute probabilité, il n’y aura pas de réédition du volume actuel.

-> Marivaux, Romans. Situation évoquée plus haut, faibles probabilité de réédition en l’état, lenteur de la nouvelle édition.

-> Mauriac, Œuvres romanesques et théâtrales complètes, IV. Même si Mauriac n’a plus l’aura d’antan comme créateur (on le préfère désormais comme chroniqueur de son époque, comme moraliste, etc.), ce volume devrait réapparaître d’ici quelques temps.

-> Musset, Œuvres en prose. Évoqué plus haut. Nouvelle édition en attente depuis 25 ans.

-> Racine, Œuvres complètes II. En probable attente de la nouvelle édition. Voir plus haut.

-> Vallès, ŒuvresI. La réputation de Vallès a certes un peu baissé, mais ce volume, comprenant sa célèbre trilogie autobiographique, ne devrait pas être indisponible depuis si longtemps. Réédition possible tout de même.

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VI. Les volumes « en voie d’indisponibilité »

Ce n’est là qu’une courte liste, tirée de mes observations et de la consultation du site « placedeslibraires.com », qui donne un aperçu des stocks de centaines de librairies indépendantes françaises. On y voit très bien quels volumes sont fréquents, quels volumes sont rares. Cela ne préjuge en rien des stocks de l’éditeur. Néanmoins, je pense que les tendances que ma méthode dégage sont raisonnablement fiables. Si vous êtes intéressé par un de ces volumes, vous ne devriez pas hésiter trop longtemps.

– le Port-Royal, II et III, de Sainte-Beuve. Comme les trois autres tomes de l’auteur sont épuisés, il est fort improbable que ces deux-là, retirés pour la dernière fois dans les années 80, ne s’épuisent pas eux aussi. Ils sont tous deux assez rares (-10 librairies indépendantes).

– la Correspondance (entière) de Voltaire. Les 13 tomes, de l’aveu du directeur de la Pléiade, ne forment plus un ensemble que le public souhaite acquérir (pour des raisons compréhensibles d’ailleurs). Le fait est qu’on les croise assez peu souvent : le I est encore assez fréquent, les II, III et XIII (celui-ci car dernier paru) sont trouvables dans 5 à 10 librairies du réseau indépendant, les volumes IV à XII en revanche ne se trouvent plus que dans quelques librairies. Je ne sais pas ce qu’il reste en stock à l’éditeur, mais l’indisponibilité devrait arriver d’ici un an ou deux pour certains volumes.

– les Œuvres de Julien Green. Je les ai évoquées plus haut, à propos de l’indisponibilité du volume IV. Les volumes V, VI, VII et VIII, qui arrivent progressivement en fin de premier tirage devraient suivre. La situation des trois premiers tomes est un peu moins critique, des retirages ayant dû avoir lieu dans les années 90.

– les Œuvres de Malebranche. Dans un entretien, Hugues Pradier a paru ne plus leur accorder grand crédit. Mais je me suis demandé s’il n’avait pas commis de lapsus en pensant à son fameux Malherbe, symbole permanent de l’échec commercial à la Pléiade. Toujours est-il que les deux tomes se raréfient.

– les Œuvres de Gobineau. Si c’est un premier tirage, il est lent à s’épuiser, mais cela vient. Les trois tomes sont moins fréquents qu’avant.

– les Orateurs de la Révolution Française. Série avortée au premier tome, arrêtée par la mort de François Furet avant l’entrée en lice de Robespierre et de Saint-Just. Elle n’aura jamais de suite. Et il est peu probable, compte tenu de son insuccès, qu’elle reste longtemps encore au catalogue.

– le Théâtre du XVIIe siècle, jamais retiré (comme Corneille), malgré trente ans d’exploitation. D’ici dix ans, je crains qu’il ne soit dans la même position que son « homologue » du XVIIIe, épuisé.

– pèle-mêle, je citerais ensuite le Journal de Claudel, les tomes consacrés à France, Marx, Giraudoux, Kipling, Saint François de Sales, Daudet, Fromentin, Rétif de la Bretonne, Vallès, Brantôme ou Dickens (sauf David Copperfield et Oliver Twist). Pour eux, les probabilités d’épuisement à moyen terme sont néanmoins faibles.

13 811 réflexions sur “La Bibliothèque de la Pléiade

  1. J’ai, par curiosité, manipulé le volume Malraux que j’ai trouvé à la Fnac d’Amiens (dans leur très maigre rayon « Pléiade »…) et j’avoue que cela m’a laissé une impression d’avoir entre les mains un OENI (Objet Editorial de Nature Inconnue).
    Très joli objet, au demeurant, qu’on a envie de déguster, mais… qu’est-ce que c’est donc et à quoi cela sert-il ? Est-ce une anthologie, un « digest » (qui risque de laisser le lecteur sur sa faim, comme un plat artistiquement présenté de la Nouvelle Cuisine), un bréviaire « malraucien » ?…
    Ou bien encore un fascicule publicitaire, pour l’oeuvre de Malraux et pour la collection de la Pléiade ? Mais alors, à 55€, cela fait faire l’objet publicitaire…
    Ma perplexité est intense, mon questionnement touche à la vastitude d’un abîme…

  2. Si c’est pour introduire à l’oeuvre de Malraux, auprès de lecteurs nouveaux, ceux-ci risquent de rapidement regretter leurs 55€ gaspillés, au lieu de les investir dans un véritable volume…
    Si c’est pour lecteurs voulant avoir une connaissance a minima de l’oeuvre de Malraux et les décourager de se lancer dans la traversée au long cours de ladite oeuvre et des volumes à icelle consacrés par la Pléiade, quelle contre-publicité pour l’auteur et la collection !
    Si l’éditeur considère que ce volume représente la substantifique moëlle de l’oeuvre malraucienne, qu’il se hâte donc de pilonner les autres volumes, ainsi rendus inutiles et superfétatoires !!
    Y a-t-il une autre hypothèse crédible que je n’aurais su apercevoir, dans mon insondable ingorance ?

  3. A ce compte-là le « Don Quichotte » avait au moins le mérite de fournir une jolie édition d’un roman essentiel et qui domine l’oeuvre de son auteur, à ceux qui n’ont pas envie de lire tout Cervantès… Tandis que, dans le cas présent, ce piètre échantillonage, cela semble ni fait ni à faire. La trahison de l’esprit de la Pléiade est total (comme, sous une autre forme, la très récente publication des « oeuvres », décidément illisibles et insignifiantes de qui vous savez : une sorte d’histoire d’O…)

  4. Chers lecteurs, comme me l’avait conseillé quelqu’un ici, j’ai créé une page Facebook « Pléiade », en lien avec le blog.
    https://www.facebook.com/pleiadebrumes/
    Ceux qui utilisent ce média social pourront peut-être plus facilement discuter de façon informelle qu’ici – où nos discussions commencent à prendre de l’espace. J’essaierai de l’animer un peu plus fréquemment que ce blog (que j’ai mis en pause pour des raisons personnelles).
    Bien évidemment, je pense aussi à tous les allergiques de FB ou des réseaux sociaux, ce blog reste ouvert, et nous pouvons toujours y converser, si vous le souhaitez.

    • Le sommaire des œuvres présentes ne contient pourtant pas « La fête de l’insignifiance ». Cette réparution est d’autant plus étonnante que je ne sache pas le premier tirage épuisé (y compris le coffret dont Amazon semble avoir encore plusieurs exemplaires). Il faudra attendre des compléments de Gallimard…

      • J’ai vu que ce nouveau tome II des œuvres de Kundera comptait une soixantaine de pages de plus. Sachant que « La Fête de l’Insignifiance » comptait 144 pages en édition grand format et en poche, qu’un livre perd en moyenne un tiers de sa pagination quand il est repris dans un format Pléiade (cela dépend aussi de la taille de la police d’origine), mais qu’il faut y ajouter une notice, est-il envisageable que ce nouveau tirage comprenne bien le dernier roman – qui, paraît-il, n’apportait pas grand chose à la gloire de son auteur ?

  5. La précédente édition était déjà qualifiée de « définitive » (voir par exemple le catalogue général de Gallimard, ou le catalogue 2013, page 92).

  6. Après cinq tomes d’Oeuvres romanesques de W. Faulkner, Gallimard annonce un volume de nouvelles à paraître « prochainement » …
    (annonce sur le site officiel de La Pléiade dans la présentation du tome V des romans)

    • En effet. Je viens de voir que le tome II de Kundera était programmé pour reparaître en janvier 2017. Visiblement ce volume devrait être révisé (était ce bien nécessaire?)

  7. Ce désir de tout contrôler, de parfaire « L’Oeuvre complète » comme une statue pour la postérité, me rappelle un autre cas de « paranoïa-pléiadesque » (une maladie rare et sur laquelle les laboratoires font peu de recherches) : Saint-John Perse. (Peut-être pourrait-on ajouter, parmi les personnes plus ou moins touchées par cette affection, Montherlant, Yourcenar ?…)
    Je ne crois pas que ce soit à l’auteur de dire ce qui doit survivre ou non de ses oeuvres, de commenter, dire le signifié… A peine sortie de lui, son oeuvre a vocation à lui échapper.
    Cela me fait songer aux parents abusifs qui considèrent leurs enfants comme leur propriété.

    • Sauf si c’est pour ajouter le dernier roman paru… auquel cas Gallimard aurait pu dès le départ attendre le décès de Kundera pour publier le second volume. À quoi bon faire une sorte de deuxième édition à peine cinq ans après la première ? On ne sait toujours pas pour quelle raison elle a pu être lancée.
      Vous évoquez le Pléiade Saint-John Perse, il s’agit en effet d’un fameux contre-exemple pour la Pléiade. SJP, à quelques années de sa mort, a organisé le volume seul, sans contrôle de Gallimard. Il a fabulé sa propre biographie, coupé des morceaux entiers de correspondance (quand il ne les a pas récrits à son avantage), rajouté des poèmes de jeunesse composés pour la circonstance, etc. Sur ce sujet, voir la biographie d’Henriette Levillain (Fayard) et, surtout, le livre de Renée Ventresque chez Garnier ( https://www.classiques-garnier.com/editions/index.php?page=shop.product_details&flypage=flypage_garnier.tpl&product_id=270&category_id=6&option=com_virtuemart&Itemid=1&vmcchk=1&Itemid=1 )

      • En même temps, je ne consteste pas le droit souverain de l’écrivain de faire ce qu’il veut de son oeuvre… ni le droit souverain du lecteur de le lire ou de ne pas le lire.
        Mon avis n’est qu’un avis, un sentiment, une réception, mais il n’entame en rien la souveraineté de l’auteur plus haut évoquée.
        Si Saint-John Perse ou Milan Kundera (d’après la présentation de Gallimard, il s’agirait quand même bien d’un ultime (?) peaufinage et – un peu – une « auto-célébration » de l’auteur en sa gloire, à travers son Oeuvre Définitive et Essentielle ; sans parler de la manoeuvre d’intimidation à l’égard des critiques et commentateurs qui oseraient venir, après lui, « déposer leurs proses au pied des siennes », pour pariodier Victor Hugo), si SJP et MK, donc, ont le désir d’ainsi retravailler leur oeuvre et leur statue et qu’ils trouvent un éditeur complaisant, cela ne contrevient à aucune loi, civile ou morale, à mes yeux, et ils ont légitimité à le faire.
        Sans moi (mais quelle importance ?).
        J’y songe : c’est un peu bizarre, mais le volume Malraux (sans que l’auteur y soit pour rien cette fois) s’apparente aussi, par quelque côté, à ce genre d’entreprise. Va-t-il devenir de mode que l’AUTEUR phagocyte L’OEUVRE et allons-nous assister à une sorte de « starisation » de nos grrrrrrands auteurs ?…

  8. Bonjour à tous, je reviens d’une des librairies Gallimard de la capitale. Seraient publiés l’année prochaine : Perec (plus l’album en mai), Tournier et … Bonnefoy !

  9. Bientôt Bob Dylan en Pléiade… Ah mince, Gallimard a pris du retard, en matière de démagogie et s’est fait doubler par la droite par l’ineffable académie suédoise…

    • Pour que M. Dylan entre à la Pléiade, peut-être faudrait-il qu’il écrive des livres… Quel prix incongru ! Et cela le jour de la mort de Dario Fo, autre Nobel incongru. C’est Eliot et Perse qui seraient heureux d’avoir un tel successeur tiens…

      • Dans un commentaire de lecteur de journal, je lis « je possède presque tous ses disques… » comme un argument pour approuver ce prix. Outre l’égocentrisme de la réaction, franchement, quel rapport ? Moi aussi je possède « presque tous les disques de Bob Dylan », mais qu’est-ce que cela à a voir avec la littérature, le travail de l’écriture. Est-ce que les académiciens suédois pensent que l’espèce des écrivains s’est éteinte et n’en ont-ils plus qu’une vague idée, construite à partir de rares fossiles ?

        • Je pense qu’on pourrait aussi le donner à un scénariste de qualité pour ses films et séries, ou à un dessinateur de bande dessinée pour la fantaisie de ses phylactères.

          • Pour le Nobel, Hergé est mort, donc comme on dit de nos jours « c’est mort ». Et pour la Pléiade, elle n’est pas adaptée à la bande dessinée (Gallimard publie actuellement une intégrale Hergé qui a été comparée, lors de son lancement, à la Pléiade – en termes de prix, c’est certain ; en termes de qualité physique des volumes, ça l’est moins).

  10. Allons, j’hésitais à le dire, car cela appartient à l’annecdote de l’espèce la plus vulgaire… Mais notre Président donnant l’exemple et le papotage devenant le genre littéraire et politique dominant, je sens que je peux « libérer ma parole » comme on dit…

    Il n’y a pas deux jours, je me rendais avec mon épouse dans les locaux lumineux d’un grand assureur (celui qui assure la grande majorité des enseignants…) afin de faire modifier notre contrat habitation.Nous fûmes reçus par une charmante conseillère, proche de la quarantaine, dont la vivacité faisait plaisir à voir.

    Quel rapport avec la Pléiade ? Vous allez voir.

    Dialogue.

    « La conseillère : Vous n’avez pas d’objets précieux, de collection de valeur ?
    – Le client : Ni meubles ni bijoux précieux. Je possède une bibliothèque de plusieurs milliers de livres, mais la plupart n’ont guère de valeur marchande, hélas. A part ma collection de « Pléiades »…
    – Des Pléiades ? Qu’est-ce que c’est ?… »

    Voilà qui ramène nos débats passionnés, à nous autres servants du Culte de la déesse aux mille pages de papier bible, à de plus justes (?) proportions…

  11. Electre annonce la parution d’un volume Tournier en février 2017, qui comprendra :

    Vendredi ou Les limbes du Pacifique
    Le roi des Aulnes
    Vendredi ou La vie sauvage
    Les météores
    Gaspard, Melchior et Balthazar
    Gilles et Jeanne
    Suivi de Le vent Paraclet

      • Sur le site A***.fr, parution le 2 février,
        64,33 €, donc un seul volume si il n’y a pas d’erreurs ; le même site ne donne pas de contenu détaillé à ce jour …

      • Cela ressemble plutôt à un premier volume (de forte corpulence, certes, ou bien maigre en notes et commentaires) qui en appelle un second… En effet, les oeuvres énumérées couvrent les 16 premières années de l’activité d’écrivain publié de Tournier. Il en reste au moins autant, au regard de l’oeuvre et quarante jusqu’à la mort de l’auteur, dont les dernières années ont été beaucoup moins fécondes. Bien sûr, ce volume comprend les « grands » romans les plus célèbres, mais la seconde partie de l’oeuvre, moins connue, n’est pas inintéressante, et il serait, en tout état de cause, très surprenant qu’on décide d’arrêter à 59 ans (Gille et Jeanne, 1983) l’oeuvre d’un homme qui a vécu jusqu’à 91 ans et n’a jamais cessé d’écrire.

        • Sauf les toutes dernières années, bien sûr, où il ne faisait plus que commenter (ressasser ?) ses écrits ; mais tout de même, la « carrière littéraire » de Tournier compte au moins autant d’années après « Gilles et Jeanne » qu’avant.

          • Dans la lettre du Libraire consacrée à l’entrée de Tournier dans la Pléiade, il est précisé dès la première phrase : »Ce premier volume contiendra… ». Nous avons la preuve qu’il y en aura donc au moins un second.

  12. D’après mon libraire Gallimard de Paris, seraient publiés en 2017 trois auteurs du XXème siècle : effectivement Tournier, Perec (y compris l’album de mai), et Bonnefoy…

  13. Je viens de lire dans la lettre de la Pléiade l’info suivante : « En dix minutes, on s’efforce d’estimer ce que sera la destinée commerciale du volume rassemblant les œuvres de Mme de Staël ; en cinq ou dix nouvelles minutes, celle des romans de Michel Tournier. Cette soudaine contraction du temps — quelques instants pour essayer de discerner le sort d’une édition en préparation depuis trois ou quatre ans — a quelque chose de troublant. » Mme de Staël était donc en préparation. Le fait qu’elle soit citée en même temps que Tournier laisse croire que ce volume paraîtra en 2017…

    • Je suis très content d’apprendre qu’enfin Gallimard se décide à faire au moins une pléiade Staël, ce qui explique peut être que le volume Constant soit passé des épuisé aux indisponibles provisoirement.

    • Tournier, Pérec, je ne m’en plains pas… (Cela effacera-t-il la tache Jean d’O ?… J’ai la rancune tenace.) Mais Germaine de Staël, ça c’est une vraie surprise et une vraie bonne nouvelle. Quelle que soit l’estime dans laquelle on la tient et le rang qu’on lui accorde dans l’histoire littéraire, cela donne un éclairage un peu nouveau dans une galerie de portraits de « classiques » parfois un peu trop convenus et prévisibles.
      Et – pardonnez-moi l’apparente légèreté du propos – une « odor di femina » hélas trop rare dans la littérature française, du moins à l’âge classique (aujourd’hui, c’est une autre histoire…)

  14. Bonjours (ou bonsoir : pas de discrimination!) à vous qui continuez de quêter l’émerveillement et les faveurs de haute Dame littérature sous robe pléiade. Toujours heureux de lire vos ,échanges et informations. Ce mot pour faire part de l’espèce d’abattement devant ce prix Nobel (oui, déjà Dario Fo…). Peut-être les jurys ont-ils eu un problème :le temps était venu de donner le prix à un américain et ils ne trouvaient personne? Et pourquoi pas Pynchon? Ont-ils eu peur qu’il ne vienne pas par goût du secret? C’est réussi! Et puis Roth ne m’aurait pas choqué. Dylan? Ça rime à quoi exactement? un positionnement « gauche humaniste »‘? Ce n’est plus le Dylan des années 60, sont-ils au courant? Roth…Portnoy aurait-il parut trop pornographique, et l’œuvre en générale (Le théâtre de Sabbath entrer autres) ?
    Je ne suis pas sur F.Book, alors , merci de prévenir que vous ne comptez pas définitivement sevrer ce blog si indispensable. .
    Je me permets d’ajouter discrètement toute la sympathie que peut donner un homme qui ne vous connaît que par ce beau travail. Mes condoléances.

    Ps Merci à qui apprécia mon lyrisme pro hugolien. Je reste éblouie devant ce génie en fusion verbale, cet homme qui invente le grotesque français et métamorphose une barricade en monstre à milles pinces. Qui raconte la lente montée d’un bagnard vers la transcendance, qui convoque les quatre vents des tempêtes -les travailleurs. Ce même homme, plus inconnu qu’on ne croit, qui goûte l’effleurement des fantômes, qui écrit : « Ma vie ayant été dure et funèbre, en somme », qui voit mort et folie accrocher à ses pas et qui chaque jour, debout, recouvre le sol de son abreuvoir à visions d’une encre habitée par Patmos, ne s’arrêtant qu’au spectacle de ces  » flots roulant au loin leurs frissons de volets » (citons son fils , le « voyou » selon le livre splendide de B. Fondane).
    .Et je suis bien d’accord pour l’édition Bouquins de Shakespeare! Mais passons, ce serait trop long…M. Domonkos, je vous rejoins sur moult points, ainsi, entre autres choses, de ce que vous dites des Premiers écrits chrétiens. J’apprécie comme vous qu’un authentique connaisseur partage son savoir. Pour l’anecdote, on trouve au CERF trois ouvrages monumentaux sur la mystique rhénane à petits prix, l’opération ayant été un échec. Eckhart, de Cues et un dictionnaire général avec Tauler et autres en plus. 14 Euros celui-ci! Messieurs Draak et Calobarsy,mon plus courtois salut.

    • Bon retour parmi nous, vous vous fites trop rare ces derniers temps.
      Les rencontres et les échanges qui se font sur ce blog m’aident à éviter, quelquefois, de céder à la désespérance.
      (Dernier motif en date d’un de ces accès de désespérance, il n’y a pas une heure, en naviguant à la surface des chaînes télévisuelles, j’accroche cette phrase, dans une émission qui parle, je crois, de décoration intérieure et après une succession d’images de meubles bibliothèque « disaïgne » : « En ces temps où les livres semblent disparaître, quels autres usages peut-on faire d’une bibliothèque ? » J’ai un début de réponse : l’appeler d’un autre nom, peut-être ?)

  15. L’agenda 2017 a paru. Comme le savent tous les exégètes, il contient différentes informations sur les Pléiade à venir. Trois nouveaux auteurs se voient gratifiés d’une des cinquante-quatre citations hebdomadaires : Michel Tournier (sortie du premier volume en février 2017), Romain Gary et Mme de Staël. Ce sont des confirmations : à brève échéance, ces auteurs « entreront » à la Pléiade. Dans la section consacrée à la vie littéraire en 1957, qui ne retient généralement que des évènements liés aux écrivains entrés à la Pléiade, j’ai noté des mentions d’auteurs n’y figurant pas (encore ?) : Samuel Beckett, Simone de Beauvoir, Yves Bonnefoy, Alain Robbe-Grillet, Roland Barthes, Guy Debord, Françoise Sagan et Roger Vailland. Gallimard est suffisamment astucieux dans sa présentation pour qu’on ne puisse pas toujours en tirer de conclusions (pour Sagan, Barthes à peine mentionné, et, surtout, Vailland – toujours associé à Céline). Pour Debord, Bonnefoy, Beckett et Robbe-Grillet, je suis incliné en revanche à penser que ces mentions confirment des projets en cours – et dont nous avons eu parfois quelques échos ici ou là. Le projet Beauvoir est également certain (il y avait plusieurs mentions d’elle dans l’agenda 2016).

  16. Ah, c’est bien affable à vous très amène Snezes Domonkos d’avoir eu la gentillesse de trouver que je m’étais « fait rare », et tout bonnement de l’avoir remarqué. J’avoue que je crains parfois mon abondance et cette tendance hélas rédhibitoire chez moi d’aller vaquer dans les digressions, vagabondant dans les jardins baroques du verbe, jardin « anglais », loin des buissons bien peignés du Le Nôtre gallimardien (oui, c’est injuste pour cette citée de mots où se côtoient tant d’univers).
    Votre histoire m’a fait bifurquer dans un monde insensé, dans l’acception propre de ce terme. Que faire d’une bibliothèque sans livre , sachant que le mot-même contient ce sacré biblion? Peut-être s’en servira-t-on pour conserver les œuvres de Bartleby ? Ou comme installation d’art contemporain  : « Abolit bibelot – la vacuité, ontologie du dire-vrai » (mise à pris 500 000 €) ?  Le très réel mystère reste: comment donc un meuble aussi incongru, saugrenu dans nos jours splendides et si cultivés, a-t-il pu pénétrer chez de braves gens certainement traumatisé…5j’espère qu’une cellule de secours psychologique a été mise en place).
    Comme vous ces échanges me sont précieux.Je ressens parfois cette sensation d’abattement profond. D’isolement. C’est la fin du monde humaniste. Je me fais l’effet d’un graeculi. Il nous reste les auteurs et ceux qui les aiment sincèrement, mais ça, vous le savez.Continuons!
    Merci courageux Brumes de continuer à nous faire partager vos savoirs. Mme de Staël, hé, hé, intéressant. Mais après le Proust (Correspondance). Voyez comme ce que vous avez créé fait du bien. Encore une fois : MERCI.

    PS Cher Draak, vous avez résolument raison. Ici il n’y a place que pour l’enthousiasme et l’amour, nul triomphe n’est recherché, mais l’émerveillement, la connaissance, le voyage intemporel.

  17. Je voudrais soulever ici une problématique qui n’a pas encore été abordée, je crois, pour avoir vos lumières. Chacun sait parmi vous que la Pléiade affecte une couleur différente à un auteur selon la période à laquelle il appartient. Mais, à partir du XVIe siècle, sur quels critères décide-t-ton qu’un auteur à cheval sur deux siècles (du type né en 1660 et mort en 1740) appartient à tel ou tel siècle? En fonction du nombre d’années qu’il a vécu dans tel ou tel siècle? En fonction du fait qu’il a plus publié dans tel siècle que dans tel autre? Je pense, par exemple, à Shakespeare qu’on a mis en Corinthe XVIe siècle et non en rouge vénitien XVIIe siècle. Pourtant, si l’on considère que sa première pièce est Les Deux gentilhomme de Vérone (1590) et sa dernière La Tempête (1611), il aura écrit pendant onze ans au XVIIe siècle et dix ans seulement au XVIe siècle. Dès lors, pourquoi ne pas le mettre en rouge vénitien? Savez-vous si ce genre de problématique d’appartenance à un siècle plutôt qu’à tel autre pour certains auteurs « à cheval » s’est déjà posé pour d’autres auteurs de la Pléiade?

  18. Vous avez raison de citer Austen, classée au XVIIIe alors que tous ses livres ont paru au XIXe. C’est la même chose pour le volume Frankenstein : Mary Shelley est un auteur du XIXe, et pourtant l’ouvrage est classé au XVIIIe. Je ne sais pas comment la collection a pu justifier ce choix. Pour Shakespeare, sans argumenter plus que cela, je vous avoue que j’aurais du mal à le voir en rouge vénitien, avec Bossuet, Racine, Boileau, Malherbe, Malebranche ou Pascal, alors qu’on le sent tellement plus à sa place en compagnie de Cervantès, Montaigne, Rabelais, le Jin Ping Mei ou le Théâtre Elisabéthain.
    En général, le classement est plutôt logique : un Joseph Conrad a certes vécu la majeure partie de son existence au XIXe, mais il a beaucoup plus publié au XXe qu’au XIXe (la même réflexion vaut pour le récent intronisé Jack London). Et personne n’irait ranger Zola, mort au XXe, dans les Pléiade à reliure havane.
    Pour certains cas, pourtant, cela crée des petit bizarreries dans les étagères de ceux qui, comme moi, classent leurs Pléiade par date de mort de leur auteur : Henry James (en vert) vient après Péguy (en havane), puisque l’auteur du « Portrait de femme » est mort deux ans après le fondateur des « Cahiers de la Quinzaine ».

    • On peut aussi ajouter en exemple Agrippa d’Aubigné mort en 1630 en Pléiade corinthe alors que Malherbe rangé juste avant (je classe tout comme Brumes) est en Pléiade rouge vénitien et mort en 1628.

    • Un des cas les plus discutables me paraît celui de Jarry mort en 1907 et classé au XXe alors que l’essentiel de son oeuvre remonte aux années 1880-1890. Mais peut-être a-t-on voulu fortement signifier sa modernité ?

    • « Pour certains cas, pourtant, cela crée des petit bizarreries dans les étagères de ceux qui, comme moi, classent leurs Pléiade par date de mort de leur auteur »
      Trop morbide, il faut les classer par date de naissance. c’est amusement de voir certaines inversions qui vont s’opérer.

  19. Oui, en effet, certains choix sont difficiles et peuvent sembler étranges dans le classement des auteurs ; j’avoue que le Jane Austen en bleu m’a assez surpris ; quand aux « Frankenstein et autres romans gothiques », il ne faut pas oublier que, si l’on connait tous principalement le roman figurant dans le titre, paru en 1818, et écrit par la jeune Mary Shelley qui a vécu et publié au XIXe siècle, les 4 autres romans qui composent cette Pléiade ont parus de 1764 à 1797, à tel point que certains excluent le roman le plus célèbre du genre de cette catégorie littéraire, presque par « anachronisme ». Ce choix semble donc tout à fait justifié. Quant à Agrippa d’Aubigné, il reste tout de même attaché à sa grande épopée des « Tragiques », qui, bien que publiée à la fin de sa vie en 1615 puis remaniée en 1623, est irrémédiablement ancrée dans la France tourmentée de la seconde partie du XVIe, où son auteur a vécu plus de 60% de sa vie. Saint-Simon, bien qu’il ai vécu et publié, certes, essentiellement au XVIIIe, ne me gênerais pas au XVIIe car la place du Roi soleil, figure du siècle de Molière, est tout de même marquante dans son immense œuvre.
    Je me pose encore une question : à quand des Pléiades XXIe siècle ? Il me semble que sur ce terrain Gallimard a fait le bon choix en attendant un peu. Seul l’avenir se souviendra des écrits qui traversent le temps, selon le critère d’entrée à La Pléiade d’un auteur. Mais je pense que ça créera bien des débats et des discussions en temps voulu.

    Bien à vous,
    Séraphin Calobarsy

    • Si je puis me permettre de déplacer quelque peu le problème, est-ce que cette question des siècles de différentes couleurs n’est pas un peu artificielle ? Une césure systématique au premier an du siècle ne signifie pas toujours grand chose, certains siècles commencent avant leur « naissance », d’autres se poursuivent bien après leur « morts »… Quand aux auteurs, idem. Certains appartiennent bien à « leur » siècle, d’autres sont nés trop tôt ou trop tard, d’autres encore ont produit une oeuvre sur une longue période et qui, parfois, a pu épouser les évolutions ou les modes littéraires, au point d’appartenir à plusieurs siècles… C’est bien le constat que l’on fait en se refusant à voir Shakespeare en rouge ! Ces couleurs font joli sur les rayons de la bibliothèque et évitent que s’installe la monotonie, mais c’est à peu près tout.?
      PS : le cas spécial de Mary Shelley est à mes yeux une « monstruosité » ; en aucun cas je ne considère « Frankenstein » comme un roman « gothique », tant par son inspiration que par ses moyens, et sa place aux côtés de ses prédécesseurs qui, eux, appartiennent incontestablement au 18e s. est une hérésie. « Frankenstein » est un roman du 19e s. et sa postérité est du XXe. Il est bien normal que lorsqu’on (la Pléiade) fabrique un monstre (« Frankenstein et autres romans gothiques ») on ne sache point dans quelle catégorie le classer…

        • Très juste remarque, même si l’on peut considérer que le roman gothique est à cheval sur les deux siècles. Le problème de cette édition c’est l’absence de Melmoth, qui aurait dû cesser son errance sous l’or et le cuir de notre chère Pléiade, un roman qui est tout de même le summum, « l’apothéose » (dixit Annie Lebrun) du genre. Quant à Frankenstein, il aurait été plus judicieux de le mettre dans un volume Mary et Percy Shelley.

  20. J’ai un autre questionnement : quid d’une Pléiade Cicéron ? Pour un fonds de 28 ouvrages appartenant à l’Antiquité, ne pas inclure celui que beaucoup considèrent comme le plus grand écrivain latin quand Virgile en est le plus grand poète, me semble plus qu’un petit oubli. Mais, comme toujours, je dois dire que ce choix ne m’étonne pas, au vu de l’état actuel de la collection et que Virgile n’a paru qu’il n’y a qu’un peu plus d’un an. Il est inégalement présent dans « Les Stoïciens »et « Les Épicuriens », mais où sont ses discours, uniques dans l’histoire de la rhétorique ? Où est le « De Republica », équivalant latin de la « République » de Platon ? Il serait tout à fait du devoir de la collection de l’intégrer en un ou plusieurs volumes, en auteur si capital qu’il est, et réfléchissant à des thèmes aussi modernes que les valeurs de la République ou les dangers pour l

    • Cher monsieur Calobarsy , quel anachronique vous faites effectivement! Usque tandem abutere patientia pléiada nostra ! Cicéron, ce sont Les Belles-Lettres, point! vous imaginez le nombre de lecteurs pour Cicéron? Marc-Antoine lui fit couper les mains, la pléiade lui coupe la langue. Ils ne tiennent pas à se ruiner. Virgile, ça pose son lecteur, négligemment « délaissé » sur la table du salon ou issant de la bibliothèque. Cicéron? Vous voulez faire basculer dans la trappe à zombies le directeur financier de Gallimard ?!Je vais finir par penser que vous êtes (je tremble en y pensant) un « lettres classiques » !
      Ps Sinon, pour le persécuteur d’Atticus (16 volumes! Imaginons la tête du cher camarade à chaque missive… »Encore! « ) il y a le remarquable site de Remacle…
      http://www.remacle.org/bloodwolf/orateurs/

      • Pour prendre un exemple, les quelques 36 volumes (!) de Pline l’Ancien en Belles Lettres tiennent très bien dans un seul volume Pléiade, certes un peu épais. Là est la justification originelle de l’édition Pléiade : faire tenir des classiques épais dans un seul volume pratique. Et Cicéron serait-il moins lu que Pline ? Que les philosophes taoïstes, que Shi Nai-an, le Somaveda ou Calvin ? Pas sûr. D’autant que les questions soulevées par Cicéron sont, effectivement, toujours d’actualité. Que l’on me coupe les mains si je ne dis pas vrai.

        • En Belles Lettres vous avez le texte latin côte à côte avec la traduction. Et cela compte énormément pour moi parce que les traducteurs…Au reste, vous m’avez mal compris au contraire de notre Alcofribas redivivus : je ne suis nullement pour un Cicéron en pléiade, je doutais simplement de sa possibilité. Que je fuis sans être capable de me suicider si je ne dis vrai!

          • Pardon : je ne suis nullement CONTRE un Cicéron en Pléiade. Pitié, ce n’est pas un lapsus clavieris! (clavis si on veut, mais ça veut dire « clou » !).

      • Cher Restif,
        Oui, je n’ai exprimé qu’une utopie digne de More pour songer au pois chiche relié cuir vert antique … mais si je songe à Cicéron, ce n’est pas parce que je suis un « lettres classiques » au sens premier du terme … assurément lettres modernes, mais se délectant aussi bien d’un Cicéron, que d’un Ramayana, que d’un Dante, que d’un Sade, que d’un Corbière, que d’un Bataille, que d’un Bossuet … pour ce qu’ils sont et ce qu’ils peuvent m’apporter. Je fait dans l’éclectisme littéraire, je goutte à tout ce qui m’intrigue.
        Cher DraaK, je vous suit toujours sur une liste des éditions des classiques.

        Bonne journée,
        Séraphin Calobarsy

        • Mon cher et si rabelaisien Séraphin Caliborsy,
          Vous aimez Corbière,, quel bonheur ! Je le tiens pour un des plus immenses poètes qui soient. « Un jeune qui s’en va  » ‘ Les Litanies du sommeil, « ça »» »,, on nous sort toujours les (merveilleuses ) « Rondels pour après mais on oublie Le déchirant « poète contumace. » Et Bataille! « L’expérience des limites », notamment, est l’un des rares textes avec Jarry, Rimbaud, Chestov, Heidegger qui m’aient fait comprendre que la littérature (et sa parèdre la philosophie lorsqu’elle vient disons, d’un Kierkegaard, d’un Rozavov, et , malgré tout, parce qu’il a vu , hélas, juste, je le crains, sur l’Histoire,- mais je parierais quand-même sur Chestov -, Hegel) , c’est bien plus que des mots, mais une expérience. On trouve La nuit de Gethsemani de chestov en PDF. LEs curieux y verront ce qu’est le déploiement d’une pensée qui ne laisse rien intact.
          Je lis Froissard, De Machaut, les grand du Seizième, les théosophes allemands, les ésotéristes, ainsi du poète-mage Yeats (membre de la Golden Dawn, splendide escroquerie qui donna vie à un corpus bien vivant -comme le ludus rosicrucien), et je crois pouvoir me dire un « éclectique » (mais j’aime mieux Plotin que Cicéron! ) D’Eschyle à Paulhan et Claudes-Louis Combet et le génial Pynchon, seul héritier de Joyce, à mes yeux ( bien plus que de Faulkner en tous cas !) tout ce que l’Homme a écrit m’intéresse. De Gilgamesh à celui qui surgira demain…
          Vous dites plus bas que le dix-neuvième est « votre siècle ». C’est aussi le mien. Mais mon dix-neuvième (hormis les évidence type Chateaubriand) ne se trouve pas en pléiade : il a nom Darien, De Tinan, , Gourmont (magnifique correspondance éditée par Vincent Gogibu), Lorrain, et Bloy, plus récemment Marc Stephane, merci au « préfet maritime ».
          Je crois que c’est ce cher Draak qui me disait un jour : « est-ce que Bloy va changer ma vie »? Mais oui ! Il a bien changé celle de Maritain et celle de sa femme et de la sœur d’icelui plus celle de Paul Jury et de bien d’autres! Et puis un auteur que Borges met dans ses quatre lectures favorites, que Kafka porte au plus haut et qui fait la jouissance de Junger, pardon, mais c’est un colosse!
          Ah : la plus belle édition des Gestes et opinions du docteur Faustroll Pataphysicien est décidément celle parue aux éditons de la Différence. en 2010. 60 ans de travail !
          Au plaisir.
          Ps J’apparie mes pléiades par goût. Je fais la farce à Claudel de le mettre à côté de Luther et P2guy (normal), Jarryt – voisine avec les Écrits testamentaires. Sinon, par couleur, mais JAMAIS par ordre chronologique. Le temps est une illusion, demandez à Rumi ou à Jacob Boehme! Ou à Bloy…

          • On peut tout aussi bien ranger sa bibliothèque comme Aby Warburg, par affinités électives et idiosyncrasiques entre les lectures et les livres, en mettant au jour les courants souterrains qui relient selon soi tel et tel auteur, même séparés par la distance ou le temps. Poussé à son extrême, ce principe débouche sur une bibliothèque inexploitable pour un autre que soi, mais parfaitement singulière (la Warburg Library de Londres, encore classée comme le voulait son génial maître d’œuvre, est en danger, mais elle se visite encore je crois).
            Ranger les Pléiade ensemble, en longues théories de volumes reliés cuir, c’est pratique, notamment pour des questions prosaïques de format et d’étagères, mais c’est faire passer l’homogénéité d’un programme éditorial devant la littérature et l’art. Cela peut rappeler ces belles bibliothèques intouchées qu’on trouvait jadis chez les notaires et les médecins, quand le livre était encore un support de distinction sociale (ce qu’il n’est plus chez les trentenaires diplômés que j’ai pu côtoyer, seuls quelques profs affichant encore des livres chez eux – et pas toujours des chefs d’œuvre).
            Il y a un côté petit-bourgeois (que j’assume mal) dans l’étagère de Pléiade du salon. Dans l’idéal, à mon sens, il faudrait noyer la Pléiade dans le flot des autres livres, dans les autres pièces, etc. Et ne plus la ranger à part. Un jour j’avais essayé, mais l’afflux de plusieurs centaines de Pléiade avait complètement bouleversé mes étagères de littérature. J’ai renoncé devant l’ampleur du projet. Tant pis, mes rares visiteurs pourront longtemps encore se gausser intérieurement de mes manies de petit-bourgeois.

          • Cher Restif, Je me doutais bien que cette remarque sur Bloy allait me rebondir un jour ou l’autre sur le pif. Cela a tardé, un peu, mais c’est venu. Il faut avouer que c’est (un peu) mérité. Je n’étais moi-même pas convaincu en l’écrivant. Un album de Tintin ou un « Livre dont vous êtes le héros », ou une ligne de texte lue en diagonale et mal comprise peuvent changer une vie. Les livres lus à une époque précise et dans un certain contexte changent les vies (alors que lus à un autre moment et conseillés par d’autres personnes, etc.) Mais la question était plutôt « qu’est-ce qu’un classique ? » ; une interrogation qui pourrait fait l’objet d’un blog à elle seule, et que j’avais en son temps tranché d’une alexandrine manière en ne retenant que les « grands noms », ceux que n’importe quel quidam choisi au hasard dans la rue est susceptible de connaître (quand bien même, comme dirait Onfray, il roulerait en trottinette et chasserait le Pokémon). Voltaire, oui. Hugo, oui. Darien ou Bloy, vraiment, je pense que non ; ce n’était en rien un jugement de valeur, bien sûr. « Sinouhe l’Egyptien » de Mika Waltari m’a peut-être plus influencé que Céline (sic) ou Shakespeare (re-sic) ; mais ce n’est pas la question.

            Sur le classement, chacun a ses petites facéties. Je prends un malin plaisir à faire se côtoyer les livres orange et rouge des Belles Lettres et les quelques mangas de ma bibliothèque. Suétone jouxte Battle Royale, et le choc des cultures produit des étincelles, au moins dans mon esprit.

  21. Si vous me permettez une question, oh sage aréopage sans apanage d’âges, et certes dénués d’autres gages que la page, j’eusse voulu vous demander si l’édition Montaigne en pléiade est telle tellement supérieure pour les notes et l’établissement du texte à celle en G.Flammarion qui marque déjà les différents états de la pensée « in progress » de Montaigne par des A/, B/ C selon l’édition de l’auteur à l’époque de son activité.
    Je dis cela car, ayant acheté les trois volumes pléiade de Jarry (que je tiens pour un génie. J’ose conseiller Messaline et le Surmâle à ceux que l’écriture maniéro-symboliste des débuts -Les minutes de Sable Mémorial ou César-Antéchrist-rebuterait.. Donc : achat du trismegiste Alfred. Or je découvre qu’il existe chez Garnier une édition qui parait fabuleuse des O.C de Jarry, avec, cette fois, les illustrations sur lesquelles Jarry s’appuie, commente, évoque etc et un gros travail d’annotation plus appuyé nous dit-on qu’aucun dans le passé. Trois tomes à …60 euros pièce (en gros). Déjà que je viens d’acheter une nouvelle édition du Faustroll….Après mes 8 Ramuz en Slatkine qui s’ajoutaient aux romans en pléiade et le Jin Ping Meig et trois Mauriac tous pléiades , plus des visites concluantes à divers éditeurs qui ne donnent pas dans le poche je suis un peu bas du porte-monnaie.

    Cependant, Montaigne …Si réellement cette édition apporte (je ne parle pas de l’esthétique) un ajout que les autres ne proposent pas… Pendant que j’ose, même question sur le Rabelais de Mireille Huchon (toujours en pléiade évidemment). J’ai déjà (entre autres) la pochotèque, Demerson, l’ancienne pléiade…Mais là encore , et bien plus que pour Montaigne (subjectif hein!).Rabelais vaut tous les sacrifices. Alors si vous me dites que le Rabelais de Dame Huchon est une nécessité, la pérégrination vers l’ouest ou plutôt Pline attendra. D’ailleurs, autant J’aime Le rêve dans le pavillon rouge et ce que j’ai lu (simple mise en bouche) du Jin Ping Mei, autant Au bord de l’eau n’est guère de mon univers. Trop de batailles de chimères…

    Merci à ceux qui feront un plongeon dans leur collection. En cas d’absence de réponse, je ne saurais en vouloir à qui que ce soit, évidemment!
    A vous lire, happy tax payer.

    PS Pour autant qu’on désire me répondre :rien ne presse hein !

    PSS Ah : non, comme Lord Brumes je n’imagine pas Shakespeare à côté de Mme Sévigné ou des libertins du dix-septième. Surtout pour ceux qui prennent la nouvelle édition, quelle avalanche de rouge, un rouge bien sage, presque pépère, sans ivresse coruscante. 17eme quoi (injuste pour Pascal, dont le flamboiement est terrible.) Quant à moi (je-est-un autre-lecteur) touchant the Bard, j’en reste à mon Fluchère, d’ailleurs,pour le dire en passant, dans mon édition deux volumes les Poésies sont dans le tome 1 -Sonnets (pas terrible la traduction. Comme pour John Donne en Poésie Gallimard, L’auteur à cherché l’alexandrin rimé…C’est bougrement raté. Les traductions des pièces tiennent le coup et méconnaître celles d’ Hugo fils c’est ne rien comprendre au Shakespeare qui est majoritairement lu jusqu’en 1960. Et plus.). En poésie viennent ensuite (ou avant je n’ai pas les volumes sous la main) Venus et Adonis, Le viol de Lucrèce. Pour Les sonnets, Jean-Yves Masson m’a dit que c’est dans Bouquins qu’on trouve la meilleure traduction, par Robert Ellrodt.
    PSS Concernant le Luther II finalement…Rien. A moins d’un coup de surprise pour le cinq centième anniversaire de l’affichage des thèses, je n’y crois plus.

    • En l’absence de réponse d’un seiziémiste confirmé, je me permettrai de renvoyer à deux textes d’autorités plus compétentes que la mienne : sur Montaigne, un texte d’Antoine Compagnon (rajeunir Montaigne) sur les différentes éditions des Essais, avec le récent retour en grâce de l’édition de 1595 par Marie de Gournay qui fut en défaveur durant tout le XXe siècle au profit de l’exemplaire de Bordeaux ( http://www.persee.fr/doc/crai_0065-0536_2009_num_153_2_92512?q=pleiade%20les%20essais%20montaigne%202007 )
      sur Rabelais, le compte-rendu enthousiaste de Gabriel-André Pérouse ( http://www.persee.fr/doc/rhren_0181-6799_1996_num_42_1_2066?q=rabelais%20pleiade%20huchon ).
      Je ne vous remercie pas d’avoir posé cette question, je vivais très confortablement avec mes anciennes éditions de Montaigne et de Rabelais et voilà que j’ai fortement envie de m’acheter les nouvelles.
      Quant à Shakespeare en corinthe ou en rouge vénitien, on aurait pu imaginer un compromis des volumes en corinthe pour les pièces écrites au XVIe siècle et des volumes en rouge pour les pièces du XVIIe (siècle « bien sage, presque pépère, sans ivresse coruscante », jugement un peu hatif tout de même), Plus sérieusement, il est fort regrettable de ne pas avoir opté pour une édition chronologique, comme l’édition d’Oxford, Espérons qu’un jour le parti-pris chronologique l’emportera systèmatiquement sur une division par genre qui offre une vision fausse des auteurs (j’ai pu l’expérimenter à quelques années d’intervalles avec deux lectures complètes de Victor Hugo (hors correspondance), l’une par genre, l’autre chronologique).

  22. Sur les couleurs de la Pléiade : J’ai pris (comme beaucoup, sans doute) le parti de classer les Pléiades par ordre chronologique ; mais la date retenue pour chaque auteur est la date de publication de l’oeuvre qui me semble la plus connue. C’est une méthode hautement subjective, mais une bibliothèque n’est-elle pas, entre autres, l’expression visuelle d’une subjectivité et d’une personnalité ? (Comme elle est, je m’en suis aperçu récemment l’expression de la personnalité de ceux qui la regardent ; lorsqu’on me signale qu’il y a des biographies de Hitler ou des livres sur le IIIe Reich, cela renseigne plus sur la personne qui fait le commentaire que sur moi-même, la section consacrée, par exemple, à l’antiquité ou au moyen-âge étant de loin plus importante). Pour en revenir à cette méthode de classement, je suis heureux de dire qu’il n’y a pas trop de discordance dans mes rayonnages (seul le volume hors numérotation de Sade fait tâche, mais cette incohérence est elle-même porteuse de sens, la publication étant en soi un ajout un peu artificiel dans la collection). Cela me donne l’occasion de m’interroger de temps en temps : dois-je mettre Shakespeare avant ou après « Le théâtre élisabéthain » ? Ces questionnements sont à la fois futiles et, vous vous en doutez, très importants. (Seul certitude : mon serre-livre en forme de crâne doit, bien sûr, soutenir les tragédies du Barde).

    Au delà de l’aspect esthétique, les couleurs des Pléiades sont aussi bien pratiques: quand je cherche « mon » Corneille, je sais que je dois me diriger vers du rouge (un rouge que l’on peut trouver pépère, mais que j’aime beaucoup ; la couleur comme la littérature du siècle).

    Sur un autre sujet (car je suis monomaniaque) : la question de Restif sur la qualité de l’édition de Montaigne en Pléiade me rappelle qu’il manque cruellement une base de discussion sur, justement, les meilleures éditions ou les qualités comparées de chaque édition des classiques. J’ai tendu moult fois la perche (Brumes ? Brumes !), mais suis maintenant décidé à potasser WordPress pour essayer de mettre cela sur pied.

    • Mon cher Draak,
      nous nous sommes croisés. « Pépère » n’était qu’un vocable sans acrimonie destiné à tanguer un peu du com’, disons que c’est mon nez rouge (pépère). Moi aussi je l’aime cette reliure! et cette littérature.
      Votre persévérance finit par payer (le monde appartient aux bull-dog, voyez Churchill) : si un site s’ouvre sur les meilleures éditions, j’en suis!

  23. Merci de vos interventions. Derrière cette question des couleurs, il y a aussi une autre question qui n’a pas encore été abordée sur ce blog: la question de la méthode de rangement des Pléiades. Pendant des années, je me suis contenté d’un ordre alphabétique classique comme on trouve dans le catalogue et, depuis un an et demi, je me suis mis à un classement par période/siècles avec un classement alphabétique interne à chaque catégorie. Donc: d’abord les albums par ordre chronologique, ensuite les volumes « hors collection » qui paraissent depuis 2014 (que j’achète, je l’avoue publiquement, je sais que je vais endurer la réprobation de certain d’entre vous), puis Antiquité, Moyen Âge, XVIe, XVIIe, XVIIIe, XIXe et XXe. Je trouve que le rendu esthétique dans la bibliothèque fait plus joli. J’avais déjà constaté ça chez un ami philosophe qui possède l’intégralité de la collection (je n’en ai pour le moment qu’une centaine) et j’ai suivi. Et vous, quels sont vos méthodes de classement? Alphabétique? Chronologique? Quels sont les arguments qui vous font préférer telle méthode de classement à telle autre? Merci.

    • Bonjour cher Henri,
      Je m’étais attaqué à cette question l’année dernière, ma collection s’agrandissant. Il me semble premièrement tout à fait logique de choisir un classement chronologique borné par les couleurs dévolues aux ouvrages, à tout point de vue : esthétique, pratique … Je me suis donc intéressé à classer les Pléiades par auteur au sein de leur siècle respectif, avec un critère plutôt subjectif visant à une certaine cohérence : leur donner à chacun une date pouvant correspondre à une publication majeure, mais surtout à leur période la plus intense de création et d’implication dans la vie littéraire. Finalement, la place qu’ils ont dans leur siècle les uns par rapport aux autres. En isolant à l’intérieur de chaque siècle les différentes nationalités. Je me suis attaqué à une liste complète des auteurs du XIXe siècle (mon siècle !), à jour des parutions, où le nom de chaque auteur est suivi entre parenthèse du nombre de volumes parus le concernant personnellement, hors coffret et anciennes éditions (mais prenant en compte les épuisés), avec un deuxième nombre prenant en compte les volumes (normalement) en préparation, puis la fameuse date parfois suivie d’un + ou d’un – la nuançant. Se pose parfois, comme pour Mallarmé, la question de transgresser cette date, pour faire un regroupement idéologique (les « symbolistes / décadents » ensemble).
      La voici, avec une séparation pour les domaines linguistiques :

      Romantiques allemands (2)
      Goethe (2)
      Hölderlin (1)
      Marx (4 – 5) 1867
      Nietzsche (1 – 3) 1885

      Chateaubriand (5) 1802
      Constant (1) 1817
      Las Cases (2) 1820-
      Courier (1) 1823
      Lamartine (1) 1820+
      Vigny (2 – 3) 1832
      Musset (3) 1834
      Toqueville (3) 1835+
      Stendhal (5) 1836
      Balzac (16 – 18) 1836+
      Mérimée (1) 1840
      Dumas (2) 1845
      Sand (2 – 3+) 1847
      Gautier (2) 1852
      Michelet (2) 1853
      Nerval (3) 1854-
      Gobineau (3) 1854
      Fromentin (1) 1855
      Sainte-Beuve (5) 1855+
      Baudelaire (4) 1857
      Hugo (8 – 10) 1860
      Flaubert (9 – 11) 1865
      d’Aurévilly (2) 1865
      Daudet (3) 1869
      Lautréamont (1) 1869
      Rimbaud (1) 1871
      Verlaine (2) 1872
      Cros – Corbière (1) 1873
      Mallarmé (2) 1877
      Verne (3) 1874
      Vallès (2) 1881
      Nouveau (0,5) 1882+
      Villiers de l’Isle-Adam (2) 1883+
      Zola (6) 1885-
      Maupassant (3) 1885
      Renard (3) 1893

      Scott (2) 1815
      De Quincey (1) 1835-
      Dickens (9) 1840
      Brontë (2 – 3) 1847
      Carroll (1) 1875
      Stevenson (2) 1883+
      Wilde (1) 1895-
      James (5) 1895

      Poe (1) 1843
      Melville (4) 1854
      Twain (1) 1882

      Pouchkine – Griboïèdov – Lermontov (1) 1828 – 1823 – 1839 = 1830
      Leskov – Saltykov-Chtchédrine (1) 1873+ – 1880
      Gogol (1) 1840
      Tourguéniev (3) 1862
      Dostoïevski (7) 1871
      Tolstoï (6) 1880
      Tchékhov (3) 1888

      Andersen (2) 1837
      Ibsen (1) 1885+

      Pour les Pléiades appartenant à un domaine linguistique plus restreint (romans chinois, volumes indiens), je serais d’avis, malgré leurs possibles disparités d’époques, à les regrouper ensemble à la place chronologique la plus significative. Et d’isoler, au début par exemple, les volumes purement spirituels (chrétiens), hors mystiques : Bible, Écrits apocryphes, Premiers écrits, intertestamentaires, gnostiques … qui sont d’ailleurs signalés d’une autre couleur de reliure.

      En espérant que ce classement pourra vous être utile,
      Bien à vous,
      Séraphin Calobarsy

      • Voila la même liste avec tous les domaines linguistiques mélangés pour ceux qui prendraient cette deuxième option. J’avais distingué les langues par couleur mais elles n’apparaissent pas ici :

        Romantiques allemands (2)
        Goethe (2)
        Hölderlin (1)
        Chateaubriand (5) 1802
        Scott (2) 1815
        Constant (1) 1817
        Las Cases (2) 1820-
        Lamartine (1) 1820+
        Courier (1) 1823
        Pouchkine – Griboïèdov – Lermontov (1) 1828 – 1823 – 1839 = 1830
        Vigny (2 – 3) 1832
        Musset (3) 1834
        De Quincey (1) 1835-
        Toqueville (3) 1835+
        Stendhal (5) 1836
        Balzac (16 – 18) 1836+
        Andersen (2) 1837
        Gogol (1) 1840
        Dickens (9) 1840
        Mérimée (1) 1840
        Poe (1) 1843
        Dumas (2) 1845
        Sand (2 – 3+) 1847
        Brontë (2 – 3) 1847
        Gautier (2) 1852
        Michelet (2) 1853
        Nerval (3) 1854-
        Melville (4) 1854
        Gobineau (3) 1854
        Fromentin (1) 1855
        Sainte-Beuve (5) 1855+
        Baudelaire (4) 1857
        Hugo (8 – 10) 1860
        Tourguéniev (3) 1862
        Flaubert (9 – 11) 1865
        d’Aurévilly (2) 1865
        Marx (4 – 5) 1867
        Lautréamont (1) 1869
        Daudet (3) 1869
        Dostoïevski (7) 1871
        Rimbaud (1) 1871
        Verlaine (2) 1872
        Cros – Corbière (1) 1873
        Verne (3) 1874
        Carroll (1) 1875
        Leskov – Saltykov-Chtchédrine (1) 1873+ – 1880
        Mallarmé (2) 1877
        Tolstoï (6) 1880
        Vallès (2) 1881
        Twain (1) 1882
        Nouveau (0,5) 1882+
        Villiers de l’Isle-Adam (2) 1883+
        Stevenson (2) 1883+
        Zola (6) 1885-
        Nietzsche (1 – 3) 1885
        Maupassant (3) 1885
        Ibsen (1) 1885+
        Tchékhov (3) 1888
        Renard (3) 1893
        Wilde (1) 1895-
        James (5 – 6) 1895

        Séraphin Calobarsy

          • Eh bien oui, outre les Mémoires, Chateaubriand inaugure la littérature française du XIXe par trois publications majeures : Atala (1801), René (1802), et Génie du christianisme (1802). Il semble donc cohérent d’attacher l’auteur à sa gloire de ce début de siècle, alors que nait le petit Victor qui se réclamera de sa notoriété ses 14 ans venus. Quant à Balzac, beaucoup de critiques considèrent que 1836 fut sa plus intense année de production, entre Le Père Goriot, Le Lys dans la vallée, et Les Illusions perdues pour les plus connues.

            S. C.

      • Merci beaucoup. J’avais oublié les volumes spirituels de couleur grise que je classe pour ma part effectivement avant l’Antiquité. Votre méthode de classement est originale et mérite d’être connue.

  24. Autre question que je voulais poser depuis longtemps: le statut de ce que j’appellerais les « para-Pléiades », ces volumes qui sont liés à la collection sans en faire partie à part entière. Autrement dit: les agendas, les albums, les catalogues et les volumes « hors collection » qui paraissent depuis 2014 (Sade, Cervantès, Malraux). Ces derniers ayant déjà fait l’objet de vives discussions et de vives critiques (par ailleurs assez unanimes) ici, je voudrais me concentrer sur les autres. Pour ma part, j’achète chaque année les albums, je les garde et je les classe religieusement par ordre chronologique à l’orée de ma collection. Mais l’un d’entre vous disait ici même les lire et les revendre rapidement après, signifiant par là que ces volumes n’avaient pas grande valeur. Cela m’avait surpris. Par contre, je jette généralement les agendas en fin d’année après les avoir utilisés ainsi d’ailleurs que les catalogues annuels. Faut-il au contraire les garder? Ont-ils de la valeur ou bien sont-ce de purs produits marketing sans intérêt? Quelle est la politique de chacun sur ce sujet-là? Merci encore par avance de vos réponses pour éclairer ma propre pratique.

    • Il me semble que l’on peut jeter les catalogues annuels (j’ai cependant gardé celui de 1989 exceptionnel pour ses précisions) car ils sont fournis ou envoyés gratuitement à tout familier de la collection sauf si vous souhaitez faire une étude suivie des évolutions de marché (indisponibles, épuisés, etc). En revanche, les agendas sont superbes et personnellement, je les garde.

    • Je crois me reconnaître dans celui qui « après avoir lu les albums les revend rapidement »… Pour autant, je ne voulais pas porter un jugement de valeur sur lesdits albums (si cela était, il faudrait l’adapter à chaque album, leur « valeur » respective étant très variable).
      En fait, je les revends pour… me protéger. Tout d’abord du risque de tomber dans une forme de fétichisme à l’égard des auteurs (genre « club de fans »). Ensuite, pour éviter la tentation de rechercher les albums anciens, beaucoup trop chers, pour compléter la collection.
      Il y a bien une troisième raison, mais elle est si vulgaire que j’hésite à l’avouer… tant pis, donnons des verges pour se faire battre ! Il est vrai qu’un album, vendu à coup sûr sur internet 30€ quelques jours après sa parution, m’aide à acheter un volume Pléiade supplémentaire… Vous voyez que nous sommes loin des hautes spéculations intellectuelles..

      • Merci de votre réponse et de votre « confession » publique! Cela dit, le fait de collectionner les albums depuis 2000 ne m’a personnellement jamais poussé à chercher les anciens, dont certains sont effectivement hors de prix. Quand je les regarde en occasion dans certaines vitrines sous verre, je ne m’imagine pas les acheter à l’instar des volumes « normaux » de la collection. Peut-être que ça changera dans les années à venir si mes moyens financier évoluent mais je dois dire que payer un album d’occasion 100€ ou plus, soit presque le prix de deux volumes neufs de la collection, ça me fait un peu mal. Je prends l’album chaque année au printemps par habitude et parce que ça me donne une bonne raison d’acheter trois volumes de la collection d’un coup. Et puis le fait de ne pas remonter en deçà de 2000 dans les albums me permet aussi de dater symboliquement l’année où j’ai commencé à m’intéresser à la collection…

        • Mon choix est éminemment subjectif, puisque je parle bien sûr de mon vice personnel : je me connais trop pour ne pas savoir que la « manie de la collection » risque de me prendre très vite, et que, en voyant s’aligner dix ou quinze albums sur mon rayonnage, je cèderais au désir d’avoir celui-ci que j’ai manqué, puis celui-là, puis, peu à peu, tous…

      • J’ai quelques albums, mais je ne cours pas après. Payer 250€ pour une courte vie illustrée de Balzac ou de Zola, c’est faire passer la collectionnite avant la littérature, le fétiche avant l’art. Par héritage, j’ai récupéré quelques anciens albums, je les ai gardés – plus pour la charge émotionnelle qui me relie au défunt que par pléiadomanie impénitente. Les tirages spéciaux ne m’intéressent pas du tout, mais je ne cherche pas à en détourner les autres.
        En revanche, je ne jette pas les catalogues, ils me sont parfois très utiles pour vérifier l’évolution de l’indisponibilité d’un volume (ou son prix, lorsque des retirages font grimper de quelques € un ouvrage) ; je regrette même de ne pas en avoir plus datant des années 90. Le fameux catalogue 89 aura été très utile pour ce blog par exemple.
        Je ne me sers jamais d’agenda (ma mémoire suffit), il ne me sert qu’une fois, pour piocher des informations sur les parutions à venir.

        • Dont acte, cher Brumes. Les amateurs de la Pléiade ne sont donc pas tous des fétichistes au dernier degré et peuvent faire preuve de discernement dans l’exercice même de leur passion. J’attends les réponses d’autres participants du blog pour avoir un écho de leur pratique sur ce terrain.

          • Bien que participant peu à ce blog, je vous livre ma pratique personnelle : je garde les albums que j’ai eus gratuitement en achetant 3 pléiades, soit tous les albums depuis 1981, mais ne cherche pas à acquérir les albums antérieurs. Concernant les catalogues, je les garde 2 ans avant de m’en débarrasser (excepté celui de 1989, que j’ai conservé précieusement, mais maintenant que j’ai découvert ce blog il ne me parait plus utile). Enfin, mon classement des pléiades eux-mêmes, rassemblés sur des étagères adaptées à leur format dans plusieurs pièces de mon appartement, se fait d’abord selon des thématiques (par exemple : littérature orientale), puis à l’intérieur d’une thématique par affinités, puis par ordre chronologique.

        • J’ajouterais une autre raison : je sais que, durant le temps qui me reste à vivre, je replongerai – plus ou moins profondément – dans les oeuvres de Proust, Shakespeare, Nerval et tant d’autres, et rouvrirai les Pléiades qui leur sont consacrées, tandis que je sais aussi certainement que je ne relirai pas les albums.
          Pour le reste (collectionite, fétichisme, etc.) je n’ai pas votre force d’âme, et connaissant mon humaine faiblesse, je préfère éloigner de moi la tentation.

  25. Bonsoir,
    Le site de La Pléiade annonce aujourd’hui même la parution en février de « Romans suivis de Le Vent Paraclet », sans aucune autre information, bien qu’il soit aisé d’en comprendre l’auteur, par ailleurs attendu : Michel Tournier. Donc un volume de fictions agrémenté d’une œuvre à double facette : récit autobiographique et réflexion sur la littérature et l’écriture.

    Bonne soirée à vous tous,
    Séraphin Calobarsy

  26. Comme je ne doute pas un instant que ce blog de référence soit lu par les gens de Gallimard, je lance une idée ; et cette fois, je ricane sous cape de savoir qu’il agit d’une graine qui ne pourra QUE germer (sous réserve des questions de droits d’auteur qui me dépassent). L’évidence est la suivante : il manque Darwin en Pléiade. Je ne reviens pas sur le fait que ses écrits ont changé l’humanité (et son regard sur elle-même). Au-delà du fait qu’il s’agisse d’un texte de référence, la seule « origine des espèces » a fait l’objet de modifications successives qui seraient un vrai rêve pour tout rédacteur d’appareil critique. Et en outre, la qualité littéraire de Darwin me semble assez flagrante. Je n’en dis pas plus ; laissons maintenant le temps faire son ouvrage (eh eh…)

    • Est-ce que beaucoup de gens ont lu directement des oeuvres de Darwin, en France, en-dehors des spécialistes ? Il ne me semble pas faire partie de notre bagage intellectuel, autrement que par tous les écrits qui y font référence. Ce serait peut-être une manière de réparer cette grave anomalie.

  27. Le titre « Romans gothiques » fut transformé (au dernier moment ?) en « Frankenstein et autres romans gothiques ». Je trouve que ce n’était pas, à l’époque, dans le sens des titres de la Pléiade. Mais n’était-ce pas pour être prolongé par un « Dracula et autres romans de vampires » ?

  28. Première intervention de ma part sur ce blog après plusieurs mois de lecture attentive.
    Je ne manquerai pas tout d’abord d’exprimer mes remerciements, en premier lieu à son initiateur puis à tous les contributeurs de ce blog pour le partage de leurs connaissances sur un de nos intérêts communs, la Bibliothèque de la Pléiade.
    Permettez moi ensuite de me livrer à quelques commentaires sur certains sujets abordés ci-dessus:
    N’en déplaise à certains esprits, peut-être chagrins mais je ne porterai pas de jugement: on peut être trentenaire, ne pas être enseignant, et pour autant avoir le goût voire la passion de la lecture, des livres et tant qu’à faire des beaux livres. Et j’aspire à faire partie de ces gens, sans prétention aucune.
    A propos des classifications de bibliothèques, j’avoue préférer le rangement par collection. Outre l’aspect esthétique, indéniable mais frivole, cela a aussi un aspect pratique en permettant d’optimiser les hauteurs d’étagère, que celui qui a la chance de ne jamais manquer de place dans sa bibliothèque me lance son premier livre… Mes Pléade sont donc rangés tous ensemble et plutôt par siècle à quelques exceptions près (j’ai rassemblé les ouvrages chinois et moyen-orientaux ensemble, toutes les encyclopédies de même, chaque album en revanche est avec les ouvrages de son auteur sauf quand je n’ai pas les volumes en question bien sûr). Au sein de chaque siècle j’ai tenté une classification par affinités, certes très personnelle, mais je reconnais exécrer l’ordre alphabétique qui me donne l’impression d’une bibliothèque universitaire dans laquelle je serais de fait réduit à parler en chuchotant!
    Enfin je voudrais proposer quelques auteurs que personnellement j’aimerais retrouver un jour en Pléiade, qui sait, si les éditeurs lisent ce blog, cela pourrait leur donner des idées et des bonnes puisque attendues par leurs lecteurs et acheteurs! Personnellement je citerais donc dans le désordre: Ovide, Cicéron, Gilgamesh, le Kalevala, Steinbeck, Kerouac, Durrell, Mann, Guillevic, Bosco, Kessel, le Dit du Genji, Segalen (je considère comme acquis puisque annoncés Gary, Tournier ou Perec). Liste à compléter…

    • En ce qui concerne l’optimisation de la hauteur des étagères, c’est un gros soucis que je partage. Trop de livres ou pas assez d’espace ? J’en arrive à devoir mettre deux rangées en profondeur sur la même étagère, ce qui n’est pas idéal, question visibilité et accessibilité de la rangée du fond. J’essaie de pallier (en partie) cet inconvénient, en surélevant quelque peu – grâce à une planchette surnuméraire, la rangée du fond, ce qui me permet d’apercevoir au moins la moitié supérieure des livres du fond. Ainsi, je mets l’équivalent de deux rangées de livres sur l’équivalent d’une étagère et demi, gain de place non négligeable – et je rêve d’avoir d’avoir deux épaisseurs de bibliothèque, dont une amovible soulissant sur des rails… Mais cela restera un rêve. Déjà que mes visiteurs sont partagés entre les « Ah ! » les « Oh ! » et les « Au fou ! »

      • Le « d’avoir d’avoir » est une simple erreur de frappe ou bien (moi qui n’aime guère cet éminent auteur) un lapsus freudien relié au fantasme de double bibliothèque…

  29. Je pense que l’info a déjà été donnée, mais mon libraire me demande si je souhaite les sorties de janvier / février (je cite) :

    janvier : Kundera, oeuvre tome 2, l’éditeur sort un coffret avec le time 1 et 2 pour ceux qui n’ont pas eu le tome 1.

    fevrier : Tournier, Michel (1924-2016) Romans Réunit :
    Vendredi ou Les limbes du Pacifique
    Le roi des Aulnes
    Vendredi ou La vie sauvage
    Les météores
    Gaspard, Melchior et Balthazar
    Gilles et Jeanne
    Suivi de Le vent Paraclet

  30. @SzenesDomonkos. La non-présence de Darwin dans la Pléiade fait écho à l’absence de Freud dans la même collection. C’est quelque chose qui semble étrange, vu l’importance énorme de ces deux grands savants dans l’Histoire des idées. Un volume anthologique d’oeuvres de Freud dans la Pléiade serait chose très facile à concevoir et à vendre : la plupart de ses textes sont assez courts, et, comme disait Keynes, Freud écrivait pour être lu par tout le monde – tout en s’exprimant dans une très belle langue. On peut donc imaginer qu’un volume-Freud relié de cuir havane se vendrait bien.
    Le cas de Darwin est beaucoup plus compliqué selon moi. D’abord, ici en France, il est infiniment plus souterrain que Freud, c’est-à-dire peu lu. Ensuite ses livres majeurs (« L’Origine des espèces », « La Filiation de l’homme », etc.) sont souvent très longs, complexes, peu maniables, et – sans être mauvaise langue -, certains de leurs chapitres ont vieilli. Enfin, Darwin n’a pas le talent littéraire d’un Freud, d’un Aristote ou d’un Pline (ce qui pour la Pléiade pose tout de même un problème). On pourrait certes imaginer un volume vert-émeraude rassemblant le « Voyage du Beagle » et « L’Origine des espèces », mais, de toute façon, une fois commercialisé, ce tome se heurterait selon moi à la quasi-indifférence du grand public cultivé (cible de la Pléiade). Il ne se vendrait donc qu’en quantité négligeable. J’ajoute – et Brumes sera sans doute d’accord avec moi – que l’orientation récente de la collection, qui parie désormais volontiers sur des auteurs faciles et aisément vendables (D’Ormesson, Vian, London, etc.), rend très improbable une future parution de Darwin dans la Pléiade.
    Pour clore avec légèreté ce commentaire pédant où je n’ai que trop péroré (comme d’habitude), j’aimerais partager à mon tour ma manière de ranger mes pléiades dans ma bibliothèque. En fait c’est très simple : au fur et à mesure que je les achète, je les range les unes à côté des autres sans me poser de questions. Cela règle le problème en trois secondes.
    Bonne semaine à tous !

    • L’ouragan Geo vient de noyer ma pauv’ ‘tite graine.

      Ceci dit, une remarque : une des particularités de Darwin était précisément d’avoir, comme Freud, publié un livre plutôt grand public, et qui fut très lu (en son temps, du moins). L’oeuvre de Darwin est plus épaisse, certes ; certains passages ont peut être vieilli (mais peut-être parce que, justement, ils relèvent plus d’une démarche scientifique dont les idées se sont un peu périmées que celle de notre filou de Freud aux thèses assénées, indémontrables et donc à l’obsolescence plus lente). La langue en est belle pour ce que j’en ai lu.

      D’accord avec vous pour l’aspect commercial ; j’ai failli souligner ce point dans mon intervention avant de me raviser (met-on du poison dans la terre où l’on plante ?), car Darwin serait-il moins lu par le public des Pléiades que d’autres auteurs déjà publiés et assez confidentiels (ou même que Pline l’ancien, excusez-moi si je m’égare car j’ai beaucoup de sympathie pour lui ; mais qui le lit réellement) ?

      Pour clore : votre désinvolture dans le classement est rafraîchissante et remet les choses à leur importance ; mais comment diable retrouvez-vous vos livres lorsqu’il s’agit, non plus de les classer, mais de les reprendre ?

      • Je les retrouve au feeling. Parfois ça prend du temps. Mais vous savez que les lecteurs désordonnés se retrouvent toujours dans leur désordre.
        Tout à fait d’accord avec vous sur Darwin. Vous avez vu des choses sur lui auxquelles je n’avais pas pensé. Vous êtes cependant très chevaleresque concernant sa manière d’écrire, que je trouve un peu… grise, disons… Mais bon : ce n’est qu’un jugement personnel, et (heureusement) il n’a pas valeur de généralité.
        Passez une bonne semaine.

    • Excellent le coup du rangement au fur et à mesure des achats… D’une subjectivité réjouissante… Et, comme ça, pour votre plaisir personnel, vous avez la chronologie de vos achats et de vos découvertes en Pléiade… Je suis peut-être converti…

      • Bah, pour le coup je ravale ma question sur « êtes-vous plutôt coffret Pléiade ou pas coffret ? » ; Geo s’en moque bien. Il arrache les Pléiade avec ses dents après lecture (dents qu’il ne brosse plus), puis il brûle la maison et s’en va dans la nuit en haussant les épaules.
        (Excusez-moi, je suis fatigué).

          • Ah pas nécessairement. Je suis tolérant sur ce pluriel, je ne sais jamais s’il faut ou non accorder ce nom propre. Un volume de la Pléiade, des volumes de la Pléiade, un Pléiade, des Pléiade(s?). Un excellent écrivain et professeur de lettres dans le civil dit des « Pléiade ».

  31. J’ai passé, il y a peu, le certificat Voltaire (pour rire) ; dans mes quelques notes préparatoires, j’ai inscrit :

    « Noms de personnes = invariables
    Sauf :
    – dynasties royales ou princières (les Bourbons, les Stuarts…)
    – utilisés comme noms communs (des dons Juans, des Picassos) »

    Ce qui est valable pour des noms propres doit bien l’être autant pour des objets célestes/groupements littéraires devenus livres.

    • (Mais un coup d’oeil dans le Grevisse m’informe qu’il y a effectivement peu de certitudes dans le domaine)

      Retournons aux sources : Le site de la Pleiade semble avoir adopté le singulier.

      Déjà que j’ai subi l’ouragan Geo, je ne vais pas contredire un professeur de littérature.

      Pour ma part, je vais accorder. Sinon, c’est l’anarchie, la débandade, la fin de la civilisation. (Oui, toujours fatigué).

    • En astronomie, on dit Les Pléiades pour parler d’un objet céleste qui est un amas d’étoiles (qui ne sont pas là des étoiles filantes), précisément celui portant le numéro 45 dans le catalogue de Messier. S’il y a une bibliothèque de La Pléiade, peut-on dire que nos bibliothèques contiennent des amas de Pléiades ?

  32. @DraaKfutlà. Vous avez un grand sens de l’humour, que j’apprécie beaucoup. Szenes Domonkos est lui aussi un artiste en matière d’ironie légère et de moquerie spirituelle – avec un côté très « british ». C’est ce qui rend en partie ce blog si attrayant.
    Il va falloir que je raréfie plus encore mes posts… J’ai le don de susciter la polémique… Bon : je vous promets à tous de garder le silence pendant plusieurs mois. Bien à vous !

    • Point de polémique mais une conversation entre gens du meilleur monde… Je vous en prie, ne quittez point notre petit salon littéraire, vous y laisseriez un vide. (Je vous jure que ce n’est pas de l’ironie, british or not ! Sincérité totale.)

      • Au fait, qu’est-ce qui motive de votre part cette flatteuse flatterie ? Qu’attendez-vous de moi en retour ?
        Je vous avertis : pour rien au monde je ne vous cèderais une de mes Pléiade/pléiades (eh oui, je ne parviens pas à me décider, nom commun variable ou nom propre invariable ?… ) et, par-dessus tout, un de mes Jules Verne ! (Sans « s » ?… Il est vrai qu’avec un « s » on pourrait le confondre avec l’immortel auteur des « Bob Morane »…)
        Ainsi aurait parlé, en de semblables circonstances, Raymond Roussel.

        • @SzenesDomonkos. Mais je ne suis motivé par rien… Cette flatteuse flatterie dont vous parlez vous la méritez tout simplement. Ecoutez : lorsque l’on voit le mélange de médiocrité et d’ignorance des commentaires présents sur les autres blogs, ou dans les rez-de-chaussée des articles de la grande presse numérique (on ne peut pas faire pire en la matière), on est invariablement heureux de retourner sur le site de Brumes et de prendre connaissance des derniers posts, qui sont tous du meilleur goût.
          Blague à part, vous avez raison de ne pas vouloir me prêter vos pléiades, et parmi elles vos sacro-saints Jules-Verne… Savez-vous pourquoi ? En matière de rhodoïds, d’étuis et de coffrets (je rebondis sur un commentaire récent de Draakfutlà, qui souhait demander aux autres : êtes-vous plutôt coffret, ou pas coffret ?), je me conduis toujours en vandale. Je viens à peine d’acheter une pléiade que je lui enlève son rhodoïd et son étui (ou bien son rhodoïd et son coffret), avant de jeter ces deux derniers à la poubelle. Bref je ne garde que le livre en lui-même, comme le faisaient les lecteurs du XVIIIe. Désolé de vous arracher au passage un soupir d’épouvante… Bien à vous !

          • Cher Szenes Domonkos, vous vous interrogez sur l’intention d’un compliment. Curieuse question. Parlez-moi de votre enfance…

            Ma question à Geo serait plutôt : pourquoi cette menace de silence ? Vous n’avez bien évidemment fâché personne. Les avis contraires sont bienvenus ; c’est même pour cela qu’on discute.

            J’en ai profité pour relire toutes vos interventions (pour estimer le dommage) ; il est évident que ce blog perdrait beaucoup à ne pas vous lire. Si vous nous menacez de vous taire, alors c’est moi qui part. Et si le différend persiste, retrouvons nous à l’aube, sous le regard de nos témoins.

            (Ceci dit, vous l’avez confirmé, mais je me doutais bien que vous étiez un vandale de la pire espèce)

          • Admirable rusticité ! Quelle éducation spartiate vous faites subir à vos Pléiades, tandis que nous autres, décadents, leur aménageons une existence de véritables sybarites, qui les laissent désarmés face aux épreuves de la vie.

  33. Ah oui, là je suis très étonné, j’avoue. Même si j’enlève le volume de son rhodoïd et de son coffret pour le le lire, je les garde tous les deux religieusement quand les volumes sont rangés pour les protéger. Décidément, diversité des pratiques chez les pléiadophiles…

    • Vous enlevez le volume de son coffret pour le lire ? Je crois qu’il y a une belle unanimité sur la question.

      Je plaisante, mais c’est sur ce blog que j’ai pris l’idée d’enlever le rhodoïd pour la lecture. Ça ne m’était même jamais venu à l’esprit ; quel confort, depuis !

  34. Bonjour à tous,
    Je suis vos interventions avec beaucoup d’intérêt, le plus réjouissant étant pour moi de constater la variété des lecteurs de La Pleïade, et qui démontre que la littérature n’est jamais une chose figée, et que l’on soit étudiant ou professeur, érudit ou amateur, rêveur ou chercheur, que l’on y cherche plaisir, savoir, divertissement ou raffinement esthétique, la Bibliothèque de la Pleïade a su répondre à la diversité des amoureux de la littérature, dont les facettes sont innombrables.
    Donc merci à l’auteur de ce blog d’avoir su provoquer un tel flot de commentaires, tonique pour l’esprit curieux, et ayant lu qu’il traverse une période difficile, je ne peux que lui souhaiter le retour rapide de jours meilleurs.
    Je commencerai en commentant les choix éditoriaux de la Pleïade en matière d’écrivains populaires, tant ces choix semblent nourrir beaucoup d’interrogations, de déceptions voire de la colère. En ce qui me concerne, le seul couac de la Pleïade est la publication de Jean d’Ormesson, qui ne peut s’expliquer que par la volonté d’Antoine Gallimard de faire plaisir au médiatique académicien, ce qui s’appelle un privilège, tout en ayant en tête que cette générosité n’était pas forcément désintéressée, au regard du nombre d’exemplaires vendus et qui laisse augurer d’un second tome. Au risque de jeter une ombre sur la collection entière. Je n’ai rien contre Jean d’Ormesson, mais bon, j’ai bien conscience de répéter ce que d’autres ont dit à maintes reprises auparavant : quitte à satisfaire un vieillard certes sympathique de son vivant, n’y avait-il priorité à donner par exemple à Michel Tournier ? Il est vrai que cette édition Jean d’O a été établie au pas de charge, et il semblerait qu’on soit loin des années de gestation et de recherches que demandent souvent la publication d’un nouveau volume de La Pleïade. Mais je ferme les yeux sur ce galimatias gallimardien, en gageant que Gracq, Jaccottet ou Tournier s’en remettront… et en espérant que cela restera un cas isolé.
    Pour le reste, je ne peux mettre dans le même sac d’Ormesson, Vian et London – comme je l’ai vu plus haut. Je ne suis pas un grand amateur de Vian, je trouve son oeuvre amusante mais anecdotique, mais je comprends l’intérêt que certains lui portent – et ayant passé un peu de temps avec celui qui a mis en chantier cette édition, je ne peux qu’admettre qu’il en parlait très bien. Dès lors, je ne peux que m’incliner.
    Le cas London me semble en revanche ne pas mériter de controverses : l’auteur de Call of the Wild est assurément un écrivain majeur de la littérature américaine, et sa popularité, qui passe en partie par l’étiquette « auteur pour enfants » dans laquelle il a été trop longtemps confiné, ne le fait en rien démériter. Ayant acquis le coffret de 2 volumes ( petite digression : j’aime les publications en coffret, qui permettent de retrouver les jaquettes d’antan sous rhodoïd dans un coffret cartonné imprimé de bien meilleure qualité que les emboitages imprimés et vilainement pliés en cours depuis quelques années – même si je fais la moue sur le choix des couleurs fluo violet et jaune pour London), le Londonien que je suis -et qui possède déjà les éditions de Lacassin chez 10/18 et Laffont, des EO avec les traductions de Postif, et une grande partie de la réédition Phébus avec qui cette édition Pleïade rentre réellement en concurrence – est très heureux de cette publication sous la houlette de Jaworski, qui a fait un très beau travail éditorial. Le gros point fort de cette édition est le regroupement des meilleures et très nombreuse nouvelles de London, éparpillées autrement dans de nouvelles traductions. SF, pamphlet, anticipation, essais, récits autobiographiques, et depuis la nouvelle « Construire un feu » (la préférée de Lénine) jusqu’à « La conjuration des anciens » (traduit par « La ligue des vieux » chez Phébus et que London considérait comme sa meilleure nouvelle), London est un écrivain qui, pour le coup, mérite d’être désigné comme « aux sources de notre modernité » – pour reprendre une expression tarte à la crème dont abuse les critiques. Cela me permet de faire une digression et de constater à quel point la littérature a été en avance sur le cinéma : si vous songez que London était le contemporain de Tom Mix, et quand vous lisez ces récits indiens (comme « La conjuration des anciens »), vous vous rendez compte qu’il faudra attendre les années 60 et 70 pour que le western parvienne à un tel traitement. Enfin, j’apprécie que cette édition fasse figurer des illustrations d’époque (je regrette juste que la belle couverture originale, tant qu’à faire, de Call of the wild n’y figure pas). Depuis quelques années, la Pleïade publie certains auteurs avec des illustrations – Andersen, Prévert… Si pour certains auteurs comme Michaux, les dessins font partie intégrante de l’oeuvre et leur présence n’est évidemment pas à remettre en question, on peut néanmoins s’interroger sur le bien-fondé d' »images » dans la Bibliothèque de La Pleïade, ou plutôt, sur les critères qui décident de leur présence ou non. Pourquoi publier des illustrations pour London ou Andersen, et non pour Les 1001 nuits ou Marcel Aymé ( et il n’y là aucun regret de ma part) ? Les auteurs de nouvelles et de contes, « pour tous les âges », y sont évidemment prédisposés – et je suppose que par exemple, si le volume Lagerlöf voit le jour, il en bénéficiera également – à la suite d’Actes Sud.
    Effectivement, pour faire écho à ce qui a été dit plus haut, La Pleïade développe la littérature américaine – après Melville, Twain, maintenant London, il manque effectivement Hawthorne. Quel auteur américain fut le premier à rentrer dans la Pleiade et en quelle année ?
    J’espère que la Pleiade ne s’arrêtera pas en si bon chemin, tant quelques auteurs du XXème y méritent leur place. Des connus et incontournables, tel Salinger dont l’oeuvre assez courte est quand même une pierre d’angle de la littérature américaine contemporaine. Je pense que William Styron le mérite également – et c’est un auteur Gallimard. La publication d’autres auteurs moins connus en France permettrait une reconnaissance méritée : je pense notamment à Willa Cather (1873-1947), dont l’oeuvre est immense, d’un grand raffinement, avec des accents proustiens par moment. Je m’étonne que l’oeuvre de cette femme (publiée chez Rivages) ne soit pas plus reconnue en France. Son influence palpable jusqu’à Jim Harrison est considérable.
    Un autre catalogue mérite d’être développée également, c’est celui de la littérature scandinave, assez pauvre : on parle du Lagerlöf, ce qui serait évidemment une bonne chose. Mais l’absence d’un auteur comme Strindberg me semble assez frappante. Knut Hamsun également. Tarjei Vesaas, génial auteur norvégien de « Palais de glace » et de « Les Oiseaux », le mérite également – et Régis Boyer s’y collerait avec joie et en nous faisant profiter de l’érudition qui est la sienne.
    Bon week-end.

    • Merci pour votre commentaire. Je réagis seulement aux détails ce soir :
      – premier auteur américain à la Pléiade : Ernest Hemingway (premier volume paru en décembre 1966, second en 1969), suivi par Faulkner en 1977, Melville en 1997, James en 2003, Fitzgerald en 2012, Twain en 2015 et London en 2016 (on notera l’accélération récente). Hawthorne (parfaitement légitime en effet) est en préparation paraît-il.
      – sur les illustrations : mon hypothèse est double : la possibilité technique à un coût raisonnable doit être assez récente si j’en crois mes souvenirs de la Lettre de la Pléiade ; l’adjonction des illustrations n’a dû devenir légitime aux yeux de la vieille maison Gallimard qu’assez récemment.
      – sur la littérature scandinave : l’absence de Strindberg est incompréhensible, ne serait-ce que pour son importance, comparable à celle d’Ibsen, dans l’histoire du théâtre ; les autres auteurs scandinaves peuvent attendre (pour le dire vite et sans jugement de valeur) que soient mieux traités les grands auteurs allemands et italiens (ce qui n’arrivera probablement pas, la mode étant clairement du côté de la littérature anglo-américaine : 17 des 60 derniers volumes parus, contre 5 pour les littératures allemande, italienne et espagnole cumulées). Il y a un intérêt certain pour la littérature populaire scandinave en France, mais s’étend-il aux « grands » auteurs ? Ce n’est que mon opinion, et elle a suscité diverses petites polémiques ici-même, mais j’éprouve un intérêt et un enthousiasme assez limité pour la littérature américaine, dont la grandeur me paraît largement la conséquence de la domination culturelle des USA (cela ne m’empêche pas de reconnaître l’importance et la qualité des œuvres de Hawthorne, Melville ou Faulkner, mais j’ai beaucoup de mal à éprouver un pareil enthousiasme envers des auteurs révérés ici bas comme Jonathan Franzen, Richard Ford, Joyce Carol Oates ou Joseph O’Neill). [cela n’engage que moi, et je sais toute la diversité de la littérature états-unienne]
      – sur London : je me suis laissé tenter mais n’ai pas encore ouvert les volumes, je pense néanmoins qu’on peut faire confiance généralement au travail de/supervisé par Ph.Jaworski.
      – sur M. d’Ormesson… que voulez-vous… comme le disait M. Chevillard dans un article critique du Monde des Livres cette semaine, M. d’Ormesson est largement une créature médiatique, née assez récemment malgré son âge, dès lors que la télévision s’est aperçue que le sémillant vieillard était ce qu’il convient d’appeler « un bon client ». Ses innombrables livres s’arrachent depuis lors (vous noterez qu’il a fait paraître les trois quarts de ses livres après ses 70 ans – après que la télévision l’a porté au pinacle comme écrivain et homme de culture). Un article de Vanity Fair, que j’avais mis en lien un peu plus haut, expliquait bien qu’il s’agissait pour Gallimard de profiter de cette popularité, et de s’offrir une vente rentable (et de faire plaisir à un ami de la maison). Le pari a été largement tenu. J’ai déjà dit ce que j’en pensais.

      • Si je puis me permettre, mon cher Brumes, il me semble que le premier écrivain américain paru dans la Pléiade est Edgar Poe qui porte le n°2 du catalogue. Il est vrai qu’il fait suite au Baudelaire et que ce sont les traductions de ce dernier. On peut alors estimer aussi que Poe appartient plutôt à la littérature française.

          • Merci pour vos réponses et ces précisions. Poe, Hemingway, Faulkner, Melville, Fitzgerald, Twain, London. Pour Henry James, faut-il le considérer vraiment comme un auteur américain et contrarier les volontés, certes tardives, de l’écrivain d’adopter la nationalité britannique ? Inversement, il y a le cas Nabokov : difficile de ne pas considérer l’auteur de Lolita comme un romancier américain.
            Concernant la littérature américaine, je comprends vos réticences – même si je ne les partage pas. En ce qui me concerne 8 ou 9 écrivains pour représenter la littérature américaine me semblent quand même un peu mince. Nous n’avons pas cité le nom de Fenimore Cooper, non moins légitime qu’Hawthorne. Surtout si on considère la reconnaissance dont il a joui de son vivant en France, je pense notamment à Balzac. Après les auteurs choisis pour le XXème me semblent très consensuels – et de fait justifiés (Fitzgerald, Faulkner, Hemingway). Reste à ouvrir cette « short list ». Il me semble avoir vu citer le nom de Roth comme une publication possible. Pourquoi pas, même si je ne suis pas un grand amateur, et les noms que j’ai déjà cités me semble à mon sens plus urgent.
            Il faut peut-être aussi souligner qu’une partie non négligeable de l’importance littéraire américaine du XXème provient de la littérature de genre – romans noirs, policiers, science-fiction – que La Pléiade, à tort ou à raison, ne semble pas destinée à publier.

          • Henry James n’a demandé la nationalité anglaise qu’au moment de la première guerre mondiale, par solidarité avec le peuple britannique. Il serait mort en 1914, il serait mort américain. Il paraît difficile de lui dénier ses attaches américaines, lui qui a consacré une partie de son œuvre à explorer les difficultés éprouvées par des Américains de la haute société en Europe. Je serais prêt à en discuter pour Eliot (encore que l’expérience américaine soit dans un sens fondatrice chez lui ; mais il est devenu Anglais assez tôt et a même poussé le vice jusqu’à devenir anglican) mais pas pour James.
            Pour Roth, je n’ai lu qu’un roman de lui mais j’avais trouvé cela assez finement construit et plutôt riche, avec du matériau intéressant pour une analyse approfondie. Il est de bon ton, depuis quelques années de le faire descendre (ici ou en Amérique) du piédestal où une certaine critique parfois complaisante l’a juché. Je trouve cet iconoclasme exagéré, à la mesure de l’iconodoulie antérieure. (Idem pour Don DeLillo, de plus en plus mal vu en Amérique). Pour résumer… Le problème de la littérature américaine avait été bien vu par Gore Vidal, dans un entretien avec la Paris Review : trop de bavardage inconsistant, de longueurs narratives et de dialogues rasoir dans des romans souvent trop diserts (une phrase en vaut toujours une autre, Big is beautiful, résultat : une prolixité molle).

          • Petit ajout considérant les illustrations : il me semble qu’elles apparaissent pour la première fois en 1992. C’est l’année de l’édition des oeuvres de Prévert (avril), et du premier volume des oeuvres d’Andersen (novembre).
            C’est aussi à cette époque que la couleur fait son apparition dans les albums – ce qui laisse effectivement penser que l’imprimerie a du à cette époque bénéficier d’un progrès technologique rendant possible ces évolutions à un coût raisonnable.
            De mémoire, l’album Sartre (1991) est encore en noir et blanc (je l’ai possédé il y a très longtemps avant de le revendre). L’album Prévert de 1992 est, je crois, en couleurs.
            Que quelqu’un me corrige si je me trompe.

          • Je ne suis pas assez familier de l’oeuvre de James pour pouvoir en discuter plus avant – mais je comprends vos arguments qui font sens.
            En revanche, la remarque de Gore Vidal, malgré sa part de vérité (elle s’applique très bien à un auteur inégal comme Jim Harrison par exemple), comporte cependant le risque d’une généralisation hâtive. L’oeuvre de Salinger, selon moi « pleiadisable », me semble aux antipodes de cette analyse. Celle de Willa Cather également. Auteurs très différents et incontournables de la littérature américaine.

          • La remarque de Vidal est bien de lui, provocatrice. Je l’admets mais j’aimerais qu’un jour on puisse discuter de la valeur de chaque « grande » œuvre américaine avec un regard moins troublé par notre relation d’amour-haine avec les USA. Le bavardage inégal peut parfois contenir des pépites, je l’admets mais je manque de patience pour les chercher… et il y a un culte de la quantité qui me fatigue en tant qu’Européen (exemple : le nombre faramineux de pages écrites par Mme Oates, la longueur exagérée des romans journalistiques de Tom Wolfe ou de William Vollmann, la longueur des livres de Foster Wallace ou de quantité de post-modernes (Barth, Pynchon, etc.)

          • Peut-être à l’inverse devrions-nous considérer que la concision est une spécificité française. Car la longueur narrative me semble caractériser également le roman anglais depuis deux siècles (Sterne, Thackeray – autres grands absents de la Pleïade-, Dickens), mais le roman allemand au XXème ne me semble pas en reste (Musil, Broch), de même que le russe (Grossman…). Nos romanciers français semblent peu diserts en comparaison.
            Il y a assurément un souci du détail, souvent nourri par une documentation abondante, qui participe à cette longueur du récit américain – depuis Melville jusqu’à Ellroy. J’admets que cela ne me dérange pas si le récit me plaît. Dans le cas de Wolfe, que j’affectionne particulièrement, je ne peux m’empêcher de le considérer comme un descendant de Zola, et de regretter que ce travail d’observation critique de l’Amérique d’aujourd’hui, comparable à celui de Zola et du Second Empire, soit sans équivalent pour la France de la Vème république – l’influence de Zola et de Balzac est aujourd’hui beaucoup plus profonde dans la littérature américaine que française. Cette relation amour-haine avec les USA n’est peut-être au fond qu’une manifestation supplémentaire du mal-être français, dont le manque d’estime de nous-mêmes est une caractéristique récurrente depuis quelques décennies.

      • « D’Ormesson, créature médiatique » je vous l’accorde, mais « née assez récemment », hum, ça remonte tout de même aux années 70 où on le voyait très régulièrement à Apostrophes, il s’y montrait comme un très brillant causeur (c’est d’ailleurs à cette époque là que j’ai lu un de ses romans, pour la première et dernière fois)

        • Sa vogue incroyable date surtout des 20 dernières années, où il a commis la plupart de ses opuscules dans une approbation publique généralisée, et avec des tirages remarquables (malgré le mépris grandissant de la critique installée). Je ne connais pas d’autre auteur qui ait commis 3/4 de ses livres passé 70 ans (Henry Bauchau éventuellement).

          • Le « Big is beautiful » et la prolixité de nombreux auteurs américains me semblent largement tempérés par ‘un « Small is beautiful » tout aussi valable, tant la nouvelle est une forme littéraire très prisée aux USA. Evidemment Carver ou Salinger. Mais la plupart des écrivains américains ont écrit énormément de nouvelles (Cather encore, McCullers, Fante, Mailer, Roth, Styron..), un écrivain comme Harrison y a donné le meilleur de lui-même à mon goût. C’est particulièrement frappant dans la littérature de genres, que ce soit le polar (de Thompson à Ellroy – à qui le Big is beautiful pourrait facilement être reproché par ailleurs – en passant par Elmore Leonard ou Donald Westlake), le fantastique (Poe, Lovecraft, King), et évidemment la S-F à qui les nouvelles ont donné parmi les plus belles oeuvres (Silverberg, K.Dick, Asimov). On pourrait aussi citer le western, dont on a du mal à percevoir en France qu’avant d’être un genre cinématographique, il a d’abord été littéraire : sans parler des nouvelles de London, il faudrait citer O’Henry, et surtout la grande Dorothy Johnson, trop méconnue en France, extra-ordinaire romancière, dont les nouvelles remarquables ont été le point de départ de nombreux classiques du cinéma.
            Ce goût des auteurs américains pour la « short fiction » rencontre celui du public lecteur aux Etats-Unis. Comme le remarque un des participants à ce forum, le manque d’intérêt pour la nouvelle en France est un peu désolant, au pays de Maupassant, Villiers de l’Isle Adam, Barbey d’Aurevilly et de Théophile Gautier. On a l’impression que la nouvelle est perçue aujourd’hui comme passage formateur pour le jeune écrivain, une sorte d’étape intermédiaire menant au sérieux et à la densité du roman. Est-ce parce que ces deux figures imposantes que sont Proust et Céline ont défini, plus ou moins malgré eux, une certaine idée de la littérature française au XXème siècle ? Si Marcel Aymé s’en sort bien et que son succès populaire ne s’est jamais démenti (ceci expliquant partiellement le mépris universitaire et critique dont il a longtemps fait l’objet), des auteurs fascinants – et n’ayant quasiment écrit que des nouvelles – comme Marcel Schwob ou, bien plus récemment, Claude Seignolle ne me semblent pas avoir la reconnaissance qu’ils méritent. Sans rien enlever au travail formidable de Phébus, Schwob mériterait sa place dans la Pleïade (polémique : XIXème ou XXème ? Pour moi XXème…) ne serait-ce que pour le sortir de l’ombre.

          • Pour répondre plaisamment à votre message judicieux, je dirais que les Américains écrivent des romans qu’ils qualifient de « novels » et que nos écrivains publient des nouvelles que les éditeurs s’empressent d’appeler « romans » (vous savez le petit « roman » de la rentrée littéraire : 220 pages, marge généreuse, police pour malvoyants, et deux heures et demie de lecture grand maximum)…

          • Votre réponse est au moins aussi malicieuse que mon commentaire était judicieux.
            Petite anecdote que je tiens d’une personne de chez Gallimard. Un essayiste rend son manuscrit, et lorsqu’on lui apporta l’épreuve (plus de 200 pages en « police pour malvoyants », comme vous dites si bien), il rayonna et s’écria dans un élan d’autosatisfaction émue « Je ne savais pas que j’avais écrit un livre aussi gros ». Il s’agissait d’Alain Finkielkraut.

  35. Exclusivité. Un de mes contacts bien informés m’a transmis le programme du premier semestre 2017 de la Bibliothèque de la Pléiade : Tournier, Faulkner VI (Nouvelles), Mme de Staël, Luther II, Perec I et II. Gallimard peut toujours changer un peu son programme (comme il l’a fait voici un certain temps en repoussant la publication de Virgile), mais je pense que son information est fiable. C’est ce même contact qui m’avait averti dès mars, de la parution à venir des volumes London. On notera que le volume VI de Faulkner suit de près le volume V, probablement pour achever la série lors du 40e anniversaire de la parution du premier volume. J’avais tort, par ailleurs, de penser que la série consacrée à Martin Luther était définitivement abandonnée. Le second volume paraîtra enfin, et sans coïncidence aucune, l’année du 500e anniversaire de l’affichage des 95 thèses de Wittemberg, 17 ans après le premier tome et 13 ans après l’achèvement du travail de préparation par le maître d’œuvre du volume ! Il faut noter, au bénéfice de Gallimard, que le premier volume s’est mal vendu, et qu’il y a une sorte de mérite à achever malgré tout la publication des œuvres d’un des pères de la langue allemande moderne. Enfin, cela ne surprendra personne, tant la rumeur avait filtré, on célébrera l’entrée à la Pléiade de Michel Tournier, Georges Perec et Mme de Staël.

  36. Bonsoir,

    Autre information de parution, « Dracula et autres récits de vampires » est programmé par Gallimard pour 2019, selon son maitre d’œuvre. « Christabel » (1797-1800), le poème inachevé de Coleridge, fera également partie du volume.

    Bien à vous,
    Séraphin Calobarsy

    • Merci pour les infos. Avez-vous les noms des autres oeuvres du volume : Carmilla de Sheridan Le Fanu ? La fiancée de Corinthe de Goethe ? La tombe de Lovecraft ? Nodier ? La famille du Vourdalak ? La dame pâle de Dumas ? Olalla de Stevenson ?

      • Bonjour cher Pléiadophile,

        Le 14 mai, alors que j’annonçais la parution de ce volume, j’évoquais son contenu certain et probable :
        « Le corpus, centré sur le XIXe siècle, comporterait avec certitude « Le vampire » de Polidori et « Dracula » de Bram Stocker (traduction en cours), avec de manière possible « Carmilla » de Sheridan Le Fanu, « Varney, le vampire » de James Malcolm Rymer, et « La Famille du vourdalak » d’Alexis Konstantinovich Tolstoï, et en fin de volume une possible iconographie (Nosferatu …). ».
        Les volumes que vous avez évoqué peuvent aussi figurer dans la liste des oeuvres probables. La traduction de Dracula vient d’être achevée, reste les autres ouvrages du corpus. Peut-être Gallimard songe-t-il pour 2019 à un Album Vampires ? Le thème reste très riche iconographique ment.

        Bonne soirée,
        Séraphin Calobarsy

      • Polidori ou Sheridan Le Fanu sont probablement incontournables… Ensuite, on plonge dans l’hypothétique… J’aimerais avoir de bonnes surprises, avec des textes moins « attendus » contrairement au volume « Frankenstein etc. » qui m’a beaucoup déçu par son conformisme : des textes « classiques » déjà cent fois vus dans d’autres recueil, et cette « accroche commerciale » représentée par Frankenstein qui, je le répète, n’a, à mes yeux, n’est pas pleinement légitime à figurer parmi trois ou quatre autres grands titres censés représenter le genre « Noir » ou « Gothique ».

        Mary Shelley se situe au coeur du Romantisme et on admet plutôt aujourd’hui que son roman emblématique inaugure (ou préfigure) le genre de la « Science-Fiction. Ce que vient confirmer un autre roman de Mary Shelley,n « Le dernier Homme » (roman d’anticipation au demeurant fort primitif sur le plan de la prospective scientifique – on est bien en-deça de Jules Verne et de H. G. Wells – et se rapprochant plutôt du conte philosophique ou, pour faire plus moderne, de la « politique fiction »). Jugé tout de même assez mémorable par certains – contre toute attente ? – pour servir de point de départ à deux adaptations cinématographiques au XXème s. : une première fois en 1924, une seconde en 2008 – en usant les deux fois des plus grandes libertés, jusqu’à la trahison totale et en surfant sur les thèmes de la post-humanité ou sur la vague des films de pandémies…

        Pour en revenir à notre Pléiade « Romans Gothiques », j’aurais mille fois préféré voir un second roman de Mrs Radcliffe – « Udolfo », pour le moins – à la place de ce « monstre » ou bien « Melmoth l’Errant » dont l’absence est aberrante. Je reste effaré par ce volume Pléiade qui me paraît être, par ses choix, indigne de la collection, en ce sens qu’il n’apporte rien de plus ou de différent par rapport à ses prédécesseurs dans d’autres collections – voire même moins. (Ce faisant, je m’abstiens de m’écarter de cette seule question de la sélection des textes et ne porte aucun jugement sur la qualité des traductions, présentations et autre appareil de notes).

  37. Sans vouloir revenir sur ma manie (« la meilleure édition »), j’ai sincèrement besoin de l’aide des sachants du lieu : mon anniversaire approchant, mon épouse m’a donné un bon d’achat significatif (youpi) que je vais, partiellement ou non, investir dans Hérodote et Thucydide. La question pressée est : Pléiade ou Belles Lettres ? L’appareil critique des tragiques grecs m’avait semblé étonnamment mince et je crains la même faiblesse pour les historiens. J’habite quelque part sur la marge de l’univers et mon libraire ne possède aucune des éditions. Outre le fait que l’édition des belles lettres est bilingue et que j’ai l’hypothétique ambition d’apprendre, un jour, peut-être, en retraite, le grec et le latin, que vaut l’édition en Pléiade ? Que valent les notes, surtout ? (quand on a lu les américains traduits par Jarowski, on devient exigeant). La question est assez urgente car si Les Belles Lettres sont retenues, le delai de livraison me portera vite au 29 novembre. Merci a vous.

    • je suis en train de relire Hérodote en Pléiade, les notes portent sur les aspects historiques et géographiques. L’édition n’est pas déshonorante, mais elle n’est pas toute jeune (1964, mon année de naissance). Il y a plus de 300 pages de notes, des index, des cartes et, à peu près 70 pages d’introduction. Je crois que les éditions des Belles Lettres sont plus récentes (au moins pour Thucydide). Si vous avez envie d’apprendre le grec, pouvoir comparer deux traductions peut être utile. N’oubliez pas de regarder les comptes-rendus disponibles sur Persée.

      • Merci pour la réponse. À bien regarder, les notes dans le volume Euripide sont très légères et aérées mais, bizarrement, Eschyle et Sophocle sont mieux traités (400 pages de notes, cartes…) que lui et que dans mon souvenir. Vous m’avez convaincu pour le Pléiade. Tout à fait le genre de lecture qui mérite un cuir souple.

        • Chers DraaK et Bassompierre,

          comme je l’a déjà exposé, la situation philologique et exégétique ne se se présente pas du tout sous les mêmes auspices pour les deux historiens du 5e siècle avant notre ère. Le texte d’Hérodote est, grosso modo, solidement établi ; la récente édition Wilson des Oxford Classical Texts représente un challenge pour les spécialistes en ceci que, bâtissant sur le report des manuscrits des grandes éditions critiques du XXe siècle, toutes conservatrices, elle se concentre sur le diagnostic des erreurs dans la transmission. L’impact sur le texte de ses nombreuses corrections, personnelles ou reprises de savants antérieurs, n’est pas suffisant sur le plan historique pour disqualifier une bonne traduction de la vulgate savante des années 1930 à 1950 comme celle Pléïade de Barguet, On peut tout au plus lui reprocher un certain manque de panache par rapport à la version Budé de Legrand (plus littéraire, cette dernière rend mieux le mélange de simplicité et de coquetterie littéraire du style hérodotéen; pour sa troisième grande caractéristique, la fluidité, Legrand et Barguet restent très en deçà de la traduction Berguin dans les Classiques Garnier).

          Du côté de Thucydide, par contre, la version Roussel présente dans le même volume Pléïade n’est ni meilleure ni pire que la plupart de ses concurrentes établies avec un degré minimal d’exigence scientifique; c’est le texte grec qui soulève de grosses incertitudes, compte tenu des difficultés que le style tendu, personnel et difficile de Thucydide crée pour l’éditeur (il s’en faut de beaucoup pour que la délimitation entre l’expérimentation grammaticale et le pur galimatias y soit toujours nette). Roussel propose donc une interprétation possible d’un texte en assez mauvais état dans les éditions critiques standard, partant arbitraire; le traducteur doit fatalement se faire éditeur et puiser dans les apparats critiques existants de meilleurs variantes que celles de son édition de base. Roussel ne réalise cet idéal que très partiellement ; caveat emptor. Cet helléniste a par ailleurs été très critiqué pour les erreurs présentes dans son Polybe de la Pléïade; Thucydide étant infiniment plus délicat à bien rendre dans une langue moderne, il convient de contrôler la version Pléïade contre la traduction de l’édition Budé par Bodin, de Romilly et Weil (superficiel et trop peu critique sur les innombrables passages délicats, Voilquin aux Classiques Garnier ne vaut rien, comme son volume de Présocratiques ; sa traduction de l’Ethique à Nicomaque d’Aristote est plutôt moins mauvaise, mais s’éloigne beaucoup du grec). Hélas, la Budé a choisi de rendre l’Histoire de la guerre du Péloponnèse dans un style très académique, dont les fioritures estompent la compréhension littérale des phrases souvent très longues et embrouillées de l’original ; la confrontation entre cette édition-traduction et la traduction Roussel ne rend donc pas tous les services que l’on voudrait.

          La Pléïade des historiens du 5e siècle est par contre incontournable pour son annotation, la plus riche et détaillée existant en notre langue. Dans la mesure où il ne s’agit nullement d’un commentaire érudit, le temps qui passe n’en a pas fondamentalement amenuisé la valeur pour l’honnête homme cultivé.

          Je serai beaucoup plus bref en ce qui concerne les Tragiques grecs. L’Euripide de Marie Delcourt, bonne helléniste doublée d’une fine historienne des idées, a fait date pour la simplicité de sa traduction, aux antipodes du style universitaire pesant choisi par les éditeurs Budé; il est dommage que l’annotation soit aussi étique. On peut se fier à elle dans les limites de l’exégèse contemporaine ; en comparaison, la nouvelle version en Garnier-Flammarion est plate et scolaire (son principal avantage tient à son texte de base, en général celui de Diggle dans les Oxford Classical Texts, remarquablement établi). L’Eschyle-Sophocle, lui, pâtit d’avoir été traduit par Grosjean, qui a également sévi sur le Nouveau Testament en Pléïade; les fragments choisis traduits par Dreyfus révèlent un helléniste bien supérieur et un bon connaisseur de la tragédie. L’annotation assez poussée rend des services, mais ne compense pas la raideur et l’écrasement du style si différents des deux Tragiques, surtout chez ce poète dense, difficile et mal transmis qu’est Eschyle (pour une version d’helléniste fin et perceptif, l’Eschyle d’Emile Chambry aux Classiques Garnier s’impose; je la préfère à l’Eschyle de Mazon en Budé, magnifique mais reposant sur un texte sans grande valeur). Le Sophocle Budé de Mazon-Dain a grande réputation chez nous; je recommande néanmoins la traduction complète de la tragédie grecque par Victor-Henry Debidour parue dans la Pochothèque, beaucoup plus souple et attentive aux nuances, niveaux stylistiques, et aspects formels de ce genre très codifié, et pour Sophocle la jolie version Pignarre aux Classiques Garnier (qui contient les Limiers, manquants chez Mazon-Dain)

          • Bon. Je crois que vous êtes embauché pour le site à naître des « meilleures éditions ». Félicitations et merci à vous.

          • Je me joins à DraaK pour vous remercier de votre commentaire fort érudit et bien argumenté, je vais me mettre en quête des volumes en Classiques Garnier d’Eschyle et de Sophocle,
            J’en profite pour faire appel à vos lumières à propos des traductions des philosophes présocratiques par Jean-Paul Dumont, traductions qualifiées par Jonathan Barnes dans la première partie de Philosophie grecque aux PUF de « souvent erronées et parfois (par exemple dans le cas de Parménide) inutilisables ».

          • Cher Bassompierre,

            le jugement de J. Barnes sur les Présocratiques de la Pléïade est entièrement justifié. Ce volume se présente – pas assez clairement d’ailleurs ; il faut attendre la ‘Note sur la présente édition’, p. XXVII – comme la traduction avec appareil savant original du recueil classique Die Fragmente der Vorsokratiker édité pour la première fois par Hermann Diels en 1903 (2 vol.) et révisé jusqu’à sa mort, après laquelle son coadjuteur Walther Kranz (auteur du troisième volume, le célèbre et quasi exhaustif Wortindex) a porté les dernières retouches jusqu’aux années 50. Dans son ultime mouture, le Diels-Kranz ou DK comme le connaissent les spécialistes de philosophie ancienne et les hellénistes, était déjà ancien d’une génération lorsque Dumont le francisa assisté de Poirier et de Delattre (ce dernier devenu par la suite un excellent papyrologue, auquel on doit une savante édition du livre IV du traité Sur la musique de l’écpicurien Philodème de Gadara). Il convenait donc non seulement d’en expliquer les innombrables noms propres, allusions, difficultés de lecture et autres détails de civilisation opaque pour le grand public, comme ils le firent ; mais encore et surtout, dans les cas où cette « Bible » volontairement vierge de tout commentaire hormis l’apparat critique et la traduction allemande de la partie B (les fragments présumés littéraux des Anté-socratiques augmentés des Sophistes) avait vieilli de telle manière que la reproduire en français telle quelle revenait à rendre un mauvais service au lecteur de Parménide, Héraclite ou Empédocle, de signaler dans les notes que le texte de Diels-Kranz est devenu indéfendable et pour quelles raisons. Dumont et consorts ne l’ont pas fait, canonisant de la sorte indûment les décisions éditoriales ou textuelles et l’arrangement que les deux savants allemands les premiers ne considéraient que comme provisionnels et fluides et qu’il convenait donc de tenir au courant. Un seul exemple suffira : pour le traité gorgien Du non-être ou De l’étant, qui constitue un renversement à dessin catastrophique de l’ontologie parménidéenne, Diels-Kranz citent la version de Sextus Empiricus, philologiquement la plus facile à éditer, philosophiquement la moins forte et non sans repeints doctrinaux sous l’influence de l’empirisme propre au citateur. Or il en existe une seconde version, conservée dans le petit traité pseudo-aristotélicien Sur Mélissos, Xénophane et Gorgias, dont les exégètes se sont avisées depuis les années 70 qu’il semble constituer une paraphrase de bien meilleure qualité. Il convenait donc de la traduire, au moins en note, et d’aviser le lecteur innocent of Greek que les Fragmente der Vorsokratiker ont pris une mauvaise décision susceptible d’envoyer sur de fausses pistes le lecteur un tant soit peu philosophe. L’équipe française s’est par surcroît permise d’apporter des modifications malvenues au Diels-Kranz. Ce dernier numérote les auteurs de 1 [Orphée] à 90 [les Doubles dits sophistiques], si bien que les citations du DK dans la littérature savante se font depuis trois quarts de siècle sous la forme suivante : numéro de l’auteur + A (= témoignages) ou B (= fragments), parfois C (= imitations) + numéro du texte, ainsi dit 28 B 1 pour désigner le prologue du Poème de Parménide. Or les Présocratiques de la Pléïade suppriment cette numérotation des auteurs ; il est donc très malaisé de retrouver facilement dans ce volume un texte d’un Présocratique que l’on trouverait mentionné dans la littérature savante ou scolaire sous forme normalisée – il faut alors se reporter à l’édition allemande pour convertir la référence. Or le grand public cultivé n’est de toute évidence pas, ou pas seulement, la cible de ce tome hautement spécialisé de la Pléïade ; une occasion de faciliter l’accès aux textes souvent difficiles des Présocratiques a donc été manquée. Dans le même ordre d’idée, la transformation des chiffres arabes signalant les textes A, B, et C dans le Diels-Kranz en chiffres romains dans la Pléïade se prête facilement même chez un lecteur chevronné aux erreurs de manipulation, surtout lorsque nous possédons un nombre élevé de textes pour tel ou tel auteur (je pense à Démocrite et ses 309 B). Autre faute grave, Dumont e tutti quanti ne traduisent pas la totalité des textes qui précèdent les fragments eux-mêmes, c’est-à-dire les « chapeaux » introductifs des auteurs anciens qui nous ont conservés ces derniers ; ainsi, pour le fr I de Parménide seules les quelques lignes de Sextus Empiricus sont reproduites dans le volume de la Pléïade, alors que Diels-Kranz donnent juste après cette introduction une longue paraphrase du même auteur puis le « chapeau » introductif de notre second citateur, Simplicius. Sous ce rapport aussi, les Présocratiques ne constituent pas la traduction fidèle des Fragmente der Vorsokratiker que Dumont prétend avoir procurée. Il serait indélicat d’insister sur la présence d’erreurs de traduction dans son volume, car les fautes, rançon inévitable de tout labeur humain, ne pouvaient manquer sur une collection de textes à ce point variés. Je dirais tout au plus que les trois éditeurs de la Pléïade n’ont pas adopté une politique très claire en ce qui concerne leur rapport au grec de Diels-Kranz : ont-ils traduit directement ce dernier ou, pour les fragments, la version allemande ? Une collection de textes gréco-romains sans grandes ambitions scientifiques comme la traduction française de La sapienza greca de G. Colli (Editions de l’Eclat, 3 vol.) a au moins eu l’honnêteté de dire qu’elle francise les versions italiennes de ce dernier en s’avouant une « traduction de traduction » (on rappellera ici que Dumont, historien compétent de la philosophie ancienne, n’était pas grand philologue contrairement à Kranz et surtout Diels, véritable géant de l’édition et de l’interprétation des textes philosophiques grecs ; que le professeur de khâgne Poirier n’a jamais eu aucun travail scientifique à son actif ; et que Delattre était simple étudiant au début des années 80 – on a vu nettement mieux en fait d’équipe éditoriale dans la Pléïade). Enfin, vu la densité du grec en général et surtout du grec philosophique d’Empédocle et Parménide ou mock-philosophical de Xénophane, c’est folie que d’avoir rendu tous les passages poétiques du Diels-Kranz en alexandrins non rimés ; cette contrainte bien inutile aboutit à des vers de mirliton où abondent les chevilles et où se perd beaucoup trop du contenu de l’original, cela d’autant plus que les trois traducteurs se sont efforcés de ne pas délayer à l’excès (les 32 hexamètres dactyliques du prologue de Parménide, fr. I, sont ainsi devenus 35 vers français). Chez un penseur comme Parménide où presque chaque phrase comporte plusieurs gros problèmes d’interprétation et où le sens de nombreux mots-clés, y compris des mots-outils, continue de faire l’objet de très vifs débats entre spécialistes, la traduction de la Pléïade est tout simplement inutilisable. En conclusion, ce très beau volume a été imparfaitement conçu (peut-être en partie par la faute de Gallimard), mal planifié, dirigé de manière insuffisamment ferme, et manque de la fiabilité sans laquelle ce type de travail constitue un danger pour tout lecteur dépourvu du Diels-Kranz et qui ne dispose pas de la science du grec permettant d’identifier les erreurs traîtresses qu’ont commises ou reproduites Dumont, Delattre et Poirier.

          • Cher Neo-Birt7,

            Je ne peux que saluer la qualité d’érudition de vos deux magnifiques interventions, c’est une joie que de pouvoir trouver sur ce blog des commentaires d’une si fine analyse, qui servent une critique si bien argumentée de tel ou tel mérite à accorder à une Pléiade … De tout cœur, merci, vous nous êtes et nous serez particulièrement utile à tous, me semble-t-il, surtout si une page consacrée au choix des éditions des classiques voit le jour, prochainement je l’espère.

            Un seul détail me reste flou cependant, concernant votre critique de l’édition des tragiques grecs : quel(les) traductions faut-il choisir en définitive pour Sophocle, pour Euripide, et pour Eschyle (je les cite séparément car je pressens que l’édition qui vaudra pour l’un ne vaudra rien pour l’autre) ? J’ai compris les enjeux dans votre commentaire, mais attend comme une conclusion à celui-ci.

            Merci d’avance pour votre réponse prochaine,
            Bonne fin de soirée,

            Séraphin Calobarsy

          • Dans le cas où les choses ne seraient pas suffisamment explicites, je me permets de recommander

            – pour Euripide, la Pléïade de Delcourt-Curvers (une idiosyncrasie inepte de Gallimard car cette helléniste signait ses travaux « Marie Delcourt » ; rapprochons le trait d’union à « M. J. Moreau » qui dépara très longtemps la jaquette et la troisième de couverture du Platon de Robin – rappelons qu’il s’agit de Joseph Moreau et que le M. pour Monsieur constitue une balourdise). On la contrôlera par Debibour, dont les qualités de souplesse et d’enthousiasme sont inégalées et qui repose sur le meilleur texte critique existant. La traduction de l’édition Budé, par Grégoire, Parmentier, Méridier, Chapouthier et Jouan, a été reprise, amendée pour en retirer les archaïsmes les plus voyants, dans le deuxième tome des Tragiques grecs de la collection ‘Bouquins’ ; elle donne une seconde vie aux pages de gauche de cette entreprise collective qui s’est étirée sur 80 ans et ne fut jamais excellente, malgré ses ambitions.

            – pour Eschyle, le Classique Garnier (bilingue) de Chambry, un peu académique mais écrit dans une langue pure et surtout très simple qui transpose non sans succès la concentration heurtée de l’original. Assez délayée, la version Debidour me semble moins réussie. Il existe aussi une traduction par B. Deforge (le Magister des études eschyléennes chez nous depuis les années 70) et L. Bardollet (le professeur de khâgne qui procura le bien médiocre Homère de la collection Bouquins après avoir – mal – complété la traduction dans le Bacchylide Budé), au tome Ier de de l’édition dans cette même collection Bouquins ; son modernisme se résume en général à la recherche d’un vocabulaire très bariolé et à un style abrupt.

            – pour Sophocle, poète d’une très grande fluidité, soit le Classique Garnier (bilingue) de Pignarre, traduction honnête dégagée de prétentions artistiques, soit la première édition Budé par P. Masqueray dans les années 20 (l’apparat critique est dépassé, la base manuscrite s’étant élargie depuis lors, mais la traduction plus littérale et simple que celle de Mazon étudie assez bien le sens). Debidour offre la meilleure version dans le français actuel. La traduction Mazon a été révisée au tome Ier de l’édition Bouquins dans la mesure où son français très alambiqué s’y prêtait.

          • Cher Neo-Birt7

            Vous nous faites entendre de biens belles paroles savantes, pour reprendre Pindare (encore un auteur qui aurait mérité d’être en Pléiade). Merci très sincèrement de ce compte-rendu passionnant, et d’autant plus précieux que je n’avais trouvé aucune recension sur Persée (site que je conseille naturellement pour les amateurs de Pléiade). On aurait envie de profiter de vos lumières et de votre esprit critique sur une multitude d’auteurs grecs et latins. Je me permettrai simplement de vous demander votre avis sur la traduction par Yves Battistini d’Héraclite, Parménide et Empédocle (elle aussi se réfère à l’édition Diels-Kranz) qui fait mes délices depuis mon passage en khâgne.

          • Quasiment cinquante ans après leur sortie, les « Trois Présocratiques » de Battistini ont encore bel air ; pour un profane, leur version d’Héraclite, Empédocle et Parménide demeure la passerelle la plus commode vers des éditions davantage frottées de science. Battistini, poète et probe helléniste, nous a donné la traduction la plus équilibrée d’Héraclite et Empédocle. Je ne peux en effet pas recommander l’édition critique bilingue (volume II) et commentée (volumes III-IV) du poète d’Agrigente par Jean Bollack (Paris, 1969, réimpr. dans la collection Tel, 1992), en vertu de son interprétation non-cyclique du poème physique (appelé Origines alors que le titre grec est De la nature, Peri Physeôs) et de sa stratégie éditoriale extraordinairement myope qui ont déterminé un nombre très élevé de faux-sens, de lectures fallacieuses et d’aberrations. Qu’Empédocle postule un cycle cosmogonique est en effet mis quasiment hors de doute par les fragments de Strasbourg publiés en 1999 ; d’autre part, Bollack appartenait à cette race de chercheurs obsédés par l’originalité et enamourés de leur propre ingéniosité, au risque de lâcher la proie pour l’ombre, de se payer de mots, et de bâtir de véritables romans philologiques ou exégétiques dont leurs sucesseurs n’ont presque rien confirmé sine ira et studio. Enfin, pour Empédocle comme pour Eschyle ou Sophocle, le conservatisme textuel outrancier de Bollack nous vaut une édition appauvrie, mutilée, ainsi qu’une traduction dont le souffle ne saurait dissimuler les bizarreries et le caractère souvent peu éclairant. En ce qui concerne Parménide, la petite édition Verdier du même savant (2006) doit être évitée comme la peste ; il s’y mêle suffisamment d’idiosyncrasies pour rendre méconnaissable la figure du philosophe de l’Etre. Autant se rabattre sur une traduction sagement platonisante comme celle de Conche dans la collection Epiméthée, avec texte grec critique et un commentaire détaillé qui manifeste beaucoup de qualités mais demande la connaissance de la langue ; son prédécesseur dans cette série, le Parménide de Beaufret, qui resta longtemps la version française par excellence, se lit très bien mais doit beaucoup trop à la lecture heideggerienne, sans compter qu’il propose vraiment très peu d’éléments d’interprétation. Ce n’est pas le cas de la solide édition en poche de Cassin (Points Seuil; 1998) ; introduction assez développée et très claire, texte bilingue, et dossier exégétique développé. La qualité principale de ce travail réside dans son déploiement scrupuleux de toutes les intersections sémantiques possibles des principales articulations des grands fragments ; la lecture proposée par Cassin – le poème serait une épopée de l’Etre subvertissant les conventions de la poésie homérique – sonne un peu creux, et par un choix délibéré la traduction vire régulièrement au charabia. D’Héraclite, enfin, il n’existe pas une seule version française que je puisse recommander. La pire est sans contredit Bollack-Wismann, « Héraclite ou la séparation » : traduction arbitraire, commentaire succinct, abrupt et faussé, introduction couchée dans un style oraculaire, j’en passe et des meilleures. Moins mauvais, mais encore beaucoup trop individuel rapporté à sa philologie défaillante, le gros livre de Conche dans la collection Epiméthée présente l’avantage d’un commentaire philosophique pléthorique. La traduction elle-même est encore la moins mauvaise disponible dans notre langue. L’édition Garnier-Flammarion par Morel (2003) enfin tient de l’imposture scientifique ; on se méfiera de ses apparences de rigueur qui dissimulent une indigence de pensée, une érudition assez faible, et une absence de principes philologiques assez dangereuse pour le lecteur. Le lecteur courageux dispose depuis 2006 d’une édition / reconstruction des fragments vraiment critique avec traduction française par S. Mouravieff (Mouraviev), dans le cadre de sa série gigantesque des « Heraclitea » (Sankt Augustin, Akademia Verlag) ; le commentaire, en préparation, devrait constituer le premier travail vraiment fondé sur des principes rigoureux.

          • Je prends connaissance tardivement de vos commentaires et analyses à la fois si savants et si delicicieux à lire quant à la langue. Mille fois merci pour la connaissance et le plaisir. Pour les Presocratiques je crains, n’étant pas philosophe de métier, d’en rester à mon ignardise, pour avoir lu les pires éditions que vous citez (dont la Pkeiade, naïvement achetée chat en poche)
            Mais je vais me revanche en me jetant sur Herodote…

          • Un merci un peu tardif (problème de connexion internet) pour vos analyses précises et fougueuses. Un bon nombre de sommités universitaires se trouvent aplaties sous vos coups de marteau, mais j’ai pu vérifier pour Sophocle la pertinence de votre critique. Je crois que je vais passer quelques heures en bibliothèque à comparer différentes éditions. Une petite erreur cependant, l’édition d’Héraclite en Garnier Flammarion est de Jean-François Pradeau, non de Pierre Marie Morel (ce n’est pas un reproche, mais simplement la preuve que j’ai cherché les références que vous nous avez si gentiment communiquées).

  38. Je rebondis sur un détail de l’intervention de notre nouveau collègue Salabreuil: y a-t-il une baisse de qualité des emboîtages des Pléiades depuis quelques années? Quels sont les points de comparaison entre anciens et nouveaux? Depuis quand cette baisse de qualité?

    • Ah, désolé, je n’avais pas vu votre intervention. Je viens d’y répondre sans le savoir un peu plus bas et de façon plus précise que la petite digression que j’avais faite dans mon long post précédent.

  39. J’ai mal compris: notre collègue remet en cause le principe même de l’emboîtage, d’après ce que je comprends finalement. Je fais donc appel à l’érudition de Brumes et consorts pour répondre à cette question que je me pose: quelle est l’année exacte de l’entrée en vigueur de ces boîtes cartonnées dans la « Bibliothèque de la Pléiade »? Et quelle est la date précise du premier coffret?

    • Dans les années 80 (vers 1984/1986). Pour les coffrets, la pratique est très rare avant 1990. La Pléiade a fait paraître (selon son site) 59 coffrets dont 44 depuis 2000 et 25 depuis 2010, année à laquelle la pratique de la double publication des volumes avec coffret est devenue la norme. Le premier coffret, excepté l’édition jointe 1938 de Shakespeare qui n’est pas un coffret au sens propre, date de 1977 (Éluard) rapidement suivi d’un coffret Proust. Dans les années 80 la pratique reste limitée aux grands romans chinois et à quelques auteurs français comme Maupassant, Rétif, Michelet ou Villiers. Avant l’an 2000, je ne compte qu’une quinzaine de coffrets.

    • Ps : avant 1985 les boîtes cartonnées étaient si laides (carton gris) que la plupart ont disparu et été jetées. Depuis la fusion de la jaquette blanche intérieure et du coffret cartonné, la pratique de jeter la boîte est moins courante. Il faut savoir (pensons à nos héritiers qui auront sur les bras ces Pléiade dont ils n’ont que faire) qu’un Pléiade sans rhodoid et sans coffret se revend moins bien.

      • Vous avez raison sur la valeur de l’étui / rhodoïd ; personnellement, je n’achète d’occasion que des Pléiades complètes de ces deux emballages (sauf prix exceptionnel : j’ai eu le Stevenson I tout seul en bon état à seulement 9,50€ ! Je n’ai pas rechigné dans ce cas).
        Brumes, vous semblez m’avoir devancé de peu pour la réponse à Henri de Monvallier. Désolé si mon commentaire a fait double emploi avec le vôtre.
        Séraphin Calobarsy

        • Je ne rechigne pas à l’achat de Pléiades occasion sans emboîtage, s’ils sont en état parfait, et en profitant de leur prix inférieur. Quitte, rentré chez moi, à me confectionner un petit emboîtage maison (de préférence en couleur, pour rompre la monotonie des cartons gris qui déplaisent tant à notre hôte Brumes). Ainsi, le problème est résolu – à mes yeux, du moins.

      • Je rajouterai que la qualité de ces emboitages cartonnés blancs a beaucoup diminué depuis leur apparition au milieu des années 80. C’était au départ de véritables coffrets, au carton solide – on voyait à peine la jonction entre les rabats (collés sur le dessus). Aujourd’hui ces cartons sont bien plus minces, avec un système de pliures qui se fait sur la tranche arrière et qui tient très mal le temps (sur les volumes épais – comme par exemple Oscar Wilde, c’est particulièrement catastrophique). L’optimisation des coûts et l’obsession de la marge sont vraiment une calamité.

  40. Le changement paraît avoir eu lieu en 1987/1988 ; Le premier coffret illustré semble avoir été Au bord de l’eau en 1978, mais des coffrets non illustrés et assez épais, de couleur crème, ont été édités, parfois sans être répertoriés dès les années 60 (Éluard …).

    Personnellement, pour des raisons de confort et surtout esthétiquement, je ne supporte pas l’ancien emballage des Pléiades (avant 1987), et me force donc à acheter (car je n’ai pas le moyen d’acheter des Pléiades neuves) les livres dans leur nouveau fourreau blanc, imprimé après 1987. Certes, cet étui est plus fragile, mais il n’a rien à voir une fois rangé dans la bibliothèques avec les anciens étuis grisâtre / marrons, et de hauteur variable. Et l’emboitage a fusionné avec les rabats, ce qui fait moins d’emballages et renforce l’élégance de la Pléiade en tant que telle. Voilà mon point de vue.

    Séraphin Calobarsy

  41. J’avais donc finalement raison dans ma première intervention avant correction: Salabreuil constate une baisse de qualité des emboîtages en plus de déplorer leur principe. J’ai commencé à acheter mes premières Pléiades en 1999-2000 (Baudelaire et Alain, je me souviens). Je vais regarder sur ces emboîtages-là et les comparer avec les plus récents (je viens de me procurer les Premiers Écrits chrétiens) pour comparer. Mais peut-être faudrait-il remonter aux années 1990 voire 1980 pour constater empiriquement ces différences. Je vais voir.

  42. Il y a peu, le premier volume des œuvres complètes de Descartes est paru dans la collection Tel de Gallimard. Voici le début de son avant-propos des éditeurs:
    <>
    L’édition de la Pléiade des œuvres de Descartes sera donc moins riche que celle de la collection Tel de Gallimard.
    Nous pouvons nous réjouir de ce projet éditorial. Une édition de référence des œuvres complètes de Descartes sera enfin accessible à tous.

    • Le texte cité a mystérieusement disparu de mon dernier commentaire:
      « Le présent volume inaugure une nouvelle édition complète de Descartes, distribuée en sept volumes d’Œuvres suivis de deux volumes de Correspondance.
      Cette édition entend mettre à la disposition des lecteurs francophones l’ensemble des textes cartésiens, dans une nouvelle présentation et, pour nombre d’entre eux, dans une nouvelle traduction française, l’une et l’autre conformes à l’état et aux critères actuels de la recherche spécialisée. Sous une forme modifiée, avec un appareil critique moins étendu, elle fournira également la matière d’une édition renouvelée des Œuvres pour la Bibliothèque de la Pléiade. »

  43. Je me suis peut-être mal exprimé mais je ne déplore absolument pas le principe du coffret imprimé, qui a remplacé avantageusement le triste carton gris d’autrefois. Je regrette la baisse de qualité de leur fabrication. Si on considére, comme c’est mon cas, qu’un exemplaire complet d’un volume de La Pleïade doit comporter son rhodoïd et son emboitage, il faut admettre que ce coffret est la partie la plus fragile, la moins durable et on ne peut que regretter que Gallimard se montre aussi pingre. D’autant qu’avec la disparition des jaquettes intérieures, ces coffrets imprimés font office de couverture.
    C’est d’ailleurs pourquoi j’apprécie les coffrets réunissant plusieurs volumes, permettant disposer d’un coffret de qualité et des jaquettes sous rhodoïds. Il faut préciser qu’ils sont généralement en édition limitée. Le coffret de Villiers de l’Isle-Adam est introuvable aujourd’hui (ou à des prix déraisonnables), celui de Théophile Gautier également. Ramuz est sur le point de le devenir, et je suis bien content de l’avoir acquis avant que son prix ne flambe.
    Le rhodoïd, cela dit, pourrait également être de meilleure qualité. Il est très fin, peut jaunir, et se déchire facilement. Je suis un peu dubitatif de l’intérêt d’avoir le rhodoïd original. Certains vendeurs sur la baie vendent des rhodoids adaptés au format Pleïade. Je n’ai pas hésité à changer certains rhodoids abimés ou jaunis. La pliure pour le rabat de la couverture est déjà fait, il ne reste que celle pour celui di quatrième de couverture à faire. Ce n’est pas une solution entièrement satisfaisante car cette pliure est délicate : le rhodoïd blanchit au niveau de la pliure. Mais c’est mieux qu’un rhodoid en piteux état.

  44. Une remarque au sujet du cas Freud évoqué un peu plus haut. Il faut rappeler qu’un volume de 1700 pages a été publié cette année dans la collection « Opus » au Seuil sous le titre Écrits littéraires et philosophiques. Ce volume est un recueil des livres les plus célèbres et les plus accessibles au grand public (pas trop techniques) de Freud dans les nouvelles traductions initiées par le Seuil depuis 2010 (année où les écrits de Freud sont tombés dans le domaine public). Avec ça d’un côté et, de l’autre, l’achèvement récent de l’édition scientifiques des Œuvres complètes aux P.U.F. en vingt volumes, je ne vois pas trop l’intérêt pour la Pléiade d’envisager un projet Freud qui supposerait (encore) une nouvelle traduction puisque c’est, me semble-t-il, la règle pour tout auteur étranger en Pléiade.

    • Effectivement. Freud est l’objet de divers programmes éditoriaux (PUF, Seuil), à une époque où, pourtant, le freudisme et la psychanalyse semblent un peu passés de mode (comparé aux années 60-70 par exemple). Un ou deux volumes ne seraient néanmoins pas illégitimes (à défaut d’intéresser ma petite personne). Et pour Darwin, l’œuvre complète est en cours de publication (à des prix prohibitifs) chez Slatkine (ou Champion ?). La Pléiade ne ferait évidemment qu’un volume d’œuvres choisies mais cela imposerait une nouvelle traduction, alors qu’une récente s’achève chez la concurrence… cela reste peu probable (même si je serais acheteur le premier jour d’un, deux ou trois volumes Darwin – j’aime lire de temps à autres des livres sur l’évolution ou sur la biologie et je n’ai jamais pris le temps de plonger directement dans l’œuvre fondatrice du maître).

  45. Je voulais rebondir un instant sur la littérature américaine. A moins que mes yeux l’aient manqué, je ne me rappelle pas avoir lu le nom de Malcolm Lowry. Or c’est pour moi un titan de la littérature. Un pléiade comprenant « Au dessous du volcan /Sous le Volcan (nouvelle traduction,) Lunar Caustic et le dernier livre de Lowry ne déparerait pas la collection me semble-t-il.
    Autant je trouve Franzen extrêmement surfait, ( je n’ai lu que »Les corrections ») autant j’estime sa Grâce lord Brumes un peu dur du jugement touchant Pynchon. « Contre-jours » est un livre puissant, magnétique, la rencontre sur une table de création de Thomas Mann et de Jules Verne… Il faut dire que, comme « Mason et Dixon » il bénéficie d’une traduction de Claro. « L’arc en ciel de la gravité » pour ce que j’en ai lu souffre d’une traduction que j’estime indigne d’un tel auteur (que Rushdie place tout en haut des contemporains. Lui-même est loin d’être inintéressant). Dans les classiques américains, Ambrose Bierce mériterait bien un Pléiade. Mais les amoureux de la nouvelle sont minoritaires en France…L’opération est sans doute dangereuse financièrement.

    • Malcolm Lowry est un très grand écrivain britannique, c’est certain. L’ennui est qu’il a peu à voir avec la littérature sous pavillon US…
      Pour Pynchon, j’en ai déjà dit du bien ici même, et je ne l’ai cité que pour la longueur parfois exagérée de ses livres. Sinon, ça me paraît, dans sa veine très spécifique, et à la condition d’être sensible à ses thèmes paranoïdes, un auteur marquant.

      • Il faudrait appliquer aux écrivains contemporains aspirant à entrer dans la Pléiade la prudence de mise dans la cueillette des fruits :
        – pas trop « verts », car on ne sait si le vieillissement va donner un beau fruit bien mûr ou un fruit pourri/écrivain-vite-dévalorisé
        – pas trop vieux tout de même, car on risque de rater la maturité et de trouver des fruits desséchés/écrivains-vite-justement-ou-injustement-oubliés.
        C’est un art difficile et il nous faudra être tolérants, face aux erreurs… quitte à se boucher parfois le nez.

      • Chut, cher et honorable Snezes. Ce renseignement est réservé au Maître écossais dans le système des Chevaliers bienfaisants de la cité sainte. En réalité, il s’adonnait surtout au Palo Mayombé et était venu d’une île dont le nom est interdit d’écriture.
        De fait – et là, je suis sérieux-,il suffit de lire le Volcano pour comprendre que sans une bonne connaissance d’Hermes et de ses disciplines, (loin du Palo) on n’entre pas dans les replis profonds de l’œuvre. Souvenons-nous du Livre auquel travaille le consul. Des remarques sur la Kabbale qui donnent bien du sens au roman. Mon Zohar confirme que la faille est centrale, la séparation de l’Adam-Kadmon.
        Ah: merci d’avoir donné dans la légèreté. Depuis toujours, je l’avoue, depuis ma première rencontre avec Lowry, ce qui remonte fort loin, je l’avais cru américain et stupidement je ne l’ai jamais remis en question.
        J’ai lu qu’on parlait de Mann, Musil et Broch,à éditer en pléiade avant Pynchon, c’est évident! je le disais modestement dès ma première intervention en ces lieux magiques. Pendant que j’y suis, je regrette que la pléiade qui nous donne Dracula etc (je garde celui illustré par Druillet!) n’ait pas ressortit le « Lord Ruthwen ou les vampires » de Nodier (qui reprend Polidori et Cyprien Bérard…). Dumas a écrit une pièce sur L.Ruthwen contre la sorcière Zizka. Voilà ce qu’on aimerait trouver dans un Pléiade. Mais peut-être est-ce en annexe??? Ou bien trop spécialisé.
        En tous cas, ce magnifique écrivain de Jean Louis Bouquet méritait amplement d’y figurer (pour « Alouqua ou la comédie des morts ») .

  46. Oui, c’est une erreur digne de la tour de Londres, « chop off his head »! Je préférerai le fameux (et légendaire me dit-on) tonneau de Malvoisie. J’aurais mieux fait d’en faire un Mexicain -à l’extrême limite un canadien. D’ailleurs, « on », le fameux on heideggerien, dit que Bierce serait mort au Mexique . Quarto sort un Gombrowicz , ce grand vénézuélien (s’il vous faut un smiley dites-le moi), autant dire : pas de pléiade.

  47. Je voudrais donner mon avis sur les écrivains américains. Pour ma part, je trouve qu’il y en a trop dans la collection, surtout depuis une quinzaine d’années. Comme le disait quelqu’un ici-même, c’est le signe d’une perméabilisation de la collection (un peu comme le symptôme d’Ormesson) à des pressions externes parfois indépendantes de la valeur de pérennité littéraire, ici la domination culturelle américaine. Henry James, d’accord, mais, franchement, si Fitzgerald avait été absent de la Pléiade, je n’en aurais pas perdu le sommeil. J’aurais pu attendre quelques années. Par ailleurs, évoquer tous les Américains absents alors que Musil (l’équivalent de Proust pour la littérature de langue allemande du XXe siècle), par exemple, n’est toujours pas dans la collection et qu’il n’y a pas à ma connaissance de projet sur lui me semble un peu surréaliste. Je suis personnellement assez agacé par cette obsession à la François Busnel du « grand écrivain américain » et je trouve dommage que la Pléiade s’en fasse l’écho. Mais bon, j’imagine, que si Gallimard est aussi sensible à la littérature américains, c’est que ça doit se vendre… Encore une fois, je veux bien des Américains et des écrivains de langue anglaise en Pléiade mais de façon un minimum équilibrée. Et puis bon, entre nous, maintenant qu’on a tout Shakespeare, on a l’essentiel. Le reste de la littérature en langue anglaise, ce n’est que des notes de bas de page à Shakespeare… Commençons d’abord par lire tout Shakespeare et après… passons à Musil!

    • Hum ! Cher monsieur, je crains que vous vous attiriez quelque volée de bois vert… Sur le fond, je ne suis pas très loin de penser comme vous – pas très loin, mais pas tout-à-fait, quand même. Chacun va défendre son favori, alors je vais défendre le mien : Fitzgerald pour qui j’avoue une faiblesse plus que coupable. Mais, il est vrai, que Twain, London (en dépit de la brillante défense d’un fin connaisseur, paru il n’y a guère sur ce blog), je m’en serais passé sans effet de manque. Il est vrai que discuter de la présence ou non présence d’un Pynchon dans une collection qui brille par l’absence de Thomas Mann, Musil et autres grands germains, cela trahit effectivement une « obsession américaine » un peu trop révérencieuse à l’égard de nos « maîtres » américains.
      Voyez, je n’hésite pas à m’exposer à partager avec vous la volée de bois vert, j’espère que vous me saurez gré de cette preuve de solidarité (ou de compassion).

      • Non pas de volée de bois vert. Disons qu’avec 9 auteurs (en comptant Nabokov) sur les 250 (à la louche) figurant au catalogue de La Pléïade, nous sommes quand même plus proches du quota que de l’invasion.
        Après, je comprends que chacun, en fonction de son panthéon personnel, regrette que tel ou tel auteur n’y soit pas. Et il est évident que Musil, Mann ou Broch brillent par leur absence. Et, pour ne pas céder à l' »obsession américaine », je dirai que celle de Strindberg, Hamsun, Thackeray, Hardy ou George Eliot (quitte à faire rentrer une femme qui s’appelle George…) n’est pas moins aveuglante.
        En ce qui me concerne, par exemple, je préfère « Le Quatuor d’Alexandrie » à « Mort à Venise » ou à « L’homme sans qualités ». Je plaiderais volontiers par exemple la cause de Lawrence Durrell pour qu’il figure aussi au catalogue de La Pleïade, mais sans que cela n’ôte quoi que ce soit à Musil ou Mann. Ce n’est pas une compétition. Que London, que je considère comme un écrivain majeur à l’aube du XXème siècle, fasse son entrée dans la Pleïade est parfaitement légitime. Cela n’établit pas de podium littéraire, pas plus que cela ne remet en cause le génie d’auteurs qui mériteraient non moins de rentrer au catalogue – mais dont l’absence est par ailleurs souvent liée à des questions de droits. Dans le cas de Musil, même s’il est en passe de tomber dans le domaine public (à moins qu’il ne le soit déjà ?), il sera difficile pour Gallimard de contourner la traduction de Jaccottet, et celle-ci appartient au Seuil.

        • Tout ce que vous dites est fort juste et argumenté. Je ne voudrais laisser croire que je crache dans la soupe (la preuve, j’ai acheté les London, pour tenter de corriger mes préjugés).Tiens, c’est vrai, j’avais oublié Durrel ! (Et tant d’autres.) Il est vrai que La Pléiade n’est pas un bâton de maréchal, le hasard, la nécessité et la subjectivité y tiennent leur rôle. La collection ne pourra jamais compter dans ses rangs TOUS les auteurs qu’on y voudrait voir. (Il y a pire que cette formule, c’est celle des « oeuvres représentatives » sous les auspices d’un « machin » comme l’UNESCO, où règne par-dessus tout le politiquement correct, je préfère encore les choix personnels.)

  48. Appréciant que le son des verges cinglantes viennent parfois faire frémir la surface policée des échanges courtois, je vous invite au contraire à les nommer.
    Vous rejoignant sur Paul Morand, que je trouve suranné (mais très loin de valoir Fitzgerald), je suis curieux – à défaut de partager votre calvaire.

    • Ne le dite surtout pas à mon épouse (vos propos sur Paul Morand) qui voue un culte à son auteur. Bon. Tant qu’elle évite Jean d’O, je lui pardonne volontiers.

  49. Intéressant de voir que plus personne ne défend H. Miller qui en son temps se devait de figurer dans toute bibliothèque des abonnés à l’intellectualisme. Le Quatuor d’Alexandrie est loin de m’avoir autant marqué que Mann. Je préfère encore Cossery! Littérature, subjectivité est ton nom.

    • Henry Miller est quelque peu injustement oublié. Sa prolixité est peut-être un de ses défauts, pour aller dans le sens de Brumes. Cela fait très longtemps que je ne l’ai pas lu, mais j’ai quand même souvenir d’un écrivain tonique, plein de vitalité. À l’instar de Vladimir Volkoff qui a écrit un petit essai épatant sur Durrell, je tiens tout de même Miller, comme Anaïs Nin, pour des écrivains de bien moindre envergure que Larry de Sommières. Cela dit, « Le colosse de Maroussi » et « Le sourire au pied de l’échelle » restent dans mon souvenir le meilleur de Miller (plus que les « Tropiques » ou l’interminable crucifixion en rose), et j’espère ne pas me tromper en affirmant qu’ils méritent d’être relus.
      Quand à Cossery, j’ai eu la chance de le rencontrer et de bavarder souvent avec lui (quand il pouvait encore parler), et j’avoue que j’ai une passion pour son oeuvre, courte, dense, et essentielle.

      • Ah, j’oubliais : la correspondance Durrell-Miller, dont il aura fallu attendre longtemps la publication intégrale, est absolument merveilleuse, parmi les plus beaux et passionnants échanges épistolaires que je connaisse.

      • Seigneur ! Combien de livres qui ont bercé ma jeunesse allez-vous me contraindre de revisiter (alors qu’il y en a tant que je n’ai jamais lu et que le temps m’est compté par la grande faucheuse dont je sens le regard sur moi) ! Histoire de vérifier si le charme opère toujours… ou non.
        C’est un plaisir de vous lire et c’est un plaisir d’échanger avec vous tous. Cela me change de mon quotidien où, s’il me prend l’igrée sotte autant que grenue de citer le moindre de ces auteurs, il faut aussitôt que j’ajoute des notes en bas de page ou bien que je joue à mon petit wikipedia pour expliquer à mes interlocuteurs de quoi donc et de qui donc je cause !

        • Ce lieu est un vrai havre, vous avez raison. Je joue le trublion pour masquer le fait que je suis loin du niveau de mes interlocuteurs, vous tous, et prends force notes pour orienter mes prochaines lectures. C’est très stimulant. Est-ce une impression ? Le blog n’a jamais été aussi animé que depuis qu’une page Facebook a été ouverte.

      • Ah, monsieur Salabreuil, Vous avez pu bavarder avec Cossery ! Quelle chance! Moi qui ne suis pas normalement dominé par le démon de l’envie, là, il me chatouille diantrement l’existant pour parler comme nos anciennes vedettes françaises post-heideggeriennes. J’ai pu parler un moment, délicieux, avec Claude Louis Combet , mais ce n’est sans doute pas la même saveur. Et puis, une fois…
        Je suis bien heureux de ce que vous écrivez sur Cossery. Ce style d’une élégance aussi grande que la discrétion avec laquelle elle s’exprime, ces personnages d’une épaisseur d’autant plus marquante qu’elle se construit en douceur, avec les moyens apparents de la simplicité, tout concourt à en faire l’un de ces auteurs auxquels je retourne comme à quelque source vive., Pour Miller, sa tonicité, sa verve, son lyrisme d’engouffreur (sic!) de vie m’a beaucoup plu à 17 ans. Maintenant, lorsque je compare son « Temps des assassins » au « Rimbaud le voyou » de Benjamin Fondane il m’est évident que Fondane va bien plus loin dans l’exposition des tréfonds de l’expérience rimbaldienne.
        J’ai lu quelques lettres de la Correspondance Durrel/Miller, effectivement, c’est captivant. Les dures vérités qu’ils n’hésitent pas à se confier sur leurs œuvres respectives comme leurs encouragements tout aussi respectifs, la mise au grand jour du tuf même de l’invention littéraire, c’est passionnant . Une autre Correspondance, celle de Gombrowicz avec Jerzy Giedroyc est loin de manquer d’intérêt si on veut voir ce qu’est la vie matérielle d’un auteur souvent en position difficile; défendant son œuvre avec une ténacité touchante.

        Comme le cher Draak, je n’ai pas lu Dos Passos. Et je ne le lirai pas, parce qu’un seul livre de philosophie peut me prendre le temps d’une dizaine de romans (voir bien plus. Imaginez aussi les 1718 pages de Festugière dans sa « Révélation d’Hermès Trismégiste »). Pas plus n’ai lu Upton Sinclair. Je me demande si je n’ai pas tort pour ce dernier. Je vais blasphémer, mais c’est un film (Their will be blood évidemment) qui a réveillé mon attention pour cet écrivain.

  50. je voulais dire « l’idée » et non pas ce curieux « l’igrée » (??… mes mains sur le clavier étaient sans doute en avance, en tâchant de suivre ma pensée, et voulaient déjà écrire « gre-nue »… Le bon Dr Freud n’a rien écrit sur les lapsus-du-clavier-d’ordinateur ?)

    • Je ne l’ai jamais lu ! En revanche, je conseillei sans hésiter « Alexandrie, terre de safran » de Edouard Al Kharrat, d’une extraordinaire intensité poétique. Un bijou.

      • Je n’ai pas lu ce dernier écrivain… Il faut dire que, lorsque je vois sur une table de libraire des livres édités par Actes Sud, j’accélère le pas et passe mon chemin… Encore un préjugé dont je devrai (devrais ?) me défaire… Je viens de consulter et m’aperçois que ce Monsieur a quitté ce monde il y a une petite année et qu’il avait reçu le Prix… Naguib Mahfouz ! Nous sommes donc tout de même en pays de connaissance.

        • Je lis peu de livres de cette maison mais Van Reybrouck est à lire à Actes Sud. Excellente et originale enquête sur Maeterlinck et le plagiat dans « Le fléau ». Excellente enquête sur le Congo dans …eh bien… dans « Congo ». Et je viens de finir un agréable opuscule (trop court et trop cher) sur Moresnet Neutre (« Zinc »), qui vient de paraître.

  51. D’accord avec Salabreuil pour la notion de quota sur l’ensemble de la collection. Simplement, si l’on regarde depuis une quinzaine d’années (à partir du numéro 500, disons), très souvent dans la dizaine de nouveautés annuelles, il y a un ou deux américains. C’est cette accélération que je critique alors que d’autres domaines linguistiques étrangers (européens tout simplement) sont moins représentés et souffrent de trous béants (Mann et Musil, déjà évoqués, pour ne prendre que le domaine allemand). Si vous voulez, lorsque j’écoute « Le Masque et la plume » livres, en général sur six livres chroniqués il y a toujours un américain (pourquoi diable n’entend-on jamais parler de la littérature allemande contemporaine, par exemple?), il y a sans cesse des dossiers dans la presse sur les « grands » écrivains américains (alors que la réalité c’est qu’il n’y a aucun grand écrivain américain, des bons, oui, des grands, non, je ne vois pas l’équivalent d’un Proust ou d’un Musil américain, et hop, c’est reparti pour une volée de bois vert!), sur « Qui sera le nouveau grand écrivain américain post-11 septembre? » ou je ne sais quoi. Quand je vois qu’en plus, dans les nouveautés de la Pléiade, il faut toujours se taper (passer moi l’expression) un ou deux Américains souvent très dispensables (London, Twain ou je ne sais qui, je ne vais pas citer de nouveau Fitzgerald pour que notre collègue Draak fut là fasse une apoplexie!), à un moment, il me semble que ça suffit et qu’on est quand même fondé à parler d’effet de domination culturelle. Et il me semble que la vocation et l’ambition de la Pléiade est de résister autant que faire se peut à ce genre de pression externe et à revendiquer une certaine autonomie de champ, pour parler comme Bourdieu dans Les Règles de l’art, fondé sur la notion de valeur littéraire pérenne. C’est tout. Mais bon, je vais être beau joueur et je conclurai en paraphrasant la dernière phrase de Gatsby le Magnifique: en disant tout ça, je sais pertinemment que je suis comme un bateau qui se bat contre le courant et qui sera de toute façon emporté par ce flot littéraire venu d’outre-atlantique devant lequel il est visiblement de bon ton de se prosterner de façon unanime.

    • En comptant les éditions multiples d’un auteur, il y a eu 76 Pléiade traduits de l’anglais depuis la naissance de la collection. 35 datent d’avant le 1er janvier 2000, 41 d’après. Parmi ces 41, 17 sont d’origine américaine, 24 britannique. Sur les 17 volumes américains paru depuis fin 1999, 10 datent d’après le 31 décembre 2009 : 4 ont été publiés cette année, 1 l’an dernier, 2 en 2012 et 3 en 2010, d’où ce sentiment partagé d’accélération. C’est que le public suit… Peut-être puis je rappeler, une nouvelle fois, qu’il se traduit plus de livres de l’anglais en un an sur la place parisienne qu’il ne se traduit, dans toute l’Amérique, d’ouvrages étrangers en dix ans.

    • Je corrige mes fautes dues à l’inattention, à la fatigue et à la précipitation du clavier qui est le lot de tout un chacun ici dans mon précédent commentaire : « Et il me semble que la vocation et l’ambition de la Pléiade est de résister autant que faire se peut à ce genre de pression externe et DE revendiquer une certaine autonomie de champ, pour parler comme Bourdieu dans Les Règles de l’art, fondÉE sur la notion de valeur littéraire pérenne. » Je n’aime pas laisser les fautes non corrigées…

  52. Je partage entièrement le point de vue sur l’espèce de soumission à nos « maîtres » américains, tout en précisant que je ne suis pas du tout adepte du sport bien français de l’anti-américanisme primaire. Très souvent, d’ailleurs, on trouve chez les mêmes, de grands discours enflammés contre le Grand Satan Yankee recouvrant d’un voile pudique la plus grande soumission à la langue et aux modes venant de la patrie du susdit. J’essaie d’éviter les deux écueils, comme un petit Ulysse de province…
    Cette pétition de principe étant faite, je profite du fait que la littérature américaine est sur la table pour faire appel à la science littéraire des membres de ce salon : dans les années soixante j’ai dû « rater » fort peu des romans des « graaaands américains » alors au sommet de leur gloire (les Hemingway, Steinbeck, Faulkner, Richard Wright – le plus oublié de tous ? – et bien des moindres) mais je n’ai JAMAIS LU UNE LIGNE DE DOS PASSOS, malgré (ou à cause ?) des prescriptions de J-P. Sartre.
    Quelqu’un peut-il me dire si ce has been – voyez, je fais des efforts pour me faire comprendre outre-atlantique – est VRAIMENT ILLISIBLE et à jeter aux « poubelles de l’histoire » ?

    • J’avais beaucoup aimé la construction de la trilogie USA, lue voici dix ans déjà. Les passages romanesques sont peut-être moins efficaces que le reste, et la tonalité « Eugene Debs  » de l’ensemble un peu dépassée, mais c’est racheté par de vraies réussites (un certain sens du labeur et de l’esprit américain, les portraits caustiques des Américains célèbres de l’époque, notamment William J. Bryan, Teddy Roosevelt ou Andrew Carnegie). Les souvenirs personnels, en « courant de conscience » étaient originaux à l’époque, ils peuvent apparaître un peu banals au lecteur de Joyce, Simon ou Woolf.
      Comparé à des livres vraiment difficiles (Paradiso de Lezama Lima), c’est très lisible.

    • @SzenesDomonkos. J’ai lu « Manhattan Transfer » de Dos Passos (en Folio/Gallimard) à l’époque où j’étais étudiant, et j’ai gardé de ce livre un souvenir inoubliable. Indubitablement Dos Passos est un très grand écrivain. Depuis, je n’ai qu’une envie : lire la trilogie « USA » en entier – lorsque j’en aurai le temps. J’ajoute que je ne suis VRAIMENT PAS un aficionado des lettres américaines. Je leur préfère les écrivains anglais (surtout victoriens) et japonais.
      Comme Jean-Yves Tadié disait relire Dos Passos avec attention ces derniers temps, j’avais supposé qu’il plaidait sûrement la cause de l’écrivain américain pendant les réunions du comité de lecture de la Pléiade (dont font aussi partie Antoine Gallimard – bien sûr – et Sollers – plus un 4e homme dont j’ai oublié le nom). Vu la vogue actuelle des lettres américaines dans la Pléiade, un projet Dos Passos a des chances d’être lancé bientôt, qui sait… Dos Passos dans la Pléiade ce sera une bonne chose : il le mérite vraiment.

      • Encore un trou dans ma culture littéraire qu’il faudra que je bouche… Un trou incompréhensible, d’ailleurs, même à mes propres yeux.
        En fait, je voulais attirer l’attention sur Dos Passos en même temps que de savoir comment il est reçu aujourd’hui, et si cela valait la peine que je fasse un petit voyage dans le temps pour le lire…
        Détail amusant, il me revient à l’esprit (je ne puis vérifier immédiatement, résidant actuellement à 900 kms de ma bibliothèque) que je possède tout de même un ouvrage sur la couverture duquel figure le nom de Dos Passos : il s’agit du « Panama » de Cendrars (dont je suis une groupie énamourée), ILLUSTRE par Dos Passos… C’est maigre, bien sûr, mea culpa.

  53. Je viens de relire les échanges de ces derniers jours – certaines réponses m’avaient échappé – et j’en tire le sentiment qu’aucun des auteurs cités (quelque soit mon goût personnel) n’est indifférent, loin s’en faut ! Et l’impression qu’à l’heure actuelle, le champ littéraire ressemble à un Cimetière des Eléphants !
    Encore visité par quelques fidèles qui en entretiennent la mémoire…
    (En attendant de devenir, dans quelques décennies, un terrain d’investigations pour archéologues à la recherche de fossiles de dinosaures ?)

  54. « Arts et métiers du livre », n° 317, novembre-décembre 2016, publie un excellent article de Marie Akar, « Atelier de reliure Babouot ou les coulisses de la Bibliothèque de la Pléiade ».
    Un Béarnais

  55. Mon bien cher Brumes
    Je suis presque toujours en accord avec vous… n’est-ce pas ennuyeux ?…
    D’accord pour l’insupportable longueur des auteurs américains contemporains : écrire c’est choisir et quand bien même aurait-on trouve dix belles phrases pour dire la même chose il faut en supprimer neuf !
    Le principal motif de mon billet est le souvenir que j’ai de vous avoir vu évoquer Schwob… merci, mille fois merci !
    Bien sûr on ne le verra jamais en Pléiade, mais, hormis Phebus, il existe un très beau volume relie et imposant aux Belles Lettres pour se consoler

  56. Si j’ai bien compris : En ce moment même sur France culture, émission la Dispute, sur Jack London. Référence à la traduction de M. Jaworski. A écouter en replay ?

  57. Pour ceux auxquels ça a échappé, article dans Le Point de cette semaine (n°2309 du 8 décembre 2016) sur la « Bibliothèque de la Pléiade », p. 90-95. Avec une célèbre publicité des années 1970 que je ne connaissais pas: Sylvie Vartan lisant Proust en Pléiade sur Sunset Boulevard avec le slogan « Soyez jeune, lisez la Pléiade ». Vous connaissiez ça?

    • Ce n’est pas une nouvelle édition. Il serait bien utile de savoir à l’occasion d’une simple réimpression et remise en vente le degré d’intervention éditoriale de Gallimard : quelques retouches ponctuelles pour rectifier quelques points de détail, actualiser quelques notes, ajouter quelques références bibliographiques ?

      • Mais où diantre trouvez-vous cette nouvelle? Dans les « Questions des lecteurs », il est toujours répondu à propos d’Aubigné qu’aucun retirage ni de nouvelle édition ne sont prévus. En tous cas, si on réalisait une nouvelle édition, elle serait probablement confiée à Jean-Raymond Fanlo. Mais je doute de la possibilité de cette édition.

    • Certains épuisés sont affichés avec leur prix. Quand le site a été lancé, il restait quelques librairies qui l’avaient en stock (Idem pour Malherbe que j’avais acheté neuf dans une vieille librairie finissante alors qu’il était épuisé).

  58. J’ai du mal lire, je n’ai pas trouvé cette info.Dieu sait pourtant que ce pléiade, lu jadis grâce à la bibliothèque est superbe. Meme sui l’édition Champion des Tragiques est mieux annoté, (question de génération) la lecture du Sancy et du baron de Faeneste valent qu’on soit généreux de la prunelle. Mais j’espère que c’est moi qui n’ai pas su trouver l’information. Quant on click (orthographe?) sur « acheter », on tombe sur des occasions onéreuses
    Par contre, – oh joie – j’ai vu que les deux volumes de Boulgakov étaient à nouveau disponibles.

    Ps Un chose m’étonne, c’est la variabilité des prix des pléiades. Le dernier Faulkner, en nouveauté, est à 62 Euros pour 1200 pages, ce qui me semble un peu cher; les Premiers écrits chrétiens sont à 58 euros pour 1648 pages (toujours en nouveauté). Et le tome 2 de Boulgakov avec 2064 pages , à plein prix, est à 76 euros. Le tome 2 du théâtre espagnol du 17eme est à 83, 50 avec 2048 p. Mais le tavail de traduction est plus important. (Je vais bientôt me régaler de ce tome du siècle d’or espagnol, je souhaite à tous de plaisants pléiades).

    • « Par contre, – oh joie – j’ai vu que les deux volumes de Boulgakov étaient à nouveau disponibles. » Pourriez-vous nous en dire plus, car la librairie Gallimard (en ligne) présente toujours le tome 1 comme étant temporairement indisponible ? Merci.

      • Hélas, toutes mes excuses, le volume contenant La garde blanche est toujours indisponible « temporairement » (au contraire du Maître et Marguerite). J’étais pourtant certain d’avoir bien regardé pour les deux volumes, j’ai donc commis une erreur. Mea culpa. Il me faut décidément apprendre à revérifier…

        • Il n’y a pas de mal. Vous m’avez procuré, un bref instant, une joie immense. Car j’attends cette réédition depuis un moment déjà… Je trouve qu’elle se fait attendre.

          • Ça, c’est le moins qu’on puisse dire! Et c’est sans doute mon trop grand désir qui m’a fait mal voir. Je suis heureux que vous le preniez si affablement. Nous allons donc encore attendre. Oh que le « temporairement » peut-être long…

  59. Pour rebondir sur la remarque de Restif: comment se définit le prix à la page d’une Pléiade et pourquoi certains volumes sont-ils plus chers que d’autres? Les deux critères les plus évidents me semble être la présence d’illustrations en couleur (écrits sur l’art de Malraux, dessins de Michaux, etc.) ou d’un travail de traduction qui suppose un coût supplémentaire. Mais pour un volume classique de littérature française avec uniquement du texte, comment le prix à la page se définit-il? Est-ce une économie d’échelle qui suppose que plus le nombre de pages croît, moins le volume revient cher à la page? En apparence, oui. Prenons le Pléiade français (et tout court, d’ailleurs) le plus mince de la collection (je crois): La Bruyère, 768 pages, 40€, ça fait 0,05€ la page. Le volume français le plus gros est (je crois) les Oeuvres romanesques de Sartre, 2304 pages, 71€, soit 0,03€ la page. Cette hypothèse souffre-t-elle des exceptions? Le prix de la page a-t-il évolué depuis le début de la collection? Les prix des volumes eux-mêmes ont-ils évolué? Je m’adresse ici aux anciens qui suivent la collection depuis plusieurs décennies, n’ayant moi-même commencé qu’à la toute fin des années 1990. Par ailleurs, je me souviens d’une remarque, que j’avais lue ou entendue je ne sais plus trop où, remarque selon laquelle une Pléiade, malgré son image de produit « de luxe », n’était en fait pas si chère à la page par rapport à un volume de la collection Blanche (en apparence plus « grand public »). Le ratio était 1 page de « Blanche »=2 pages de « Pléiade »=4 pages de « Folio », si je me souviens bien. Voilà, pardon d’accentuer la problématique économique mais, après tout, derrière les lettres, il y aussi des chiffres et pas seulement des numéros de pages… Et merci pour vos remarques et éclaircissements sur ce sujet!

    • À la page, le volume le plus cher de la collection est le plus mince des deux Jünger. Il est certain que le prix est fixé en fonction de deux critères principaux : le coût de fabrication générale (la pagination, la traduction, les appendices, droits d’auteur ou non, etc.) et le nombre de ventes attendues (le seuil de rentabilité). L’inflation étant presque nulle de nos jours, il est souvent étonnant de constater qu’une réimpression aboutit à une hausse de 2, 3, 5 voire 7 € du prix de vente. Il faudrait aller demander à Gallimard ce qui justifie ces hausses épisodiques (et variables entre les volumes). Je pense que cela tient essentiellement au nombre de ventes attendues. Un exemple : les deux volumes Leiris (français mais non libre de droits) sont très chers. Il me semble que c’est un moyen de rentrer dans ses frais pour la maison Gallimard, qui en vend moins mais plus cher. À l’inverse, les Premiers écrits chrétiens, pourtant traduits (mais libres de droits) sont moins chers… car Gallimard se doutait que ce volume partirait mieux (ce qui est le cas : 1000 exemplaires par semaine depuis la sortie, soit pratiquement mieux en un mois et demi que de Quincey en quatre ans…). Pour plus de précision, il faut voir avec la maison Gallimard….

    • Ps : les prix évoluent, comparez attentivement les catalogues à dix ans d’intervalle… Le problème est que les prix, en général, évoluent aussi, rendant toujours les comparaisons rapides délicates.

  60. Je n’avais pas fait entrer en compte les droits d’auteurs, vous avez, Brumes, entièrement raison sur ce point. Reste que, comme vous-même l’avez fait remarquer, le prix des pléiades augmente. Je me souviens avoir trouvé assez chers les deux volumes de Cendrars, bien peu épais. E tous cas, lorsque je vois le prix auquel on les trouve aujourd’hui, je regrette (un peu) d’avoir acheté les cinq volumes de la correspondance de Flaubert au plus haut. Évidemment, et cela rentre beaucoup en compte, sans meme parler de l’aspect esthétique, un pléiade reste intact très, très longtemps pour peu qu’on y prenne garde.

  61. Je viens de relire attentivement le petit texte de présentation de la réédition à venir des deux volumes de Kundera, et mon trouble ne fait qu’augmenter.

    « Dans « Le Rideau », Milan Kundera oppose à la «morale de l’archive», qui justifie la publication de tout ce qu’un auteur a pu écrire, la «morale de l’essentiel» : seuls appartiennent à l’œuvre les textes que l’auteur juge dignes d’être retenus. Le reste relève de la biographie, peut-être des marges de l’œuvre, non de l’œuvre elle-même. La présente édition ne propose donc pas des « Œuvres complètes », mais une « Œuvre », complète dans la mesure où l’auteur en a lui-même dessiné les contours, fixé le titre et arrêté la présentation. Au sommaire de ces deux volumes figurent (…) seize livres où se réalise pleinement la volonté esthétique de Milan Kundera, mûre, consciente, assumée. Le texte de ces livres, souvent retouché par l’auteur à l’occasion de rééditions ou de simples réimpressions, se veut aussi définitif que possible. »

    Kundera n’est certes pas le premier écrivain à se lancer dans cette entreprise impossible (?) de vouloir retenir seule la substantifique moëlle de son oeuvre. Entreprise compréhensible, mais discutable, voire un peu paranoïaque (?), dans la mesure où les textes qui ont franchi l’étape de la publication échappent forcément au contrôle absolu de l’auteur. On a déjà connu des repentirs, des reniements de la part d’auteurs refusant la paternité de certains de leurs livres. Mais on a rarement atteint ce point de théorisation de « ce qui constitue l’oeuvre » et ce qui se voit refuser le titre même d’oeuvre (ce serait des « hors d’oeuvre » ? ha ha…)

    « On chercherait en vain, dans cette édition, une biographie de Kundera. On y trouvera en revanche la biographie de son œuvre. En seize chapitres, un par livre, François Ricard retrace le destin de ces livres et évoque les circonstances de leur publication, de leur diffusion, de leur réception. Ces chapitres sont enrichis d’extraits de déclarations, de notes ou de préfaces dues à Milan Kundera : autant d’écrits jusqu’alors difficilement accessibles, voire inédits en français. »

    Pour renforcer cette impression d’idéalisation d’une oeuvre taillée dans un marbre immarmescible, l’auteur se dissimule complètement, s’efface devant l’oeuvre. Attitude dont on connaît également de nombreux exemples, mais, encore une fois poussée en l’occurrence à l’extrême, jusqu’à parler d’une « biographie » de l’oeuvre ! C’est en cela que Kundera se distingue de certains de ses prédécesseurs, tel Saint-John Perse qui confondait son oeuvre avec sa personne et faisait de son « oeuvre » en pléade sa propre statue. (Montherlant appartenant à cette espèce, Yourcenar plus proche de Kundera.)

    Je ne suis pas assez philosophe pour pousser beaucoup plus loin ma réflexion, mais cette entreprise un peu folle, me trouble.

    Comme je ne crois guère (mais j’ai mauvais esprit) à cet effacement complet de l’ego de l’auteur derrière son oeuvre (je crois que cet ego prétendument banni, se trouve intégré dans l’oeuvre et confondu avec elle, dépouillé de son vêtement annecdotique biographique), je soupçonne que, derrière cette volonté de contrôle absolu s’exprime un auteur aux prétentions démiurgiques particulièrement développées.

    Je tendrais à dire que ces deux volumes de Pléiade, tels quels, constituent une oeuvre particulière de Milan Kundera, s’ajoutant à ses autres livres et ne se substituant pas à elles.

    …………………………………………………………………………………

    Par ailleurs et dans un tout autre ordre d’idée, la composition annoncée du volume TOURNIER, allant de « Vendredi » à « Gilles et Jeanne », par sa stricte limitation, me semble devoir rendre obligatoire la publication ultérieure d’un second volume.

  62. Soyons mauvaise langue : il y a peut-être certains problèmes avec la biographie de Kundera. Mieux vaudrait donc couper à tous débats possibles.(Oui j’ai une mauvaise nature).

  63. Tout à fait d’accord avec Restif. Comme le dit Michel Onfray, qui a bien contribué à réhabiliter la notion de biographie en rapport avec l’oeuvre d’un auteur (philosophe ou écrivain, du reste), tous les auteurs qui disent que la biographie est chose négligeable, futile et sans intérêt et qu’il faut, sur le mode proustien du Contre Sainte-Beuve, séparer le moi social concret « impur » du moi créateur « pur » sont toujours des gens qui ont intérêt à ce qu’on ne regarde pas trop et de trop près leurs propres biographies car ils ont en général des choses à se reprocher. Je ne connais pas la vie de Kundera mais je pressens des choses pas claires… Renvoyer à la « biographie de l’oeuvre » (quel attrape-nigauds, ce concept ne résiste pas à deux secondes d’analyse sérieuse…), c’est aiguiller le lecteur sur les rails de la légende qu’on s’est soi-même construite au détriment d’une biographie réelle et factuelle parfois nettement moins reluisante. Je me permets de renvoyer sur ce point à la première partie de mon livre anti-Blanchot (grand spécialiste de la dénégation biographique et de l’effacement de l’individu concret) intitulé Blanchot l’obscur ou la déraison littéraire (co-écrit avec Nicolas Rousseau, Autrement, 2015) intitulée « Un homme sans biographie » où cette question est traitée et argumentée à partir du cas Blanchot.

    • Je connais mal Blanchot, mais il me semble bien qu’il avait intérêt, en effet, à ce qu’on ne regarde pas de trop près sa biographie avant 1945… mais je dois être bêtement perfide (les raisons de Blanchit doivent être plus complexe que cela tout de même).

  64. Désolée de faire irruption dans la conversation sur un coup de colère, mais je ne suis pas du tout d’accord sur ce point ; Kundera est parfaitement cohérent (voir L’Immortalité ou Les Testaments trahis par exemple).
    Insinuer systématiquement qu’ « il n’y a pas de fumée sans feu » c’est succomber à une dérive inquisitoriale très prisée des journalistes car nettement plus facile que la lecture lente & attentive, l’examen & l’analyse de l’œuvre elle-même (si œuvre il y a ce qui n’est pas le cas d’un Michel Onfray, quel que soit par ailleurs le volume de ses productions).
    Ironie de l’histoire, dérision du sort, le même auteur (MK) aura eu à subir des comportements finalement similaires dans son pays et dans celui qui s’est honoré de l’accueillir (ce que se gardent bien d’admettre ceux qui ont bâti de toutes pièces leur carrière sur la « défense des dissidents » — tant que ces derniers étaient de l’autre côté bien sûr) . Il est en tout cas particulièrement bien placé pour dénoncer l’arrogance qu’il y a à asséner : dans votre œuvre, vous n’êtes pas chez vous. Qu’on se permette un tel mépris sous prétexte que « le client à toujours raison » — & ce fournisseur qu’est devenu l’écrivain n’aurait plus qu’à obtempérer, puisque « la concurrence », c-à-d les plumitifs qui nous abreuvent de tous les détails les plus sordides sur leur biographie, y consent & fait de la surenchère — ou au nom du Parti, qu’est-ce que cela change au juste ? (Et les mêmes font leurs délices du Procès de Kafka & dénoncent à longueur de journée la « moraline » sans y voir la moindre contradiction…)

    Déjà, ds Risibles Amours, la nouvelle « Personne ne va rire »
    • « Nous traversons le présent les yeux bandés. Tout au plus pouvons-nous pressentir et deviner ce que nous sommes en train de vivre. Plus tard seulement, quand est dénoué le bandeau et que nous examinons le passé, nous nous rendons compte de ce que nous avons vécu et nous en comprenons le sens. »
    • « Maintenant, on examine rétroactivement toute votre conduite passée et on cherche un rapport entre votre passé et votre attitude présente. […]
    — Toute vie humaine a d’incalculables significations, dit le professeur. Selon la manière dont on le présente, le passé de n’importe lequel d’entre nous peut aussi bien devenir la biographie d’un chef d’Etat bien-aimé que la biographie d’un criminel. »

    Ds L’Art du roman, parmi les « Soixante-neufs mots »
    • Transparence
    « Le désir de violer l’intimité d’autrui est une forme immémoriale de l’agressivité qui aujourd’hui est institutionnalisée (la bureaucratie avec ses fiches, la presse avec ses reporters), moralement justifiée (le droit à l’information devenu le premier des droits de l’homme) et poétisée (par le beau mot : transparence). » (736)

    Ds L’Immortalité (qui donne, en contrepoint d’un roman contemporain abordant des thèmes semblables, le récit des importunités de Bettina Brentano von Arnim à l’égard du grand homme dont elle voulait utiliser la gloire à son profit) on trouve une sorte de Dialogue des morts (ou plutôt des glorieux immortels ayant eu à souffrir de « l’agressivité d’indiscrétion », Goethe & Hemingway)
    • [Hemingway] — Que mes livres soient immortels, je n’ai rien contre. Je les ai écrits de telle façon qu’on ne puisse pas y changer un mot. J’ai tout fait pour qu’ils résistent aux intempéries. Mais en tant qu’homme […] l’immortalité je m’en fous !
    — […] Vous auriez dû vous montrer plus prudent quand vous étiez en vie. (71)
    — […] C’est une allusion à mes vantardises ? Eh oui, dans ma jeunesse, j’étais comme un coq. Je me donnais en spectacle. […] Mais croyez-moi, si vaniteux que j’aie été, je n’étais pas un monstre et je ne songeais guère à l’immortalité ! Le jour où j’ai compris que c’était bien elle qui me guettait, la panique m’a saisi. Cent fois, j’ai exhorté les gens à ne pas se mêler de ma vie. […] L’horreur que j’en ai éprouvée a été pire que l’horreur même de la mort. L’homme peut mettre fin à sa vie. Mais il ne peut mettre fin à son immortalité. […] C’est l’horreur, […], c’est l’horreur […] Je voyais mes quatre épouses […] écrivant tout ce qu’elles savaient de moi […] et tous mes amis étaient là et racontaient tous les cancans […] » (71)
    • [Goethe] Ce que vous racontez me rappelle un rêve […] Imaginez une petite salle de théâtre de marionnettes. Je suis derrière la scène, je dirige les pantins et récite moi-même le texte. C’est une représentation de Faust. De mon Faust. […] Et puis tout à coup j’ai regardé la salle et j’ai constaté qu’elle était vide. […] Ils étaient tous derrière la scène ! […] Et j’ai compris que le spectacle qu’ils voulaient voir, ce n’étaient pas les marionnettes, mais moi-même. […] Je les savais à mes trousses. (73)

    Ds Les Testaments trahis :
    MK examine ds des § successifs les citations qui, coupées de leur contexte, perdent leur charge d’ironie (ici les prélèvements n’étaient pas faits « à charge » mais au contraire dans un but laudatif), les changements d’opinion de Pierre Bézoukhov dans Guerre & Paix (« Le B ennemi de Napoléon doit-il répondre du B qui était autrefois son admirateur ?), les réactions d’une amie française venue rendre visite à MK & à son épouse à Prague en 1970 ou 1971 (démonstration active de solidarité) mais choquée par une histoire drôle que MK qualifie, avec le recul, de « curieusement prophétique » à propos d’un riche américain installé à l’hôtel à Moscou à qui l’on demande : « Êtes-vous allé voir Lénine au mausolée? » & qui répond « Je me le suis fait apporter pour 10 $ à l’hôtel » : « le visage de notre invitée s’était crispé » ; femme de gauche, elle « trouvait inacceptable que les victimes avec lesquelles elle voulait sympathiser se moquent [des] idéaux trahis. ‘Je ne trouve pas ça drôle’ dit-elle froidement, & seul notre statut de persécutés nous a préservés d’une rupture. » MK précise que « ces changements d’opinion ne concernent pas seulement la politique, mais aussi les mœurs en général, l’admiration suivie du mépris pour le nouveau roman, le puritanisme révolutionnaire relayé par la pornographie libertaire » etc. & se demande « se rappellent-ils ou non leurs attitudes passées ? » Contrairement aux changement d’opinions d’un Bézoukhov qui le confirment en tant qu’individu, « en revanche ceux que je vois changer d’attitude envers Lénine l’Europe, etc, se dévoilent dans leur non-individualité. Ce changement n’est ni leur création […] , ni surprise, ni réflexion, ni folie […] ils ne s’en aperçoivent même pas; en fin de compte, ils restent toujours les mêmes, toujours dans le vrai, pensant toujours ce que, dans leur milieu, il faut penser […] ils changent d’idées en fonction de l’invisible tribunal qui, lui aussi, est en train de changer d’idées » (895-896)

    Ds Une Rencontre, « Que restera-t-il de toi, Bertolt ? »
    À partir d’un dossier (journalistique) de 1999 sur « Les génies du siècle », mêlant la Callas, YSL, Bill Gates, Einstein, Picasso, Kubrick — mais « aucun romancier, aucun poète, aucun dramaturge, aucun philosophe » que Kundera confronte à la vague de biographies à l’américaine (« warts & all », ça c’est moi qui l’ajoute) réglant leur compte à de grandes personnalités de la culture (Graham Greene, Hemigway, TS Eliot, Ph. Larkin, B. Brecht, Heidegger, Cioran, etc.) :
    Avec « ces monographies débordant de fiel », « l’Europe entrait dans l’époque des procureurs », qui « ne s’occupaient plus ni des tableaux ni des livres mais de ceux qui les avaient faits ; de leur vie. »
    « À l’époque des procureurs, qu’est-ce que cela veut dire, la vie?
    Une longue suite d’événements, destinée à dissimuler, sous sa surface trompeuse, la Faute. » Le biographe comme détective avec son réseau de mouchards ; le nom des délateurs apparaîtra dans les notes de bas de page « car c’est ainsi qu’aux yeux de la science un ragot se transforme en vérité. »
    Une biographie de 800 p consacrée à Brecht après avoir démontré la bassesse de son âme consacre un chapitre au corps « notamment à sa très mauvaise odeur qu’il décrit dans tout un paragraphe » selon « celle qui était à l’époque chef du laboratoire de photo au Berliner Ensemble » & qui témoigne « trente ans après la mise au cercueil du puant).
    Ah, Bertolt, que restera-t-il de toi?
    Ta mauvaise odeur ». (1160-1161)

    • Merci Nescio pour cette réponse dont je partage l’essentiel de l’analyse. Ecrire « je ne connais pas la vie de Kundera mais je pressens des choses pas claires » , comme le fait M. de Monvallier est pour le moins curieux chez quelqu’un qui dénonce le manque de rigueur d’un concept chez Kundera !
      Et quant à opposer Onfray à Proust et Kundera…

      • Je dis cela parce que j’ai souvent constaté que ceux qui pratiquaient la dénégation biographique avaient des choses peu reluisantes à cacher: de Blanchot à Cioran en passant par Heidegger et quelques autres. Et oui, ne vous en déplaise, on peut parfaitement opposer Onfray (qu’il faudrait éventuellement lire un peu avant de le mépriser) à Proust et a fortiori à Kundera, je n’aime guère l’usage de l’argument d’autorité. Je préfère l’argumentation. J’en profite d’ailleurs pour dire qu’Onfray, qui passe entre dix et douze heures par jour à lire et à écrire, est sans doute le plus grand amateur de la Pléiade que je connaisse car il les a tous chez lui (à l’exception peut-être de d’Ormesson…), achète toutes les nouveautés et qu’il les a quasiment tous lus en prenant des notes, ce qui n’est malheureusement pas le cas de tout le monde ici (moi inclus), y compris les plus improbables comme les Sagas islandaises. Mais cela dit, pour en revenir à notre polémique, je suis frappé (dans les passages de Kundera citées par Nescio) par la déclaration suivante: « Toute vie humaine a d’incalculables significations, dit le professeur. Selon la manière dont on le présente, le passé de n’importe lequel d’entre nous peut aussi bien devenir la biographie d’un chef d’Etat bien-aimé que la biographie d’un criminel. » À ce compte-là, pour prendre des exemples très simples, on peut faire de Hitler Jean Moulin et de Jean Moulin Hitler, tout ne serait qu’une question de « point de vue » et de façon de présenter les choses. Cette question dépasse largement les thématiques de ce blog mais il me semble tout de même que cette position est parfaitement intenable et qu’elle est justement l’argument type de ceux qui ont peur que l’on s’empare de leur biographie. Les intimidations sur les dérives inquisitoriales et le passé de l’individu jeté en pâture vont dans le même sens. Et je pense qu’il faut distinguer, chez les écrivains et philosophes, entre ceux qui ne mettent pas en avant leur biographie car elle est fait d’un quotidien assez banal (par exemple une vie de professeur, Gracq) de ceux qui sont (comme Kundera visiblement) dans le refus méthodologique de la biographie et dans la religion de l’oeuvre pure, ceux-là, oui, ont souvent des choses à cacher qui changeraient la perception qu’on a de leur oeuvre. Mais je vais m’intéresser de plus près à la vie et à l’oeuvre de Kundera pour creuser le dossier, vos attaques m’ont donné envie! Ce n’est pas un auteur qui m’attire et tous les passages que je viens de lire me confirment que c’est loin d’être un génie mais je vais essayer de faire un effort. Je ne réclame pas le bûcher pour Kundera, juste le droit de pouvoir livre son oeuvre en perspective avec des faits biographiques avérés et non une légende brumeuse qu’il s’est construite. C’est ce que je propose dans mon livre sur Blanchot pour déconstruire l’aura légendaire de l’auteur de L’Espace littéraire.

        • « Les chemins dans le brouillard » Les Testaments trahis
          « Quelque temps après la parution [du Livre du rire et de l’oubli], j’ai trouvé ces mots [le roman fruit d’une illusion humaine, celle de pouvoir comprendre autrui ; l’absence d’aventures de nos vies, « l’odyssée s’est transportée au-dedans »] en épigraphe à un roman français » — MK flatté mais embarrassé : à ses yeux ce n’étaient « que des crétineries sophistiquées » que l’on entendait partout ds les années 70 « bavardage universitaire cousu de vestiges de structuralisme & de psychanalyse. »
          Même malentendu chez un critique tchèque qd le livre paraît après 20 ans d’interdiction (c’est la phrase citée ds son article).

          Ni le romancier français ni le critique tchèque n’ont perçu l’ironie : « je n’ai pas essayé de ridiculiser mon Banaka & son ami professeur […] Si j’avais rendu leur parole ridicule, en exagérant ses outrances, j’aurais fait […] de la satire. La satire, c’est de l’art à thèse ; sûre de sa propre vérité elle ridiculise ce qu’elle se décide à combattre. Le rapport du vrai romancier avec ses personnages n’est jamais satirique ; il est ironique. […] L’ironie, discrète par définition, se fait […] voir par le contexte [qui relativise ces propos] […] Si Banaka dit que l’art du roman est désuet car la compréhension d’autrui n’est qu’une illusion, il n’exprime pas seulement une attitude esthétique à la mode mais, à son insu, la misère de lui-même et de tout son milieu : un manque d’envie de comprendre l’autre ; une égocentrique cécité envers le monde réel. »
          « L’ironie veut dire : aucune des affirmations qu’on trouve dans un roman ne peut être comprise isolément, chacune d’elles se trouve dans une confrontation complexe et contradictoire avec d’autres affirmations, d’autres situations, d’autres gestes, d’autres idées, d’autres événements. Seule une lecture lente, deux fois, plusieurs fois répétée, fera ressortir tous les rapports ironiques à l’intérieur du roman sans lesquels le roman restera incompris. » (881-882)

          Mais je perds mon temps, puisque vous avez manifestement déjà décidé ce que vous voulez trouver.
          Vous permettrez en revanche que je juge par moi-même du génie ou non de Milan Kundera, que j’ai pris le temps de lire et de relire. Ainsi que de distinguer parmi les livres publiés ceux qui sont purement dérivatifs & les œuvres véritables, littéraires ou philosophiques.
          Je n’ai lu qu’un seul livre de M. Onfray, portant sur un domaine que je connaissais bien par ailleurs — son (maintenant déjà ancien) Traité d’athéologie. Je n’en ai pas conclu à son honnêteté de « passeur », rôle que je tiens pourtant pour fort honorable mais qui impose de respecter un certain nombre de contraintes. Je ne lui ferais donc pas confiance s’agissant d’auteurs ou de textes qui me seraient moins familiers (contrairement à lui je ne prétends pas à la science universelle, à la fois intensive & extensive). Un Christian Godin, pour citer un contemporain, me paraît nettement plus respectable. Il ne s’agit pas de rejeter la vulgarisation, mais le mélange instable & dangereux de la vulgarisation & de la polémique. La méthode de l’évaluation par les pairs n’est pas parfaite mais elle présente davantage de garanties que l’applaudimètre. Mais ce que je trouve terrifiant c’est la juxtaposition au sein d’une même personne, d’un même esprit, de cette totale absence de doute sur ses propres hypothèses ou opinions & du raisonnement paranoïaque, du soupçon permanent portant sur les autres.
          Voir de l’imposture partout mais ne jamais se remettre en cause ; dénoncer les motivations supposées d’autrui mais ne pas interroger les siennes. C’est une « rébellion » très confortable mais pas très philosophique à mon sens.

    • Pour la petite histoire (je l’ai lue dans le Point de cette semaine, qui consacre un petit dossier à la Pléiade), la photographie avait été prise dans les années 60 par Jean-Claude Périer, qui voulait simplement montrer que les jeunes yéyés (dont était Sylvie Vartan) n’étaient pas si bêtes qu’on voulait bien le dire. La photographie avait été publiée dans Salut les Copains, et reprise des années plus tard (en 72) par Gallimard pour une campagne de presse.
      PS : l’exemplaire était celui du frère de Sylvie Vartan.

      • Je ne sais pas si vous avez lu l’article pris dans un brouillard alcoolisé ou si le Point pratique la désinformation, mais il est temps de dissiper les brumes et de faire la lumière sur cette affaire Vartan ! C’est une photographie de Jean-MARIE Périer, et elle a été prise en octobre 1972. On peut le voir : a) parce que c’est écrit page 295 dans le livre Mes années 60, l’intégrale, b) parce que Sylvie était coiffée autrement dans les années 60, c) parce que les couvertures des Pléiades antérieures aux années soixante-dix sont des couvertures pleines qui recouvrent donc le dos du livre, le changement avec les deux rabats illustrés doit se faire en 1970 ou 1971 (le livre le plus récent que j’ai avec une couverture pleine est l’album de la Pléiade Théâtre classique de 1970).
        A ce propos, petite question pour ceux qui regroupent les Pléiades ensemble, vous gardez les couvertures anciennes, donc des dos blancs mélangés aux dos cuirs? (moi, j’ai préféré les déshabiller, ne gardant que le cuir).
        Autre question sur l’objet Pléiade. Dans les années 80, on trouvait ,dans une libraire d’occasion (fermée depuis), à chaque sortie d’une nouvelle édition, des volumes de services de presse qui étaient nus, sans couverture de cuir (un ami les achetait systématiquement et les faisait relier en Afrique à bas prix) et simplement avec la sous-couverture cartonnée. Est-ce que cela se pratique encore?

  65. Ayant sans le vouloir initié un débat qui, je le comprend, peut-sembler peu sympathique, je me permets juste de donner un lien qui tout en expliquant ce qui est reproché à Kundera défend l’écrivain. On dira que je ponce pilatise, qu’importe.
    Ceci dit, pour Blanchot, le livre d’Henri de Monvallier me semble indispensable, parce que l’ancien collaborateur de journaux à tendances fascistes (et pourquoi pas? j’aime Rebatet que Steiner tient pour un immense romancier) s’est posé, plus tard, en donneur de leçon, ce qui est exaspérant. N’oublions pas non plus la surprise Gunther Grass. Tout cela n’enlève rien au génie ou au talent d’un écrivain. Mais on l’apprécie mieux avec ses complexités. C’est ainsi que depuis qu’il apparaît quasi certain que Sade a bel et bien tué (selon la biographie de Pauvert) je ne le lis plus du même œil. Il ne s’agit pas de donner de la boue en pâture aux goûts « dégénérés » du public (qui,au fond, s’agissant du « grand public », s’en moque) mais, encore une fois, de pouvoir apprécier à leur aune toutes les facettes d’un écrivain.
    Bon, le lien : http://www.courrierinternational.com/article/2008/10/27/kundera-delateur-et-alors

  66. ps Ceci dit, je trouve la défausse de Tudor Octavian un peu facile. On n’insulte pas autant quand on est sur de soi… Mieux vaux défendre Kundera sur le mode patriotique si on va par là. Et puis, est-ce que ça ne donne pas plus de profondeur au personnage Kundera?

  67. Ne pensez-vous pas que l’essentiel reste les textes écrits ? Certes, pour certains auteurs, la biographie permet d’éclairer leur oeuvre mais bien souvent elle n’a aucune utilité. Il est évident que pour les auteurs romantiques ou les chantres de l’autobiographie, elle est indispensable puisqu’à la source de leur production. En revanche, on ignore tout de la vie d’Homère et ça n’empêche pas de savourer l’Iliade ou l’Odyssée. Valéry pensait pouvoir écrire une histoire de la littérature sans prononcer aucun nom. Sans pousser l’opinion aussi loin, on pourrait raison garder ; il y a suffisamment de « pipolisation » comme cela sans contaminer la littérature. Je soupçonne les universitaires qui traquent les biographies à la loupe en numérotant les poils pubiens de l’auteur du complexe d’ Erostrate : faire parler d’eux – dans leur microcosme – à n’importe quel prix. Je dis toujours à mes élèves de se contenter du minimum indispensable dans les biographies d’auteurs que je leur fais étudier.
    Cela dit, il est bien plus utile de réunir les oeuvres complètes d’un auteur que de le laisser choisir : ce sont souvent les plus mauvais juges de leurs livres(Virgile voulant détruire l’Eneide, Kafka enjoignant à Max Brod de brûler tous ses manuscrits, Voltaire traitant ses contes de coïonnades et adulant ses tragédies, les exemples sont nombreux).

  68. Je suis un peu effaré par l’avalanche de commentaires et d’échanges passionnés que j’ai déclenché avec mon message sur la Pléiade Kundera.

    Je tiens à dire que ma réflexion ne voulait se placer que sur le plan du strict problème littéraire, problème que je trouve passionnant. Et dont je ne prétends pas détenir la solution. J’ai bien précisé que j’étais au stade des interrogations et non des conclusions.
    A aucun moment je n’ai voulu déborder de ce cadre et entrer dans celui de la biographie (que j’ignore et cela ne me gêne pas), encore moins tomber dans la mise en cause de tel ou tel de ses éléments.

    Non plus que mettre en cause la rectitude intellectuelle de Kundera (même si je sais que les raisonnements les plus rationnels sont toujours impregnés des expériences, des émotions et de toute la subjectivité de leur auteur).

    Quoi que je pense, d’une part du travail littéraire de Kundera, d’autre part de son entreprise particulière de construction d’une « Oeuvre » sous la forme de ces Pléiades, j’ai le plus grand respect pour ce travail et pour la démarche de son auteur.

  69. Pléiadophile : je suis parfaitement d’accord avec votre point de vue, notamment la nécessité de réunir les œuvres complètes d’un auteur sans trop tenir compte de son avis. Voltaire croyait son théâtre immortel. On regrette que Maxime du Camp ait brûlé les lettres de Flaubert. Et je me souviens avec terreur de Dolf Oelhr qui regrettait qu’on publie comme des oeuvres les journaux intimes de Baudelaire (cel le gênait considérablement pour l’interprétation politique qu’il faisait de l’auteur. Vous ne saviez pas que dans »mon enfant, ma soeur » il est question de la Révolution? Selon lui, si)
    Pourtant…J’aime les biographies de personnages singuliers (Jarry par exemple). Puis il existe des biographies qui vous a apprennent énormément sur une époque -celle de Allais par Caradec est un modèle. ce qui compte, c’est aussi la qualité, la valeur de celui qui fait œuvre biographique.
    D’après le peu que je sais, il se trouve que la thématique de la trahison n’est pas absente de Kundera. C’est en ce sens que je trouve intéressant la possibilité qu’il ait connu lui-même l’état d’esprit de celui commettant un acte qui s’en rapproche. Je ne juge pas l’auteur, la morale m’est totalement indifférente en littérature. Le « cerveau d’amour de Staline  » d’Eluard, Le « vive le Gpu » d’Aragon, les lettre envoyées à la presse par Céline sous l’occupation, cela n’enlève rien à ce qui vibre et vie dans leurs écrits. Il existe certes une exagération biographique (le nom de la nounou d’un tel, celui de son lycée etc) mais lorsque l’événement peut éclairer l’œuvre? Ou lorsqu’il s’agit de montrer qu’un étroit moraliste, très âpre juge pour ses confrères, est loin de l’impeccabilité, comme dans le cas Blanchot, il est, quand même, sain de le dire, je pense. Le tout est de ne pas se permettre de décomplexifier l’existence et l’histoire, et surtout de ne pas se poser en juge. A chacun sa vérité…

  70. Merci de votre soutien, Restif! Je suis prêt à vous envoyer mon livre dédicacé. Après un rapide coup d’oeil à la bio de notre ami franco-tchèque, je pense que c’est sa jeunesse stalinienne qui pose problème et fait un peu désordre pour notre « grantécrivain » chantre de l’antitotalitarisme. Et puis il y a l’affaire Dvoracek aussi sur laquelle je ne vais pas épiloguer. Donc je comprends. Je ne juge pas. Je laisse les historiens faire leur travail. Et, comme le dit Restif, le lecteur a le droit d’avoir des informations biographiques fiables pour, s’il le souhaite (et ce n’est pas une obligation), les mettre en rapport avec l’oeuvre. Donc la méthode Pléiade Kundera, « Je ne veux pas de biographie » et, par ailleurs, « Je contrôle scrupuleusement tout ce qui sort sur moi » me semble malhonnête vis-à-vis du lecteur et être le symptôme d’une gêne par rapport à son passé. D’ailleurs, le principe de l’auteur-éditeur de son oeuvre dans la Pléiade sur le mode du petit despote me semble de plus en plus critiquable. Ou bien il faut être probe et faire ça proprement en jouant un rôle de simple conseiller (Jaccottet).

    • Kundera est très vieux. Qu’est-ce qui pourra – à plus ou moins long terme – empêcher un critique avisé et objectif de refaire des pléiades Kundera avec une biographie « révélatrice » ?
      Cela dit, il me paraît évident que la biographie soit abordée sans tabou dès lors qu’elle éclaire l’oeuvre ou déboulonne la statue de commandeur que l’auteur a voulu envers et contre tout se sculpter. Les lecteurs et l’Histoire ont droit à la vérité…

  71. Je le répète, une fois de plus : mon propos n’était pas de relancer le débat sur les relations entre l’oeuvre et l’auteur. Sur ce terrain, s’il faut que je donne mon point de vue, il se situe à un niveau médian.

    Je suis en désaccord avec l’opinion selon laquelle la biographie expliquerait tout de l’oeuvre, et tout autant en désaccord avec les tenants de l’oeuvre totalement détachée de l’auteur. Bien entendu, sauf à entendre des voix célestes, les oeuvres sortent du cerveau de l’auteur et ce cerveau est nourri de leur vie. Soyons sérieux : quelqu’un qui ignorerait tout de la vie de Céline – si cela était possible – se persuaderait, en lisant ses livres et prenant pour argent comptant ce qu’il y trouverait, qu’il fut un martyr et le proposerait à la béatification. Alors que Céline fut avant tout le bourreau de Céline et que si martyr il y eut, il se l’infligea lui-même. (Dans le cas de Kundera, sans entrer dans les détails, et en tenant compte de l’effet destructeur sur les individus du régime totalitaire dans lequel il a eu le malheur de vivre la première partie de sa vie, son adhésion au Parti Communiste Tchèque, jusqu’en 1970 – soit, après le « Printemps de Prague » ! et à l’âge de 41 ans – représente pour lui-même « un passé qui ne passe pas », il reste dans sa gorge, à l’étouffer, et aucun « rire » ni « plaisanterie » ne parvient à l’effacer. Je suis loin de lui en tenir rigueur. De quel droit le ferais-je ?)

    Comme l’a dit un des intervenants, il existe simplement de bonnes biographies, utiles, au service de la compréhension de l’oeuvre, et d’autres qui ne s’occupent que de l’annecdote : de ce qui fait de la vie d’un auteur une vie commune, comparable à celles de millions d’autres personnes qui n’ont rien créé. Quel est l’intérêt ?

    Ceci étant dit, je ne voulais parler que du problème représenté par les auteurs qui veulent garder le contrôle absolu sur leur oeuvre. Pour cela, il existe un moyen : NE PUBLIEZ PAS ! Sinon, renoncez à cette forlle entreprise, qui me fait songer à celle des parents qui considèrent que leurs enfants leur appartiennent à jamais. Leur ont-il appartenu une seule seconde ?

    Je ne suis pas non plus de ceux qui donnent à ce désir de contrôle absolu de Milan Kundera sur son oeuvre des raisons assez triviales, d’opportunité, de vaine gloriole, des raisons… « éditoriales »… Bien entendu, les intentions pures n’existent pas, et dans les motivations de Kundera il en est certainement de moins nobles que d’autres.

    Mais je reste persuadé – pour le vivre moi-même du « fond de l’âme » (pardonnez-moi cette expression idéaliste) – que l’intention la plus profonde réside dans une pulsion irrépressible que connaît tout auteur. Un désir inextinguible de parfaire sans fin cette oeuvre qu’on a rêvée parfaite et qu’on trouve toujours, couchée sur le papier, INFIRME.

  72. Cette maladie de la perfection, de l’essentialité, qui fait qu’on s’endort chaque soir, persuadé d’avoir écrit des pages immortelles – constituant un met précieux dont le parfum plairait aux Dieux eux-mêmes – et qu’on se réveille le matin, retrouvant les mêmes pages, avec l’impression de se trouver devant les reliefs à demi décomposés d’un repas raté, des assiettes sales et éprouvant les nausées d’une mauvaise digestion.

    Cela, par parenthèse, excuserait peut-être la vaine obscurité et le nihilisme d’un Blanchot.

  73. Sincèrement!
    Ps Blanchot a quand même écrit de sacrées pages.
    « Mais l’artiste , en lui, a aussi son « mécène » qui l’enferme là où il ne veut pas demeurer, et cette fois nulle issue, qui de plus ne le nourrit pas, mais l’affame,l’asservit sans raison, fait de lui un être débile et tourmenté sans autre soutient que son propre tourment incompréhensible, et pourquoi? En vue d’une œuvre grandiose? En vue d’une œuvre nulle? Lui-même n’en sait rien et personne ne le sait ». L’espace littéraire,p.si 57

    PSS Que les amateurs de Kundera sachent, si cela les intéresse le moins du monde, que toute cette conversation m’a donné l’envie de lire sérieusement le dit Kundera. Il en sort donc vainqueur, non?

  74. Pour clore (momentanément) le débat et la polémique, j’ajouterai que la biographie d’un auteur n’a pas une influence décisive sur la perception d’une grande oeuvre même si elle me semble indispensable pour comprendre le contexte (une oeuvre procède toujours de la rencontre singulière entre un individu et une époque). Le fait de connaître les errements de Céline ne m’empêche pas de l’adorer. Le stalinisme impardonnable d’Aragon ne m’empêche pas de vibrer à certains de ses poèmes qui sont d’une beauté exceptionnelle. On peut être un très grand écrivain et avoir souscrit à des opinions parfaitement indéfendables. Le fait que je pointais concernant Kundera et quelques autres (mais ça vaudrait aussi pour Sartre, par exemple, sous l’Occupation: ah! les écrivains sous l’Occupation, sacré dossier, bien peu en sortent complètement indemnes…), c’est de faire de la dénégation biographique un principe de méthode (y compris éditorial dans le cas de Kundera) pour cacher au lecteur des informations qu’on ne veut pas assumer. C’est pour moi le signe d’un esprit étriqué: et puis de toute façon, après sa mort, si on le lit encore dans cinquante ou cent ans, on saura tout, des biographies auront été écrites alors à quoi bon, franchement? C’est ridicule et désespéré. Le signe d’un grand homme et d’un grand écrivain, c’est aussi de pouvoir assumer au grand jour ses fautes, ses erreurs et ses errements, si terribles ont-ils été: il en sort à mon avis grandi et soutenu par l’estime de ses lecteurs.

  75. Les écrivains sous l’occupation…Oui, le dossier est lourd. Même mon cher Jouhandeau a péché. Et s’en est repentit d’ailleurs. Et que dire de Sartre se posant en juge après la guerre…On met Sacha Guitry en prison pour avoir eu « des parterres d’allemands » mais ce type de public ne gênait pas Sartre. Un homme me sert en quelque sorte de « modèle » : Paulhan. authentique résistant (sauvé par Drieu lors de son emprisonnement, il en a témoigné) qui écrivit la magnifique « Lettre aux directeurs de la Résistance », flanquant sa démission du CNR et publiant Céline à la NRF. Ah, que j’aime les hommes libres…
    J’avoue que je regretterai votre livre M. Monvallier, mais l’intention me touche
    Je veux que la critique comme le biographe soient libres, à condition de ne pas exagérer. Ainsi de ce monsieur qui voulait expulser Heidegger du champ de la philosophie. Levinas, Ricoeur et tant d’autres avaient leurs raisons pour admirer ce très grand philosophe en toutes connaissance de cause, quand même…

    Pour en revenir aux pléiades, je voulais juste pointer du doigt un petit fait qui m ‘a toujours étonné. La pléiade des poésies d’Apollinaire ne contient AUCUNES notes ‘excepté la première publication du poème ou sa provenance), alors que rien que La chanson du mal aimé en exigerait un fort grand nombre si on veut éclaircir toutes les allusions culturelles du poèmes. Qui sont les « Quarante de Sébaste » (tous le monde n’a pas une culture chrétienne appuyée), qu’est-ce que « Lul de Faltenin » etc. J’ai eu en main un « classique Larousse » (couverture de Miro je crois) qui était étonnamment bien annoté et m’a permis, vers 15 ou 16 ans, de bien mieux comprendre ce poème.Et quelques autres. Curieux : dans le pléiade Rousseau des œuvres autobiographiques (remarquable d’ailleurs) c’est tout juste si on ne nous met pas une note pour Diderot, et dans la Correspondance de Flaubert Jean Bruneau ne sait pas qui est Noirceuil, personnage de Sade pourtant peu ardu à trouver, particulièrement quant on sait combien Flaubert appréciait Sade, ce que M. Bruneau connaissait normalement bien mieux que moi . J’ai vu que c’était réparé dans l’index, mais sur le coup j’ai vraiment été surpris. D’ailleurs, je trouve le tome 5 mieux annoté. Enfin, c’est le lot des livres dirigés par des gens différents, mais quand même, pour Apollinaire, j’en reste très étonné.
    Ah, monsieur Domonkos, j’ai pensé à vous en retrouvant une critique assez dure de la pléiade sous la plume de Cendrars. Dans un pléiade, évidemment!

    • Je goûte à sa juste valeur (ou saveur ?) votre dernière notule, évoquant un écrivain qui fait partie du « top ten » (comme on dirait atrocement à la télé) de ceux qui me hantent.
      A propos des écrivains sous l’occupation : il y eut les collabos (bon, leur cas est pendable, mais comme je suis opposé à la pendaison…) ; il y eut des lâches et des indifférents (parmi eux, ceux qui sont impardonnables sont ceux qui se sont transformé en inquisiteurs à la Libération) ; il y eut des héros (et parmi ces derniers, certains authentiques d’autres trop ostensibles à mon goût, d’autres encore assez factices, d’autres enfins qui luttèrent contre une tyrannie pour mieux se faire les féaux d’une autre tyrannie – vous avez reconnu, bien sûr, les staliniens)… Comme dans le reste de la population. Sans faire dans l’anachronisme et encore moins jouer les petits Saint Just, on ne peut dire que cela ne pèse rien et passer son chemin en rajustant ses oeillères.
      Mais je voudrais revenir sur le « cas Cocteau » : s’est-on assez moqué, chez les bonnes âmes toujours sûres d’être du côté du bon droit, de son « analpabétisme politique » ! Eh bien, quand on y regarde de près, cette ignorance du politique, n’a pas empêché Cocteau de ne pas céder au mal et même de faire plus d’une fois le bien, dans des actions individuelles. Bien sûr, il n’a pas brandi l’étendard de la Résistance – on pourrait le lui reprocher – mais au moins n’a-t-il pas été complice de crimes à petite ou à grande échelle, et n’a-t-il pas cédé aux sirènes d’une ou de plusieurs des grandes idéologies mortifères de ce triste XXème siècle. La « bêtise » en politique n’est pas toujours plus nuisible que la prétendue « intelligence ».

  76. Avant de me coucher, je suis passé par le site de La Pléiade et quelques questions des lecteurs ont été mises à jour. Nicolas Nickleby de Dickens sera réimprimé en 2017 et le Dit du Genji de Murasaki Shikibu (un grand classique médiéval japonais) est à l’étude.
    Sur ce, bonne nuit à tous.

  77. Je voudrais vous communiquer une inquiétude. Je viens de me procurer la Correspondance complète de Descartes chez Gallimard « Tel », deux volumes sous coffret parus en 2013 dans le cadre de la nouvelle édition des Oeuvres complètes. Or, je remarque avec stupéfaction la présence du logo de la Fondation d’entreprise la Poste sur la partie supérieur du coffret! La première page intérieure du premier volume explique que cette sans doute très respectable fondation a fait oeuvre de mécénat et a mis la mains à la poche pour l’édition de cette correspondance. Qu’est-ce que ça veut dire? Gallimard n’a pas assez d’autonomie financière pour assumer ce projet tout seul? Jusqu’à présent le livre était un des seuls espaces où n’apparaissait aucune publicité et aucun « logo » de marque, quelle qu’elle soit. Donc je m’inquiète un peu: dans dix ou vingt ans, verrons-nous les logos de BNP Paribas ou de Lagardère Active sur l’emboîtage de nos Pléiades?

    • On trouvait des publicités (parfums pour homme ou cigarettes) en quatrième de couverture de volumes de la Série Noire ou de Carré Noire (je crois en avoir aussi vu sur des livres de collection populaire du début du XXe siècle) et pour la collection l’Univers des Formes sur les rabats des anciennes Pléiades. Il y a du mécénat d’état de la part d’une puissance étrangère, la Suisse qui subventionne Rousseau, Ramuz ou Cendrars. Pas de mécénat d’entreprise, à ma connaissance, pour le moment mais ce serait un bon moyen pour renflouer les caisses en espérant qu’il y ait un lien entre le sponsor et l’œuvre : la Bête humaine financée par la SNCF, Hérodote par le guide du Routard ou César Birotteau par les parfums Chanel.

      • Il y a aussi le cas du sinistre « SAS » dont le texte même est un « texte sandwich » (comme l’homme du même nom) truffé de pubs « clandestines » (en fait avouées) pour toutes sortes de produits… Il faudrait vérifier, mais j’ai de forts soupçons pour d’autres « écrivains »… Cela représente peut-être le stade suivant de cette merveilleuse mutation de la « littérature »…

      • En fait, ce n’est pas nouveau. Dans la Comédie Humaine, Balzac lorsqu’il donne le nom d’une auberge, d’une taverne ou d’une boutique utilise en fait des noms et des enseignes existant à son époque. Ce qui lui permettait de faire de la publicité et il avait, me semble-t-il, un pourcentage des recettes obtenues par les boutiquiers dès lors que les lecteurs de Balzac devenaient clients des boutiques en question. Nihil novi sub sole.

  78. C’était déjà le cas du tome 5 de Rousseau en Pléiade publié grâce au soutien de la Fondation France Télécom, avec son logo sur le livre …
    Quant à ‘mettre la main à la poche’, il faut bien voir que les versements au titre du mécénat bénéficient d’une large défiscalisation au bénéfice des mécènes de la Fondation d’entreprise. C’est d’ailleurs leur rôle. Indirectement c’est une subvention de l’Etat puisque les sommes déduites constituent ce que Bercy nomme les  » dépenses fiscales  » .
    Si ce ne sont pas des Fondations, il y a en France tout un dispositif d’aide à l’édition par le biais notamment du CNL.
    Gallimard en profite comme les autres.
    Et la tendance actuelle est très nettement en faveur de montages financiers pour lesquels des mécènes sont sollicités.
    Il va de soi que le (ou les) mécène(s) demandent (exigent !) la présence du logo de l’entreprise …
    En fait c’est toute la (vaste) question du financement de la culture en France que vous soulevez : cela vaut pour les Pléiade comme pour les concerts, les musées (cf les logos qui figurent sur les catalogues d’exposition).
    C’est bien ancré aujourd’hui dans les pratiques, car cela fait partie de la politique de communication des entreprises.
    Et le livre est partie intégrante d’un système économique, ce que la maison Gallimard a bien compris depuis fort longtemps !

  79. Je comprends fort bien qu’on accepte, voire requiert, l’aide du CNL ou de son équivalent Suisse. Par contre, découvrir le logo du Crédit Lyonnais sur La maison Nuncingen me choquerait dans mes tréfonds.Cependant, s’il se pouvait trouver moyen de faire baisser le prix des éditions Champions, ce me serait un grand bonheur…Car, seuls, ils éditent des textes passionnants. Mais…Des Correspondances à 180 euros; des œuvres complètes en plusieurs volumes à plus de 120 euros pièces,si ce n’est plus, c’est trop exiger de ma bourse. Le « Journal » des Goncourt par le merveilleux Jean-Louis Cabanès est inabordable, et c’est pourtant le seul texte réellement fiable. Le précédent étant un monstre, un mélange des volumes sortis du temps d’ Edmond avec le manuscrit. Seule l’édition Cabanès est entièrement collationnée uniquement sur le manuscrit, avec les nombreux rajouts d’ Edmond qui n’existent pas dans les éditions faites de son vivant. Et pas toujours dans l’édition Ricatte (chez Bouquins. Il faut savoir que les notes de Ricatte furent copieusement caviardées). Et puis il y a tout ce qui est de la main de Jules, tout le Journal jusqu’à sa mort… Avant J.L Cabanès, tout n’avait pas été repris, car l’écriture est parfois proche de l’illisibilité. C’est souvent noté juste au retour d’une soirée, quasiment en style télégraphique, un style qu’Edmond a embelli pour son édition, réécrit pour tout dire. Ce n’est pas le Journal tel qu’il est né, dans sa spontanéité. J’aimerai l’acheter. Mais que c’est cher! Et pourtant,Champion touche des aides! Alors que grâce à sa vente aux bibliothèques universitaires d’Europe, l’éditeur gagne une fortune.Ils ont commencé à sortir une collection « poche » (« La nature et les prodiges » de Jean Céard y est réédité) mais il ne se dépêchent pas d’accumuler les parutions. Leur « Voyages aux empires de la lune et du soleil » de M. de Bergerac par Madeleine Alcover est cependant d’un prix décent et c’est la seule édition que je connaisse à faire, dans les notes, sa part à l’alchimie. C’est un des langages dont Cyrano sait jouer. Juste un appoint herméneutique si j’ose dire. Mais il ne faut pas oubliez qu’il a existé, précisément à l’époque de Gassendi, de Cyrano et autres libertins érudits chers à Renée Pintard, une alchimie matérialiste. Lire à ce sujet l’excellent article d’Alain Mothu « La pensée en cornu ». J’ignore ce que vaut leur édition du roman de Renard en deux volumes et si elle est meilleure que celle de la pléiade, dont le directeur est, me semble-il, Dominique Boutet.

    Ps Monsieur de Bassompierre (votre nom appelle chez moi irrésistiblement la particule et la majuscule), vos associations publicitaires m’ont bien fait rire.

    • Cher Restif, Vous avez malheureusement raison les éditions savantes sont à des prix extravagants et j’enrage en tant que proustien fervent quand je vois les cahiers Marcel Proust à 250 euros (ma seule consolation est qu’avec leur rythme de parution, 6 cahiers en 8 ans, il n’y aucune chance que l’édition des 75 cahiers soit achevée avant ma mort même si je vis centenaire). Mais en comparaison, le prix des Pléiade devient tout à fait raisonnable, c’est une consolation.
      Pour le roman de Renart, je n’ai pas encore acheté l’édition pléiade (dirigée par Armand Strubel) mais j’ai trouvé jeudi dernier en attendant d’hypothétiques parents d’élèves un article intéressant sur les problèmes d’édition du texte ( https://www.cairn.info/article.php?ID_ARTICLE=INLI_532_0032&DocId=13718&hits=3794+3792+3790+#re12no12 ). A ce propos je vous avais aussi laissé des références d’articles sur les éditions de Montaigne et de Rabelais.
      Heureux que vous ayez apprécié mes propositions publicitaires (si un attaché commercial de Gallimard les utilise, j’exige un pourcentage!), on pourrait poursuivre par des placements de produits à l’intérieur des œuvres (comme on le pratique pour un bon nombre de films) avec des changements minimes dans le texte. Par exemple : « beau comme (…) la rencontre fortuite sur une table de dissection Hygeco d’une machine à coudre Singer et d’un parapluie Piganiol ». Un exercice littéraire à pratiquer pendant les vacances!

      • Milles excuses M. De Bassompierre : je n’avais pas lu votre si judicieuse et affable intervention en réponse à mes questions touchant Montaigne et Rabelais. Je suis bien désolé d’attenter à votre portefeuille et à votre tranquillité de 16emiste, ce n’était certes pas mon but. Ah, les ricochets des » acheter ou ne pas acheter »… En tous cas merci infiniment pour ces deux articles fort intéressants. Pour Mireille Huchon et son Rabelais, je suis définitivement convaincu. Hélas, je ne vois jamais passer cet exemplaire en occasion. Mais j’attendrais ou « craquerais » comme on dit aujourd’hui si joliment (hum…).. Pour Montaigne, j’avoue que si l’édition pléiade m’intéresse, je tiens à connaître les différents états du texte : A), B) C).
        On assiste ainsi à une sorte de « work in progress » passionnant. L’idéal étant bien entendu d’avoir plusieurs éditions… Je sens que je m’arrêterai très probablement à cette solution. Avec le temps … (« va tout s’achète »).
        Votre détournement de Lautréamont n’a pas peu contribué à mon enjouement. Et c’est peu dire. Nous serons un certain nombre à témoigner si Gallimard ou d’autres tentent de vous dérober ces riches idées!

  80. Erratum. Pardon. Au sujet de champion j’avais écris : « car, seuls, ils éditent certains textes passionnants et introuvables ailleurs. » Un mauvais couper/coller, bref, une sombre cuisine m’a poussé à cette atroce erreur.

  81. Quelques extraits d’un article intitulé « La Pléiade : les excommuniés du papier bible », que Renaud Matignon publia il y a plusieurs années (j’ai oublié le support de la publication) :

    … On n’imagine pas facilement Mme Marguerite Duras se faufilant ici dans un deux-pièces cuisine entre Baudelaire et Shakespeare, ou Mme Jeanne Bourin s’agripper à un strapontin entre les trônes de Molière et de Dostoïevski. Ne sourions pas, elles ont bien dû y penser…

    Pour la première, c’est fait, et bien fait, en quatre volumes. Quant à la seconde… !

    … On chuchote ainsi que Pierre Jean Jouve, dans la douleur d’avoir perdu sa femme, murmura que peut-être la Pléiade apaisait quelque peu les chagrins les plus violents…

    Là, on attend toujours !

    … C’est bien de publier René Char, qui a eu le mérite d’introduire Hölderlin chez les FFI. Mais Paul-Jean Toulet, mais Aragon, sont-ils eux inconnus des responsables de la collection ?…

    Le second a été bien servi. Quant au premier… !

    … C’est parmi les romanciers contemporains qu’on a le plus de surprises. Qui a décidé que les romans de Jouve étaient moins importants que ceux de Malraux ou ceux de Marguerite Yourcenar ? Pourquoi pas une ligne de Cendrars ? Pas une de Barrès ? Pas une de Nietzsche chez les philosophes ? Et un volume de Blondin, tout à coup, ne serait-il pas comme une petite tache de lune dans les rayons de la Bibliothèque ?…

    Certains ont vu le jour. Mais quid de Barrès ? Quid de Blondin ?

    Et de terminer cette intervention avec la propre conclusion de M. Matignon :

    … On regarde sa propre bibliothèque et on découvre sans cesse des noms nouveaux dans la liste de ces « injustices ». On voudrait que la Pléiade fût l’image à la fois de la justice de tous et notre justice qui est parfois fantasque…

  82. Renaud Matignon : un critique littéraire qui a eu le courage surhumain de ne publier aucun livre de son vivant, c’est à saluer !
    (Imagine-t-on que les critiques gastronomiques se mettent à ouvrir des Restaurants 3 étoiles – décernées par eux-mêmes ?)

  83. Ne pas publier. Ne pas écrire hors ses critiques… C’était son drame! Je l’ai un peu connu. Il prévoyait depuis des années une biographie de Léon Daudet (très supérieur à son père à mon avis dérisoirement humble, lequel avis était d’ailleurs aussi celui de Léautaud), mais jamais il ne pu s’y mettre. Il ne fallait pas lui en parler si on ne voulait pas le voir s’assombrir péniblement et, au fond, atrocement. Il n’ y arrivait tout simplement pas et ça le minait. C’est qu’un tel labeur, recherches et rédaction, eut représenté trop de travail pour un homme auquel les tentations ne manquaient pas. Matignon fut connu assez tôt pour son article sur le passé défini chez Flaubert dans Tel Quel, avant que Sollers prenne définitivement le pouvoir dans cette maison. C’était un homme charmant mais profondément malheureux. Sinon, j’aime beaucoup Blondin, surtout « M. Jadis ou l’école du soir », mais la pléiade me semblerait trop pesante pour cette œuvre dénuée de prétentions exorbitantes. Si on va dans ce sens, vers cette époque j’entends je comprendrais mieux La Varende. Ou Henri Calet? Voire Jacques Laurent . Et pourquoi pas ? si on publie Michel Déon…Déjà que je suis plus que gêné par Gary… Même si son titre est remarquable, « Au delà de cette limite votre ticket n’est plus valable » n’est pas un GRAND livre. Et je ne comparerais pas « La vie devant soi » à , je ne sais pas moi, La conscience de Zeno de Svevo pour citer un mal aimé de la pléiade (les italiens -ici auteur en langue italienne – n’y sont pas bien vus j’ai l’impression. Il est vrai que Svevo n’est pas à la tête d’une œuvre considérable par sa quantité, quoi qu’en y ajoutant les nouvelles, un pléiade est tout à fait concevable. Mais Calvino?).

    Chardonne, je comprendrais mieux, infiniment . C’est somptueusement écrit. Étonnant qu’on trouve en pléiade les nouvelles de Morand, les romans de Giraudoux mais pas les œuvres de l’auteur des « Destinées sentimentales ». On sait de toutes façons que les manques les plus flagrants sont dans le domaine étranger, allemand notamment… On s’étonnera quand même de ne pas trouver les essais de Bataille qu’on est en droit d’apprécier autant que « L’abbé.C » ou « Ma Mère » -je goûte moins « Histoire de l’œil, « Le mort », toute cette partie de son œuvre hantée par la souillure et la déréliction des âmes par les corps. « L’expérience intérieure » est transfigurée par une mystique habitée, par le foudroiement alternativement noir et solaire de la descente aux enfers, aux racines de sa conscience de ce « je » veinée de brûlures illuminatrices. Parmi les auteurs élus dont le choix des œuvres éditées peut étonner, Genet se détache. Pourquoi son théâtre, qu’on est en droit d’apprécier moyennement, et pas ses romans et récits à l’écriture précieuse jusqu’à l’exquis?

    A part ça Matignon écrivait ses papiers dans le Figaro littéraire. On en a recueilli une partie dans « La liberté de blâmer ». Ses articles étaient de la meilleure encre. avec une certaine rosserie distanciée qui a disparue de nos journaux , à ma connaissance en tous cas. Il fut très regretté par le « petit personnel » du Figaro littéraire, ce qui en dit beaucoup sur un homme.

    PS Je lis actuellement le tome II du théâtre espagnol du XVIIeme. C’est une merveille. Notices, annotations, chronologie, un pur bonheur.

    • Je reprends ce que j’ai dit, pour l’amender à la lumière de vos précieuses informations cher Rétif, mais non pour modifier le fond de ma pensée (que je trouve plutôt confirmée par le cas d’espèce) : je regrette que Matignon ait été malheureux de ne pas parvenir à écrire le livre dont il rêvait sur Daudet (d’accord sur le fait que le fils est bien supérieur au père, soi dit en passant). Cela montre que, lorsqu’on a de véritables exigences, écrire un livre (je veux dire un « vrai » livre) est une entreprise difficile. Alors que des régiments de « notabilités » du journalisme, de la para-littérature ou du monde médiatique, nous assomme de bouquins auto-complaisants et nuls, chroniqués par leurs « pairs » en médiocrité ! Je n’en rends que plus hommage à ce Monsieur que je n’ai pas eu l’honneur de connaître.

  84. Je me plaignais récemment de la présence du logo de la fondation d’entreprise La Poste sur le coffret de la correspondance de Descartes, mais c’est oublier que notre chère collection de la Pléiade est aux mains de M. Bolloré depuis des décennies sur le plan du papier. Voir cette interview qui fait le point sur ce partenariat « incontournable »: https://webmail1g.orange.fr/webmail/fr_FR/read.html?ORIGIN=SEARCH&FOLDER=SF_INBOX&IDMSG=19239&check=&SORTBY=1# .
    Finalement, tout amateur de Pléiades a en lui quelque chose de Bolloré… Merci patron! C’est grâce à votre papier que nos volumes sont si beaux! Il faut dire que le dit Vincent est lui-même assez doré sur la tranche…

  85. 23 décembre 2016.

    « On confond toujours l’homme et l’artiste, sous prétexte que le hasard les a réunis dans le même corps. La Fontaine a écrit à ses femmes des lettres immorales, ce qui ne nous empêche pas de l’admirer. C’est bien simple : Verlaine avait le génie d’un dieu et le cœur d’un cochon. Ceux qui ont vécu près de lui ont dû bien souffrir. Tant pis pour eux ! Ils avaient le tort de se trouver là.
    Ami ou familier de Verlaine, je lui aurais sans doute donné des calottes. Humble lecteur parmi la foule obscure, je ne connais que l’immortel poète. Ma joie est de l’aimer, mon devoir, de l’absoudre pour le mal qu’il a fait aux autres.

    Pour ma part, maintenant que j’avais choqué mon verre contre celui du poète, que j’avais le droit de conter plus tard cette aventure, j’aurais bien voulu être ailleurs. »

    Jules Renard sur Verlaine : pour « rebondir », comme on dit aujourd’hui, sur les échanges à propos de Kundera.
    Renard dont je relis, contre toute attente, et avec une grande joie, le journal. Non pas dans le volume de la Pléiade — je délaisse un peu mes Pléiades — mais dans une vieille édition numérique de Gallica. Tournant le dos au livre papier, unexpectedly, toutes mes lectures récentes se sont passées immobile et les yeux rivés sur un écran : dans l’attitude de homme stupide, c’est-à-dire frappé de stupeur. J’y trouve un certains nombre d’avantages qui se ramassent dans cette formule : tout à portée de main (ou de « clique » si l’on veut) : dictionnaire (immatériel et permettant l’accès instantané), mon cahier de « pillages » ouvert devant moi et prêt à recueillir une citation qui me plaît ou qui me « travaille » ; et quelle qu’en soit la longueur, le transfert en étant instantané lui aussi (sous la forme de l’inégalable copier-coller que nous devons à l’informatique). Sans compter l’annotation à l’infini au trait rouge, avec possibilité d’insertion de notules de lecture, et sauvegarde finale d’un exemplaire annoté venant prendre place à côté de son exemplaire immaculé de départ. Et ainsi de suite.

  86. Il semble qu’on ne puisse pas corriger un texte déjà publié. Conséquemment, le but de celui-ci est de m’excuser pour au moins une faute d’orthographe hénaurme que je viens de repérer ( un pluriel non désiré).

    • « I cast my heart into my rhymes »

      « J’ai mis ma vie dans mes poèmes. Pour les écrire, je l’ai brisée en morceaux dans un mortier. »
      (6 sept. 1888 ; Lettre à Katharine Tynan)

      Au fond, il n’y a peut-être pas de règle générale. Les auteurs ont eux-mêmes plus ou moins mêlé leur vie à leur oeuvre et vice-versa. Certaines oeuvres peuvent être lues sans presque rien savoir de leur auteur, d’autres demeurent lettre morte sans cette connaissance. Les auteurs eux-mêmes ont sur la question des positions opposées. Un Kundera refuse radicalement tout rapprochement entre son oeuvre et sa biographie, à l’inverse Yeats prétend que ses poèmes et sa vie sont une seule et même chose.

      « Je n’ai aucune sympathie pour cette idée qui fleurissait au milieu de l’époque victorienne, et qu’approuvait Tennyson, selon laquelle la vie d’un poète ne concerne personne d’autre que lui. Un poète est, par la nature même des choses, un hommes qui vit dans une totale sincérité, disons plutôt que meilleure est sa poésie, plus sincère est sa vie… Il est nécessaire que soit connue la vie du poète lyrique pour qu’on comprenne que sa poésie n’est pas une fleur sans racine, mais l’expression d’un homme. »
      (Conférence « Friends of my Youth », 9 mars 1910, Londres)

      Pardonnez-moi, Ahlmed, je n’avais nullement l’intention d’opposer une citation à votre citation du grand Jules ; c’est le plus grand hasard et lui seul (mais, est-ce si sûr ?) qui a fait que je viens, ce soir, d’ouvrir « La poétique de William Butler Yeats, de Jacqueline Genêt, aux Presses Universitaires de Lille, 1989, livre acheté ce matin chez mon bouquiniste, et qui fait que je tombe, en première page, sur les lignes figurant ci-dessus).

      N’y voyez ni offense ni volonté polémique. Un simple apport au débat, qui ne sera sans doute jamais refermé ni épuisé.

      • Merci pour ces lignes de Yeats, que Jules Renard, son contemporain, n’a sans doute jamais lues : il était allergique à ce qui vient de l’étranger. Non par quelque noir principe, mais simplement parce qu’il ne le comprenait pas. Ainsi avoue-t-il quelque part dans le même journal qu’il ne parvient pas à complètement aimer « le grand Shakespeare ».
        Je précise que ma citation était elle-même due au hasard, un hasard qui par conséquent a précédé le vôtre. (Nos vies sont-elles faites d’autre chose ?).

  87.  » Shakespeare , on croirait entendre mourir un auvergnat » Jules Renard. (Pas pu résister à cette petite citation de l’auteur de l’écornifleur).

    Pour Yeats, il est certain que, par exemple, sa participation à la Golden Dawn et sa croyance à l’ésotérisme sont des points importants, cruciaux même, dans sa poétique,; voire son Histoire de la rose secrète avec le livre de la Rose alchimique. Il a d’ailleurs parlé dans ses Mémoires de ses expériences magiques avec Mathers. Il est vrai que la Golden Dawn (construite sur un faux, lire The magicians of the Golden Dawn » d »‘Ellic Howe) fut un tel réservoir à rêves pour tant d’auteurs…
    Heureux réveillon !

    • Ha Ha Ha ! Excellente la phrase de Renard, quel dommage que je ne me souvienne jamais des citations, celle-ci doit faire son petit effet dans une conversation…
      En ce qui concerne Yeats, je connais un peu (fort peu, trop peu) ses poèmes, et j’entame à peine le livre que j’ai cité et qui décortique son art… Mais, pour ce que j’en ai lu, je m’en délecte et ne demande pas mieux qu’approfondir ma connaissance en la matière.
      Je suis un indigne ignare, mais je me soigne…

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