La Bibliothèque de la Pléiade

Version du 30 octobre 2015

Version du 19 février 2016

Version du 29 mars 2016

En décembre 2013, j’écrivis une modeste note consacrée à la politique éditoriale de la célèbre collection de Gallimard, « La Bibliothèque de la Pléiade », dans laquelle je livrais quelques observations plus ou moins judicieuses à ce propos. Petit à petit, par l’effet de mon bon positionnement sur le moteur de recherche Google et du manque certain d’information officielle sur les prochaines publications, rééditions ou réimpressions de la collection, se sont agrégés, dans la section « commentaires » de cette chronique, de nombreux amateurs. Souvent bien informés – mieux que moi – et décidés à partager les informations dont Gallimard est parfois avare, ils ont permis à ce site de proposer une des meilleures sources de renseignement officieuses à ce sujet. Comme le fil de discussions commençait à être aussi dense que long (près de 100 commentaires), et donc difficile à lire pour de nouveaux arrivants, j’ai pensé qu’il pourrait être intéressant, pour les nombreuses personnes qui trouvent mon blog par des requêtes afférentes à la « Pléiade », que toutes les informations soient regroupées sur cette page. Les commentaires y sont ouverts et, à l’exception de ce chapeau introductif, les informations seront mises à jour régulièrement. Les habitués de l’autre note sont invités à me signaler oublis ou erreurs, j’ai mis un certain temps à tout compiler, j’ai pu oublier des choses.

Cette page, fixe, ne basculera pas dans les archives du blog et sera donc accessible en permanence, en un clic, dans les onglets situés en dessous du titre du site.

Je tiens à signaler que ce site est indépendant, que je n’ai aucun contact particulier avec Gallimard et que les informations ici reprises n’ont qu’un caractère officieux et hypothétique (avec divers degrés de certitude, ou d’incertitude, selon les volumes envisagés). Cela ne signifie pas que l’information soit farfelue : l’équipe de la Pléiade répond aux lettres qu’on lui adresse ; elle diffuse aussi au compte-gouttes des informations dans les médias ou sur les salons. D’autre part, certains augures spécialistes dans la lecture des curriculums vitae des universitaires y trouvent parfois d’intéressantes perspectives sur une publication à venir. Le principe de cette page est précisément de réunir toutes ces informations éparses en un seul endroit.

J’y inclus aussi quelques éléments sur le patrimoine de la collection (les volumes « épuisés » ou « indisponibles ») et, à la mesure de mes possibilités, sur l’état des stocks en magasin (c’est vraiment la section pour laquelle je vous demanderai la plus grande bienveillance, je le fais à titre expérimental : je me repose sur l’analyse des stocks des libraires indépendants et sur mes propres observations). Il faut savoir que Gallimard édite un volume en une fois, écoule son stock, puis réimprime. D’où l’effet de yo-yo, parfois, des stocks, à mesure que l’éditeur réimprime (ou ne réimprime pas) certains volumes. Les tirages s’épuisent parfois en huit ou dix ans, parfois en trente ou quarante (et ce sont ces volumes, du fait de leur insuccès, qui deviennent longuement « indisponibles » et même, en dernière instance, « épuisés »).

Cette note se divise en plusieurs sections, de manière à permettre à chacun de se repérer plus vite (hélas, WordPress, un peu rudimentaire, ne me permet pas de faire en sorte que vous puissiez basculer en un clic de ce sommaire vers les contenus qu’ils annoncent) :

I. Le programme à venir dans les prochains mois

II. Les publications possibles ou attendues ; les séries en cours

III. Les volumes « épuisés »

IV. Les rééditions

V. Les volumes « indisponibles provisoirement »

VI. Les volumes « en voie d’indisponibilité »

Cette page réunit donc des informations sur le programme et le patrimoine de la collection.

Les mises à jour correspondent à un code couleur, indiqué en ouverture de note (ce qui évite à l’habitué de devoir tout relire pour trouver mes quelques amendements). La prochaine mise à jour aura lieu dans quelques temps, lorsque le besoin s’en fera sentir.

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I. Le programme à venir dans les prochains mois

Le programme du premier semestre 2016 est officiellement connu et publié sur le site officiel.

->Henry James : Un Portrait de femme et autres romans. Après la publication des Nouvelles complètes, Gallimard décide donc de proposer plusieurs romans de l’épais corpus jamesien. Le volume comprend quatre romans : Roderick Hudson (1876), Les Européens (1878), Washington Square (1880) et Portrait de femme (1881). La perspective de publication semble à la fois chronologique et thématique. Elle n’est pas intégrale puisque sont exclus trois romans contemporains du même auteur : Le Regard aux aguets (1871), L’Américain (1877) et Confiance (1879). En cas de succès, il paraît probable que ce volume soit néanmoins suivi d’un ou deux autres, couvrant la période 1886-1905.

On peut imaginer que le(s) volume(s) à venir comprendra/comprendront Les Bostoniennes, Ce que savait Maisie, Les Ambassadeurs, Les Ailes de la Colombe ou La Coupe d’Or, mais comme certains de ces ouvrages ont été retraduits, fort récemment, par Jean Pavans, il est difficile d’établir avec certitude ce que fera la maison Gallimard du reste de l’œuvre. La solution la plus cohérente serait de publier deux autres tomes (voire trois…).

->Mario Vargas Llosa : Œuvres romanesques I et II. M. Vargas Llosa a beaucoup publié, souvent d’épais romans (ou mémoires – comme le très recommandable Le Poisson dans l’eau). La Pléiade ne proposera qu’une sélection de huit romans parmi la vingtaine du corpus. Le premier tome couvre la période 1963-1977 et comprend La Ville et les chiens (1963), La Maison verte (1965), Conversation à La Cathedral » (1969) et La Tante Julia et le scribouillard (1977). Le deuxième tome s’étend de 1981 à 2006 et a retenu La Guerre de la fin du monde (1981), La Fête au bouc (2000), Le Paradis un peu plus loin (2003) et Tours et détours de la vilaine fille (2006).

Il faut noter l’absence des Chiots, de l’Histoire de Mayta et de Lituma dans les Andes, ainsi que des derniers romans parus. De ce que je comprends de l’entretien donné par M. Vargas Llosa au Magazine Littéraire (février 2016), cette sélection a été faite voici dix ans. Cela peut expliquer quelques lacunes. Entre autres choses, le Nobel 2010 de littérature dit aussi que, pour lui, féru de littérature française et amateur de la Bibliothèque de la Pléiade depuis les années 50, il fut plus émouvant de savoir qu’il entrerait dans cette collection que de se voir décerner le Nobel de littérature. Il faut dire qu’à la Pléiade, pour une fois, il précède son vieux rival Garcia Marquez – dont les droits sont au Seuil.

-> en coffret, les deux volumes des Œuvres complètes de Jorge Luis Borges, déjà disponibles à l’unité.

-> Jules Verne (III)Voyage au centre de la terre et autres romans. L’œuvre de Verne a fait l’objet de deux volumes en 2012 ; un troisième viendra donc les rejoindre, signe que cette publication, un peu contestée pourtant, a eu du succès. Quatre romans figurent dans ce tome : Voyage au centre de la terre (1864) ; De la terre à la lune (1865) ; Autour de la lune (1870) et, plus étonnant, Le Testament d’un excentrique (1899), un des derniers romans de l’auteur – où figure en principe une sorte de jeu de l’oie, avec pour thème les États-Unis d’Amérique (qui ne sera peut-être pas reproduit).

Un quatrième tome est-il envisagé ? Je ne sais.

-> Shakespeare, Comédies II et III (Œuvres complètes VI et VII). Gallimard continue la publication des œuvres complètes du Barde en cette année du quatre centième anniversaire de sa mort. L’Album de la Pléiade lui sera également consacré. C’est une parution logique et que nous avions, ici même, largement anticipée (ce « nous » n’est pas un nous de majesté, mais une marque de reconnaissance envers les commentateurs réguliers ou irréguliers de cette page, qui proposent librement leurs informations ou réflexions à propos de la Pléiade).

Le tome II des Comédies (VI) comprend Les Joyeuses épouses de Windsor, Beaucoup de bruit pour rien, Comme il vous plaira, La Nuit des rois, Mesure pour mesure, et Tout est bien qui finit bien.

Le tome III des Comédies (VII) comprend Troïlus et Cressida, Périclès, Cymbeline, Le Conte d’hiver, La Tempête et Les Deux Nobles Cousins.

J’ai annoncé un temps que les poèmes de Shakespeare seraient joints au volume VII des Œuvres complètes, ce ne sera pas le cas. Ils feront l’objet d’un tome VIII, à venir. Ce corpus de poésies étant restreint (moins de 300 pages, ce me semble, dans l’édition des années 50, déjà enrichie de divers essais et textes sur l’œuvre), il est probable qu’il sera accompagné d’un vaste dossier documentaire, comme Gallimard l’a fait pour les rééditions Rimbaud et Lautréamont, ou pour la parution du volume consacré à François Villon.

Le programme du second semestre 2016 a filtré ici ou là, via des « agents » commerciaux ou des vendeurs de Gallimard. Nous pouvons l’annoncer ici avec une relative certitude.

-> Après Sade et Cervantès, le tirage spécial sera consacré à André Malraux, mort voici quarante ans. Il reprendra La Condition humaine, et, probablement les romans essentiels de l’écrivain (L’Espoir, La Voie royale, Les Conquérants). Ces livres sont dispersés actuellement dans les deux premiers des six volumes consacrés à Malraux.

Je reste, à titre personnel, toujours aussi dubitatif à l’égard de cette sous-collection.

–> Premiers Écrits chrétiens, dont le maître d’œuvre est Bernard Pouderon ; selon le site même de la Pléiade, récemment et discrètement mis à jour, le contenu du volume sera composé des textes de divers apologistes chrétiens, d’expression grecque ou latine : Hermas, Clément de Rome, Athénagore d’Athènes, Méliton de Sardes, Irénée de Lyon, Tertullien, etc. Ce volume  n’intéressera peut-être que modérément les plus littéraires d’entre nous ; il pérennise toutefois la démarche éditoriale savante poursuivie avec les Premiers écrits intertestamentaires ou les Écrits gnostiques.

Pour l’anecdote, Tertullien seul figurait déjà à la Pléiade italienne, dans un épais et coûteux volume ; ici, il n’y aura bien évidemment qu’une sélection de ses œuvres.

–> Certains projets sont longuement mûris, parfois reportés, et souvent attendus des années durant par le public de la collection. D’autres, inattendus surprennent ; à peine annoncés, les voici déjà publiés. C’est le cas, nous nous en sommes faits l’écho ici-même, de Jack London. Dès cet automne, deux volumes regrouperont les principaux de ses romans, dont, selon toute probabilité Croc-blanc, L’Appel de la forêt et Martin Eden. Le programme précis des deux tomes n’est pas encore connu.

L’entrée à la Pléiade de l’écrivain américain a suscité un petit débat entre amateurs de la collection, pas toujours convaincus de la pertinence de cette parution, alors que deux belles intégrales existent déjà, chez Robert Laffont (coll. Bouquins) et Omnibus.

-> enfin, s’achèvera un très long projet, la parution des œuvres de William Faulkner, entamée en 1977, et achevée près de quarante ans plus tard. Avec la parution des Œuvres romanesques V, l’essentiel de l’œuvre de Faulkner sera disponible à la Pléiade. Ce volume contiendra probablement La Ville, Le Domaine, Les Larrons ainsi que quelques nouvelles.

Comme souvent, la Pléiade fait attendre très longtemps son public ; mais enfin, elle est au rendez-vous, c’est bien là l’essentiel.

Cette année 2016 est assez spéciale dans l’histoire de la Pléiade, car neuf volumes sur dix sont des traductions, ce qui est un record ; l’album est également consacré à un écrivain étranger, ce qui n’est pas souvent arrivé (Dostoïevski en 1975, Carroll en 1990, Faulkner en 1995, Wilde en 1996, Borges en 1999, les Mille-et-une-nuits en 2005).

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Le domaine français fera néanmoins son retour en force en 2017, avec la parution (selon des sources bien informées) de :

-> Perec, Œuvres I et II. Georges Perec ferait également l’objet de l’Album de la Pléiade. Voici quelques années déjà que l’on parle de cette parution. Des citations de Georges Perec ont paru dans les derniers agendas, M. Pradier m’avait personnellement confirmé en 2012 que les volumes étaient en cours d’élaboration pour 2013/14 ; il est donc grand temps qu’ils paraissent.

Que contiendront-ils ? L’essentiel de l’œuvre romanesque, selon toute vraisemblance (La Disparition, La vie, mode d’emploi, Les Choses, W ou le souvenir d’enfance, etc.). Le Condottiere, ce roman retrouvé par hasard récemment y sera-t-il ? Je ne le sais pas, mais c’est possible (et c’est peut-être même la raison du retard de parution).

-> Tournier, Œuvres (I et II ?). Michel Tournier l’avait confirmé lui-même ici ou là, ses œuvres devaient paraître d’ici la fin de la décennie à la Pléiade. Sa mort récente peut avoir « accéléré » le processus ; preuve en est que Pierre Assouline, très au fait de la politique de la maison Gallimard, a évoqué, sur son site et dans son hommage à l’auteur, la parution pour 2016 de ces deux volumes. Il s’est peut-être un peu trop avancé, mais selon nos informations, un volume (au moins) paraîtrait au premier semestre 2017 (ou bien les deux ? rien n’est certain à cet égard), ce qu’Antoine Gallimard a confirmé au salon du livre.

-> Quand on aime la Pléiade, il faut être patient. Après dix-sept ans d’attente, depuis la parution du premier volume, devrait enfin sortir des presses le tome Nietzsche II. Cette série a été ralentie par les diverses turpitudes connues par les éditeurs du volume. La direction de ce tome, et du suivant, est assurée par Marc de Launay et Dorian Astor.

Cela fait quatre ou cinq tomes, soit l’essentiel du premier semestre. D’autres volumes sont attendus, mais sans certitude, pour un avenir proche, peut-être au second semestre 2016 :

-> Flaubert IV : la série est en cours (voir plus bas), le volume aurait été rendu à l’éditeur. On évoquait ici-même sa parution pour 2015.

-> Nimier, Œuvres. Je n’oublie pas que l’Agenda 2014 arborait une citation de Nimier, ce qui indique une parution prochaine.

-> Beauvoir, Œuvres autobiographiques. Ce projet se confirme d’année en année : annoncé par les représentants Gallimard vers 2013-2014, il est attesté par la multiplication des mentions de Simone de Beauvoir dans l’agenda 2016 (cinq, dans « La vie littéraire voici quarante ans », qui ouvre le volume). Gallimard est coutumier du fait : il communique par discrètes mentions d’auteurs inédits, dans les agendas, que les pléiadologues décryptent comme, jadis, les kremlinologues analysaient le positionnement des hiérarques soviétiques lors des défilés du 1er mai.

-> Leibniz : un volume d’Œuvres littéraires et philosophiques s’est vu attribuer un numéro d’ISBN (cf. sur Amazon). C’est un projet qui avait été évoqué dans les années 80, mais plus rien n’avait filtré le concernant depuis. Je n’ai (toujours) pas trouvé de mention de ce volume dans des CV d’universitaires. Comme pour Nietzsche II, je tiens cette sortie pour possible (ISBN oblige) mais encore incertaine. Cependant, le site Amazon indique une parution au 1er mars… 1997 : n’est-ce pas là, tout simplement, un vieux projet avorté, et dont l’ISBN n’a jamais été annulé ? À bien y réfléchir, l’abandon est tout à fait plausible.

-> D’autres séries sont en cours et pourraient être complétées : Brontë III, Stevenson III, Nabokov III, la Correspondance de Balzac III. D’autres séries, en panne, ne seront pas plus complétées en 2016 que les années précédentes (cf. plus bas) : Vigny III, Luther II, la Poésie d’Hugo IV et V, les Œuvres diverses III de Balzac, etc.

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II. Les publications possibles ou attendues ; les séries en cours

a) Nouveaux projets et rééditions

Les volumes que je vais évoquer ont été annoncés ici ou là, par Gallimard. Si dix nouveaux volumes de la Pléiade paraissent chaque année, vous le constaterez, la masse des projets envisagés énumérés ci-dessous nous mène bien au-delà de 2020.

–> un choix de Correspondance de Sade ;

–> les œuvres romanesques de Philip Roth, en deux volumes ; une mention de Roth, dans l’agenda 2016, atteste que ce projet est en cours.

–> l’Anthologie de la poésie américaine ; les traducteurs y travaillent depuis un moment ;

–> une nouvelle édition des œuvres de Descartes et de la Poésie d’Apollinaire (direction Étienne-Alain Hubert) ; Jean-Pierre Lefebvre travaille en ce moment sur une retraduction des œuvres de Kafka, une nouvelle édition est donc à prévoir (les deux premiers tomes seulement ? les quatre ?) ; une nouvelle version de L’Histoire de la Révolution française, de Jules Michelet est en cours d’élaboration également ;

–> Une autre réédition qui pourrait bien être en cours, c’est celle des œuvres de Paul Valéry, qui entreront l’an prochain dans le domaine public ; certains indices dans le Paul Valéry : une Vie, de Benoît Peeters, récemment paru en poche, peuvent nous en alerter ; la réédition des Cahiers, autrefois épuisés, n’est certes pas un « bon » signe (cela signifie que Gallimard ne republiera pas de version amendée d’ici peu – ce qui ne serait pourtant pas un luxe, l’édition étant ancienne, partielle et, admettons-le, peu accessible) ; en revanche, les Œuvres pourraient faire l’objet d’une révision, comme l’ont été récemment les romans de Bernanos ou les pièces et poèmes de Péguy. La publication de la Correspondance de Valéry pourrait être une excellente idée, d’un intérêt certain – mais c’est là seulement l’opinion du Lecteur (Valéry y est plus vif, moins sanglé que dans ses œuvres).

–> Tennessee Williams, probablement dirigée par Jean-Michel Déprats ; une mention discrète dans l’agenda 2016 tend à confirmer cette parution à venir ;

–> Blaise Cendrars, un troisième volume, consacré à ses romans (les deux premiers couvraient les écrits autobiographiques) ; selon le CV de Mme Le Quellec, collaboratrice de cette édition, ce volume paraîtrait en 2017 ;

–> George Sand : une édition des œuvres romanesques serait en cours ; l’équipe est constituée.

–> De même, Michel Onfray a évoqué par le passé, dans un entretien, l’éventuelle entrée d’Yves Bonnefoy à la Pléiade. Ce projet est littérairement crédible, d’autant plus que l’Agenda 2016 cite plusieurs fois Bonnefoy. Je suppose qu’il s’agira d’Œuvres poétiques complètes, ne comprenant pas les nombreux ouvrages de critique littéraire. Quelque aventureux correspondant a posé franchement la question auprès de Gallimard, qui lui a répondu que Bonnefoy était bien en projet.

-> Il faut également s’attendre à l’entrée à la Pléiade du médiéviste Georges Duby. Une information avait filtré en ce sens dans un numéro du magazine L’Histoire ; cette évocation dans l’agenda, redoublée, atteste de l’existence d’un tel projet. J’imagine plutôt cette parution en un tome (ou en deux), comprenant plusieurs livres parmi Seigneurs et paysans, La société chevaleresque, Les Trois ordres, Le Dimanche de Bouvines, Guillaume le Maréchal, et Mâle Moyen Âge.

-> Le grand succès connu par le volume consacré à Jean d’Ormesson (14 000 exemplaires vendus en quelques mois) donne à Gallimard une forme de légitimité pour concevoir un second volume ; les travaux du premier ayant été excessivement vite (un ou deux ans), il est possible de voir l’éditeur publier ce deuxième tome dès 2017…

-> Jean-Yves Tadié a expliqué, en 2010, dans le Magazine littéraire, qu’il s’occupait d’une édition de la Correspondance de Proust en deux tomes. Cette perspective me paraît crédible et point trop ancienne. À confirmer.

–> Textes théâtraux du moyen âge ; en deux volumes, j’en parle plus bas, c’est une vraie possibilité, remplaçant Jeux et Sapience, actuellement « indisponible ». La nouvelle édition, intitulée Théâtre français du Moyen Âge est dirigée par J.-P.Bordier.

–> Soseki ; le public français connaît finalement assez mal ce grand écrivain japonais ; pourtant sa parution en Pléiade, une édition dirigée par Alain Rocher, est très possible. Elle prendra deux volumes, et les traductions semblent avoir été rendues.

–> Si son vieux rival Mario Vargas Llosa vient d’avoir les honneurs de la collection, cela ne signifie pas que Gabriel Garcia Marquez soit voué à en rester exclu. Dans un proche avenir, la Pléiade pourrait publier une sélection des principaux romans de l’écrivain colombien.

–>Enfin, et c’est peut-être le scoop de cette mise à jour, selon nos informations, officieuses bien entendu, il semblerait que les Éditions de Minuit et Gallimard aient trouvé un accord pour la parution de l’œuvre de Samuel Beckett à la Pléiade, un projet caressé depuis longtemps par Antoine Gallimard. Romans, pièces, contes, nouvelles, en français ou en anglais, il y a là matière pour deux tomes (ou plus ?). Il nous faut désormais attendre de nouvelles informations.

Cette première liste est donc composée de volumes dont la parution est possible à brève échéance (d’ici 2019).

Je la complète de diverses informations qui ont circulé depuis trente ans sur les projets en cours de la Pléiade : les « impossibles » (abandonnés), les « improbables » (suspendus ou jamais mis en route), « les possibles » (projet sérieusement évoqué, encore récemment, mais sans attestation dans l’Agenda et sans équipe de réalisation identifiée avec certitude).

A/ Les (presque) impossibles

-> Textes philosophiques indiens fondamentaux ; une édition naguère possible (le champ indien a été plutôt enrichi en 20 ans, avec le Ramayana et le Théâtre de l’Inde Ancienne), mais plutôt risquée commercialement et donc de plus en plus incertaine dans le contexte actuel. Zéro information récente à son sujet.

–> Xénophon ; cette parution était très sérieusement envisagée à l’époque du prédécesseur de M. Pradier, arrivé à la direction de la Pléiade en 1996 ; elle a été au mieux suspendue, au pire abandonnée.

–> Écrits Juifs (textes des Kabbalistes de Castille) ; très improbable en l’état économique de la collection.

–> Mystiques médiévaux ; aucune information depuis longtemps.

–> Maître Eckhart ; la Pléiade doit avoir renoncé, d’autant plus que j’ai noté la parution, au Seuil, cet automne 2015, d’un fort volume de 900 pages consacré aux sermons, traités et poèmes de Maître Eckhart ; projet abandonné.

–> Joanot Martorell ; le travail accompli sur Martorell a été basculé en « Quarto », un des premiers de la collection ; la Pléiade ne le publiera pas, projet abandonné.

–> Chaucer ; projet abandonné de l’aveu de son maître d’œuvre (le travail réalisé par les traducteurs a pu heureusement être publié, il est disponible via l’édition Bouquins, parue en 2010).

-> Vies et romans d’Alexandre est un volume qui a été évoqué depuis vingt-cinq ans, sans résultat tangible à ce jour. Jean-Louis Bacqué-Grammont et Georges Bohas étaient supposés en être les maîtres d’œuvre. Une mention récente dans Parole de l’orient (2012) laisse à penser que le projet a été abandonné. En effet, une partie des traductions a paru en 2009 dans une édition universitaire et l’auteur de l’article explique que ce « recueil était originellement prévu pour un ouvrage collectif devant paraître dans la Pléiade ». C’est mauvais signe.

Ces huit volumes me paraissent abandonnés.

B/ Les improbables

–> Aimé Césaire, Léon Gontran Damas et Léopold Sedar Senghor ; ce tome était attendu pour 2011 ou 2012, le projet semble mettre un peu plus de temps que prévu. Selon quelques informations recueillies depuis, il semble que, malgré l’effet d’annonce, la réalisation ce volume n’a jamais été vraiment lancée.

–> Saikaku ; quelques informations venues du traducteur, M. Struve, informations vieilles maintenant de dix ans ; notre aruspice de CV, Geo, est pessimiste, du fait du changement opéré dans l’équipe de traduction en cours de route.

–> Carpentier ; cela commence à faire longtemps que ce projet est en cours, trop longtemps (plus de quinze ans que Gallimard l’a évoqué pour la première fois). Carpentier est désormais un peu oublié (à tort). Ce projet ne verra probablement pas le jour.

–> Barrès ; peu probable, rien ne l’a confirmé ces derniers temps…

–> la perspective de la parution d’un volume consacré à Hugo von Hofmannsthal avait été évoquée dans les années 90 (par Jacques Le Rider dans la préface d’un Folio). La Pochothèque et l’Arche se sont occupés de republier l’écrivain autrichien. Cette parution me paraît abandonnée.

–> En 2001, Mme Naudet s’est chargée du catalogage des œuvres de Pierre Guyotat en vue d’une possible parution à la Pléiade. Je ne pense pas que cette réflexion, déjà ancienne, ait dépassé le stade de la réflexion. Gallimard a visiblement préféré le sémillant d’Ormesson au ténébreux Guyotat.

-> Voici quelques années, M. Pradier, le directeur de la collection avait évoqué diverses possibilités pour la Pléiade : Pétrarque, Leopardi et Chandler. Ce n’étaient là que pistes de réflexions, il n’y a probablement pas eu de suite. Un volume Pétrarque serait parfaitement adapté à l’image de la collection et son œuvre y serait à sa place. Je ne sais pas si la perspective a été creusée. Boccace manque aussi, d’ailleurs. Pour Leopardi, le fait qu’Allia n’ait pas réussi à écouler le Zibaldone et la Correspondance (bradée à 25€ désormais) m’inspirent de grands doutes. Le projet serait légitime, mais je suis pessimiste – ce qui est logique en parlant de l’infortuné poète bossu. Enfin, Chandler a fait l’objet depuis d’un Quarto, et même s’il est publié aux Meridiani (pléiades italiens), je ne crois pas à sa parution en Pléiade.

Ces neuf volumes me paraissent incertains. Abandon possible (ou piste de réflexion pas suivie).

C/ Les plausibles

–> Nathaniel Hawthorne ; à la fois légitime (du fait de l’importance de l’auteur), possible (du fait du tropisme américain de la Pléiade depuis quelques années) et annoncé par quelques indiscrétions ici ou là. On m’a indiqué, parmi l’équipe du volume, les possibles participations de M. Soupel et de Mme Descargues.

-> Le projet de parution d’Antonin Artaud à la Pléiade a été suspendu au début des années 2000, du fait des désaccords survenus entre la responsable du projet éditorial et les ayants-droits de l’écrivain ; il devrait entrer dans le domaine public au 1er janvier 2019 et certains agendas ont cité Artaud par le passé ; un projet pourrait bien être en cours, sinon d’élaboration, tout du moins de réflexion.

–> Romain Gary, en deux tomes, d’ici la fin de la décennie.

–> Kierkegaard ; deux volumes, traduits par Régis Boyer, maître ès-Scandinavie ; on n’en sait pas beaucoup plus et ce projet est annoncé depuis très longtemps.

–> Jean Potocki ; la découverte d’un second manuscrit a encore ralenti le serpent de mer (un des projets les plus anciens de la Pléiade à n’avoir jamais vu le jour).

–> Thomas Mann ; il faudrait de nouvelles traductions, et les droits ne sont pas chez Gallimard (pas tous en tout cas) ; Gallimard attend que Mann tombe dans le domaine public (une dizaine d’années encore…), selon la lettre que l’équipe de la Pléiade a adressé à un des lecteurs du site.

–> Le dit du Genji, informations contradictoires. Une nouvelle traduction serait en route.

–> Robbe-Grillet : selon l’un de nos informateurs, le projet serait au stade de la réflexion.

–> Huysmans : Michel Houellebecq l’a évoqué dans une scène son dernier roman, Soumission ; le quotidien Le Monde a confirmé que l’écrivain avait été sondé pour une préface aux œuvres (en un volume ?) de J.K.Huysmans, un des grands absents du catalogue. Le projet serait donc en réflexion.

–> Ovide : une nouvelle traduction serait prévue pour les années à venir, en vue d’une édition à la Pléiade.

–> « Tigrane », un de nos informateurs, a fait état d’une possible parution de John Steinbeck à la Pléiade. Information récente et à confirmer un jour.

–> Calvino, on sait que la veuve de l’écrivain a quitté le Seuil pour Gallimard en partie pour un volume Pléiade. Édition possible mais lointaine.

–> Lagerlöf, la Pléiade n’a pas fermé la porte, et un groupe de traducteurs a été réuni pour reprendre ses œuvres. Édition possible mais lointaine.

Enfin, j’avais exploré les annonces du catalogue 1989, riche en projets, donc beaucoup ont vu le jour. Suivent ceux qui n’ont pas encore vu le jour (et qui ne le verront peut-être jamais) – reprise d’un de mes commentaires de la note de décembre 2013.

– Akutagawa, Œuvres, 1 volume (le projet a été abandonné, vous en trouverez des « chutes » ici ou là)
Anthologie des poètes du XVIIe siècle, 1 volume (je suppose que le projet a été fondu et  dans la réfection de l’Anthologie générale de la poésie française ; abandonné)
Cabinet des Fées, 2 volumes (mes recherches internet, qui datent un peu, m’avaient laissé supposer un abandon complet du projet)
– Chénier, 1 volume, nouvelle édition (abandonné, l’ancienne édition est difficile à trouver à des tarifs acceptables – voir plus bas)
Écrits de la Mésopotamie Ancienne, 2 volumes (probablement abandonné, et publié en volumes NRF « Bibliothèque des histoires » – courants et néanmoins coûteux, dans les années 90)
– Kierkegaard, Œuvres littéraires et philosophiques complètes, 3 volumes (serpent de mer n°1)
– Laforgue, Œuvres poétiques complètes, 1 volume (abandonné, désaccord avec le directeur de l’ouvrage, le projet a été repris, en 2 coûteux volumes, par L’Âge d’Homme)
– Leibniz, Œuvres, 3 volumes : un ISBN attribué à un volume Leibniz a récemment été découvert. Les possibilités d’édition de Leibniz dans la Pléiade, avec une envergure moindre, sont donc remontées.
– Montherlant, Essais, Volume II (voir plus bas)
Moralistes français du XVIIIe siècle, 2 volumes (aucune information récente, abandonné)
Orateurs de la Révolution Française, volume II (mis en pause à la mort de François Furet… en 1997 ! et donc abandonné)
– Potocki, Manuscrit trouvé à Saragosse, 1 volume (serpent de mer n°1 bis)
– Chunglin Hsü, Roman de l’investiture des Dieux, 2 volumes (pas de nouvelles, le dernier roman chinois paru à la Pléiade, c’était Wu Cheng’en en 1991, je penche pour l’abandon du projet)
– Saïkaku, Œuvres, 2 volumes (cas exploré plus haut)
– Sôseki, Œuvres, 2 volumes (cas exploré plus haut)
– Tagore, Œuvres, 2 volumes (le projet a été officiellement abandonné)
Théâtre Kabuki, 1 volume (très incertain, aucune information à ce sujet)
Traités sanskrits du politique et de l’érotique (Arthasoutra et Kamasoutra), 1 volume (idem)
– Xénophon, Œuvres, 1 volume (évoqué plus haut)

b) Les séries en cours :

Attention, je n’aborde ici que les séries inédites. J’évoque un peu plus bas, dans la section IV-b, le cas des séries en cours de réédition, soit exhaustivement : Racine, La Fontaine, Vigny, Balzac, Musset, Marivaux, Claudel, Shakespeare et Flaubert.

Aragon : l’éventualité de la publication un huitième volume d’œuvres, consacré aux écrits autobiographiques, a pu être discutée ; elle est actuellement, selon toute probabilité, au stade de l’hypothèse.

Aristote : le premier tome est sorti en novembre 2014, sans mention visuelle d’un quelconque « Tome I ». Le catalogue parle pourtant d’un « tome I », mais il a déjà presque un an, l’éditeur a pu changer d’orientation depuis. La suite de cette série me paraît conditionnelle et dépendante du succès commercial du premier volume. Néanmoins, les maîtres d’œuvre évoquent, avec certitude, la parution à venir des tomes II et III et l’on sait désormais que Gallimard ne souhaite plus numéroter ses séries qu’avec parcimonie. Il ne faut pas être pessimiste en la matière, mais prudent. En effet, la Pléiade a parfois réceptionné les travaux achevés d’éditeurs pour ne jamais les publier (cas Luther, voir quelques lignes plus bas).

Brecht : l’hypothèse d’une publication du Théâtre et de la Poésie, née d’annonces vieilles de 25 ans, est parfaitement hasardeuse. La mode littéraire brechtienne a passé et l’éditeur se contentera probablement d’un volume bizarre d’Écrits sur le théâtre. Dommage qu’un des principaux auteurs allemands du XXe siècle soit ainsi mutilé.

Brontë :  Premier volume en 2002, deuxième en 2008, il en reste un, Shirley-Villette. Il n’y a pas beaucoup d’information à ce sujet, mais le délai depuis le tome 2 est normal, il n’y a pas d’inquiétude à avoir pour le moment. La traduction de Villette serait achevée.

Calvin : L’Institution de la religion chrétienne est absent du tome d’Œuvres. Aucun deuxième volume ne semble pourtant prévu.

Cendrars : voir plus haut, un volume de Romans serait en cours de préparation.

Écrits intertestamentaires : un second volume, dirigé par Marc Philonenko, serait en chantier, et quelques traductions déjà achevées.

Giraudoux : volume d’Essais annoncé au début des années 90. Selon Jacques Body, maître d’œuvre des trois volumes, et que j’ai personnellement contacté, ce quatrième tome n’est absolument pas en préparation. Projet abandonné.

Gorki : même situation que Brecht et Faulkner, réduction de voilure du projet depuis son lancement. Suite improbable.

Green : je l’évoque plus bas, dans les sections consacrées aux volumes « indisponibles » et aux volumes en voie d’indisponibilité. Les perspectives de survie de l’œuvre dans la collection sont plutôt basses. Aucun tome IX et final ne devrait voir le jour.

Hugo : Œuvres poétiques, IV et V, « en préparation » depuis 40 ans (depuis la mort de Gaëtan Picon). Les œuvres de Victor Hugo auraient besoin d’une sérieuse réédition, la poésie est bloquée depuis qu’un désaccord est survenu avec les maîtres d’ouvrage de l’époque. Il est fort improbable que ce front bouge dans les prochaines années, mais Gallimard maintient les « préparer » à chaque édition de son catalogue. À noter que le 2e tome du Théâtre complet, longtemps indisponible, est à nouveau dans les librairies.

Luther : Le tome publié porte le chiffre romain I. Une suite est censée être en préparation mais l’insuccès commercial de ce volume (la France n’est pas un pays de Luthériens) a fortement hypothéqué le second volume. Personne n’en parle plus, ni les lecteurs, ni Gallimard. Suite improbable. D’autant plus que M. Arnold, le maître d’œuvre explique sur son CV avoir rendu le Tome II… en 2004 ! Ces dix années entre la réception du tapuscrit et la publication indiquent que Gallimard a certainement renoncé. Projet abandonné.

Marx : Les Œuvres complètes se sont arrêtées avec le Tome IV (Politique I). L’éditeur du volume est mort, la « cote » de Marx a beaucoup baissé, il est improbable que de nouveaux volumes paraissent à l’avenir, le catalogue ne défend même plus cette idée par une mention « en préparation ». Série probablement arrêtée.

Montherlant : Essais, tome II. Le catalogue évoque toujours un tome I. Aucune mention de préparation n’est présente (contrairement à ce que les catalogues de la fin des années 2000 annonçaient). Le premier volume a été récemment retiré (voir plus bas, dans la section « rééditions »), tout comme les volumes des romans. Perspective improbable néanmoins.

Nietzsche : Œuvres complètes, d’abord prévues en 5 tomes, puis réduites à 3 (c’est annoncé au catalogue). Le premier volume a paru en 2000. Le deuxième devrait paraître au premier semestre 2017 (information officieuse et à confirmer).

Orateurs de la Révolution française : paru en 1989 pour le bicentenaire de la Révolution, ce premier tome, consacré à des orateurs de la Constituante, n’a pas eu un grand succès commercial. François Furet, son éditeur scientifique, est mort depuis. Tocqueville, son autre projet, a été retardé quelques années, mais a pu s’achever. Celui-ci ne le sera pas. Suite abandonnée.

Queneau : en principe, ont paru ses Œuvres complètes, en trois tomes, mais le Journal n’y est pas, pas plus que ses articles et critiques. Un quatrième tome, non annoncé par la Pléiade, est-il néanmoins possible ? Aucune information à ce sujet.

Sand : un volume de Romans est en préparation (cf. plus haut).

Stevenson : un troisième tome d’Œuvres est en préparation. Le deuxième volume a paru en 2005 déjà, il serait temps que le troisième (et dernier) sorte dans les librairies.

Supervielle : une édition des Œuvres en 2 volumes avait été initialement prévue, la poésie est sortie en 1996, le reste doit être abandonné.

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III. Les volumes « épuisés »

Ces volumes ne sont plus disponibles sur le marché du livre neuf. Gallimard ne compte pas les réimprimer. Cette politique est assortie de quelques exceptions, imprévisibles, comme les Cahiers de Paul Valéry, « épuisés » en 2008 et pourtant réimprimés quelques années plus tard. Cet épuisement peut préluder une nouvelle édition (Casanova par exemple), mais généralement signe la sortie définitive du catalogue. Les « épuisés » sont presque tous trouvables sur le marché de l’occasion, à des prix parfois prohibitifs (je donne pour chaque volume une petite estimation basée sur mes observations sur abebooks, amazon et, surtout, ebay, lors d’enchères, fort bon moyen de voir à quel prix s’établit « naturellement » un livre sur un marché assez dense d’amateurs de la collection ; mon échelle de prix est évidemment calquée sur celle de la collection, donc 20€ équivaut à une affaire et 50€ à un prix médian).

1/ Œuvres d’Agrippa d’Aubigné, 1969 : Gallimard a exclu explicitement la réédition. C’est le cas de beaucoup de volumes des années 1965-1975, majoritaires parmi les épuisés. Ils ont connu un retirage, ou aucun. 48€ au catalogue, peut monter à 70€ sur le marché de l’occasion.

2/ Œuvres Complètes de Nicolas Boileau, 1966 : Gallimard a exclu explicitement la réédition. Le XVIIe siècle est victime de son progressif éloignement ; cette littérature, sauf quelques grands noms, survit mal ; et certains auteurs ne sont plus jugés par la direction de la collection comme suffisamment « vivants » pour être édités. C’est le cas de Boileau. 43€ au catalogue, il est rare qu’il dépasse ce prix sur le second marché.

3/ Œuvres Complètes d’André Chénier, 1940 : Gallimard a exclu explicitement la réédition. Étrangement, il était envisagé, en 1989 encore (source : le catalogue de cette année-là), de proposer au public une nouvelle édition de ce volume. Chénier a-t-il été victime de l’insuccès du volume Orateurs de la Révolution française ? L’œuvre, elle-même, paraît bien oubliée désormais. 40€ au catalogue, trouvable à des tarifs très variables (de 30 à 80).

4/ Œuvres de Benjamin Constant, 1957 : Gallimard a exclu explicitement la réédition. À titre personnel, je suis un peu surpris de l’insuccès de Constant. 48€ au catalogue, assez peu fréquent sur le marché de l’occasion, peut coûter cher (80/100€)

5/ Conteurs français du XVIe siècle, 1965 : pas d’information de la part de l’éditeur. L’orthographe des volumes médiévaux ou renaissants de la Pléiade (et même ceux du XVIIe) antérieurs aux années 80 n’était pas modernisée. C’est un volume dans un français rocailleux, donc. 47€ au catalogue, assez aisé à trouver pour la moitié de ce prix (et en bon état). Peu recherché.

6/ Œuvres Complètes de Paul-Louis Courier, 1940 : pas d’information de la part de l’éditeur. Courier est un peu oublié de nos jours. 40€ au catalogue, trouvable pour un prix équivalent en occasion (peut être un peu plus cher néanmoins).

7/ Œuvres Complètes de Tristan Corbière et de Charles Cros, 1970 : pas d’information de la part de l’éditeur. C’était l’époque où la Pléiade proposait, pour les œuvres un peu légères en volume, des regroupements plus ou moins justifiés. Les deux poètes ont leurs amateurs, mais pas en nombre suffisant visiblement. Néanmoins, le volume est plutôt recherché. Pas de prix au catalogue, difficilement trouvable en dessous de 80€/100€.

8/ Œuvres de Nicolas Leskov et de M.E. Saltykov-Chtchédrine, 1967 : Gallimard a exclu explicitement la réédition. Encore un regroupement d’auteurs. Le champ russe est très bien couvert à la Pléiade, mais ces deux auteurs, malgré leurs qualités, n’ont pas eu beaucoup de succès. 47€ au catalogue, coûteux en occasion (quasiment impossible sous 60/80€, parfois proposé au-dessus de 100)

9/ Œuvres de François de Malherbe, 1971 : Gallimard a exclu explicitement la réédition. Et pour cause. C’est le « gadin » historique de la collection, l’exemple qu’utilise toujours Hugues Pradier, son directeur, quand il veut illustrer d’un épuisé ses remarques sur les méventes de certain volume. 39€ au catalogue, je l’ai trouvé neuf dans une librairie il y a six ans, et je crois bien que c’était un des tout derniers de France. Peu fréquent sur le marché de l’occasion, mais généralement à un prix accessible (30/50€).

10/ Maumort de Roger Martin du Gard, 1983 : aucune information de Gallimard. Le volume le plus récemment édité parmi les épuisés. Honnêtement, je ne sais s’il relève de cette catégorie par insuccès commercial (la gloire de son auteur a passé) ou en raison de problèmes littéraires lors de l’établissement d’un texte inachevé et publié à titre posthume. 43€ au catalogue, compter une cinquantaine d’euros d’occasion, peu rare.

11/ Commentaires de Blaise de Monluc, 1964 : aucune information de Gallimard. Comme pour les Conteurs français, l’orthographe est d’époque. Le chroniqueur historique des guerres de religion n’a pas eu grand succès. Pas de prix au catalogue, assez rare d’occasion, peut coûter fort cher (60/100).

12/ Histoire de Polybe, 1970 : Gallimard informe ses lecteurs qu’il est désormais publié en « Quarto », l’autre grande collection de l’éditeur. Pas de prix au catalogue. Étrange volume qui n’a pas eu de succès mais qui s’arrache à des prix prohibitifs sur le marché de l’occasion (difficile à trouver à moins de 100€).

13/ Poètes et romanciers du Moyen Âge, 1952 : exclu d’une réédition en l’état. C’est exclusivement de l’ancien français (comme Historiens et Chroniqueurs ou Jeux et Sapience), quand tous les autres volumes médiévaux proposent une édition bilingue. Une partie des textes a été repris dans d’autres volumes ou dans l’Anthologie de la poésie française I. 42€ au catalogue, trouvable sans difficulté pour une vingtaine d’euros sur le marché de l’occasion.

14/ Romanciers du XVIIe siècle, 1958 : exclu d’une réédition. Orthographe non modernisée. Un des quatre romans (La Princesse de Clèves) figure dans l’édition récente consacrée à Mme de Lafayette. Sans prix au catalogue, très fréquent en occasion, à des prix accessibles (20/30€).

15/ et 16/ Romancier du XVIIIe siècle I et II, 1960 et 1965. Gallimard n’en dit rien, ce sont pourtant deux volumes regroupant des romans fort connus (dont Manon LescautPaul et VirginieLe Diable amoureux). Subissent le sort d’à peu près tous les volumes collectifs de cette époque : peu de notes, peu de glose, à refaire… et jamais refaits. 49,5€ et 50,5€. Trouvables à des prix similaires, sans trop de difficulté, en occasion.

17/, 18/ et 19/ Œuvres I et II, Port-Royal I, de Sainte-Beuve, 1950, 1951 et 1953. Gallimard ne prévoit aucune réimpression du premier volume de Port-Royal mais ne dit pas explicitement qu’il ne le réimprimera jamais. Les chances sont faibles, néanmoins. Son épuisement ne doit pas aider à la vente des volumes II et III. Le destin de Sainte-Beuve semble du reste de sortir de la collection. Les trois volumes sont sans prix au catalogue. Les Œuvres sont trouvables à des prix honorables, Port-Royal I, c’est plus compliqué (parfois il se négocie à une vingtaine d’euros, parfois beaucoup plus). L’auteur ne bénéficie plus d’une grande cote.

20/, 21/ et 22/ Correspondance III et III, de Stendhal, 1963, 1967 et 1969. Cas unique, l’édition est rayée du catalogue papier (et pas seulement marquée comme épuisée), pour des raisons de moi inconnues (droits ? complétude ? qualité de l’édition ? Elle fut pourtant confiée au grand stendhalien Del Litto). Cette Correspondance, fort estimée (par Léautaud par exemple) est difficile à trouver sur le marché de l’occasion, surtout le deuxième tome. Les prix sont à l’avenant, normaux pour le premier (30/40), parfois excessifs pour les deux autres (le 2e peut monter jusque 100). Les volumes sont assez fins.

23/ et 24/ Théâtre du XVIIIe siècle, I et II, 1973 et 1974. Longtemps marqués « indisponibles provisoirement », ces deux tomes sont récemment passés « épuisés ». Ce sont deux volumes riches, dont Gallimard convient qu’il faudrait refaire les éditions. Mais le contexte économique difficile et l’insuccès chronique des volumes théâtraux (les trois tomes du Théâtre du XVIIe sont toujours à leur premier tirage, trente ans après leur publication) rendent cette perspective très incertaine. 47€ au catalogue, très difficiles à trouver sur le marché de l’occasion (leur prix s’envole parfois au-delà des 100€, ce qui est insensé).

Cas à part : Œuvres complètes  de Lautréamont et de Germain Nouveau. Lautréamont n’est pas sorti de la Pléiade, mais à l’occasion de la réédition de ses œuvres voici quelques années, fut expulsé du nouveau tome le corpus des écrits de Germain Nouveau, qui occupait d’ailleurs une majeure partie du volume collectif à eux consacrés. Le volume est sans prix au catalogue. Il est relativement difficile à trouver et peut coûter assez cher (80€).

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 IV. Les rééditions

Lorsque l’on achète un volume de la Pléiade, il peut s’agir d’une première édition et d’un premier tirage, d’une première édition et d’un ixième tirage ou encore d’une deuxième (ou, cas rare, d’une troisième, exceptionnel, d’une quatrième) édition. Cela signifie qu’un premier livre avait été publié voici quelques décennies, sous une forme moins « universitaire » et que Gallimard a jugé bon de le revoir, avec des spécialistes contemporains, ou de refaire les traductions. En clair, il faut bien regarder avant d’acheter les volumes de ces auteurs de quand date non l’impression mais le copyright.

Il arrive également que Gallimard profite de retirages pour réviser les volumes. Ces révisions, sur lesquelles la maison d’édition ne communique pas, modifient parfois le nombre de pages des volumes : des coquilles sont corrigées, des textes sont revus, des notices complétées, le tout de façon discrète. Ces modifications sont très difficiles à tracer, sauf à comparer les catalogues ou à feuilleter les derniers tirages de chaque Pléiade (un des commentateurs, plus bas, s’est livré à l’exercice – cf. l’exhaustif commentaire de « Pléiadophile », publié le 12 avril 2015)

La plupart des éditions « dépassées » sont en principe épuisées.

a) Rééditions à venir entièrement (aucun volume de la nouvelle édition n’a paru)

Parmi les rééditions à venir, ont été évoqués, de manière très probable :

Kafka, par Jean-Pierre Lefebvre (je ne sais si ce projet concerne la totalité des quatre volumes ou seulement une partie).

Michelet, dont l’édition date de l’avant-guerre ; certes quelques révisions de détail ont dû intervenir à chaque réimpression, mais enfin, l’essentiel des notes et notices a vieilli.

Descartes (l’édition en un volume date de 1937) en deux volumes.

Apollinaire, pour la poésie seulement (la prose est récente).

Jeux et sapience du Moyen Âge, édition de théâtre médiéval en ancien français, réputée « indisponible provisoirement ». La nouvelle édition est en préparation (cf. plus haut). Cette édition, en deux volumes serait logique et se situerait dans la droite ligne des éditions bilingues et médiévales parues depuis 20 ans (RenartTristan et Yseut, le Graal, Villon).

De manière possible

Verlaine, on m’en a parlé, mais je ne parviens pas à retrouver ma source. L’édition est ancienne.

Chateaubriand, au moins pour les Mémoires d’Outre-Tombe mais l’hypothèse a pris du plomb dans l’aile avec la reparution, en avril 2015, d’un retirage en coffret de la première (et seule à ce jour) édition.

Montherlant, pour les Essais… c’est une hypothèse qui perd d’année en année sa crédibilité puisque le tome II n’est plus annoncé dans le catalogue. Néanmoins, un retirage du tome actuel a été réalisé l’an dernier, ce qui signifie que Gallimard continue de soutenir la série Montherlant… Plus improbable que probable cependant.

b) Rééditions inachevées ou en cours (un ou plusieurs volumes de la nouvelle édition ont paru)

Balzac : 1/ La Comédie humaine, I à XI, de 1935 à 1960 ; 2/ La Comédie humaine, I à XII, de 1976 à 1981 + Œuvres diverses I, en 1990 et II, en 1996 + Correspondance I, en 2006 et II, en 2011. Le volume III de la Correspondance est attendu avec optimisme pour les prochaines années. Pour le volume III des Œuvres diverses en revanche, l’édition traîne depuis des années et le décès du maître d’œuvre, Roland Chollet, à l’automne 2014, n’encourage pas à l’optimisme.

Claudel : 1/ Théâtre I et II (1948) + Œuvre poétique (1957) + Œuvres en prose (1965) + Journal I (1968) et II (1969) ; 2/ Théâtre I et II (2011). Cette nouvelle édition du Théâtre pourrait préfigurer la réédition des volumes de poésie et de prose (et, sans conviction, du Journal ?), mais Gallimard n’a pas donné d’information à ce sujet.

Flaubert : 1/ Œuvres complètes, I et II, en 1936 ; 2/ Correspondance I (1973), II (1980), III (1991), IV (1998) et V (2007) + Œuvres complètesI (2001), II et III (2013). Les tomes IV et V sont attendus pour bientôt (les textes auraient été rendus pour relecture selon une de nos sources). En attendant le tome II de la vieille édition est toujours disponible.

La Fontaine : 1/ Œuvres complètes I, en 1933 et II, en 1943 ; 2/ Œuvres complètes I, en 1991. Comme pour Racine, le deuxième tome est encore celui de la première édition. Il est assez courant. Après 25 ans d’attente, et connaissant les mauvaises ventes des grands du XVIIe (Corneille par exemple), la deuxième édition du deuxième tome est devenue peu probable.

Marivaux : 1/ Romans, en 1949 + Théâtre complet, en 1950 ; 2/ Œuvres de jeunesse, en 1972 + Théâtre complet, en 1993 et 1994. En principe, les Romans étant indisponibles depuis des années, une nouvelle édition devrait arriver un jour. Mais là encore, comme pour La Fontaine, Vigny ou le dernier tome des Œuvres diverses de Balzac, cela fait plus de 20 ans qu’on attend… Rien ne filtre au sujet de cette réédition.

Musset : 1/ Poésie complète, en 1933 + Théâtre complet, en 1934 + Œuvres complètes en prose, en 1938 ; 2/ Théâtre complet, en 1990. La réédition prévue de Musset en trois tomes, et annoncée explicitement par Gallimard dans son catalogue 1989, semble donc mal partie. Le volume de prose est « indisponible provisoirement » et la poésie est toujours dans l’édition Allem, vieille de 80 ans. Là encore, comme pour La Fontaine et Racine, il est permis d’être pessimiste.

Racine : 1/ Œuvres complètes I, en 1931 et II, en 1952 ; 2/ Œuvres complètes I, en 1999. Le deuxième tome est donc encore celui de la première édition. Il est très rare de le trouver neuf dans le commerce. Le délai entre les deux tomes est long, mais il l’avait déjà été dans les années 30-50. On peut néanmoins se demander s’il paraîtra un jour.

Shakespeare : 1/ Théâtre complet, en 1938 (2668 pages ; j’ai longtemps pensé qu’il s’agissait d’un seul volume, mais il s’agirait plus certainement de deux volumes, les 50e et 51e de la collection ; le mince volume de Poèmes aurait d’ailleurs peut-être relevé de cette édition là, mais avec une vingtaine d’années de retard ; les poèmes auraient par la suite été intégrés par la nouvelle édition de 1959 dans un des deux volumes ; ne possédant aucun des volumes concernés, je remercie par avance mes aimables lecteurs (et les moins aimables aussi) de bien vouloir me communiquer leurs éventuelles informations complémentaires) ; 2/ Œuvres complètes, I et II, Poèmes (III) (?) en 1959 ; 3/ Œuvres complètes I et II (Tragédies) en 2002 + III et IV (Histoires) en 2008 + V (Comédies) en 2013. Les tomes VI (Comédies) et VII (Comédies) sont en préparation, pour une parution en 2016. Le tome VIII (Poésies) paraîtra ultérieurement.

Vigny : 1/ Œuvres complètes I et II, en 1948 ; 2/ Œuvres complètes I (1986) et II (1993). Le tome III est attendu depuis plus de 20 ans, ce qui est mauvais signe. Gallimard n’en dit rien, Vigny ne doit plus guère se vendre. Je suis pessimiste à l’égard de ce volume.

c) Rééditions achevées

Quatre éditions :

Choderlos de Laclos : 1/ Les Liaisons dangereuses, en 1932 ; 2/ Œuvres complètes en 1944 ; 3/ Œuvres complètes en 1979 ; 4/ Les Liaisons dangereuses, en 2011. Pour le moment, les éditions 3 et 4 sont toujours disponibles.

Trois éditions :

Baudelaire : 1/ Œuvres complètesI et II, en 1931 et 1932 ; 2/ Œuvres complètesen 1951 ; 3/ Correspondance I et II en 1973 + Œuvres complètesI et II, en 1975 et 1976.

Camus : 1/ Théâtre – Récits – Nouvelles, en 1962 + Essais, en 1965 ; 2/ Théâtre – Récits et Nouvelles -Essais, en 1980 ; 3/ Œuvres complètesI et II, en 2006, III et IV, en 2008.

Molière : 1/ Œuvres complètesI et II, en 1932 ; 2/ Œuvres complètesI et II, en 1972 ; 3/ Œuvres complètesI et II, en 2010. L’édition 2 est encore facilement trouvable et la confusion est tout à fait possible avec la 3.

Montaigne : 1/ Essais, en 1934 ; 2/ Œuvres complètes, en 1963 ; 3/ Essais, en 2007.

Rimbaud : 1/ Œuvres complètes, en 1946 ; 2/ Œuvres complètes, en 1972 ; 3/ Œuvres complètes, en 2009.

Stendhal : 1/ Romans, I, II et III, en 1932, 1933 et 1934 ; 2/ Romans et Nouvelles, I et II en 1947 et 1948 + Œuvres Intimes en 1955 + Correspondance en 1963, 1967 et 1969 ; 3/ Voyages en Italie en 1973 et Voyages en France en 1992 + Œuvres Intimes I et II, en 1981 et 1982 + Œuvres romanesques complètes en 2005, 2007 et 2014. Soit 16 tomes différents, mais seulement 7 dans l’édition considérée comme à jour.

Deux éditions :

Beaumarchais : 1/ Théâtre complet, en 1934 ; 2/ Œuvres, en 1988.

Casanova : 1/ Mémoires, I-III (1958-60) ; 2/ Histoire de ma vie, I-III (2013-15).

Céline : 1/ Voyage au bout de la nuit – Mort à crédit (1962) ; 2/ Romans, I (1981), II (1974), III (1988), IV (1993) + Lettres (2009).

Cervantès : 1/ Don Quichotte, en 1934 ; 2/ Œuvres romanesques complètesI (Don Quichotte) et II (Nouvelles exemplaires), 2002.

Corneille : 1/ Œuvres complètes, I et II, en 1934 ; 2/ Œuvres complètes, I (1980), II (1984) et III (1987).

Diderot : 1/ Œuvres, en 1946 ; 2/ Contes et romans, en 2004 et Œuvres philosophiques, en 2010.

Gide : 1/ Journal I (1939) et II (1954) + Anthologie de la Poésie française (1949) + Romans (1958) ; 2/ Journal I (1996) et II (1997) + Essais critiques (1999) + Souvenirs et voyages (2001) + Romans et récits I et II (2009). L’Anthologie est toujours éditée et disponible.

Goethe : 1/ Théâtre complet (1942) + Romans (1954) ; 2/ Théâtre complet (1988). Je n’ai jamais entendu parler d’une nouvelle édition des Romans ni d’une édition de la Poésie, ce qui demeure une véritable lacune – que ne comble pas l’Anthologie bilingue de la poésie allemande.

Mallarmé : 1/ Œuvres complètes, en 1945 ; 2/ Œuvres complètes I (1998) et II (2003).

Malraux : 1/ Romans, en 1947 + Le Miroir des Limbes, en  1976 ; 2/ Œuvres complètes I-VI (1989-2010).

Mérimée : 1/ Romans et nouvelles, en 1934 ; 2/ Théâtre de Clara Gazul – Romans et nouvelles, en 1979.

Nerval : 1/ Œuvres, I et II, en 1952 et 1956 ; 2/ Œuvres complètes I (1989), II (1984) et III (1993).

Pascal :  1/ Œuvres complètes, en 1936 ; 2/ Œuvres complètes I (1998) et II (2000).

Péguy : 1/ Œuvres poétiques (1941) + Œuvres en prose I (1957) et II (1959) ; 2/ Œuvres en prose complètes I (1987), II (1988) et III (1992) + Œuvres poétiques dramatiques, en 2014.

Proust : 1/ À la Recherche du temps perdu, I-III, en 1954 ; 2/ Jean Santeuil (1971) + Contre Sainte-Beuve (1974) + À la Recherche du temps perdu, I-IV (1987-89).

Rabelais : 1/ Œuvres complètes, en 1934 ; 2/ Œuvres complètes, en 1994.

Retz : 1/ Mémoires, en 1939 ; 2/ Œuvres (1984).

Ronsard : 1/ Œuvres complètes I et II, en 1938 ; 2/ Œuvres complètes I (1993) et II (1994).

Rousseau : 1/ Confessions, en 1933 ; 2/ Œuvres complètes I-V (1959-1969).

Mme de Sévigné : 1/ Lettres I-III (1953-57) ; 2/ Correspondance I-III (1973-78).

Saint-Exupéry : 1/ Œuvres, en 1953 ; 2/ Œuvres complètes I (1994) et II (1999).

Saint-Simon : 1/ Mémoires, I à VII (1947-61) ; 2/ Mémoires, I à VIII (1983-88) + Traités politiques (1996).

Voltaire : 1/ Romans et contes, en 1932 + Correspondance I et II en 1964 et 1965 ; 2/ le reste, c’est à dire, les Œuvres historiques (1958), les Mélanges (1961), les deux premiers tomes de la Correspondance (1978) et les onze tomes suivants (1978-1993) et la nouvelle édition des Romans et contes (1979).

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V. Les volumes « indisponibles provisoirement »

Un volume ne s’épuise pas tout de suite. Il faut du temps, variable, pour que le stock de l’éditeur soit complètement à zéro. Gallimard peut alors prendre trois décisions : réimprimer, plus ou moins rapidement ; ou alors renoncer à une réimpression et lancer sur le marché une nouvelle édition (qu’il préparait déjà) ; ou enfin, ni réimprimer ni rééditer. Je vais donc ici faire une liste rapide des volumes actuellement indisponibles et de leurs perspectives (réalistes) de réimpression. Je n’ai pas d’informations exclusives, donc ces « informations » sont à prendre avec précaution. Elles tiennent à mon expérience du catalogue.

-> Boulgakov, Œuvres I, La Garde Blanche. 1997. C’est un volume récent, qui n’est épuisé que depuis peu de temps, il y a de bonnes chances qu’il soit réimprimé d’ici deux ou trois ans (comme l’avait été le volume Pasternak récemment).

-> Cao Xueqin, Le Rêve dans le Pavillon Rouge I et II, 1981. Les deux volumes ont fait l’objet d’un retirage en 2009 pour une nouvelle parution en coffret. Il n’y a pas de raison d’être pessimiste alors que celle-ci est déjà fort difficile à trouver dans les librairies. À nouveau disponible (en coffret).

-> Defoe, Romans, II (avec Moll Flanders). Le premier tome a été retiré voici quelques années, celui-ci, en revanche, manque depuis déjà pas mal de temps. Ce n’est pas rassurant quand ça se prolonge… mais le premier tome continue de se vendre, donc les probabilités de retirage ne sont pas trop mauvaises.

-> Charles Dickens, Dombey et Fils – Temps Difficiles Le Magasin d’Antiquités – Barnabé Rudge ; Nicolas Nickleby – Livres de Noël ; La Petite Dorrit – Un Conte de deux villes. Quatre des neuf volumes de Dickens sont « indisponibles », et ce depuis de très longues années. Les perspectives commerciales de cette édition en innombrables volumes ne sont pas bonnes. Les volumes se négocient très cher sur le marché de l’occasion. Gallimard n’a pas renoncé explicitement à un retirage, mais il devient d’année en année plus improbable.

-> Fielding, Romans. Principalement consacré à Tom Jones, ce volume est indisponible depuis plusieurs années, les perspectives de réimpression sont assez mauvaises. À moins qu’une nouvelle édition soit en préparation, le volume pourrait bien passer parmi les épuisés.

-> Green, Œuvres complètes IV. Quinze ans après la mort de Green, il ne reste déjà plus grand chose de son œuvre. Les huit tomes d’une série même pas achevée ne seront peut-être jamais retirés une fois épuisés. Le 4e tome est le premier à passer en « indisponible ». Il pourrait bien ne pas être le dernier et bientôt glisser parmi les officiellement « épuisés ».

 -> Hugo, Théâtre complet II. À nouveau disponible.

-> Jeux et Sapience du Moyen Âge. Cas évoqué plus haut de nouvelle édition en attente. Selon toute probabilité, il n’y aura pas de réédition du volume actuel.

-> Marivaux, Romans. Situation évoquée plus haut, faibles probabilité de réédition en l’état, lenteur de la nouvelle édition.

-> Mauriac, Œuvres romanesques et théâtrales complètes, IV. Même si Mauriac n’a plus l’aura d’antan comme créateur (on le préfère désormais comme chroniqueur de son époque, comme moraliste, etc.), ce volume devrait réapparaître d’ici quelques temps.

-> Musset, Œuvres en prose. Évoqué plus haut. Nouvelle édition en attente depuis 25 ans.

-> Racine, Œuvres complètes II. En probable attente de la nouvelle édition. Voir plus haut.

-> Vallès, ŒuvresI. La réputation de Vallès a certes un peu baissé, mais ce volume, comprenant sa célèbre trilogie autobiographique, ne devrait pas être indisponible depuis si longtemps. Réédition possible tout de même.

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VI. Les volumes « en voie d’indisponibilité »

Ce n’est là qu’une courte liste, tirée de mes observations et de la consultation du site « placedeslibraires.com », qui donne un aperçu des stocks de centaines de librairies indépendantes françaises. On y voit très bien quels volumes sont fréquents, quels volumes sont rares. Cela ne préjuge en rien des stocks de l’éditeur. Néanmoins, je pense que les tendances que ma méthode dégage sont raisonnablement fiables. Si vous êtes intéressé par un de ces volumes, vous ne devriez pas hésiter trop longtemps.

– le Port-Royal, II et III, de Sainte-Beuve. Comme les trois autres tomes de l’auteur sont épuisés, il est fort improbable que ces deux-là, retirés pour la dernière fois dans les années 80, ne s’épuisent pas eux aussi. Ils sont tous deux assez rares (-10 librairies indépendantes).

– la Correspondance (entière) de Voltaire. Les 13 tomes, de l’aveu du directeur de la Pléiade, ne forment plus un ensemble que le public souhaite acquérir (pour des raisons compréhensibles d’ailleurs). Le fait est qu’on les croise assez peu souvent : le I est encore assez fréquent, les II, III et XIII (celui-ci car dernier paru) sont trouvables dans 5 à 10 librairies du réseau indépendant, les volumes IV à XII en revanche ne se trouvent plus que dans quelques librairies. Je ne sais pas ce qu’il reste en stock à l’éditeur, mais l’indisponibilité devrait arriver d’ici un an ou deux pour certains volumes.

– les Œuvres de Julien Green. Je les ai évoquées plus haut, à propos de l’indisponibilité du volume IV. Les volumes V, VI, VII et VIII, qui arrivent progressivement en fin de premier tirage devraient suivre. La situation des trois premiers tomes est un peu moins critique, des retirages ayant dû avoir lieu dans les années 90.

– les Œuvres de Malebranche. Dans un entretien, Hugues Pradier a paru ne plus leur accorder grand crédit. Mais je me suis demandé s’il n’avait pas commis de lapsus en pensant à son fameux Malherbe, symbole permanent de l’échec commercial à la Pléiade. Toujours est-il que les deux tomes se raréfient.

– les Œuvres de Gobineau. Si c’est un premier tirage, il est lent à s’épuiser, mais cela vient. Les trois tomes sont moins fréquents qu’avant.

– les Orateurs de la Révolution Française. Série avortée au premier tome, arrêtée par la mort de François Furet avant l’entrée en lice de Robespierre et de Saint-Just. Elle n’aura jamais de suite. Et il est peu probable, compte tenu de son insuccès, qu’elle reste longtemps encore au catalogue.

– le Théâtre du XVIIe siècle, jamais retiré (comme Corneille), malgré trente ans d’exploitation. D’ici dix ans, je crains qu’il ne soit dans la même position que son « homologue » du XVIIIe, épuisé.

– pèle-mêle, je citerais ensuite le Journal de Claudel, les tomes consacrés à France, Marx, Giraudoux, Kipling, Saint François de Sales, Daudet, Fromentin, Rétif de la Bretonne, Vallès, Brantôme ou Dickens (sauf David Copperfield et Oliver Twist). Pour eux, les probabilités d’épuisement à moyen terme sont néanmoins faibles.

13 813 réflexions sur “La Bibliothèque de la Pléiade

  1. J’ai déniché un bel exemplaire des « Traités politiques et autres écrits », de Saint-Simon, sans savoir si cette lecture peut éclairer un tantinet les « Mémoires ». Quelqu’un connaît-il ce recueil et m’en dire quelques mots ?

    • Voici sa recension dans les Cahiers Saint-Simon : → 🔗📰.
      On y trouve des portraits de la même eau que ceux des
      Mémoire et des écrits politiques plus développés.

      Sur les sujets sensibles, les textes sont animés de son habituel fièvre mystique, par exemple à propos de l’habilitation à la couronne des bâtards : « Arrêtons-nous au pied du trône, et, puisqu’il n’y a plus qu’une marche pour y monter, prenons un peu d’haleine et récapitulons courtement l’incroyable chemin qui y a conduit du sein du néant et du fond des plus horribles ténèbres. (…) Il est temps de les voir monter au dernier période d’élévation qui les eût pu porter au trône, et où il n’est que trop véritable de dire que l’Ange exterminateur le plus funeste qui ait jamais désolé la France les a conduits par la main. »

      Ce n’est pas tant que ça éclaire les Mémoire mais les complète.

  2. Vraiment, la mercatique bas-de-gamme et vulgaire de Plon sur la correspondance de Proust donne peu envie de l’acheter…

    • Ni Proust ni Bach ne méritent une telle présentation, ni les amoureux de l’auteur de « La Recherche » qui se fendront de cinq cents euros. On oubliera vite ce truc pour ne garder que l’essentiel : la correspondance. Néanmoins, j’aurais préféré une reliure moins luxueuse, partant moins onéreuse.

      Cordialement.

  3. Eh bien, chers Domonkos, Brumes et Curieux Lecteur, si je puis vous quitter sur un message un peu moins décevant – et si tant est que vous ne l’ayez pas déjà fait -, lisez La Petite Fille qui aimait trop les allumettes de Gaétan Soucy. Je pense que vous n’y serez pas insensibles.

  4. Brumes,
    ne craquez pas.

    Les interventions de ces mabouls nuisibles n’ont d’autre but que de tout salir, tout détruire, ce sont des nihilistes qui sévissent partout et pourrissent tout, afin que ne subsiste nulle part le moindre espace pour l’intelligence, la liberté de débat, la simple convivialité.

    Maniaques de la destruction au point de s’attaquer à ce modeste blog qui se veut hors de la tourmente mais dont la voix, aussi faible soit-elle leur est insupportable, comme leur est insupportable la moindre parcelle de liberté de penser et de s’exprimer.

    Pour ces crétins crétinisants échappés de l’univers infernal de « 1984 », la moindre étincelle d’intelligence est perçue comme une injure personnelle.

    • Bon, puisque c’est comme ça, j’ai changé les règles. Pour commenter ici, il faut désormais avoir un commentaire approuvé. Si l’IP ne me dit rien qui vaille, je n’approuverai pas, même si le message paraît paisible, venant d’un convive bienveillant et disposé à banqueter avec nous. Il est probable que je doive valider vos premiers messages, à vous les habitués, ne vous étonnez pas si votre message n’apparaît pas dès que vous avez posté, mais ne vous inquiétez pas, je saurai trier le bon grain de l’ivraie.

      • J’admets que j’ai pu réagir très vivement aujourd’hui à une remarque de Kunst qui n’était, prise isolément, pas particulièrement insultante, mais c’était la millième du genre sur ce fil. Le problème est toujours le même. Il y a une tendance lourde, ici, à exprimer son désaccord non sur le fond, mais en s’attaquant à autrui, et j’ai peu de goût pour cela.

        Non seulement, ça blesse inutilement la personne en face, sans la convaincre la moins du monde (vous me convaincrez mieux sans me traiter de c**), mais ça génère en réponse un flot de récriminations, de controverses stériles et d’attaques personnelles qui constituent un bruit de fond déplaisant et globalement stérile, et me contraint à intervenir trop souvent.

  5. Monsieur Kunst a raison sur un point : j’ai attaqué bêtement Duras sans fournir d’arguments tirés de ses livres. Attaque un chouia gratuite, même si l’allusion à « L’après-midi de monsieur Andesmas » renvoie au manuscrit de ce livre proposé avec quelques changements à Gallimard, P.O.L. et Minuit qui le refusèrent.

    Plus que cela, si j’ai aimé à vingt ans les livres de Duras, ils ne me touchent plus, il ne m’émeuvent pas, ils ne me nourrissent pas, ils m’agacent, autant que la vanité de l’auteur qui, l’air de rien, prend la pose en lançant une pique contre untel (contre Ingmar Bergman, il faut le faire) ou en délirant sur une mouche. Elle radote, écrit et récrit sans cesse les mêmes choses. Est-ce une vision « stéréoscopique » comme chez Conrad qui, lui, a du génie
    ? Non. Elle n’est ni Conrad, ni Eschyle, ni Dostoïevski, ni Balzac, ni même Sartre qu’elle méprisait. D’autres appellerait ces « reprises » des variations ou un « enrichissement » de la première version publiée. Pour moi, c’est du papier gâché.

    Ces histoire d’amour, de cul, de relations entre hommes et femmes, sa « vision » du monde, ne m’intéressent pas. C’est un sujet traité avec bien plus de profondeur par d’autres. Elle ne m’apprend rien. Il est possible que je ne comprenne pas son originalité, ce qu’elle apporte de neuf à la littérature. Sa « petite musique » ? Encore du radotage.

    Cela dit, lors de la lecture laborieuse des oeuvres dites « complètes » dans la Pléiade, j’ai découvert les deux premières nouvelles de recueil « La douleur ». Là oui ! elle m’a épaté. L’attente du retour de déportation de Robert Antelme, son arrivée, sa longue et douloureuse convalescence, ça vaut les quatre ou cinq mille pages, en ajoutant la deuxième nouvelle et de rares textes journalistiques des années soixante.

    En bon douteur, je continue à me demander si je ne fourre pas le doigt dans l’oeil jusqu’au sacro-iliaque. Que des gens que j’admire (Serge Daney, Jean-Luc Godard, Madeleine Renaud ou Jeanne Moreau) l’aient placée si haut renforcent mes doutes.

    • Merci de ces développements, Marc Bonetto. Je remarque qu’ils expriment presque exactement – et en mieux – ce que j’ai voulu exprimer dans ma précédente intervention sur Marguerite Duras.

      À ceci près que « La Douleur » fait partie de la poignée d’écrits durassions que je n’ai pas lus (pas vu le film non plus) et que votre commentaire m’encourage à… ne surtout pas tenter l’aventure de relire ces oeuvres.

      Rester dans le doute, finir ma vie en me disant que, peut-être, sont-ce d’authentiques chefs-d’oeuvre qui m’ont impressionné dans ma jeunesse, vaut peut-être mieux que « vérifier », au risque d’une cruelle déception et sans grand bénéfice dans le cas contraire, car même si je « retrouvais la Duras de ma jeunesse » il y a fort peu de chance (aucune) que je retrouve les émotions du jeune lecteur que je ne suis plus.

      Elle restera donc dans mes souvenirs et n’entrera jamais dans ma bibliothèque de La Pléiade.

      • Comme me le répète obstinément mon fils, chaque fois que je me laisse aller, « ce ne sont pas les oeuvres qui « vieillissent mal » c’est nous ».

  6. Je viens de lire la nouvelle « L’indifférent » de Proust, avec une préface de Philip Kolb presque aussi longue que la nouvelle elle-même. Intéressant récit de la recherche de Kolb de la nouvelle dans une obscure revue, à partir d’une mention de Proust dans sa correspondance. On a beaucoup parlé de l’édition à venir chez Plon, mais moins du contenu elle-même, sans doute que peu nombreux sont ceux à avoir les nombreux volumes de l’édition parue dans les années 70 ? J’ai lu la correspondance à Reynaldo Hahn mais il y est finalement peu question de littérature. Sera-t-il possible de feuilleter ces gros et coûteux volumes en librairie (à Paris), alors qu’on ne trouve guère plus de Pléiade qui ne soient pas sous clé.

    • Gibert sur Boulmich reste mon lieu de feuilletage favori, avec son mélange de neuf et d’occasion. Pour une édition si coûteuse, l’accès au tripotage n’est pas garanti, Plon fournira-t-il aux librairies à fort volume un exemplaire de démonstration ? Vous avez aussi ce monstre en ligne pour qui on a pondu la loi à 3 balles, qui n’expédie pas toujours avec le soin adéquat mais qui rembourse rubis sur l’ongle.
      Albin Michel a déménagé de St Germain – Solférino vers un bel emplacement à l’angle de Raspail et Vavin. Un espace de taille similaire 400m2, avec la table Goncourt aux 50 nuances de nombrilisme parisien, la table essais politiques nauséabonds et jetables qui fait la fortune de l’éditeur, un sous-sol étroit et oppressant où sont reléguées les BDs et un double mur de Pléiades bien inaccessibles derrière le comptoir. Le libraire Tschann à 300m ressemble beaucoup moins à une supérette.

      • L’un des avantages de la librairie Joseph Gibert du Boul’ Mich’, où j’espère trouver mon bonheur dès mercredi, est qu’il est possible de feuilleter les volumes de La Pléiade. Je doute que cela soit faisable avec la « Correspondance » de Proust, d’autant plus que ce sera, selon l’éditeur, un tirage « de luxe » limité.
        Je ne commande qu’exceptionnellement chez le monstre en ligne. Je préfère l’ex-agitateur d’idées, qui ne vaut certainement guère mieux, ou decitre.com, même si ce dernier est lent, très lent, très très lent, à livrer.

        Puisqu’on est dans le quartier, je signale aux amateurs de bédés, « Aaapoum Bapoum » (14 rue Serpente) avec du neuf, de l’occasion, des livres rares, de vieux exemplaires d’albums et de revues qui font la joie des collectionneurs.

        Enfin, si vous descendez la rue Hautefeuille, les amateurs de bonne cuisine pas excessivement chère se régaleront à « La Lozère ». Demandez au patron de détailler la carte, il le fait avec une verve, un humour et un accent qui aiguisent l’appétit. (J’ai tendance à commander « beaucoup, énormément d’aligot », avec les bras bien écartés, et je me fais un devoir d’honorer l’hénaurme portion que l’on me sert généreusement.)

        Toujours dans le coin, les cinéphiles iront rue Champollion où trois cinémas proposent de grands films. (Actuellement, à l’affiche du « Champo », une rétrospective Ozu, avec des titres rares ; à « La Filmothèque du Quartier latin », ceux qui ne jurent que par Kubrick, Scorsese ou Coppola (Francis Ford) ou par des films noirs américains seront servis. En ce moment, on se régale aussi avec Tarkovski.)

        Cordialement à tous.

        • N’oubliez pas la librairie Compagnie rue des Écoles. Certes, les pléiades n’y sont pas accessibles, il n’y a pas d’occasions, le Goncourt et Astérix sont en piles à la caisse, mais le rayon Beaux-Arts est très qualitatif, le libraire qui en a la charge très sympathique et n’ayant aucun problème à retirer le blister des livres pour consultation.
          Autrement dit, n’hésitez, pléiadeux de tous bords, à venir me saluer.
          (Brumes, mes excuses, un premier message inachevé a été posté précipitamment, vous pouvez le supprimer.)

        • J’habite hélas très loin de Paris et les phynances sont à l’étiage.

          Mais j’aimerais m’y rendre au printemps, avant que l’ex-Ville Lumière soit définitivement ravagé et quasiment rayée de la carte par les Jeux Olympiques.

          Je connais les adresses que vous indiquez et me joins à vous pour recommander chaudement « Aapoum Bapoum ».
          La dernière fois que j’y suis allée, ils n’escroquaient même pas trop sur les prix (mais ça a pu changer ?).

          Je ne suis pas de « ceux qui ne jurent que par Kubrick, Scorcese, Coppola » loin s’en faut, mais Ozu, Tarkowski… je prends !

          Par contre le restau « La Lozère » m’intéresse moins : habitant à quelques kilomètres de la « Castille Française » (qualifiée ainsi par Renaud Camus à cause de son aspect hauts plateaux semi-désertiques), j’ai tout de même souvent l’occasion d’aller goûter la cuisine du terroir « in situ ».

          • Comme il y a bien des pseudonymes trollant sous pseudo, je valide ce message, mais je vous demande s’il vous plaît de n’utiliser qu’un seul pseudonyme, et de ne pas commencer à faire des variations à chaque fois.
            Je vous ai dit que c’était pénible de modérer.

          • Fôte de frappe !
            Pas fait exprès.
            M’en n’était même pas rendu compte.

            M’en voudrais de déformer mon prénom, honorablement connu sur les rives du Danube (bien qu’on y trouve la variante « Domokos » mais je ne l’ai jamais utilisée, ne suis pas sadique à ce point).

            Désolé.
            J’le f’rai plus (à moins qu’Alzheimer ne frappe les trois coups avant d’entrer).

        • N’oubliez pas la librairie Compagnie, rue des Ecoles. Certes, les pléiades n’y sont pas accessibles, il n’y a pas d’occasions, le Goncourt et Astérix sont en piles à la caisse, mais le rayon Beaux Arts est très qualitatif, le libraire qui en a la charge très sympathique et ne faisant aucune difficulté à retirer le blister des ouvrages pour consultation.

          Autrement dit, pléiadeux de tous bords, augustes membres de cet espace de discussion, n’hésitez pas à venir vous faire connaître auprès de votre humble serviteur.

          J’ajoute que la librairie de Cluny, le bouquiniste de l’autre côté de la place Paul Painlevé, vaut également le détour. Des prix défiant toute concurrence sur les pléiades : j’y ai trouvé récemment le coffret Fitzgerald et un des coffrets Duras, les deux à moitié prix, état neuf.

          • Faut qu’je note cette adresse sur mon calepin, dans le cas où je réaliserais mon projet de voyage printanier et pré-olympique (si mon dentiste me laisse quelques euros sur mon compte en banque).

          • A côté de l' »Ecoles cinéma club », une autre excellente salle obscure du quartier, il y a un petit bouquiniste où l’on trouve notamment des volumes de la collection « Ecrivains de toujours ». La libraire est fort sympathique et particulièrement charmante.

            Je connais la librairie Compagnie pour y avoir acheté des Pléiades (par téléphone) et de très beaux recueil de haïkus illustrés par des peintres japonais. Thomas, si vous continuez à jouer les tentateur, je vais finir par ne plus me contenter de saliver devant les vitrines, mais entrer et, à coup sûr, acheter au moins un livre. Or, j’ai déjà une commande volumineuse et lourde chez Joseph Gibert. Mes épaules en piteux état, mon corps joliment tortu, risquent de renâcler méchamment, d’autant plus que la soirée ne sera pas terminée : repas dans l’honorable gargote de la rue Champollion ou dans le restau de la place Paul Painlevé (cuisine sud-américaine, Domonkos, ça ne vous tente pas ?), séance de cinéma, peut-être au « Christine cinéma club », rue Christine, puis deux bus pour retrouver mon logement parisien. Ajoutez une halte éventuelle chez Boulinier et on me retrouvera mort de fatigue.

            Cordialement,

            Parrain Marcanaille.

          • Bonjour cher Thomas,
            Puis-je vous demander votre avis sur l’édition Fitzgerald que vous avez acquis en pléiade ? Il me semble que la question n’a jamais – ou très peu – était abordée sur ce blog. Pour ma part, il fait parti des auteurs anglo-saxons de la collection qui me font de l’œil – avec Henry James, dont les traces de message du blog me font deviner la sincère délectation de Domonkos pour cet auteur mais pas la qualité d’édition de ses nouvelles & romans. Je sais bien que les auteurs anglo-saxons n’ont pas toujours eu excellente presse en ce qui concerne l’établissement d’une editio minor en pléiade – si on écarte Conrad Joyce ou même Nabokov, pour ne citer qu’eux.
            Aussi, je suis certains que les lecteurs de ce blog apprécieront votre modeste éclairage sur la question.

          • Message à « Mar Bonetto » età «  »L’Homme Discret », puisqu’ils évoquent un certain Domonkos…

            Marc, la place Paul Painlevé n’évoque pour moi que la défunte (paix à son âme) maison d’édition-librairie Maspero qui était une sorte de Mecque dans notre stupide jeunesse tiers-mondiste-maoïste, etc.
            Je ne vais jamais dans les restaurants.

            Homme-Discret, ne comptez pas sur moi pour vous faire la critique de l’édition Pléiade d’Henry James et autres auteurs.
            En fait, si je passe pour un vieil aigri, c’est parce que je parle le plus souvent des livres que j’ai détestés. Il est plus facile (pour moi, en tous cas), de voir les défauts et les insuffisances (voire les vices rédhibitoires) d’une édition, que d’analyser ses qualités. Quand c’est mauvais, je sais que c’est mauvais, quand ça me paraît bon je ne suis plus sûr de rien… Quand c’est une cochonnerie comme le Steinbeck, oui, je ne peux pas manquer de le voir tout de même !

            Je cache généralement mes enthousiasmes, tant je crains de m’être trompé. Ou de voir traîner dans la boue un livre que j’ai adoré. Je n’ai pas l’assurance et la science du critique savant.
            Par exemple, j’ai parlé récemment de ma découverte du vieux Pléiade Gogol. Une sorte d’ovni assez bizarrement construit. Mais une somme qui contient, pour celui qui ne veut pas passer sa vie à réunir tout ce qui est tombé de sa plume tout Gogol et même un peu plus que tout : l’esprit même de Gogol. Mais j’hésite pourtant sur la qualification de cette sorte de « monstre » éditorial : génial ou débile ? Serais-je seul à être fasciné par cette édition, un autre ne la trouverait-il pas insane ?

            Je n’ai qu’une seule certitude, tirée à la fois de l’instinct et de la pratique quotidienne, assidue, approfondie, de l’écriture, depuis plus de 60 années : je sais en quelques lignes ou quelques pages, si j’ai affaire à un écrivain – bon ou moins bon, important ou secondaire peu importe – ou à un faiseur.
            Les faiseurs représentent bon an mal an 90% de ce qui se publie. Parmi eux, beaucoup qui me semblent « excusables », mais beaucoup aussi qui sont une insulte à la littérature et aux véritables écrivains qui prennent leur « métier » au sérieux.
            Et croyez bien que mes goûts sont éclectiques, et ma tolérance assez large. Je peux admirer, savourer un livre qui est de pure technique, sans aucune autre importance, et simplement me dire en le refermant : « bravo l’artiste ! » (mais il s’agit d’un artiste de cabaret).

            Et nous avons tous dans nos bibliothèques respectives, force ouvrages qui n’ont de charme ou de vertu que pour nous seuls.

          • Pour vous répondre sur Fitzgerald, l’édition me semble de très bonne qualité, et sans équivalent chez la concurrence. Elle est dirigée par Philippe Jaworski à qui l’on doit les 4 tomes irréprochables de Melville. Sa traduction de Moby-Dick, reprise en quarto, est à mon sens la meilleure, faisant l’équilibre parfait entre la fidélité au texte original et la part lyrique de celui-ci. Je dois vous avouer néanmoins que je ne suis qu’un modeste lecteur, beaucoup moins exigeant — car moins expert — que certains habitués de ce fil. Des spécialistes de la littérature américaine pourraient peut-être trouver des défauts à cette édition (s’il y en a ici, qu’ils se manifestent ou se taisent à jamais), mais je pense qu’elle satisfait amplement le lecteur premier de la Pléiade, à savoir l’honnête homme.

      • Merci pour le lien, texte très intéressant sur les recherches de Kolb ! Ce travail souligne les répétitions possibles d’une lettre à l’autre et les manques importants.

      • Comment faites-vous ça, WoO (le petit icône en forme de maillons pour signaler un lien) ? Je ne l’avais jamais vu. Et je trouve cela fort joli. J’aimerais bien savoir le faire.

        PS : Pardon, ma question est purement rhétorique, car de toutes manières je ne comprendrais rien à vos explications, étant complètement obtus en matière d’informatique et autre e-quelque-chose.

  7. Comme Thomas, je ne suis qu’un simple lecteur, mais j’aime l’édition de Fitzgerald dans La Pléiade. Le tome II compte moins de deux cents cinquante pages de notices et notes, mais de bonne tenue. Je ne connaissais pas Fitzgerald et cette lecture m’a agréable étonné : c’est un écrivain plus profond que je ne le pensais. Même ses deux premiers romans, « Loin du Paradis » et »Beaux et damnés » valent la lecture. J’ai commencé le second volume et j’y trouve de quoi faire mon miel.

    Cet avis ne vaut que pour moi, je le partage, jusqu’à ce qu’on me prouve le contraire.

    Cordialement,

    Marc Bonetto.

    • Merci à vous Marc Bonetto, ainsi qu’à Thomas Codaccioni pour votre opinion sur l’édition Pléiade Fitzgerald. Je n’en attendais pas moins pour ainsi dire, je suis, tout comme vous, un modeste lecteur. Je peux me dispenser d’un apparat critique maximum, tout juste de quoi être suffisamment éclairé. Je retiens que l’édition est très honnête et sans prétention. Il est possible qu’elle se glisse sous mon sapin à Noël.

    • Bonsoir, je me permets de répondre, non sur le Fitzgerald que je ne possède pas, mais sur les 4 volumes de James et également sur le Moby Dick traduit par Jaworski. Ce message s’adresse donc plus particulièrement à L’Homme discret, Domonkos Szenes et Thomas Codaccioni.
      Je vais commencer par dire que je suis un simple lecteur et non un de ces « savants » qui hantent ces lieux. Pour le Moby Dick, j’ai lu (chose peu aisée), simultanément, les traductions de Giono, celle de Jaworski et celle d’Armel Guerne. Celle qui pour moi emporte et de loin avec le souffle épique contenu dans cette œuvre, c’est bien la traduction d’Armel Guerne. Si la traduction de Jaworski n’est pas fautive, elle manque de cette puissance qui fait une oeuvre, qui fait vibrer. Celle de Giono est (dans mon souvenir) assez fautive. Pour ce qui est des nouvelles d’Henry James, il s’agit d’un travail collectif ou pour une fois, l’appareil critique est dosé à juste mesure. Et cela nous amène à lire et relire ces nouvelles jusqu’à ce que, enfin, on saisisse bien le style et le contenu de l’œuvre de James. James oppose 2 mondes, parlant la même langue, mais avec des valeurs bien différentes. Les souffrances, les déceptions et parfois le bonheur des protagonistes sont juste suggérés, mis en place, mais chez James, rien, jamais, n’est élucidé, jamais d’explication, une fin, sans fin, au lecteur de se faire son idée. Une finesse d’écriture qui peut faire passer à côté de cet immense écrivain. Bravo à l’équipe éditoriale de ces 4 volumes. Evidemment chers pléiadophiles, je recommande vivement et sans ménagement ! Bonnes lectures à tous.

      • La traduction de Guerne est en effet remarquable. Guerne est un très grand poète et un immense traducteur. Mais si on gagne en force littéraire pure, j’ai l’impression qu’on perd en fidélité disons organique par rapport à Jaworski. Sans parler de l’appareil critique conséquent qu’on trouve chez ce dernier. De toute façon, les grands textes sont tellement inépuisables qu’une seule traduction n’est jamais suffisante pour s’en imprégner totalement. La traduction de Guerne serait plus littéraire, celle de Jaworski plus universitaire, et finalement les deux traductions se complètent l’une et l’autre.

        • Uneautrepoesieitalienne
          Un grand poète n’est pas toujours un bon traducteur. J’avais brisé quelques lances avec Neobirt7 à propos de Virgile, traduit par Valery et Pagnol. Neobirt7 donnait l’avantage à Pagnol, quant à moi, je soutenais que Valery faisait du Valery, manière détournée de dire que je n’aimais pas du tout Pagnol. Valery était-il meilleur traducteur ? Sans doute pas. Mais, je le préférais à Pagnol, parce que c’était Valery. J’ai eu ce même sentiment mitigé avec la traduction de Hamlet par Yves Bonnefoy. Mon dieu, que c’était alambiqué ! Je lui préférais de loin la traduction de François-Victor Hugo. C’était moins clinquant mais le rythme et les images s’accordaient mieux au texte source. C’était une traduction moins ambitieuse, sans doute, mais plus  » lisible ». Hugo rendait plus efficacement la dynamique shakespearienne, on ne s’y ennuyait pas.
          On appréciera la traduction d’un poète qu’on aime, on détestera celle d’un écrivain qu’on n’aime pas. Il y a parfois beaucoup trop de l’Autre chez l’Un.
          Les meilleures traductions, m’est avis, sont souvent les plus laborieuses, les plus anonymes.

          • Vous me donnez le prétexte, Zino, de vous poser une question à propos de la traduction de Shakespeare (question parfaitement innocente d’un non-spécialiste en la matière qui compte sur votre science et votre sens critique).

            J’ai eu très récemment (il y a quelques semaines de cela) l’occasion de mettre la main sur l’ancienne édition des « Poèmes » de Shakespeare en Pléiade (que je n’avais jamais possédée, seulement les deux volumes du « Théâtre »), et ainsi pouvoir la lire et la comparer avec la dernière édition des mêmes poèmes dans la dernière mouture pléiadesque. Je pense notamment à « Vénus et Adonis ».
            Que faut-il penser, selon vous, des vices et qualités de l’une et de l’autre ?

            Je me souviens qu’en temps et heure il y eut une discussion ici même à propos de cette nouvelle édition de Shakespeare en Pléiade, et de la traduction – qui avait insisté sur la question du texte « jouable » et du texte « lisible » – mais je ne crois pas qu’il fut question (ou alors passagèrement) des « Poèmes ».

            J’ai bien quelques petites idées, mais qui tiennent plus au sentiment qu’à la science, et je me garderai d’en faire part, de crainte de me ridiculiser.

          • Domonkos,
            J’ai acheté tous les volumes Pléiade Shakespeare en une seule commande, excepté les sonnets qui sont sortis bien plus tard. La traduction de Déprats n’est pas sans saveur, mais elle est parfois trop timorée. Un petit exemple : « and i will stand the hazard of the die » ( in « the tragedy of Richard the third, acte 5 scène 5) est traduit par Déprats, comme ceci : « et je veux en courir la chance ». Je proposerais plutôt :  » et je braverai le danger d’en mourir. »
            Je possède les sonnets, en anglais, sans traduction française en regard, dans la collection Penguin. Si vous maîtrisez tant soit peu, l’anglais, vous pouvez vous passer, ce me semble, de cette nouvelle édition Pléiade, dont je regrette un peu l’achat.

          • Bien d’accord, sauf sur la dernière phrase. Et il existe de bons poètes bons traducteurs (mettons, Philippe Denis) ; des écrivains originaux qui peuvent produire une version intéressante en leur temps (nous ne dirons pas « traduction » – ainsi, Jouve se faisait faire un mot-à-mot puis le récrivait façon Jouve…) ; des étoiles filantes ponctuelles, à ne surtout pas essayer d’imiter (Klossowski pour Virgile !) ; des tâcherons qui se croient auteurs en donnant à leur laborieuse transposition des airs de « subvertir la langue » – bien vainement – ; etc. etc. Mais non, l’exactitude universitaire qui sacrifie la vraie beauté (nous ne nous occupons que de poésie… y compris en prose bien sûr : Proust, Melville…), et l’essentiel de la FORME, ce n’est pas l’idéal traductif !
            Martine Broda pour Celan, Gustave Roud pour Hölderlin, Seamus Heaney pour Pascoli… un peu moins Bonnefoy quand il « rend » un sonnet en 18 vers (mais il a de belles trouvailles) ; bref, nous voilà embarqués dans un trop long discours. Certains adorent ça sur ce fil, nous pas.
            Cordialement,
            UAPI.

          • Zino, j’ai découvert Shakespeare, ado, dans la traduction de Hugo François-Victor, d’abord en GF puis en intégrale trois volumes Garnier ; par la suite, j’ai connu les traductions très éclectiques, reprises notamment reprises dans l’ancienne édition pléiade, en deux volumes ; je me suis finalement laissé aller à acquérir la nouvelle et récente mouture pléiadesque (tout en conservant toutes les autres éditions en ma possession).

            Je ne peux pas dire qu’elle soit ma préférée, et je pèse mes mots. À mes yeux, son principal mérite est d’être bilingue. Incapable de lire Shakespeare directement dans sa langue, je peux le faire de mieux en mieux en m’aidant de la traduction en regard.
            Je précise : le principal mérite de cette édition, parce qu’elle est bilingue, est de me ramener au texte original de Shakespeare, à sa langue, c’est ainsi qu’il résonne le mieux dans ma tête.

            Je ne lirai jamais tous les auteurs anglo-saxons en anglais, car cela représente pour moi un effort exténuant pour peu de profit. Mais il existe quelques exceptions, des poètes généralement, pour lesquels il m’est impossible de me contenter de traductions, et Shakespeare occupe une place d’honneur dans ce groupe.

            De toute façon et de manière générale, la question de la traduction restera irrésolue. C’est un mal nécessaire.

      • Quand Nerval traduit « Faust » il fait du Nerval.
        Quand Baudelaire traduit les « Histoires Extraordinaires » il fait du Baudelaire.
        Quand Giono traduit « Moby Dick » il fait du Giono…

        C’est presque une règle générale, lorsqu’on a affaire à des écrivains à forte personnalité se mêlant de traduction.
        Il faut donc lire « Faust » par Nerval pour Nerval, « Histoires Extraordinaires » par Baudelaire pour Baudelaire, « Moby Dick » par Giono pour Giono…

        (Oui, je sais, j’exagère sans doute, mais je ne peux pas m’empêcher chaque fois que l’occasion se présente de « faire des phrases », comme « les marins » paraît-il, sous la plume d’Audiard et par la voix de Francis Blanche dans « Les Tontons Flingueurs » ; je dois avouer que « c’est curieux », à défaut d’être toujours amusant.)

        Et, bien sûr, il faut parallèlement posséder une autre édition, plus rigoureuse si possible, de Goethe, Poe et Melville…

        À cette occasion, et pour la quarantième fois (car je suis aussi têtu que taquin), je fais appel à tous les sourds qui président aux destinées de la « Prestigieuse Collection » que la maison d’édition de la ci-devant rue Sébastien Bottin s’honore d’éditer : « Quand donc vous déciderez-vous à nous donner une nouvelle édition, entièrement refaite et retraduite, intégrale et accompagnée d’un appareil critique conséquent, d’Edgar Allan Poe ? Scrogneugneu !

  8. J’ai eu en mains l’édition « Prestigieuse » de la correspondance de Proust, mon libraire ayant voulu croire que je me jetterais dessus. L’ensemble est lourd, tapageur et déploie de voyants efforts pour dégager une impression cossue, mais ne justifie pas plus le prix demandé que la moindre production de chez Diane de Selliers. La fabrication en effet est solide bien plutôt que luxueuse : chaque tome reste bien ouvert et ne manifeste pas d’écartement prématuré des cahiers, en dépit de quelques craquements au niveau de la couture, mais la dorure trop jaune pue le procédé industriel, coiffe et angles de coiffe ne sont pas bellement convexes, la toile aurait gagné à un grain plus fin et moins grossier (pas beaucoup plus luxueuse que dans un ensemble de pure érudition comme le Dictionnaire des philosophes antiques des éditions du CNRS, comparable par le format et le prix), et le papier bible fait bien chiffon, malgré la typographie soignée et assez jolie (mais pas recomposée pour l’occasion !). L’ensemble, produit industriel et sans âme auquel il manque le charme des bons matériaux, ne justifie pas l’acquisition. A un niveau de prix moindre, voire bien moindre, on gagnera à se procurer soit une véritable édition pour bibliophiles du début du XXe siècle, comme la mouture définitive de Leconte de Lisle (Lemerre, 1927-1928, 4 vol. in-octavo écu ; l’avatar le plus courant est celui sur Lafuma habillé de chagrin rouge vénitien ou bleu azur, mais je recommande le tirage sur Hollande, non massicoté, avec double état des eaux-fortes, en noir et en sépia), soit des volumes de séries de demi luxe, par exemple « Les beaux romans » illustrés de chez Henri Jonquières, dont le tirage courant, sur vélin de Rives, est superbe (années 20).

      • Point jusque là n’ai poussé mon exploration. La trogne devenue hostile de mon libraire m’en a dissuadé, même en ayant enfilé des gants de vinyle pour ne rien ternir de ces dispendieux tomes. Hormis la présentation éditoriale par un spécialiste (ou plutôt, un biographe stipendié), je n’ai pas eu le sentiment qu’une plus-value scientifique quelconque s’attachait à ce qui constitue un simple omnibus « Deluxe », comme disent les Américains.

        • Disons que c’est maniable pour des ouvrages de ce poids et de ce relatif encombrement ; le papier bible se prête beaucoup mieux au feuilletage que l’épais vélin des beaux cartonnages Paul Bonet chez Gallimard au milieu du siècle (je recommande les Mille et une nuits traduites par Mardrus avec illustrations en pleine page de Van Dongen), mais ces derniers offrent un charme et une qualité de fabrication sans commune mesure avec ce Proust tristement industriel.

          • Je suis heureux, NeoBirt7, de vous voir évoquer ces gros volumes cartonnés et emboîtés dans un solide coffret, agrémenté d’illustrations pleine page, que Gallimard a publié dans les années 50-60 (?).

            J’en voyais un de loin en loin, autrefois, et avais tendance à les mépriser, n’étant pas attiré par les reliures, les illustrations, les gros ouvrages lourds, encombrants et un peu m’as-tu-vu… Depuis quelques années, les générations nées avant, pendant ou juste à la sortie de la Seconde Guerre Mondiale commençant à passer l’arme à gauche, les bibliothèques étant dispersées par les héritiers, j’en vois de plus en plus souvent chez les bouquinistes de mon département et je me suis mis à les feuilleter, puis les apprécier, puis à en acheter quelques-uns.

            Je me suis aperçu que, pour certains auteurs, qui ne nécessitent pas pour un homme de ma génération de longues introductions et de lourds appareils critiques, cela pouvait avantageusement remplacer des pléiades affligées d’embonpoint : je pense par exemple aux romans de Malraux, qui sont aujourd’hui répartis sur deux volumes de La Pléiade, avec force textes périphériques, premiers états, ébauches, fictions plus que secondaires… Dans la collection évoquée je dispose d’un volume de 1070 pages toutes dues exclusivement à la plume de Malraux, et contenant La Tentation de l’Occident ; Les Conquérants ; La Voie Royale ; La Condition Humaine ; Le Temps du Mépris ; L’Espoir ; Les Noyers de l’Altenburg. » Franchement, pour un simple amateur comme moi, qui ne prétend pas au titre de spécialiste de l’oeuvre malrucienne, que demander de plus ?

            Il est d’autres auteurs qui ne figurent pas forcément au sommet de mon Olympe personnelle et dont je n’éprouve pas le besoin de posséder tout l’oeuvre en trois ou quatre volumes, pour lesquels un fort volume contenant l’essentiel ou le coeur, me suffit amplement. Je me défais progressivement de la manie de vouloir tout posséder d’un auteur, sachant qu’une bonne part de sa production soit ne me touche pas soit n’ajoute rien à sa gloire. Évidemment, cela ne concerne pas les plus grands.

            À noter que les types et qualités de papier sont très variables selon les volumes ou selon les tirages.

    • Merci à vous Neo-Birt7 pour ces informations. J’ai commandé chez ma librairie cette intégrale et la recevrai donc. Vos informations précisent c’est bien un commode omnibus, tel que je l’imaginais. Le prix est exorbitant mais il est très difficile autrement de mettre la main sur cette correspondance intégrale.

      En revanche, cela confirme également qu’il n’y aura strictement aucun intérêt à acquérir ces éditions si onéreuses pour les autres textes annoncés (Mémoires de De Gaulle, Journal de Delacroix etc.). Plon va probablement se prendre une gifle sur les prochains volumes quand ceux-ci paraîtront (ou s’ils paraissent, vu le retard de ce premier effort – une année !). Je m’en amuserais le cas échéant car ce sera bien mérité. À ce prix-là, on attendait une confection irréprochable et élégante.

      • Prix de lancement pour trois mois 445€, défalqué le 5% de remise légale que me consent mon libraire, cela met le paveton à 455,75€ !

        Je pourrais éventuellement faire ce sacrifice (pour mon Noël ?), mais cela représenterait presque la totalité de mon budget livre mensuel (dit autrement, ce Plon plomberait irrémédiablement mes phynances).

        Cela et rien d’autre en décembre ! Suis-je prêt à m’immoler de la sorte sur l’autel proustien ?

        • Je ne pense pas que ce prix de lancement soit encore d’actualité (suivant les informations des sites de vente, le prix est de 495 €), ce qui fait le coffret à 470.25 € avec les 5% de remise.

          • Bon, eh bien, pour moi, c’est définitivement mort. Je demanderai autre chose au Père Noël, il y a des limites à ma jobardise (qui pourtant est de belle taille, quand il s’agit de bouquins) et je n’ai pas non plus de sponsors assez riches pour me l’offrir (d’ailleurs, pourquoi leur infligerais-je cela ?).

          • Les optimistes diront, mon cher « Phil », qu’à 495€ la remise est plus importante qu’à 455€ !

            Finalement, ce gros pavé n’est pas assez cher pour moi : à 1500€, avec une remise de 75€ (de quoi m’acheter une Pléiade toute neuve, comme qui dirait gratuite, en bonus), je me serais peut-être laissé tenter…

            Soi-Dit-en-Passant (excusez-moi).

          • Je suis d’accord avec vous, la politique commerciale de Plon (illustrée, entre autres, par le merveilleux « clip » que l’on trouve plus haut) est indéchiffrable : on lance, à l’occasion du centenaire de la disparition de Proust, une collection « Prestigieuse » ; pour des raisons obscures la publication est décalée d’un an (exit la commémoration), et, par voie de conséquence, la remise octroyée durant la période de lancement disparaît.
            Quant aux ouvrages ultérieurs promis à cette sélection « Prestigieuse », ils n’ont pas réellement vocation littéraire, et s’adressent surtout à un public de « niche » (et aux notaires « de province », bien entendu). A moins que la « superbe » série des « Rois Maudits » ne soit un candidat sérieux à cette « gentrification » ?
            Lorsque je qualifie la politique commerciale de Plon d’indéchiffrable, bien entendu, c’est une plaisanterie : comme tous les éditeurs « industriels » (sans commentaire), « business » avant tout.
            Quel que soit le mérite de l’ouvrage, un beau raté, dans tous les cas. Dommage …

  9. Dans le même ordre de prix que la correspondance de Proust, mon libraire m’a montré (très rapidement, car mon intérêt pour cette parution est infime) l’édition du manuscrit retrouvé de « mort à crédit » de Céline.
    Deux volumes reliés toile, l’un de 1600 pages environ, reproduisant, sur un papier de type bible, apparemment, la photographie des feuillets manuscrits, à l’écriture difficilement déchiffrable, m’a-t-il semblé, l’autre proposant la transcription de ces feuillets.
    L’édition est limitée et numérotée, mais cela m’a paru bien cher (450 € : ce n’est pas un fac similé relié, les photographies débordent de l’espace du feuillet).

  10. J’ai acheté la correspondance de Proust. Quid d’un SAV dorure chez Plon ? L’éditeur a-t-il mis en place un service après-vente pour redorer sa Prestigieuse ? Je me fiche de l’or volatile qui s’échappe du jaspage putassier. Par contre, que les inscriptions sur la reliure toilée disparaissent après sollicitation, c’est bien plus fâcheux.

  11. Cher Domonkos,
    Pour Shakespeare en particulier, je ne dirais pas que la traduction est un mal nécessaire, mais plutôt que c’est nécessairement un mal. Pour lire Shakespeare dans le texte, je reconnais que l’effort fut grand et long. Je commençai de le lire, en anglais, dès la Terminale et ce fut un très laborieux chemin de croix. Je découvris Shakespeare très tôt, en même temps que Racine, Eschyle et Hugo. J’achetai mon premier Shakespeare, en garnier classique, reliure cuir Havane, avec l’argent de poche destiné aux maquettes Monogram, que je montais avec passion. Quand on n’a pas d’argent, il faut assouvir l’une ou l’autre passion 😄 le Garnier proposait la traduction Hugo. Il y a certains films dont on préfère la VF à la VO ( back to the futur) même si aujourd’hui pour ma part, je vois évidemment tous les films en vo. Pour Shakespeare ce fut la même chose : je préférai d’abord la traduction au texte original. Mais à mesure que je maîtrisais la langue, le verdict finalement, fut sans appel : Shakespeare dans le texte est un bonheur indicible ! Toutes les subtilités, toutes les métaphores filées, toutes les images baroques, tous les jeux de mots, en anglais, décuplent par mille, le plaisir de lire.
    Je ne lirai jamais Euripide ou Goethe, dans le texte. Mais Calderon ou Shakespeare, cela n’est pas impossible.
    Tout cela pour vous dire, cher Domonkos, que les Sonnets découvrent leur splendeur en anglais seulement.

    • Je ne me mêlerai pas de vos débats de traducteurs : je suis vraiment incompétent pour ce faire.

      Je veux simplement ajouter un sentiment personnel : qu’on lise un texte dans sa langue originelle ou bien dans une traduction, il n’en demeure pas moins qu’on ne lira jamais le texte tel que l’auteur l’a pensé, ressenti, voulu.
      Il y aura toujours la question du lecteur-récepteur, qui ajoute un étage.
      Si je voulais pousser le raisonnement jusqu’à l’extrême, je dirais que toute lecture est une traduction « au carré ». Le texte tel qu’écrit par l’auteur est déjà une traduction de ce qu’il a pensé-ressenti-voulu. Lu par le lecteur c’est une nouvelle traduction, car le lecteur le fait passer par le filtre de sa propre pensée-sensation-compréhension.
      Comme on ne peut se contenter de ce double malentendu, on cherche un pont, on cherche à ressentir et comprendre, deviner (?) ce que l’auteur a voulu dire, qui n’est pas forcément traduit dans le texte. Quitte à créer de nouveaux malentendus.

      Bref, toute lecture est une double traduction. A fortiori lorsqu’il y a l’écran d’une autre langue ; et encore plus quand il s’agit d’une langue d’une autre époque, etc.
      Vous comprendrez que je suis un fanatique de Nathalie Sarraute.

        • Je ne l’avais pas encore vu et lu.

          Mais vous parlez du passage d’une langue dans une autre, et de l’immersion dans une langue « étrangère » (qui, apparemment, ne vous est plus étrangère). Exploit dont je suis incapable. Que ce soit en anglais, en hongrois (pourtant langue paternelle pour moi), en italien (autre langue paternelle, car j’ai deux pères), ou en chinois (que j’ai étudié dans ma jeunesse et continué d’explorer durant ce dernier demi-siècle), je suis incapable « d’oublier » ma langue, de « penser » dans une autre (ou alors très brièvement, un temps-réflexe). Je suis totalement englué dans ma langue maternelle.

          J’ai l’impression après l’avoir parlée 70 années, l’avoir écrite 65 années, de ne l’avoir toujours pas explorée, n’en avoir pas épuisé les mystères et les possibilités. C’est une maîtresse jalouse et exclusive ; qu’elle me voit frayer tant soit peu avec une autre, et la sanction tombe aussitôt : elle s’appelle confusion !

          Mais je parlais d’autre chose encore ; de la traduction dans la même langue, de la pensée, du sentiment, de la sensation, à l’expression dans le langage parlé ou écrit. Puis du passage de l’émetteur de l’écrit au lecteur-récepteur.

          Ce qui se perd en route. Ce qui se gagne en route.
          Ce que l’auteur voit se perdre ou croit voir se perdre, quand il « ne reconnaît pas son petit », celui qu’il avait dans la cervelle, en lisant ce qu’il a écrit. Ce que le lecteur lui a reconnu ou cru reconnaître et qui peut considérablement différer.

          Il faut avoir fait l’expérience répétée de l’écriture (tous ici, d’une manière ou d’une autre l’avons faite, écrivains de métier ou non) pour en être convaincu. Également l’expérience de se confronter aux lecteurs, écouter leurs réactions, ce qu’ils discernent dans un texte qu’on a écrit et qu’on ne discerne pas soi-même. Est-ce que cela s’y trouve ? Oui, certainement, puisqu’ils l’y voient !
          Pour autant, je ne suis pas pessimiste. Je ne prétends pas que ce qui se perd est plus important que ce qui se gagne. Ni ne prétends que ce qu’on y met à son propre insu est imaginaire. Globalement, je crois qu’on dit plus qu’on ne croit et qu’on gagne toujours.

          Je ne suis pas non plus un partisan de l’incommunicabilité. Je ne crois pas que la pensée, l’intention, soient supérieures à l’expression. Je pense que ce qui ne s’exprime pas n’est qu’un foetus avorté. Et que les règles de la langue permettent à la pensée de parvenir à « l’âge adulte ».

          Je crois aussi au miracle de la Littérature et de la création artistique qui nous permettent de percevoir, par-delà les siècles écoulés, par-dessus la barrière des langues et des mentalités, quelque chose de l’esprit d’un auteur dramatique de l’époque élisabéthaine. Alors même que, si nous pouvions, à l’aide d’une machine wellsienne, voyager dans le temps et brutalement se trouver en présence de l’individu William Shakespeare, aucune communication ne serait possible en lui et nous.

          J’arrête là mes délires. C’est assez coassé. Je crains qu’on trouve peu de sens dans cette cacophonie.

          • Il existe, et ce depuis l’Antiquité (puis assez fréquemment depuis le Moyen Âge), des auteurs bilingues, voire plurilingues… Jusqu’à Ungaretti, Nabokov, Beckett, Adonis et tant d’autres moins universellement connus.
            Cordialement,
            UAPI

          • Oui, UAPI, j’évoque plus bas, dans mon échange avec Zino, le cas Nabokov. Pour dire que ces écrivains sont pour moi un pur mystère.

            Je ne crois pas qu’on puisse comparer les écrivains plurilingues contemporains avec ceux de l’Antiquité et ceux du Moyen-Age : la question de l’identification par la langue (et souvent pas la langue nationale ou bien par une langue minoritaire au sein d’une nation) est complètement différente aujourd’hui qu’hier.

            C’est un phénomène qui a – relativement – fait florès au XXème siècle. En fait, je distinguerais ceux qui ont produit une oeuvre aussi importante (par la valeur plutôt que par la taille) dans plusieurs langues, et j’évacuerais ceux qui ont produit une oeuvre mineure, peu originale, dans une langue d’adoption : il me paraît que ce sont les plus nombreux.
            Il n’empêche, il reste une poignée d’irréductibles, grosso modo ceux que vous citez : Becket, Nabokov…

            Là encore, une remarque en passant : je ne connais pas d’écrivain véritablement important, étant passé de la langue française à une autre langue ou bien à plusieurs – alors que le mouvement contraire existe et représente une part non négligeable de « notre » littérature. Vous allez sans doute me citer deux ou trois noms qui ne me viennent pas immédiatement à l’esprit, mais, tout de même, de l’importance d’un Becket ? Y aurait-il chez nous un Becket, un Nabokov, un Ezra Pound ? Cela m’étonnerais plus qu’un petit peu !
            La langue française, sans être une prison, est tout de même une forte assignation à résidence.

            Enfin, il faudrait faire la part de la nouvelle situation linguistique résultant de la post-colonisation et de la mondialisation. Passer d’une langue à l’autre, en cultiver plusieurs, est aujourd’hui aussi courant que franchir des frontières.

          • UAPI, quand j’évoque les littératures dans des langues minoritaires au sein d’une nation, je pense bien sûr, au premier chef, à l’Italie.

          • Au fait, UAPI, je m’avance imprudemment sur un terrain où vous êtes infiniment plus savant que moi, n’est-il pas quelque peu excessif de ranger Ungaretti parmi les auteurs « plurilingues » ?
            Je sais qu’il a écrit des oeuvres en français durant les deux premières décennies du XXème siècle (« La Guerre » etc. l’expérience des tranchées, la scène littéraire parisienne) . Je sais qu’il s’est auto-traduit et retraduit (comme Becket). Je sais qu’il a également traduit d’autres poètes, de l’espagnol ou de l’anglais. Mais à mes yeux l’essentiel pour ne pas dire la presque totalité de son oeuvre n’est-elle pas in fine écrite – pour ne pas m’aventurer dans le secret de sa pensée – en langue italienne sinon toujours d’inspiration italienne ?
            Le qualifier, comme je l’ai lu sous la plume d’Emilio Sciarrino,(« Giuseppe Ungaretti et le processus de création circulaire ») de « cas célèbre d’écrivain bilingue franco-italien » me paraît pour le moins abusif.
            Mais point ne cherche polémique, encore moins à faire prévaloir mon point de vue sur ce point.

            On aurait pu également citer Rilke. Mais je suis loin, très loin, d’être convaincu par le Rilke « français ».

            Quant à Ali Ahmed Saïd connu sous le pseudonyme d’Adonis, il est né en Syrie alors sous mandat français (comme le Liban) et a étudié dans un lycée français. À une époque où la langue et la littérature française signifiaient quelque chose dans le monde et en particulier au Moyen-Orient. Devient libanais, en 1962, dans le Liban bilingue de l’époque. Enfin la Destruction du Liban – pudiquement appelée « guerre civile » – le pousse à venir vivre à Paris. Ceci expliquant cela.

          • Vous avez raison, cher Domonkos… et vous avez tort, car ces choses ne s’évaluent pas à la quantité. C’est en profondeur, dans la forme même de l’expression qu’agit le bi- ou plurilinguisme intériorisé. Voyez encore J. R. Wilcock en Italie ou Amelia Rosselli en anglais et en français (pour ne pas remonter à J. Milton en italien). L’un de nos académiciens actuels, M. Michael Edwards, est aussi poète en deux langues.
            Nous ne dirons rien de Sciarrino, avec lequel nous ne pouvons qu’être d’accord, puisqu’il a longtemps fait partie de notre « compagnia picciola » et qu’il écrit lui-même (en français, sans avoir tout répudié de l’italien). Un certain Lemaire de Belges avait déjà compris cela quand il dissertait sur la « Concorde des deux langages » (et du genre humain !) vers 1549.
            Bien cordialement
            UAPI

          • UAPI j’ai toujours raison et toujours tort à la fois. Il me semble que c’est un sort que je partage avec un très grand nombre (je n’entends pas signifier que vous en fassiez partie, je ne vous connais pas assez pour me risquer à de telles affirmations), mais peut-être en suis-je plus gravement affligé que la moyenne.

            Quant à Sciarrino, je faisais un peu plus que me douter, après l’avoir lu, qu’il devait être proche de vous, la parenté semblait évidente ; mais voilà, je ne peux m’empêcher de donner des verges pour me faire battre. Il y a là chez moi un petit plaisir masochiste. Tant que c’est virtuel…
            En fait, je n’attaquais pas le corps de l’intervention, passionnante, mais les termes de « poète bilingue franco-italien » qui me paraissent toujours un peu abusif et ne pas rendre compte de toute la finesse de l’analyse qui s’ensuit. Des termes qui, sous l’apparence d’élargir, réduisent la vision.

            C’est plus un problème de forme que de fond, mais voilà, la forme peut révéler le fond ou bien l’occulter.

            Merci en tous cas de votre réponse et de la lumière qu’elle m’apporte sur ces questions.

  12. « Un petit exemple : « and i will stand the hazard of the die » ( in « the tragedy of Richard the third, acte 5 scène 5) est traduit par Déprats, comme ceci : « et je veux en courir la chance ». Je proposerais plutôt : » et je braverai le danger d’en mourir. » »
    Quant à moi je propose la traduction des époux Bournet chez L’Age d’Homme (ma traduction de référence pour le théâtre de Shakespeare, faite par des anonymes) :
    « Et je veux prendre le hasard au mors ».
    Ceci est à remettre dans le contexte de la réplique de Richard III à la toute fin de la pièce :
    « Serf ! J’ai mis ma vie sur un coup de dé,
    Et je veux prendre le hasard au mors.
    ..
    Un cheval, Un cheval ! Mon royaume pour un cheval ».

    Pour les Sonnets et ses autres poèmes (Vénus et Adonis, Le Viol de Lucrèce..) il faut absolument lire la traduction du grand Robert Ellrodt (Collection Bouquins chez Laffont).

    • Belle métaphore équestre. Mais le mot hazard est mal rendu.  » Si l’on te voit sortir, mon honneur court hasard » Chimène à Rodrigue.
      Le mot hasard renvoie évidemment au danger. Restituer tel quel hasard en changeant juste la graphie ( hazard vs hasard) ne me semble pas heureux. Où est passé l’imminence d’une mort possible ?

      • Je pense que que ce choix fait référence au vers précédent qui parle « d’un coup de dé ».
        D’ailleurs les émérites Jean Malaplate et Pierre Leyris proposent les traductions suivantes :

        « Manant, je joue ma vie sur un seul coup de dé,
        Et sans me dérober j’en veux veux courir la chance. » J. Malaplate.

        « Manant, j’ai misé ma vie sur un coup de dé et j’en veux courir la chance. » P. Leyris

          • C’est sans doute pour cela que la plupart ont choisi d’exploiter l’expression : alea jacta est.
            Mais cela me semble une facilité d’une part, et d’autre part, le tragique s’en trouve comme diminué. Richard est un tyran certes, souvent ridicule dans son machiavélisme. Cependant, à la fin, Shakespeare lui donne une dimension sinon héroïque ( cela serait trop fort) à tout le moins sincèrement tragique.
            Rien de plus amusant que de traduire Shakespeare 😄 amis brumesques, n’hésitez pas à nous soumettre vos traductions.

    • Redoutables polysémies shakespeariennes, indeed : the die : le dé. To die : mourir.
      D’où le choix que j’ai retenu de l’infinitif mourir en complément prépositionnel, plutôt que « dé » .

      • Avez-vous traduit le monologue de Richard III, à savoir le début de la pièce ? C’est pour moi un des joyaux de Shakespeare; je dois avoir pas loin de 7 traductions différentes.

        • Revpop2
          Je vais encore me faire traiter de pédant, de petit marquis, mais, dans la mesure où je lis Shakespeare dans le texte, faut-il encore parler de traduction ? Il y a bien sûr une traduction qui est faite « à l’insu de mon plein gré » puisque le texte original passe par le tamis d’un cerveau dont les premiers sons entendus étaient la combinaison de morphèmes et de lexèmes, qui font la langue française.
          Mais quand je lis un texte anglais ou espagnol, j’essaie même de réfléchir dans la langue source. Exercice périlleux et difficile, notre langue maternelle fait de la résistance : dans la moindre hésitation, dans le moindre temps mort, apparaissent à nouveau nos réflexes linguistiques de locuteurs français.
          Pour le monologue dont vous parlez, c’est sans doute le passage le plus commenté du théâtre Élisabéthain.
          À ce sujet, quel dommage que les deux volumes en Pléiade, consacrés au théâtre Elisabéthain justement, ne proposent pas les textes originaux.
          Je les ai acquis récemment, et comme pour la nouvelle édition de Shakespeare, je regrette un peu l’achat.

  13. Ai été retiré ce jour le coffret de la correspondance de Proust.

    Je pensais que les volumes seraient plus imposants. C’est tout à fait maniable. La dorure des pages fait vulgaire, je trouve. Tout comme le logo imposant répété sur chaque volume. Le reste des dorures est acceptable en termes de goût. Quelques problèmes d’impression desdites dorures en quelques endroits des volumes. C’est plutôt mineur, mais à 500€… Les pages crissent de façon abominable (la faute à la dorure au bord ?). Mise en page et police correctes – moins agréable que chez Littera, où c’est excellent.

    Je ne regrette pas l’achat pour sa valeur « omnibus », comme disait notre savant compagnon, mais c’est tout juste.

    Je pense que ça aurait dû être vendu à peu près la moitié du prix. La disparition du prix de lancement est une honte.

    Je n’achèterai aucun des futurs volumes déjà annoncés (De Gaulle, Delacroix, Marie Antoinette), pour les raisons évoqués dans un précédent message. Ces volumes sortiront-ils un jour ?

    La communication est un ratage total. Le produit est juste correct et trop cher.

    Bonjour et adieu « La Prestigieuse ». En 2023, alord qu’il y a l’exemple de la Pléiade, en bon comme en mauvais , procéder ainsi – à tout point de vue – est lamentable et en dit long sur l’éditeur.

    Enfin, reste le mérite d’avoir rendu de nouveau disponible cette correspondance…

  14. Domonkos,
     » apparemment » ( je reprends votre terme) l’anglais, au contraire, me sera toujours étranger. Vous m’avez ou bien mal lu, ou bien lu trop vite. Je dis, exactement comme vous, que la langue française finit toujours par avoir le dernier mot. C’est elle qui s’impose, non pas tant d’ailleurs parce que nous l’avons apprise en premier, mais parce que la langue est un marqueur culturel. Je suis culturellement, idéologiquement, socialement, français. Notre langue est un élément constitutif de cette identité. Voilà pourquoi, même si je maîtrise l’anglais, cette langue-là me sera toujours étrangère, parce que, culturellement, socialement, idéologiquement, je ne suis pas anglais.
    Je pousse un peu le raisonnement : je reprends votre scénario d’une machine à remonter le temps. J’atterris à la cour de Louis XIV. Je maîtrise la langue du dix-septième, y compris dans sa prononciation. Eh bien, figurez-vous que cette langue ( que je maîtrise, et de surcroît c’est la langue française, donc, MA langue) me serait étrangère pour les mêmes raisons culturelles, sociales et idéologiques, évoquées plus haut. L’Ancien Régime m’est aussi étranger, voire plus, que l’Angleterre de Cromwell ou celle de Thatcher. Et sans vouloir trop ironiser, je pourrais dire que la monarchie absolutiste du Roi Soleil serait moins étrangère à l’individu anglais francophone, qu’elle le serait à moi.
    J’en finis avec l’idée de l’œuvre ouverte, que vous évoquez à la fin de votre analyse. Cette idée-là est bien connue des spécialistes de la théorie littéraire, je l’ai déjà évoquée avec l’image du palimpseste et l’évocation de cette nouvelle magistrale de Borges : Pierre Menard, auteur du Quichotte.
    L’Auteur n’existe pas, c’est une fiction ( Borges). Son identité change avec les siècles d’une part, et d’autre part, pour une très grande part, même, l’Auteur c’est le lecteur.
    Une ultime correction : je suis linguiste, pas traducteur. C’est un métier suffisamment difficile ( la traduction) pour que je vienne usurper cette identité.

    • Entièrement d’accord, Zino, avec votre premier paragraphe : langue « maternelle » ou « culturelle » et langue apprise comme une langue étrangère. Je suis toujours sidéré par les écrivains qui parviennent à changer de langue, comme Nabokov, notamment.

      Toujours complètement d’accord (attention, ça va se gâter ensuite, naturellement, vous vous y attendez) avec votre second paragraphe : oui, un sujet de Sa Majesté Louis Quatorzième, quelque soit sa classe ou sa caste, me serait quasi aussi étranger que le dénommé William Shakespeare, sujet de sa Gracieuse Majesté Queen Elisabeth. Ce qui confirme ma déclaration sur le miracle de l’oeuvre littérairaire qui rend possible l’impossible.

      Moyennement à pas du tout d’accord avec votre dernière partie.
      Dans un premier temps, je suit bien sûr d’accord avec vous pour reconnaître que je n’ai fait qu’enfoncer des portes ouvertes ou réinventer le fil à couper le beurre, mais je ne me place pas du tout en professeur ou analyste, simplement en praticien ; je parle d’expérience, de ce que j’ai vécu et éprouvé jusqu’au profond de moi-même, en cherchant la source de ce qui s’écoulait de ma plume. À réponde à la question : « d’où cela provient-il ? » (Avec, jamais bien éloignée, la crainte de la folie schizophrénique.)
      Ensuite, je ne vous suivrai pas – vous le savez déjà – jusqu’à votre « l’auteur, c’est le lecteur ». Façon commode d’évacuer la question en évacuant l’auteur-émetteur, de simplifier à outrance (à mon sens) la relation entre l’auteur et le lecteur – comme si tout ce qui vient de l’auteur se perdait, était annihilé. Cela me fait penser – pardon pour l’approximation abusive – à la mode de « revisiter » (horrible mot barbare) les recettes de cuisine ou de « recréer » les oeuvres parles metteurs en scène de théâtre ou d’opéra. À cela, je fai stoujours la même réponse : si l’oeuvre de départ vous paraît à ce point inintéressante en l’état, si son auteur ne compte pour rien à vos yeux, si seule compte « Votre Oeuvre » greffée sur ce vieux tronc, que ne sautez-vous pas le pas et ne faites pas directement oeuvre originale ? Impuissance ?

      À la théorie « tout est dans l’auteur » je ne répondrai pas par « tout est dans le lecteur ». Sinon, à quoi bon tout ça ?

      À la limite, moi qui suis un (humble et méconnu) écrivain, je vous le dis sans la moindre forfanterie : à la question « quel livre emporteriez-vous sur l’île déserte ? » je répondrais sans hésitation « aucun », car je porte en moi une bibliothèque, non seulement celle que j’ai lue, mais surtout les livres dont je suis « gros », comme une femme enceinte.
      Je n’ai besoin des grands auteurs, des grands livres, qu’ici, dans mon environnement social et culturel, dans ma situation qui est faite d’échanges permanents avec mes semblables ; dans la solitude absolue, je n’aurais besoin d’aucun.

      • Quand je dis que des lecteurs (la première fois que cela m’est arrivé, j’avais 14 ans, les lecteurs étaient des camarades de classe que je croyais connaître, et ce fut une révélation comme celle de Claudel derrière son pilier de la cathédrale) voient dans mes textes des choses que je n’y vois pas, je suis persuadé qu’ils n’inventent pas et que ces choses s’y trouvent. Simplement, je n’en savais rien, et je ne sais pas si elles viennent de moi seulement : en fait, persuadé qu’elles ne peuvent venir de moi seulement. En réfléchissant je m’apercevais qu’ils avaient raison de voir ces choses, qu’ils « m’ouvraient les yeux » sur ce que je croyais sorti de moi seul. En fin de compte, qu’à l’instant même où je cessais d’écrire, je devenais un simple lecteur de ce que « j’avais écrit », un lecteur parmi d’autres, un lecteur semblable à eux, voyant sur certaines choses, aveugle sur d’autres.

        Quand je dis que, jeté sur l’île déserte, je n’aurais pas besoin de livres, à cause de ceux (souvenirs de lecture ou ébauches de livres à venir) que je porterais en moi, je parle d’un homme qui est livré à la solitude après avoir vécu en société.
        Si je naissais sur cette île déserte, vierge de toute culture, « enfant sauvage », bien entendu, je n’aurais rien à écrire ni rien à dire.
        « Mes » livres (je ne parle pas en mon seul nom, mais au nom de tous les écrivains) sont aussi ceux des lecteurs, mais pas plus uniquement ceux des lecteurs que uniquement les miens.

        Quand bien même ne publierais-je plus jamais (ce qui semble l’hypothèse la plus probable, en l’état actuel des choses, pour toutes sortes de raisons, certains dépendant de moi et d’autres non), que je n’écrirais plus jamais pour moi seul.
        Boulgakov qui pendant plusieurs décennies, étouffé sous la chape stalinienne, a « écrit pour ses tiroirs » n’a jamais écrit sans penser à de futurs éventuels lecteurs.
        Stendhal qui pensait ne pas être lu ou être bien mal lu par ses contemporains, croyait écrire pour de futurs « happy few »
        (Qu’on veuille bien me dispenser des rituelles déclarations de modestie, style « je ne m’égale ni à Boulgakov ni à Stendhal, etc. qui n’ont pas le moindre commencement de signification, ni dans un sens, ni dans l’autre.)

        Bien à vous, Zino, et merci de me pousser dans mes retranchements. Parlons un peu de littérature vivante et telle qu’elle se vit (ce qui englobe les littératures du passé, qui continuent de vivre, de faire vivre leurs auteurs et, pourquoi pas, même leurs lecteurs d’autrefois).

        • PS : quand j’écrivais, plus haut, que la langue anglaise « ne vous était plus étrangère », Zino, ce n’était pas faute de vous avoir bien lu et compris : ce n’était que basse flatterie d’un bien maladroit courtisan. Ha Ha Ha !

      • Domonkos, voyons ! Acter la mort de l’Auteur ne signifie pas que son travail soit inintéressant ! Sinon, pourquoi lirait-on ? Je veux dire que l’Auteur n’est rien d’autre que le premier élément d’une suite ininterrompue d’auteurs. Je ne dis pas « avatars ».
        Je n’adhère pas à la vieille antienne marxiste qui visait l’Auteur, à cause de sa dimension autoritaire. Je vois « auteur » dans le sens qu’on lui donnait en moyen français : autor, celui qui est à l’origine de quelque chose. C’est une figure, originelle, en perpétuelle transformation. Voyez Rabelais. Si vous lisez aujourd’hui son Pantagruel, n’y mettrez-vous pas quelque chose de moderne, comme le désir de perpétuer l’identité française, dans un monde qui conçoit l’humanité comme une seule tête ? ( le vieux fantasme de Caligula 😄) un seul individu, sans nation ?
        Dans cette lecture sui generis, que reste-t-il de l’Auteur Rabelais ? Il a muté, il a transmué. Il s’appelle Zino, Domonkos, Revpop2, neobirt7…

        • Ah, eh bien je préfère cette explication, à celle de « l’auteur n’existe pas, c’est une fiction », même si on ouvre le parapluie en invoquant l’ombre et l’autorité (?) du Grand Ancien Borges !
          Je me réjouis que nous ayons finalement trouvé ce « gentlemen’s agreement ».

          Voilà donc l’auteur-autor passé du statut d’inexistence, à celui de Jéhovah, créateur de la Terre et des Cieux et de toutes les créatures qui les peuplent (je veux dire, de la chaîne des auteurs-lecteurs).

          Je déteste cela, mais faites comme si j’avais ajouté une « émoticône » rigolarde, à ce qui précède.

          Il n’empêche, s’il existe un Zino-Rabelais, un Domonkos-Rabelais (ça m’étonnerait, la lecture de Rabelais provoque rapidement chez moi, hélas trois fois hélas, une grosse fatigue), un Revpop2-Rabelais, un NeoBirt7-Rabelais, et d’innombrables cohortes de Quelqu’un-Rabelais, qu’un certain Rabelais-Rabelais résiste encore et toujours… (De l’art de toujours et encore rallumer la mèche, ha ha ha !)

          • Domonkos,
            Votre acharnement à vouloir à tout prix une forme primale, un point zéro, un point de départ, n’est pas loin de la nécessité religieuse du Commencement 😄 d’ailleurs vous-même ironisez là-dessus.
            Croyez-vous que j’aie besoin de connaître le chagrin privé de Victor Hugo, pour apprécier les Contemplations ? Ou de partager son aversion pour Napoléon le petit ( comme Hugo se plaisait à nommer Napoléon III) si je veux me réjouir des coups de sabots qu’il envoie dans la tête du tyran ? Je reconnais que les Châtiments sont un peu datés, à cause d’événements et de noms propres qui balisent, historiquement, le recueil.
            Mais quand vous lisez le poème  » sonnez, sonnez toujours clairons de la pensée » ( l’un des plus beaux poèmes de notre langue, avec le cimetière marin) où voyez-vous Napoléon III ? Et pourtant c’est bien de lui qu’il s’agit.
            Quand je parle de l’Auteur-lecteur, je parle du rapport unique entretenu par chacun, avec cet objet insolite qu’on appelle  » le livre ». Et ce rapport évolue en fonction des époques, des sociétés… Je parle du livre que nous écrivons, chacun, entre les lignes du Livre : « quand je vous parle de moi, je vous parle de vous. Comment ne le sentez-vous pas? Ah! insensé qui crois que je ne suis pas toi! »
            Et ce livre que nous écrivons, tenez-vous bien, à la virgule près, c’est toujours le même que « l’original ». Et pourtant, ce n’est pas une copie.
            Que de portes ouvertes vous m’obligez à enfoncer, Domonkos 😄

          • Le malentendu est total.
            Je ne chercherai pas à le lever, car chose impossible (sinon au prix de nouveaux malentendus), et parce qu’il vous oblige à « enfoncer des portes ouvertes » que, de mon côté, si j’en juge par ce que je lis et ce que j’entends la plupart du temps et un peu partout, ne sont pas si « ouvertes » que cela pour tout le monde. Et croyez que lorsque je parle de ce que je lis et de ce que j’entends, je n’évoque pas des milieux de béotiens semi-analphabètes, mais souvent de prétendus fins lettrés.

            Passez un bon dimanche.
            À bientôt, Zino.

        • Pour aller quelque peu dans votre sens (du moins je le crois), Zino, j’ajouterais que je trouve pathétiques les efforts inouïs que certains auteurs font pour conserver l’hyper contrôle sur leur oeuvre, graver dans le marbre la seule version « autorisée » par eux, comme un Saint-John Perse ou un Kundera.

          Et c’est la même chose pour ceux qui font la même chose en faisant le contraire, en détruisant ou ordonnant de détruire tout ou partie de leur oeuvre : fallait pas l’écrire et vous mettre dans ce mauvais pas, maintenant c’est trop tard, même détruite le fantôme de votre oeuvre hantera vos non-lecteurs, Messieurs Gogol, Kafka, etc !

          • Herr Max Bord eut raison, dix mille fois raisons, de refuser d’obéir à Herr Franz Kafka : son oeuvre, écrite et diffusée (même dans un petit cercle) ne lui appartenait plus.

            Il lui reste le droit moral d’exiger qu’elle demeure intégralement dans son état originel, qu’elle reçoive les meilleurs soins, mais il n’a plus à son égard le droit de vie ou de mort.
            Née viable, ayant poussé ses premiers vagissements, on ne peut la jeter au feu ou à la poubelle.

    • J’ai arrêté de lire au bout d’une dizaine de lignes, quand j’ai vu qu’il était accessoirement question de Marcel Proust, et essentiellement question d’un abruti qui se fait mousser avec des astuces à deux sous sur des politiques ou des personnages médiatiques. Quelle purée !

    • Merci pour ces informations complémentaires. Si l’on lit au-delà des premières lignes un peu mondaines (et ce n’est pas une attaque contre vous, Domonkos), il y a ensuite quelques informations intéressantes sur le pourquoi du retard de la publication etc.

      En somme, juste la commodité d’avoir sous la main ladite correspondance. Rien de plus. Et c’est donc très cher.

  15. Cher Domonkos, n’en prenez pas ombrage. Ces portes ouvertes sont souvent fermées même aux étudiants de troisième année, qui préfèrent passer le seuil du Mac Do… S, et commenter leurs vidéos sur tik et tok 😄
    Je veux dire qu’il s’agit de banalités que moi-même j’ai un peu honte à rappeler, tant elles sont évidentes. Trop sans doute, à telle enseigne qu’on les a peut-être oubliées.
    En disant que j’enfonçais des portes ouvertes, ce n’est pas vous que je visais, mais moi-même.
    Je crois, en réalité, que nous ne parlons pas de la même chose.
    Un bon dimanche à vous, Domonkos.
    Je suis en train de finir mon roman et jamais je n’ai senti l’obligation de le signer.
    Bien évidemment, sur le plan juridique, cela peut être utile…

    • Je crois simplement que ce genre de dialogue, sans se connaître, sans se voir, avec des réponses différées qui, souvent, s’entrecroisent, entre elles et avec celles d’autres intervenants, a des limites, et ne permet pas d’aller au fond des choses ni de percevoir immédiatement les malentendus et tenter immédiatement de les corriger.

      Tenez, je vais vous donner un « détail » – à votre tour, n’en prenez pas ombrage, j’en serais navré – votre dernière réponse commence par ces mots : « votre acharnement à vouloir à tout prix… » Ces mots m’ont glacé. J’ai dû faire un effort pour sauter par-dessus et lire le reste avec une attention positive (ce que j’ai fait, pourtant). Eussions-nous été en présence l’un de l’autre que j’aurais immédiatement bondi, et que vous auriez eu d’autres mots pour corriger cette impression négative. Voilà toute la différence entre ces deux types de conversation, et c’est fondamental.

      Autre vice de ce genre d’échange : la plus grande partie du contenu des messages se perd.
      On ne retient que le point qui nous saute aux yeux, nous touche particulièrement, on ne répond qu’à ce point, et tout est biaisé.
      Impossible de faire autrement, car, s’il fallait répondre point par point, on écrirait des pages et des pages, et certains intervenants nous ont déjà à maintes reprises – je les comprends – exprimé leur lassitude de nos trop longs échanges.
      Nous ne pouvons tout de même pas « privatiser » ce blog à notre seul usage et exclusif profit !

      Je désespère d’abattre un certain mur d’incompréhension qui nous sépare, tout en ayant l’impression (l’illusion ?) que derrière ce mur, nous avons des proximités que je ne parviens pas à définir, et plus de choses en commun que l’inverse.

      Pour moi, rien ne remplace une bonne conversation en présence physique. La présence physique en dit autant que l’écrit. Peu de chance que cela se produise, je ne me déplace presque plus hors de mon département et des départements limitrophes. Gard, sud de la Lozère, Vaucluse rhodanien (Orange, Avignon), Montpellier… Un voyage récent à Marseille a fait figure d’expédition !
      Si vous éprouvez un jour l’envie curieuse de passer par notre pays qui crève sous le soleil, n’hésitez pas à me le faire savoir, notre porte vous est ouverte.

      Bien à vous.

      PS : il ne me déplairait pas d’en savoir plus sur votre roman. S’il vous est si fort désagréable de le signer, il ne manque certes pas de prétendus auteurs n’ayant jamais pondu une ligne, pour accepter de le signer à votre place ! ha ha ha !

  16. Pour fanatiques du « Xi youji Voyage vers l’Ouest » qui ne regardent pas à la dépense et qui possèdent déjà toutes les éditions traductions et transpositions dudit classique chinois, une curiosité qui vient de paraître, à ajouter à leur collection :

    « La Pérégrination vers l’Ouest,
    Auteurs : Delphine Mulard , Évelyne Lesigne-Audoly
    Illustrations : Ôhara Tôya , Katsushika Taito , Utagawa Toyohiro
    Commentaires : Xavier Guilbert , Christophe Marquet , Delphine Mulard , Vincent Durand-Dastès
    Direction : Christophe Marquet
    Editeur : 2024

    Album BD en couleur et n&b, Couverture Cartonnée
    En mm : largeur 210, hauteur 300, épaisseur 90
    836 pages ; Prix public : 69,00 €
    Paru le 17 Novembre 2023

    La Pérégrination vers l’Ouest : Intégrale des estampes de l’édition japonaise de 1806-1837

    Publié en Chine au XVIe siècle, La Pérégrination vers l’Ouest est l’un des romans les plus importants de toute la culture asiatique. Il relate le périple fantastique, à travers l’Asie centrale, d’un moine bouddhiste et de son escorte légendaire : un ogre des sables, un cochon anthropomorphe, un cheval-dragon et, volant sur son nuage avec son bâton magique, l’irrévérencieux Singe-Roi Son Gokū (Sun Wukong), qui donne tout son sel à ce récit sans cesse repris et adapté au fil des siècles, jusqu’au célèbre Dragon Ball de Toriyama Akira.
    Entre 1806 et 1837, des libraires d’Ōsaka, au Japon, commandent ainsi 250 gravures, dont une dizaine en couleurs, pour une ambitieuse édition illustrée de l’œuvre : monstres formidables, voyageurs égarés, combats titanesques… tout le génie des artistes de l’époque d’Edo s’expriment dans ces estampes virtuoses qui, si elles furent longtemps attribuées à Hokusai, sont en fait l’œuvre de son plus fidèle disciple, Katsushika Taito, et deux autres imagiers talentueux, Ōhara Tōya et Utagawa Toyohiro.

    Après un travail considérable de recherche et de restauration, ce livre présente, pour la première fois depuis leur édition originale, l’intégralité de ces images exceptionnelles. Préfacé et commenté sous la direction de Christophe Marquet (EFEO), cet ensemble remarquable permet de découvrir toute la puissance narrative de l’estampe japonaise, terreau visuel du manga moderne.

    Caractéristiques :
    – Couverture Wibalin teinté dans la masse avec cuvette, étiquette et marquages à chaud 3 plats.
    – Impression en bichromie (Noir et Pantone) et CMJN sur papier Holmen Book 2.0 70g
    – Reliure cousue renforcée, tranchefile et 2 signets
    – Maquette : Erwan Chouzenoux – Poste 4
    – Premier tirage : 4 000 ex »

    Je me suis contenté de reproduire l’argumentaire de l’éditeur. J’ai tenu ce gros bouquin en main, l’ai feuilleté longuement, mais ne l’ai pas acquis et ne l’achèterai certainement pas. Je ne trouve pas les reproductions d’une très haute qualité. Quant aux résumés des différents chapitres, pour permettre aux lecteurs qui n’ont pas lu le roman, de suivre la suite d’images… leur qualité me paraît pour le moins médiocre.

    Pour autant, le CNL ayant mis dans l’affaire quelques sous puisés dans la poche des contribuables, je vous encourage tous à vous jeter dessus pour rentabiliser l’affaire (ah non, mince, même en cas de bénéfice les aides ne sont pas remboursables ! quand est-ce qu’on se décidera à supprimer ce stupide Ministère de la (Sous) Culture ?)

    • Merci de cette information Domonkos. Je connaissais cette maison d’édition par les ouvrages hilarants de Tom Gauld. Cette édition pourrait être intéressante pour le plaisir des gravures, en complément de l’édition Fei (manhua), sans y chercher trop de scrupules d’un côté ou de l’autre. C’est un peu cher peut-être.

      • C’est vraiment un gros bouquin, et je pense sérieusement que l’abondance des illustrations, le coût de leur reproduction, justifie le prix. Cela a le format d’un livre et non pas d’un album, et il ne faut pas compter se trouver en présence d’un « beau livre d’Art » calibré pour les fêtes.

        Le maître de l’édition, Christophe Marquet est un Monsieur sérieux, spécialiste reconnu de l’étude de l’imagerie populaire au Japon, chercheur et enseignant à l’EFEO, à l’INALCO, etc. Gage de sérieux tout de même.
        Évidemment, il faut absolument déjà connaître et avoir lu le roman ; ceux qui ne s’intéressent qu’à l’imagerie et le prennent pour un manga seront déçus (je dis cela, car j’ai trouvé une pile de ce livre dans la librairie spécialisée Bande Dessinée de ma petite ville cévenole).

        Finalement, si je ne peux me permettre de donner un gros coup de canif à mon budget livres de cette fin d’année, pour me payer cette « fantaisie », je crois que je vais tacher de motiver les personnes de mon entourage qui cherchent quoi m’offrir comme cadeau de Noël !

        • Domonkos,
          En l’espace de deux commentaires, vous dites blanc et noir 😄
          Faut-il l’acheter, oui ou non ?
          Cet album me fait de l’œil, également.

        • En qualité d’amateur passionné du roman chinois originel, je ne peux que trouver ce « digest » à la sauce japonaise parfaitement indigeste.
          Pour moi, les résumés ou aperçus sur les épisodes de la « Pérégrination » sont d’une médiocrité parfaitement indigne de la réputation du maître d’ouvrage (dans l’opération l’immortel roman signé Wu Cheng’en passe à la trappe, mais c’était sans doute le cadet des soucis de l’éditeur). De toute façon, Son Gokû n’arrive pas à la cheville du quasi divin Sun Wukong. Disons que, s’il ne s’agissait que de cela : la vision japonaise du grand Xi Youji, cela ne vaudrait qu’à titre de curiosité.
          En fait, je détesterais qu’une personne ne connaissant pas le roman chinois s’en fasse une idée – absolument fausse et réductrice – à partir de ce travail.

          Mais il est vrai que Christophe Marquet est un spécialiste de l’iconographie, et, dans ce domaine, je n’ai aucune compétence pour juger de son travail, ce pourquoi je laisse chacun libre de se faire son opinion. C’est très certainement un travail considérable, dont je ne puis avoir idée.
          Sur le plan technique, la qualité des reproductions ne me semble pas formidable, mais c’est aussi le cas de la plupart des reproductions d’illustrations des Classiques chinois, même en Pléiade, et là encore, mon opinion ne vaut pas plus que celle de n’importe quel amateur aux connaissances limitées.

          Ce livre ne m’enthousiasme pas vraiment, mais il est unique en son genre, il jette un éclairage sur un pan inconnu chez nous de l’histoire et de la réception du Xi Youji, donc alors, à chacun de prendre sa décision.

          Je ne dépenserai pas personnellement 69€ pour ce livre, mais si je peux me le faire offrir (c’est en bonne voie) je serais heureux de le joindre à mon copieux rayon consacré à la geste du Moine-Pèlerin et à son fidèle guide simiesque.

          Pour conclure, mon cher Zino qui voulez absolument que je voie les choses en noir ou blanc, je dirai, en paraphrasant un film bien connu, que je ne suis ni pour ni contre, bien au contraire.

          • Je sais, ça énerve aussi mon épouse, quand je n’arrive pas me décider entre blanc et noir.

            D’un autre côté, quand je suis tout blanc ou tout noir, je me fais engu… (1) aussi, et ici même.

            Ah la-la la-la, les gens sont jamais contents !

            ……………………………
            (1) « enguirlander » bien sûr.

  17. Seulement en noir et blanc, dear Rodéric ? Et les autres couleurs, vous les aimez pas ? Que vous préfériez les très vieux films, je vous approuve, mais « Le mépris », « Vertigo », « Le Sacrifice » ou « Fanny Alexandre » sont aussi des chefs-d’oeuvre. Imaginez-vous « Cris et chuchotements » sans tout ce rouge ?

    Cordialement,

    Parrain Onibabonetto*.

    *Découvrir « Onibaba », de Kaneto Shindō, a stimulé mon cerveau fou de surnoms.

  18. J’ai été surpris de la compacité des volumes de la correspondance de Proust. Je m’attendais à des encyclopédies format A4 mais c’est à peine plus gros qu’une Pléiade en fait. Chez Gibert il y a le coffret mais sous blister donc impossible de se faire une idée de la qualité

  19. J’ai entamé la lecture du 1er tome de la « Correspondance » de Proust.
    Mes remarques sont destinées à éclairer ceux qui sont intéressés par l’ouvrage, mais n’ai aucune prétention à établir quelque « vérité » absolue à ce sujet : je suis un simple lecteur.

    Parlons du prix tout d’abord : c’est cher, il est vrai. Je relativiserai, toutefois. Ma « boussole » sur ce type de publication relativement confidentielle est la correspondance de George Sand, éditée chez Garnier : en version reliée, chaque volume est à 75 €, pour environ 1000 à 1100 pages de contenu. Ici, grâce au papier bible, vous atteignez 2100 pages pour ce tome 1, à 99 €. C’est moins onéreux qu’un ouvrage relié chez Champion.
    En revanche, le client est en droit de se sentir « floué » par la disparition du prix, plus avantageux, de lancement promis en 2022 ; en effet le retard de parution d’une année est imputable au seul éditeur.

    Pour ce qui est de l’aspect, l’ouvrage se voudrait « classieux », la reliure toilée sombre donne une tonalité plutôt austère au volume, assez surannée : cela devrait convenir, pour reprendre le cliché usuel, aux « notaires de province » et autres notabilités, qui auraient sans doute préféré garnir leurs rayonnages de cuir. Un point assez peu heureux : la dorure de la tranche ne facilite pas le « feuilletage » d’un papier aussi fin. La « solidité » du volume me semble supérieure, cependant, à celle d’un Pléiade.

    Passons enfin au contenu, qui me paraît le point le plus regrettable de cette publication. Ce qui nous est vendu, ce n’est pas la correspondance de Marcel Proust, mais une simple réédition du travail de M Philip Kolb : le lien proposé dans un message antérieur nous indique que toutes les lettres retrouvées en cours de publication ont été laissées en annexe, et non replacées à leur date de rédaction, que les coquilles n’ont pas été corrigées. De plus, toutes les lettres retrouvées depuis lors ne figurent pas dans l’ouvrage. Cela aurait entraîné, je le sais, un travail d’annotation supplémentaire, et des négociations avec les éditeurs de ces nouvelles missives.
    Pour conforter cette affirmation, signalons que l’on trouve une double pagination : en bas de page figure la pagination des volumes initiaux. Ainsi, ce tome 1 comprend 58 pages d’introduction (incluant les pages de titre), et se termine à la p 2108. Les pages intermédiaires se répartissent ainsi : 59 (I – 8) à 542 (I – 594), 543 (II – 8) à 1090 (II- 528), 1091 (III – III) à 1618 (III – 504), et 1619 (IV – III) à 2106 (IV – 466), et enfin table des matières générale (le volume regroupe les 4 premiers tomes de la publication initiale). Il en résulte que chaque tome de l’édition initiale possède son propre index, et forme un ensemble autonome de cette réédition.
    L’introduction est, en soi, assez intéressante. Elle retrace l’histoire de la publication de la correspondance de Proust. Le point négatif, c’est qu’elle ne nous parle que très peu de la correspondance elle-même, de ses qualités intrinsèques, et de Marcel Proust. Le contenu est focalisé sur M Kolb, dont elle détaille la carrière, son abnégation « monomaniaque » qui a permis la publication de l’ouvrage.
    On le comprend, un travail éditorial « a minima » a été entrepris ici, il s’agissait uniquement de réexploiter le patrimoine de la maison Plon. Ce qui me semble le plus faire défaut, c’est une notice, même sommaire, des correspondants, telle qu’on la trouve (de manière très détaillée, cette fois, merci M Lubin) dans l’édition de George Sand chez Garnier. A partir du moment où un index complet de ces correspondants avait été établi par M Kolb, le travail complémentaire me semblait une entreprise assez aisée, pourtant, et bien nécessaire.
    Donc il faut prendre cette édition pour ce qu’elle est : une réédition sans ambition.
    Il n’en reste pas moins que le travail de M Kolb, qui propose dans chaque partie une chronologie détaillée (sans toutefois expliciter toutes les personnes nommées), et une introduction constituant une forme de biographie de Proust pour la période considérée, nous procure un point de vue précieux et « imprenable » sur Marcel Proust, ainsi que sur « l’envers de la tapisserie » (avant-propos de M Kolb) si riche qu’est sa « Recherche ». Donc l’acquisition se justifie, si l’on ne possède pas l’édition initiale.

    Quant à acquérir le coffret, c’est affaire de choix : réputé « de luxe » par le dépliant publicitaire, je reste circonspect (un simple carton non toilé). Très peu de libraires ont mis en avant cet ouvrage, il me semble qu’une acquisition « séquentielle », volume après volume, permet d’étaler la dépense sans risquer de voir les stocks épuisés.
    Car ce ne sont pas les futurs ouvrages annoncés dans la collection, si différents de cette publication initiale, mais dans un même esprit d’exploitation du fonds de commerce la maison, qui me semblent susceptibles d’attirer l’attention d’un vaste public. Le client recherché est un amateur de « traditions ».

    • On trouve déjà, chez le « Rat-qui-t’Aime » le tome 4 à 69€, le tombe 3 à 49€… Le même site – plus « écolo » tu meurs – nous informe qu’en l’achetant d’occasion, on épargne « 0,09 kg d’équivalent carbone » !… Elle est pas belle la vie ? Depuis le temps qu’on se paie notre tête, au moins en l’occurrence, on sait à quel prix on l’a mise : 495€ neuve, un peu moins d’occasion.

      ……………………………….

      Plus sérieusement, ce qui m’intéresserait, serait de savoir dans quelle mesure cette monumentale Correspondance recoupe les divers volumes (spécialisés selon une période ou un interlocuteur) publié par Gallimard ces dernières années ?
      Je n’exige bien sûr pas de vous, Phil, que vous fassiez ce genre de vérification fastidieuse et chronophage. Déjà bien aimable de votre part de nous faire ce compte-rendu développé et minutieux. Je vous en remercie sincèrement.

      Simples remarques d’un Passant en passant, les chances que je m’offre ce coffret sont infinitésimales, non seulement pour une question de prix (surmontable, après tout, en ces temps de Fêtes de Noël où il faut épuiser le budget de l’année), mais pour une question de taille, de poids et de compacité : je n’arriverais pas à entrer vraiment dans un bloc de cette dimension, ce serait comme descendre en apnée à 1000m de profondeur.

  20. Un (petit) élément de réponse figure dans l’introduction de l’ouvrage. Il y est indiqué que M Kolb, soucieux de retrouver un maximum de lettres de jeunesse avant publication de son premier tome, a initialement publié des correspondances partielles, en guise d’attente : il est cité les lettres à sa mère (Plon, 1953), Jacques Rivière (Plon, 1955), et Reynaldo Hahn (Gallimard, 1956). J’ignore si cette liste est exhaustive. Dans tous les cas, il est très probable que toutes les lettres publiées par M Kolb figurent dans cette édition.

    • Et je vois, fort curieusement, que le florilège de lettres publié par … Plon en 2022, « par rapport à l’édition de référence de Kolb, elle apporte quelques inédits, rétablit certains passages tronqués, et corrige certaines erreurs » : éléments qui ne sont certainement pas pris en compte par Plon 2023 (ce serait indiqué dans l’introduction ; par ailleurs c’est incompatible avec le système de « double pagination » adopté)

    • J’explore le site Gallimard, et trouve d’ors et déjà un volume de :
      Correspondance Proust-Rivière établie par Kolb (1976) qui doit donc être reprise et inclue dans l’édition Plon.
      Je possède un livre, qui m’est tombé entre les mains par hasard, de Correspondance Marcel Proust-Jacques Rivière 1914-1922. Reproduisant leurs échanges et faisant la part belle, quant à la présentation, à Jacques Rivière. Accompagné des articles sur Marcel Proust par Jacques Rivière, du vivant de Proust. Se terminant sur un émouvant billet de Reynaldo Hahn, daté du « samedi soir 18 novembre 1922 », annonçant à Jacques Rivière le décès de Marcel Proust, « ce soir à 5 1/2″… Aucune mention des responsables de cette édition, Editions Sillages (???) 2013. Je suppose que c’est une reprise de l’édition de Kolb (?), mais elle a un petit côté énigmatique, dû à cet anonymat, presque « pirate »…

      Gallimard avait bien sûr publié les Correspondances de Proust avec Gide, de Proust avec Jacques Copeau : tout cela doit se trouver dans l’édition Plon, je présume.
      Je possède aussi le fort volume de la Correspondance Marcel Proust-Gaston Gallimard (et quelques collaborateurs de ce dernier), daté de 1989. Edition établie, présentée et (abondamment) annotée par Pascal Fouché. Toute l’histoire des relations épistolaires entre l’écrivain et son éditeur, y compris la reproduction du contrat qui les liait.
      Là encore, je ne doute pas qu’on retrouve tout le matériel dans l’édition Plon. Mais, cette correspondance est-elle regroupée ou bien noyée dans la correspondance générale ?

      Par contre :
      2022, Correspondance dite « inédite et inconnue » avec Horace Finaly !…
      2016, sous la direction de Jean-Yves Tadié, « Lettres au Duc de Valentinois »… « Inédites »
      Plaquettes, plutôt que volumes. Dans l’océan des lettres de l’édition Plon, cela représente tout au plus deux petits ruisseaux.

      Il doit bien y avoir quelques autres ruisselets, édités ou à exhumer, je ne sais pas trop.
      Mais il me semble difficile d’imaginer qu’il existe encore beaucoup de détenteurs de lettres inédites de Proust inconscients de leur valeur et du petit chèque qu’ils recevraient en échange de leur divulgation.

      Exemple : « Une lettre de Proust évoquant les ébats de ses voisins adjugée pour 28.000 euros
      « Les voisins dont me sépare la cloison font l’amour tous les jours avec une frénésie dont je suis jaloux. » Dans une missive envoyée à son ami Jacques Porel, Marcel Proust se plaint en ces mots des nuisances sonores de ses voisins. La lettre, mise aux enchères mercredi à Drouot, est partie pour 28.336 euros. »

      France-Info/France Culture, le 25/04/2017.

      • Je crois pouvoir affirmer que la correspondance de Proust avec la NRF ne figure pas dans le retirage « luxe » attendu que Kolb avait délibérément, à son corps défendant d’ailleurs, écarté ce bloc épistolaire (enfin publié à part en 1989) et que la Prestigieuse, qui n’a même pas inséré les lettres rejetées en appendice dans les divers tomes de Kolb, ne repose pas sur une recomposition autre que typographique. Cette correspondance proustienne, tout en étant de bonne facture (établissement des textes sérieux, effort de datation poussé, indexation systématique), ne rivalise avec celle de Sand publiée par Lubin ni pour la profondeur de l’érudition ni pour l’effort d’éclaircissement, alors même que Kolb était un universitaire et Lubin un banquier qui la publia pendant sa retraite et de manière artisanale : outre une somme gigantesque de recherches en tout genre, rarement prises en défaut par la critique ultérieure pour autre chose que des détails, chacun des vingt-cinq volumes Garnier offre des notices et des notes aussi concises et courtoises envers les devanciers que sûres, un calendrier perpétuel du XIXe siècle qui rend les plus signalés services, et pas moins de quatre indices (index quasiment prosopographique des correspondants ; index sandien ; index des noms ; index géographique). Le travail de Kolb semble abrégé en comparaison, bien qu’il ait porté sur un corpus trois fois moins vaste et qu’il ait constitué la somme d’une vie de science. J’aimerais voir republiée l’autre édition majeure de correspondance française du XIXe siècle épuisée, celle de Sainte-Beuve par Jean Bonnerot que termina, hélas sans notes, son fils Alain ; les textes en sont passionnants et le commentaire proprement gigantesque.

        • Merci, NeoBirt7, pour ces précisions, et pour me faire rêver sur la Correspondance complète de la grande George Sand.

          Philip Kolb prétendait, paraît-il, que la correspondance réunie et éditée par lui, n’était que la face émergée de l’iceberg, à peine le dixième – dans le meilleur des cas – des lettres écrites et expédiées par Proust.
          Mais, parmi ces lettres perdues, combien le sont à tout jamais ? Combien de correspondants d’un jour, d’un mois ou d’une année – ou bien leurs héritiers – n’ont pas jugé utile de conserver le moindre papier portant l’écriture d’un certain Marcel Proust, ne prévoyant pas la fabuleuse destinée posthume dudit ?

          Et que vaudrait cette part perdue, changerait-elle l’image (les images) que nous avons de Marcel Proust ?
          Que nous apprendraient-elles sur le processus qui a conduit à la production de l’Or alchimique de « La Recherche du Temps Perdu » ?

        • Entièrement d’accord avec vous, cette édition de George Sand est de grande qualité, bien supérieure, en termes d’informations complémentaires et d’accompagnement éditorial, à l’édition Proust de M Kolb.
          Et ce n’est pas la réédition ‘Prestigieuse », hélas, qui améliore le travail, se contentant de « sanctuariser » un ouvrage conséquent, sans même corriger les fautes ou ajouter les compléments de la parution Plon de 2022 … ce qui est proprement honteux.

          • J’ai acquis, il y a quelques années, avec tout un pan d’une bibliothèque d’un juge-lettré d’Aix-en-Provence (comprenant plus d’une centaine de recueils de correspondances et de mémoires, souvenirs ou journaux littéraires) un recueil de 450 « Lettres Retrouvées » et inédites de George Sand, réparties sur l’ensemble de sa vie, édité par Gallimard en 2004, sous la direction de Thierry Bodin.

            Et je découvre, en musardant sur la Toile, sur le site de la Fondation La Poste, que le même Thierry Bodin a récidivé en 2023, avec 403 nouvelles « Lettres Retrouvées » publiées chez Le Passeur
            Cela ne finira donc jamais ? J’avais tort de douter de la découverte de nouveaux matériaux proustiens, et peut-être que dans deux cents ans – si quelqu’un est encore capable à ce moment-là de lire le vieil idiome français qui aura disparu dans le raz-de-marée du nouvel espéranto mondialisé – on dénichera encore de nouvelles missives signées par l’auteur de « La Recherche » !

    • En fait, je me rends compte qu’il y a deux écoles : on se « met dans la peau de Marcel Proust » et on parcourt sa correspondance générale, par ordre chronologique, tous correspondants entremêlés, sa « biographie épistolaire », en quelque sorte.
      Ou bien on s’intéresse aux relations particulières qu’il a pu avoir avec tel ou tel correspondant, tel personnage, soit dans sa vie privée, soit dans sa vie publique, quitte à prendre le risque de perdre de vue la vision d’ensemble.

      J’ai personnellement une petite préférence pour la seconde solution. Par goût personnel. Et, parce que, après tout, cela reflète la relation personnelle que Marcel Proust (ou un autre) avait avec une personne particulière, dans un contexte et des circonstances particuliers.
      Mais cela n’enlève rien à l’intérêt d’une correspondance générale (où je crains de me perdre dans une forêt inextricable, ou des profondeurs océaniques comme je l’ai dit précédemment, mon pauvre cerveau ne pouvant tout absorber).

      Bien sûr, on peut également combiner les deux systèmes. Mais il faut y consacrer sa vie presque entière.

  21. Ce matin, brocante et foire aux livres à 100 mètres de chez moi. Une table de pléiades. « Au bord de l’eau » en coffret quasiment neuf à 25 euros. Je n’ai pu résister.

  22. Je me permet de formuler à votre attention une question extra-pléiadienne, je suis tombé sur une nouvelle traduction de Sénèque chez Actes Sud par Frédéric Boyer (https://www.actes-sud.fr/catalogue/pieces/phedre) que je connaissais pour une nouvelle traduction de la bible qui m’a toujours laissé un peu sceptique. Je découvre qu’en plus d’être un écrivain prolifique, il s’est tenté à la traduction de saint Augustin, Virgile, Shakespeare et du Kamasutra. Un tel éclectisme m’inspire une certaine méfiance, les philologues les plus ferrés de ce fil auraient-ils un avis sur ce monsieur Boyer ?

    • Frédéric Boyer n’est ni philologue ni traducteur, c’est un adaptateur de classiques étrangers à l’aune du modernisme ambiant. Ici point de vers (fussent-ils libres) mais un assemblage de mots sans recherche musicale, sans rythme non plus, mais dont on aurait sauvegardé uniquement les mots les plus percutants. Comme si l’auteur n’avait peint les scènes qu’avec des couleurs primaires … Au théâtre cela peut passer car les acteurs, la mise en scène et les décors remplissent les manques, étoffent la palette d’émotions, mais à la simple lecture cela reste vain et grossier.
      Surtout si on compare cette adaptation terne avec la translation haute en couleur de Jean-Pierre Chausserie-Laprée aux éditions Le Bousquet-la barthe.
      Voici un florilège d’un extrait (v. 1032-1054) de Phèdre de Sénèque : l’arrivée du monstre marin.

      Traduction Jean-Pierre Chausserie-Laprée :

      « … Vient aux bords un monstre, hélas ! pis que nos craintes.
      La mer court vers la côte et suit sa créature.
      Un tremblement alors s’empare de nos membres.
      Quel saisissant aspect montre l’énorme corps !
      Sombre cou d’un taureau dressant sa tête altière.
      Le front vert élevait une haute crinière.
      Roide oreille velue, yeux aux couleurs changeantes
      Qui disaient et le chef d’un sauvage troupeau
      Et la bête des mers. Là, l’œil jette une flamme ;
      Ici, d’un sombre azur se lit l’étrange éclat.
      L’épaisse nuque tend des muscles élancés.
      Le large naseau vibre en son souffle béant.
      Et poitrail et fanons, couverts d’algue ont verdi.
      Un rougeoyant fucus marbre ses vastes flancs.
      Bête énorme étirant grande traîne squameuse,
      Sa croupe extrême enfin parfait l’aspect d’un monstre.
      On croirait le rorqual, à l’autre bout des mers,
      Quand il brise et dévore en leur vol les navires.
      Le sol tremble. Effrayés, par les champs les bœufs fuient
      Et le pâtre oubliait de suivre ses taureaux.
      Les fauves, des forêts, partout, se sont enfuis ;
      Partout la froide peur glace le chasseur blême.
      Un seul ne montre aucune peur : c’est Hippolyte… »

      Adaptation Frédéric Boyer :

      « …Mer s’engouffre dans les terres accouchant d’une créature pire que nos plus horribles cauchemars. Nous tremblons de tout nos corps.
      Quelle bête ! Taureau d’un bleu profond, le cou dressé dans le ciel.
      Le front vert sous une épaisse crinière.
      De grandes oreilles velues. Regard bigarré, des yeux de chef de horde, de monstre marin.
      Qui peuvent vomir du feu ou briller d’un éclat bleu étrange.
      Muscles puissants de sa nuque massive.
      Grands naseaux frémissant.
      Poitrail et fanons couverts d’algues vertes.
      Flancs couverts d’algues rouges.
      Dos effrayant qui se poursuit en forme de monstre: bête énorme avec une queue de dragon couverte d’écailles.
      Elle ressemble à celle des poissons – scies qui entraînent les navires au fond de l’océan pour les fracasser.
      La terre tremble. Le bétail terrifié détale à travers champs.
      Les bergers abandonnent leurs troupeaux, les animaux sauvages leurs cachettes.
      La frayeur paralyse les chasseurs, livides et glacés.
      Seul Hippolyte reste étranger à toute cette peur…. »

      Bonnes Lectures

      • Bel exemple d’ekphrasis sans relief. Revpop2, vous parlez de couleurs primaires, je parlerais plutôt de croquis, méchamment crayonné avec un charbon trop gras.

        J’ai toujours fantasmé un roman d’horreur écrit par Huysmans. Il excellait dans le pictural effrayant et grotesque. Sa description du « Christ au tetanos » est l’une des plus belles et plus effrayantes de notre littérature. Imaginez la force imaginative de Lovecraft avec le génie lexical et syntaxique de Huysmans !

    • J’ai été consulter les « traductions » de M. Boyer. Son Sénèque et son Augustin sont de vagues démarquages du latin couchés dans un style abrupt plus approprié pour le précepteur de Néron que pour le fleuri et melliflu fils de Monique ; une ignorance antiquaire, philosophique, factuelle abyssale s’y découvre à chaque pas, à commencer par le rendu « aveux » du titre latin confessiones, qui signifie à la fois la confession des fautes passées, la confession de foi et l’hymne d’action de grâce, trois valeurs sur lesquelles Augustin joue constamment dans cette oeuvre sui generis. Le Kamasoutra selon Boyer, oeuvre d’un amateur qui apparemment s’est instruit du sanskrit au cours de sa tâche (il affirme sans ambages, dans le cours pâteux de son introduction, « j’entreprenais cette lecture et cette traduction dans le noir. Il y a plus de quatre ans déjà. Ne connaissant à peu près rien à l’Inde ancienne et moins encore au sanscrit. Sans savoir où cette curiosité et ces efforts laborieux me conduiraient »), ne vaut rien, pour des raisons philologiques incontestables. On nous laisse ignorer le texte de base ; or cette translation bouleverse totalement non seulement l’ordre des chapitres mais même leur composition, si bien qu’il est fort malaisé de le contrôler contre une version de type universitaire ou une édition hindoue un peu sérieuse ; la segmentation des listes sanskrites est souvent fautive chez Boyer, avec des matières dédoublées ou au contraire concaténées, parce que ce triste sire ne sait pas toujours séparer correctement les mots sanskrits, soit le BA.A.BA de l’apprentissage linguistique ; et les erreurs en tout genre abondent, pour certaines conditionnées par la traduction française de Daniélou qui présente exactement la même faiblesse. Voici les 64 arts nécessaires dans la traduction de Wendy Doniger (Oxford World Classics », 2002, p. 15) ;

      « singing; playing musical instruments; dancing; painting; cutting leaves into shapes; making lines on the floor with rice powder and flowers; arranging flowers; colouring the teeth, clothes, and limbs; making jewelled floors; preparing beds; making music on the rims of glasses of water; playing water sports; unusual techniques; making garlands and stringing necklaces; making diadems and headbands; making costumes; making various earrings; mixing perfumes; putting on jewellery; doing conjuring tricks; practising sorcery; sleight of hand; preparing various forms of vegetables, soups, and other things to eat; preparing wines, fruit juices, and other things to drink; needlework; weaving; playing the lute and the drum;* telling
      jokes and riddles; completing words; reciting difficult words; reading aloud; staging plays and dialogues; completing verses; making things out of cloth, wood, and cane; woodworking; carpentry; architecture; the ability to test gold and silver; metallurgy; knowledge of the colour and form of jewels; skill at nurturing trees; knowledge of ram-fights, cock-fights, and quail-fights; teaching parrots and mynah birds to talk; skill at rubbing, massaging, and hairdressing; the ability to speak in sign language; understanding languages made to seem foreign; knowledge of local dialects; skill at making flower carts; knowledge of omens; alphabets for use in making magical diagrams; alphabets for memorizing; group recitation; improvising poetry; dictionaries and thesauruses; knowledge of metre; literary work; the art of impersonation; the art of using clothes for disguise; special forms of gambling; the game of dice; children’s games; etiquette; the science of strategy; and the cultivation of athletic skills ».

      Boyer en fait ceci :

      « le chant
      la musique instrumentale
      la dane et le mime
      l’écriture et le dessin
      le découpage
      l’art éphémère avec fleurs et grains de riz
      l’art floral
      la coloration des dents des vêtements et du corps
      l’art de la mosaïque
      la préparation et la décoration des lits
      les verres musicaux
      les jeux d’eau et la baignade
      les techniques étranges
      tresser des guirlandes à plusieurs rangs
      coiffures et couronnes
      les arts du costume
      les boucles d’oreilles
      les parfums
      la confection de bijoux
      prestidigitation et sorcellerie
      magie érotique
      jeux de mains
      préparer concombres légumes et soupes variées
      préparer boissons breuvages et vins
      coudre et tisser
      jeux de cordes
      jouer du luth et du tambour
      l’art du puzzle
      les poèmes mnémotechniques
      l’art des énigmes
      la lecture à voix haute
      l’art du théâtre et de raconter une histoire
      l’art de finir un poème
      fabriquer des objets en jonc bois ou tissu
      l’art du ciseau
      la charpenterie
      la connaissance des trésors
      la minéralogie
      l’alchimie
      connaître la taille et la couleur des pierres précieuses
      techniques et sciences arboricoles
      combats de coqs perdrix et béliers
      dresser mainates et perroquets à parler
      l’art des soins corporels de masser et de coiffer
      le langage des gestes
      l’illusion de parler comme un étranger
      connaître d’autres langues
      l’ornement floral des chars
      la divination
      la ventriloquie
      les alphabets magiques
      la récitation
      l’art d’improviser
      l’art de poétiser
      dictionnaires et glossaires
      la versification et la métrique
      l’art littéraire
      l’art de la fiction
      l’art du déguisement
      les jeux de dés
      les jeux d’enfants
      les bonnes manières
      la stratégie
      la philosophie ».

      On défuira comme la peste, pour citer Villon, les translations signées Boyer.

      • Traduire « le langage des gestes » pour la langue des signes ?Neo-Birt, pour l’emploi si rare du mot <em>melliflu</em>, mon pseudo favori, vous méritez une médaille de réanimateur.

      • On se doutait bien de votre réponse.

        J’ai validé un commentaire de Revpop sur ce sujet, qui traînait sous un autre pseudonyme (Revpop2) et qui suggère la même chose.

        Je me demande pour quelle raison on fait passer ces textes pour des traductions ? Après tout, l’art de la récriture des grands textes a été très longtemps pratiqué par les écrivains : si la Phèdre de Sénèque l’inspire tant, ce M.Boyer, pourquoi ne pas récrire lui-même sa Phèdre, une Phèdre de Boyer, plutôt que de proposer une traduction n’ayant pas les qualités de fidélité généralement requises à notre époque ?

        (je sais ce que vous allez me dire, pour profiter de la notoriété du traduit à bon compte)

        Alors qu’il ne me semblerait pas gênant, en théorie, de proposer sa propre Phèdre, comme tant d’autres l’ont proposée avant. L’ennuyeux, évidemment, c’est qu’on serait immanquablement comparé à ses glorieux prédécesseurs…

        • Je vous rejoins cher Brumes, L’entreprise de M. Boyer nous est bien dispensable, piètre philologue et traducteur à la petite semaine, ses textes ne sauraient avoir une quelconque utilité et trouver audience. Du reste, on se demande quelle profondeur peut bien avoir l’interprétation personnelle d’un chef d’œuvre dont l’auteur se vante presque d’en ignorer la langue… Comme disait Piron de Des Fontaines, c’est l’eunuque au milieu du sérail ; il n’y fait rien et nuit à qui veut faire.

      • Je vous remercie pour cette mise en garde bien documentée, de même pour Revpop2. J’avais déjà relevé quelques décisions farfelues qui ne m’inspiraient rien de bon, mais rien à la hauteur de cette préface du Kamasutra !

  23. Bonjour à tous,

    Toujours très intéressé par les commentaires de ce blog et pour faire suite à ce qui vient d’être dit au sujet des traductions de M. Boyer, je m’interroge pour ma part sur l’intégrale des Adages d’Erasme parue aux Belles Lettres, d’abord dans une édition numérotée de grand format, puis plus récemment en editio minor, qui ressemble à s’y méprendre à un coffret de la pléiade (je l’ai eu en main à la librairie Mollat, mais sous blister, donc impossible à feuilleter). Le maître d’oeuvre de cet ensemble est Jean-Christophe Saladin. Qui peut en dire quelque chose ? Qualité du contenu (fond et forme) ? L’investissement vaut-il le coup (199 euros l’ensemble) ? Avec mes remerciements.

    • Je n’ai pas les Adages mais j’ai acquis l’édition bilingue par Jean Christophe Saladin de l’Éloge de la Folie, séduit par sa maquette séduisante avec textes et commentaires en latin et la traduction en regard, plus quelques notes de bas de pages, et une police de caractères ancienne, des couleurs, des illustrations de bonne facture.
      J’ai été assez déçu finalement, cette édition présentant des défauts de forme – certaines pages imprimées chez SEPEC à Péronnas sont floues, tremblées – et surtout des problèmes de fond.
      Dans son introduction, M. Saladin survole ses sujets et abuse de formules faciles comme « Érasme dynamite la scolastique de l’intérieur ». La traduction est fluide au prix d’un grand nombre de libertés avec la syntaxe du texte latin.
      Sa présentation en lien ci-dessous de son édition des Adages ne semble pas non plus montrer beaucoup d’esprit de finesse:

    • Parce qu’elle a pu s’appuyer sur l’intégrale anglaise coordonnée par Philips, à valeur d’édition bilingue commentée, qui lui a évité les erreurs dans lesquelles tombe presque inévitablement toute translation princeps d’un original riche, érudit et souvent difficile qui n’est pas faite par les meilleurs experts de l’auteur mais commissionnée à des mercenaires (voir infra), la traduction dirigée par Saladin est convenable, en dépit du trop minime pilotage éditorial imposé aux collaborateurs sur chaque tranche de l’énorme ensemble que constituent les Adages. Parmi les rares principes généraux édictés, la contradiction patente qui existe entre la liberté laissée aux traducteurs en matière stylistique (« la seule consigne impérative pour tous a été : élégance et précision » : V, p. 37) et la révision de leurs versions, apparemment traitées comme des premiers jets (« précisons que les traductions initiales ont été souvent modifiées au fil des nombreuses relectures croisées, afin de les harmoniser au mieux » : V, p. 625) ne fait guère attendre un travail parfaitement rigoureux. Le pedigree des collaborateurs laisse du reste songeur : les grands noms de la science érasmienne n’ont traduit qu’un (J.-C. Margolin) ou deux (J. Chomarat) Adages, et l’essentiel de la tâche a été abattu soit par des tâcherons issus des lettres classiques ou modernes soit par des chercheurs ratés comme Y. Migoubert, helléniste formé par Françoise Létoublon à Grenoble et qui n’a rien publié de tant soit peu technique, surtout pas sa thèse. En dehors des latinistes experts appelés pour un texte unique (J.-B. Guillaumin, E. Wolff), font exception à ce recrutement peu fameux Sylvie Laigneau, qui contribua d’excellente manière au Saint Augustin de la Pléiade, Olivier Sers, ce bon adaptateur de la poésie latine d’or et d’argent, et le Bordelais Guillaume Flamerie de Lachapelle, connaisseur compétent du latin classique. De Saladin lui-même, on ne peut dire mieux que ce n’est pas vraiment le meilleur humaniste concevable ; son Eloge de la Folie n’a pas le brio de celui du grand Pierre de Nolhac aux Anciens Classiques Garnier (même si le style très Grand Siècle de ce dernier peut déplaire aujourd’hui), sans offrir par compensation les secours d’une exactitude pointilleuse.

  24. Confirmation, sur le site Catalogue de La Pléiade, de la parution début 2024, d’un nouveau volume Jules Verne ; et de son contenu :
    – L’École des Robinsons
    – Deux Ans de Vacances
    – Seconde Patrie.

    En moi le vernolâtre est évidemment enchanté, l’amateur de littérature l’est un peu moins : car, si je vois bien la « logique » du volume qui est consacrée entièrement à des « robinsonnades », je ne suis pas certain qu’il contienne un seul chef-d’oeuvre du Jules !
    Pas même, un de ces romans (de la dernière période surtout) un peu injustement méconnus, qui donnent l’image d’un Verne un peu différent de l’imagerie populaire.
    Une fois de plus, dommage !

    Mais, je me jetterai tout de même dessus, parce que je suis drogué.

      • Ce n’est pas non plus le pire, je dois dire.
        L’envers ou la version angélique de « Sa Majesté des Mouches » de William Golding (qui ne pouvait ignorer l’existence du roman de Jules Verne) ; ce qui ne signifie pas que c’est inintéressant, ni qu’il évite la question des concurrences et des affrontements entre castes et nationalités, mais l’obligatoire happy end vient y mettre heureusement fin (c’est aussi une version en mode mineur et sans la dimension mystérieuse, voire fantastique, de « L’Île Mystérieuse ».

        À noter la présence d’un jeune Français, Briant (avec un T) au milieu de cette bande d’anglo-saxons, dans lequel on a voulu voir (sans doute à raison) une évocation du jeune Aristide Briand (avec un D) qui connaîtra la carrière politique qu’on sait. Certains commentateurs à la sauce post soixantuitarde ont beaucoup fantasmé sur les relations de Verne et de l’adolescent Briand : le Jules Verne patriarcal et bourgeois est vraiment trop dérangeant pour eux (étonnant renversement des valeurs et des préjugés), il faudrait qu’il fût gauchiste ou, pour le moins, bisexuel, enfin quelque chose d’intéressant, quoi !

        « Deux Ans de Vacances », s’il n’apparaît pas tout en haut de la hiérarchie des romans vermines, n’en est pas moins, en tout état de cause, le coeur et de loin le meilleur roman de ce cinquième volume consacré au natif Nantais (je n’insisterai pas, pour ne pas énerver notre cher hôte Brumes sur sa carrière de notable amiénois).
        J’en ai conservé de bons souvenirs (plus récents que les vôtres, WoO) et le relirai avec plaisir.

        Si au moins je pouvais espérer une édition (intro, notes et commentaires) à la hauteur des ambitions affichées par la collection, cela justifierait amplement ce recueil de robinsonnades.
        Qui sait ? Contre toute attente ! (Au fin fond de mon pessimisme, il y a toujours un incurable optimiste qui ne dort que d’un oeil.)

        • Toutes mes excuses à Jules et à la Compagnie : les « romans vermines » au lieu des « romans verniens » !

          Quelquefois ce pauvre demeuré de « correcteur automatique » fait du moins de l’humour involontaire…

        • Un dernier mot : ne pas oublier que toute l’histoire Briand-Verne est contestée par les biographes les plus sérieux. Si elle appartient à l’ordre du possible, elle n’est pas prouvée, et quand bien même le serait-elle qu’elle serait méconnaissable à force d’avoir été répétée, déformée, amplifiée, pour atteindre le statut de légende.
          Mais elle a beaucoup occupé les commentateurs et amusé les lecteurs de ces derniers (dont moi).

          Jules Verne fait partie de ces auteurs que les admirateurs de ses oeuvres ne trouvent « pas à la hauteur » de ses rêves littéraires, et dont il faut embellir ou noircir la vie et la personnalité, pour qu’on puisse songer à lui accorder le statut d’artiste.

          • Qui sait si, des archives familiales étant divulguées, cette affaire privée ne s’avérera pas croustillante. Après tout, nul n’aurait deviné que le digne Gustave Hinstin, ce bon helléniste auteur d’excellentes éditions classiques dont la carrière brisée dès ses débuts comme maître de conférences à Lyon intrigua, donnait dans les garçons et que sa relation avec Isidore Ducasse alla plus loin que l’intérêt littéraire et paternel porté par un enseignant à un brillant lycéen (un vrai, pas un cabot tel le « génial » locataire de l’Elysee auquel sa vieille mousmé cuit son pain, pardon à Villon : ses oeufs). Il fallut la grave maladie d’une descendante d’Hinstin pour en apprendre davantage sur cet attachant humaniste. La Vérité se fait parfois jour par des voies étonnantes.

          • Le problème c’est qu’on n’a pas l’ombre d’une preuve, même d’une présomption, de cette rumeur qui n’est apparue que vers la fin du XXème siècle, quand il est devenu de mode de voir partout des homosexuels inavoués ou bien encore des pédophiles cachés (quand ceux qui étaient avérés, voire exposés en vitrine, étaient portés au pinacle).

            Et qu’elle repose sur des témoignages dont la fausseté a été prouvée dans les faits : confusion entre le jeune Aristide Briand et le fils Michel Verne dans un cas ; impossibilité de dates et de lieux pour certaines rencontres entre le jeune Briand et son « protecteur » Jules Verne (aux dates indiquées, soit Briand n’était pas encore lycéen, soit Verne n’était pas à Nantes) ; témoignages indépendants contredisant la légende (la présence de Briand sur le bateau de Jules Verne qui n’est confirmée par aucune des personnes présentes sur le bateau, équipage compris ou présentes à l’embarquement) ; souvenirs reconstitués complaisamment des dizaines d’années après (Briand lui-même se souvenant au soir de sa vie avoir rencontré dans sa jeunesse le glorieux Jules Verne, après avoir été fortement sollicité, alors qu’il semblait l’avoir totalement « oublié » auparavant, et donnant à son tour des dates et des lieux impossibles).

            Je ne me pose pas en défenseur de la mémoire « honorablement bourgeoise » de Verne, mais de la simple et bête vérité, en l’absence de tout commencement de preuve contraire.

            Jules Verne n’a pas besoin qu’on lui fabrique une réputation sentant le souffre pour faire briller son auréole d’une gloire supplémentaire. Il n’a pas écrit les « Chants de Maldoror » que je sache, et sa vie est banale à pleurer.

            Même ses fameuses navigations sont tout juste un confortable cabotage sur des mers extrêmement civilisées ; sa (relative) misogynie est des plus ordinaires à son époque et dans son milieu, et ne saurait lui valoir le glorieux brevet d’homosexualité ; ses engagements « révolutionnaires » sont ceux d’un « honnête homme », humaniste mais plutôt sceptique à l’égard des idéologies ; sa religion est tiède ; son « anarchisme » n’est qu’un individualisme et la seule passion qu’on lui connaisse est celle de la « liberté » des individus et des peuples, mais sous des formes plutôt abstraites et sans système).
            Prière de chercher ailleurs l’artiste maudit.

          • Dans ma follette jeunesse soixantuitarde, tout en admirant l’oeuvre du Grand Jules, nous y cherchions un « sens caché » et pourquoi pas « initiatique », à l’instar de Mme Simone Vierne, ou bien, à l’autre extrême, le béret de Che Guevarra sur la tête de l’anarchiste Kaw-Djer, héros des « Naufragés du Jonathan » alias « En Magellanie » ; nous eussions aimé trouver dans sa biographie un peu de Lautréamont ou un zeste de Rimbaud…

            Hélas, trois fois hélas, en dépit de fouilles approfondies, nous dûmes nous résigner à « l’affreuse réalité » : Jules Verne n’était qu’un « gars ben ordinaire »

      • Ce roman m’a toujours paru mineur, scénarisé au gros fil, et, qui pis est, sensiblement inférieur à l’adaptation franco-roumaine des années 70 sous forme de mini-série. Les quadragénaires se souviendront peut-être du générique très entraînant : une chanson de marins entonnée par un chœur masculin.

        • Vous m’apprenez l’existence de cette adaptation cinématographique, NeoBirt7 (je dois avouer que ma culture en matière d’adaptations en divers médias des oeuvres de Verne est passablement limitée).

          Ma curiosité étant éveillée, je suis allé à la pêche aux renseignements sur la Toile. Et me suis aperçu qu’il y a eu également une adaptation filmée tchèque en 1967, puis diverses versions plus ou moins éloignées en animation japonaise ou en manga, soit inspirées par l’ensemble du roman, soit se contentant d’en reprendre quelques éléments et les mêlant à d’autres oeuvres de Verne (également en bande dessinée franco-belge, mais là on est dans un domaine – celui de la reprise des oeuvres littéraires en BD pour enfants trop fainéants pour lire un livre sans image – qui représente à mes yeux un véritable repoussoir).

          J’y vois la preuve que, même dans ses romans littérairement assez faibles, l’univers de Jules Verne, par la vie et la diversité qui l’animent, représente une source apparemment inépuisable d’inspiration, encore aujourd’hui (fut-ce aux prix de transpositions en voyages de planètes en planètes ou dans des dimensions parallèles, en lieu et place de traversées d’îles en îles).

  25. À l’attention de Zino et deux ou trois autres intéressés, qui m’ont reproché de ne pas savoir sur quel pied danser, je remets une couche au sujet de :

    « La Pérégrination vers l’Ouest. Intégrale des illustrations de l’édition japonaise de 1806-1837 » (Ehon Saiyuki), sous la direction de Christophe Marquet, traduit du sino-japonais par Evelyne Lesigne-Audoly et Delphine Mulard, préface de Vincent Durand-Dastès, postface de Xavier Guilbert, 2024, 836 p., 69 €.

    Un exemplaire déballé est à ma disposition en consultation chez mon libraire, jusqu’à plus soif. Je l’ai donc à moult reprises consulté et compulsé, feuilleté et exploré : cela se fait aisément, il s’agit essentiellement d’illustrations pleine page, entrecoupées de petits résumés de l’action ou exposés de la situation, précédées d’une assez longue introduction illustrée sur l’imagerie populaire japonaise de l’époque, et suivies d’une annexe qui analyse de façon un peu plus détaillée les illustrations de « La Pérégrination ».

    Je dois l’avouer, je reste dubitatif. Je ne suis guère impressionné par la qualité de la reproduction et du papier (il est vrai que les originaux ne sont peut-être pas eux-mêmes de première qualité car il s’agissait d’édition populaire et non destinée à l’élite des Lettrés).

    Sur le fond, il faut bien – en dépit des bêtises que j’ai pu lire, par exemple, dans une chronique du « Monde » sous la plume d’un ignorant – que cela n’a aucun intérêt pour les amateurs de manga (« bande dessinée »), ni pour les amateurs d’estampes des grands maîtres du genre, et encore moins pour les lecteurs du roman de Wu Cheng’en. Ou bien un intérêt relativement anecdotique, pour passionnés collectionneurs.

    Le véritable sujet d’intérêt – qui est double – est celui de la réception et de l’adaptation du grand roman chinois dans l’univers japonais, et celui de l’histoire de l’imagerie populaire japonaise (qui est une des sources du manga, mais pas la seule, il ne faut pas ignorer les influences occidentales, quoi qu’on en dise).

    Donc, n’attendez pas de moi de jugement d’ensemble, je ne peux que cibler la clientèle éventuellement intéressée ; à chacun ensuite de se faire son opinion selon ses goûts et ses intérêts.

    Quant à moi, passionné de littérature et d’imaginaire chinois, et en particulier du roman de Wu Cheng’en et du personnage picaresque de Sun Wukong, à peine moins de littérature et de culture japonaise (ayant en outre un fils japonisant), je n’y échapperai pas, mais, lâchement, je n’investirai pas et me le ferai offrir pour mon petit Noël chrétien (est-ce que le « Singe Égal du Ciel » mettra autant de désordre dans nos Cieux que dans le domaine céleste de l’Empereur de Jade ?).

    • Cher Domonkos,
      Étant donné que vous êtes dubitatif, je vais faire confiance à votre expertise, et m’abstenir.
      Pour me consoler, je vais revisionner quelques films de Tsui Hark : « histoire de fantômes chinois » et « détective Dee ».
      Domonkos, vous rappelez-vous cette série, des années 80 je crois, qui s’appelait les 110 voleurs ( à ne pas confondre avec la superbe BD pornographique de Magnus, les 110 pilules 😁) je ne suis plus trop certain du titre, encore moins de l’intrigue, mais il me semble qu’elle appartenait au genre du wu xia pian.

      • Non, Zino, je ne crois pas connaître « les 110 voleurs » ou quelque chose d’approchant (mais, ma mémoire est si défaillante que je ne jure de rien). Par contre, « Les 110 Pilules » (d’après le « Jin Ping Wei » ou « Fleur en Fiole d’Or » pour les non-initiés) est effectivement un chef-d’oeuvre dans son genre.

        En ce qui concerne mon intervention sur « Le Pèlerinage » je ne peux que le recommander à ceux que passionne l’histoire et aux racines de l’imagerie populaire japonaise dans la période pré-Meiji, et le déconseiller aux autres.
        J’ajoute que, dans tous les cas, la qualité matérielle du livre n’est pas à la hauteur du prix.

      • Par contre, Zino, si vous-même (ou tout autre nous lisant) s’intéresse à ces questions, je vous recommande la lecture (si vous ne l’avez déjà faite) des trois splendides volumes des « Cahiers Japonais » du dessinateur italien pseudo-nommé Igort.
        Tome 1 : « Un Voyage dans l’Empire des Signes »
        Tome 2 : « Le Vagabond du Manga »
        Tome 3 : « Moga, Mobo, Monstres »

        Igort a passé pas mal d’années au Japon, « en immersion » comme on dit, puisqu’il a vécu et partagé le sort de galérien des mandakas japonais. Cela seul apporte à ses livres valeur de témoignage unique.

        Mais il ne s’est pas contenté de narrer son expérience, il a accompli un survol de l’imagerie populaire japonaise (manga et hors manga) depuis le début du XXème siècle. Par le nombre et la diversité des reproductions (mises en scène par des narrations dessinées d’Igort lui-même) et le caractère vivant, la proximité de l’auteur avec cette histoire, une sorte de sympathie sans jugement, ces livres me semblent particulièrement originaux, voire uniques, et dans tous les cas passionnants.

        Je préviens les larmes sensibles à qui vient facilement l’âme à l’oeil, qu’il ne nous épargne rien de « l’enfer » iconographique japonais, ce genre (auquel il consacre son volume 3) mêlant le grotesque, l’érotique, le gore et le sadique, qui n’a pas d’équivalent dans nos contrées imprégnées de christianisme (j’emploie le terme « sadique » par commodité, mais en réalité on est très loin de l’univers du Marquis).

        À travers ces livres, notamment le dernier des trois, on ressent également, pour partie du moins, quelle terrible violence morale a représenté (et représente encore) pour le Japon l’entrée dans le « monde moderne » occidentalisé.
        Je parle du Japon « civil », sans même évoquer les épisodes d’impérialisme, de militarisme, de guerre et de destruction finale, qui ne sont qu’une des conséquences de cette violence de la « modernisation » forcée, greffée sur d’autres violences plus anciennes. Pour les amateurs de romans post-apocalyptiques, je signale qu’il existe, depuis 1945, dans notre monde contemporain, le monde dit réel, un Pays « post-apocalyptique » : le Japon !

        • Domonkos,
          Vous connaissez certainement le Ero Guro nansensu. Alors là, ce n’est clairement pas à mettre entre toutes les mains. L’horreur graphique, les deviances y atteignent des sommets ! Vous me direz  » pourquoi lire cela ?  » eh bien, pour la même raison que nous admirons Le martyr de Saint Sébastien, de Mantegna. C’est visuellement splendide !

      • La série s’appelait la légende des chevaliers aux 108 étoiles. Je me souviens de l’avoir vue. Elle passait le samedi soir sur la première chaîne à la fin des années 70.

  26. Pour l’anecdocte superfétatoire, je rebondis sur l’extraordinaire réalisateur TSUI HARK que je conseille à tous, notamment ses deux oeuvres maitresses à savoir THE LOVERS et GREEN SNAKE deux joyaux poétisants, quintessence même du septième art (oui !) . Quant au triptique histoires de fantômes chinois, tsui hark n’est que producteur, ching siu tung étant le réalisateur ô combien talentueux , il serait judicieux de poursuivre toute son oeuvre: IL était une fois en chine ( les 3 premiers du moins ), l’enfer des armes ( polar) et sa production ultime réalisé par john woo, the killer…je m’égare, ayant acquis en pléiade le rêve du pavillon rouge, j’ose espérer sa lecture après mon défi certainement puéril lire dans son entiéreté la comédie humaine, je poursuis cette quête avec illusions perdues…

    • Puéril ?
      Peut-être… Mais pas plus que le rêve de Balzac himself, qui a voulu organiser son oeuvre avec cette architecture, et souhaité qu’on la lise dans cet ordre.
      Courageux, héroïque, certainement (je m’y suis essayé, il y a quelques années, et j’ai calé en route ; mais, au cours de ma vie, j’ai tout de même dû à peu près tout lire, bien que dans le désordre).

      J’ai acheté, il y a un an, à vil prix, chez mon bouquiniste, la vieille édition d’Albert Béguin et Jean A. Ducourneau, au Club Français du Livre (qui déborde largement de la « Comédie Humaine » d’ailleurs puisque comprenant les « Contes Drolatiques », une bonne poignée d’Oeuvres de Jeunesse et une part de Correspondance).

      Laquelle présente « l’originalité » de présenter les oeuvres dans un ordre qui n’est ni celui voulu par Balzac, ni l’ordre chronologique de parution, mais l’ordre chronologique de l’action romanesque : chaque nouvelle ou roman étant placé « à son époque » – réelle ou supposée, dans les cas où l’action n’est pas précisément datée ou bien s’étend sur une longue période. Béguin prétendait ainsi remplacer le « tableau » de la « Comédie » par le « film » de la « Comédie, et suivre les biographies des personnages, leurs apparitions et réapparitions, leurs croisements, leurs destinées.
      Bien embêté, le Béguin, avec les oeuvres qui ne peuvent entrer dans ce cadre, soit parce que l’action est située trop loin dans le passé, soit parce que le sujet échappe à un temps défini. Bien obligé de placer ces oeuvres en-dehors de son système, ce qui le rend bancal.

      Je ne crois pas que quiconque ait de nouveau tenté l’aventure. Mais l’édition est intéressante, par les documents et témoignages d’époque qu’elle comprend, et les préfaces souvent confiées à des écrivains contemporains considérables (ma préférée, comme par hasard, de la main de Blaise Cendrars) et agréable par la qualité matérielle. Plus facile à lire qu’un Pléiade également, pour mes vieux yeux.

      Félicitations d’être déjà arrivé à « Illusions Perdues » celui que je place tout en haut, au sommet de mon Olympe balzacienne personnelle.

      • J’ai honte d’avoir 6 des 12 volumes de la Comédie humaine et n’avoir lu que le Père Goriot… si lire la Comédie humaine dans son ensemble me paraît hors de portée je vais tâcher de lire Illusions perdues il c’est votre Olympe balzacienne mais n’est-ce pas dangereux de dégringoler ensuite ?

        • La lecture d’« Illusions Perdues » est la suite logique de celle du « Père Goriot », puisque ce roman constitue le panneau central d’une sorte de triptyque, dont le dernier volet est « Splendeurs et Misères des Courtisanes ». L’ampleur de l’entreprise prouve à elle seule l’intérêt qu’y portait Balzac et la conscience qu’il avait de « tenir le bon sujet ».

          « Illusions Perdues » est un magnifique roman et le coeur de la « Comédie Humaine ».
          On en a donné en 2021 (après d’autres adaptations) un film que je n’ai pas vu mais dont a dit du bien, ce qui importe peu pour la question de la valeur littéraire du roman, mais atteste de sa persistance dans notre imaginaire et notre sensibilité.

          • Bonjour,

            Ce serait dommage de ne pas lire « Splendeurs et misères des courtisanes », qui est presque la suite d' »Illusions perdues », de se passer de l’une des plus belles scènes de « La Comédie humaine », celle où Vautrin pleure.

            Mis à part « L’auberge rouge » et « L’élixir de longue vie », Balzac fait mon bonheur, y compris avec des textes courts tels que « L’interdiction », « La messe de l’athée » ou « Une passion dans le désert ».

            Bonne lecture !

            Cordialement.

        • Bonjour Arbal,
          Vous ne dégringolerez pas avec Balzac. À part quelques rares textes rattachés à La Comédie humaine (que l’on trouve dans le volume XII), vous ne pourrez pas être déçu si vous aimez la langue de Balzac.
          Quant à lire La Comédie humaine en entier, ce n’est pas hors de portée. Il faut un peu de temps, un environnement favorable et la volonté : ensuite ce n’est que plaisir de lecteur.
          Vous avez la chance d’avoir en mains le volume IV : pour entrer dans la cathédrale balzacienne vous pouvez commencer par Le Curé de Tours, La Rabouilleuse et La Muse du département.

    • Pour le rôle de Tsui Hark dans la trilogie « a chinese ghost story » croyez bien qu’il ne s’est pas privé pour filmer certaines séquences. Cela me rappelle le film de Tobe Hopper, Poltergeist : beaucoup de Spielberg, un peu de Tobe Hopper.
      Je referme de suite la parenthèse…

      • Et vous avez parfaitement raison, tsui hark dans ses productions s ‘immiscait également dans les tournages, la workshop, sa boîte de production permis au ciné de HK d’illuminer les années 90 ou des acteurs tels que chow yun fat, jet Lee, Maggie cheung rayonnaient dans le monde , hélas depuis la rétrocession, seul le magnifique limbo sorti cette année a revigoré ce cinema.

        • Christophe Gans a beaucoup aidé à La découverte du cinéma asiatique ( pas seulement le cinéma de Hong Kong, mais également japonais ) avec sa collection HK vidéo et sa revue Starfix. Je garde pieusement les coffrets dvd, Ronins et yakuzas. Également les films de John Woo. Il faudrait que je les revoie. Les Masters n’étaient pas toujours de bonne qualité. Hélas, il ne faut pas trop compter sur de prochaines éditions, tirées de nouveaux Masters 4k. C’est un fait notoire que les négatifs de ces films ne sont pas bien conservés. Sans compter l’usage de bobines second hand.
          Là, je suis vraiment hs, je ne voudrais pas m’attirer les foudres de notre ami Brumes 😁

          • à Zino, nous avons les mêmes références, biberonné au starfix avec Gans qui nous entraîna vers HARK, Woo et un certain Takeshi Kitano, quelle époque …hs aussi, désolé

        • N’oubliez-vous pas le sublime « In the mood for love », de Wong Kar-wai, sorti trois ans après la rétrocession ? J’ignore si c’est une production de Tsui Hark, mais quel film ! et quels acteurs ! Ah, Maggie Cheung et Tony Leung !

          • Cher Marc Bonetto,
            Wong kar Wai est au cinéma de Hong Kong ce que la nouvelle vague fut au cinéma français. Il a très peu de points communs avec Tsui Hark.
            Je dis nouvelle vague, mais en vérité le manierisme de in the mood for love le classerait plutôt dans une sorte de néo classicisme langoureux, empruntant à la fois au mélodrame de Michael Curtis et au glam ultra coloré de David lynch.
            Tsui Hark, c’est autre chose : c’est du cinéma brut, c’est du whisky cinq étoiles dans une bouteille de jaja à deux francs.

          • En totale phase avec Zino, wong kar wai est un auteur dans le vrai sens du terme, tsui hark a toujours été considéré comme le spielberg HK avec néanmoins une touche poétisante ( voir green snake, the lovers ) l’élevant au rang d’un des plus grands réals des années 90 ( ses premiers longs et son dantesque ZU rend fou tout spectateur non préparé à cela), mais vous avez raison, wong kar wai a pu développer un cinéma esthétisant bien au delà de la rétro cession.

  27. Merci cher Domonkos Szenes de me conforter dans ma quête Balzacienne, le défi est certes herculéen voire icarien, mais j’avoue une jouissance dans ses descriptions si précises de ses personnages, dans sa vision de « l’homme »quelque peu ridicule et ce dans un phrasé qui m’emporte, je ne sais si je réussirais, mais qu’importe d’ailleurs…
    J’ai acquis à vil prix, 70 euros, ce monument littéraire ( éditeur du seuil 1965 , couverture rouge du plus mauvais effet, dans la chronologie voulue par Balzac « himself » ( du moins, je crois !))

    • J’ose à peine vous l’avouer, mais j’ai acquis le mois dernier, l’édition du Seuil, en sept volumes, avec ses couvertures toilées rouge, état parfait (manque les jaquettes, mais pour le reste, comme neuf).

      C’était dans une Foire aux Livres organisée par une Société de Bienfaisance qui finance depuis plusieurs décennies les études de jeunes gens au Burkina Faso (d’où ils sont sur le point de se faire chasser comme d’ignobles neo-colonialistes, n’osant déjà plus s’aventurer hors de Ouagadougou la Capitale).
      Tous les livres étaient à 1€ à de rares exceptions près et les poches à 3 volumes pour 1€.

      Apercevant ce monument, sur une table à l’écart, et ne voyant pas de prix marqué, j’ai interpellé une vendeuse bénévole, fort aimable. Celle-ci, toute heureuse de n’avoir pas à se coltiner ces volumineux ouvrages à remballer (nous étions proches de la fermeture) me dit :
      « Cinq Euros.
      – Cinq Euros le volume ? »
      lui répondis-je (calculant dans ma tête, que cela les mettait à 35€ le tout, somme modique mais que je n’étais pas prêt à lâcher volontiers)
      « Non, Cinq Euros le total.
      – Affaire conclue !
      – Vous indiquerez à la caisse en sortant, que c’est moi qui vous ai fait le prix. »

      Et passez muscade !
      J’ai cru que la foudre m’était tombée dessus et je suis sorti avec mes bouquins sous les bras, à demi persuadé qu’on allait me poursuivre comme un voleur et me faire rendre gorge…

      Ça n’est que ma quatrième édition de Balzac (avec celle du Club Français du Livre évoquée plus haut, celle de la Pléiade, et ma pléthore de vieux poches des années 60), mais je ne pouvais pas résister !

      • Vous avez fait une bonne action, ô Domonkos ! et vous pourrez offrir cette éditions calamiteuse (deux colonnes par page, d’accord, mais pas à un tel format, non !) à une personne que vous n’appréciez vraiment pas. Ne soyez pas trop cruel, choisissez un lecteur qui a déjà lu Balzac et qui l’aime.
        (Adolescent, j’avais acheté le gros volume rouge des oeuvres complètes de Molière, imaginant que c’était là une bonne affaire : après la lecture d’une ou deux pièces de théâtre, je suis revenu aux éditions de poche.)

        P. S. J’ai commandé « La Callas et Pasolini, un amour impossible » de Jean Dufaux et Sara Briotti », en attendant le tome 12 de « Murena ».

        • c’est d’ailleurs trés étrange ces deux colonnes, et assez pénible, il faut bien l’avouer, reste le texte… j’ai acquis tout Poe ainsi, heureux que j’étais à l’achat et bien malheureux en sa lecture…

      • Hou, le vilain moqueur !
        C’est pas bien chrétien ça, de vanner ses pauvres frères humains. Surtout quand on s’en prend à un vieillard.

        À propos de vieillard… Le grand Emmanuel Leroy-Ladurie qui fut une idole de l’intelligentsia (et bien plus que cela) éminent représentant de la « nouvelle histoire », est mort le 22 novembre, à 94 ans… complètement oublié !
        Pour ma part, je viens seulement de l’apprendre.
        Ça a fait les gros titres de la presse, cette nouvelle ?

        Hommage.

        • J’ai peut être un prisme historien plus attentif, mais oui j’ai l’impression d’avoir vu un certain nombre d’hommages, en tout cas dans le journal le Monde, d’Alain Corbin, Jeremie Foa, Mathieu Arnoux, Robert Darnton, en plus de trois articles nécrologiques.

          • Je m’en réjouis, mais, dois-je l’avouer, je ne lis plus « Le Monde » depuis quelques décennies… je suis de l’ancien monde

            Mais la « couverture médiatique » de cette disparition ne m’a pas fort impressionné ; en-dehors de l’actualité internationale dramatique, une certaine discrétion sur le sujet a cours. Question d’échelle des valeurs. J’y suis résigné.

        • Aucune moquerie, cher Domonkos, bien que j’appartienne à la catégorie de ceux qui ne croient ni à diable ni a dieu, ni au moine bourru. De plus, je suis moi-même un vieillard joliment cabossé. C’était juste un conseil et un hommage à votre générosité : à votre place, je ne me serais pas chargé d’une telle masse de papier encré et relié.

          Cordialement,

          Marc Bonetto.

          • Mais, au fond, j’assume et suis sans regret.

            J’aime bien ces belles toiles rouges aux titres dorés : ça doit venir de mon côté « chinois ».

            Et j’aime la compacité de ces volumes, il me plait de les ouvrir à l’occasion et d’y picorer au hasard (ce que je peux beaucoup moins faire avec mes pléiades, livres qui se lisent avec un « sérieux » parfois em……dant, mais ne qui se feuillettent pas).

            Sans rancune.
            Bien à vous.

  28. « La Pléiade – Poésie, poétique, documents »

    Nouveau volume annoncé sur le site, pour mars 2024, un mois après la ressortie, en coffret, de Ronsard…
    Quelqu’un était-il au courant de cette parution ? Une personne en sait-elle plus sur le contenu ? S’agit-il bien d’une anthologie des poètes de « La Pléiade » ? Cela me semble un peu étrange, après plusieurs réponses de Gallimard trouvant que l’édition de Ronsard et « Anthologie de la Poésie Française du Moyen-Age au XVIIème siècle » suffisaient…

    Personnellement, pas fana des anthologies (mais je m’en contenterai tout de même) j’aurais préféré un Clément Marat et un Maurice Scève… qu’on ne verra jamais (généralement mes prédictions s’avérant de sens contraire, je tente de conjurer le sort).

    Ils doivent bien se marrer à la ci-devant rue Sébastien Bottin, à lire nos prévisions de petits Nostradamus brumesques et autres supputations de kremlinologues… Doivent se payer notre fiole en se plaisant à détromper constamment nos attentes.

      • Je l’avions raté. Je ne trouve pas moins l’opération bizarre et toujours incompréhensible la politique de La Pléiade : un peu comme cette ancienne croyance qui pensait qu’un possédé pouvait contenir une nuée de démons, ça part dans tous les sens. N’en dirai pas plus, et au fond, qu’importe ?

        • Cela ressemble tout de même à un OVNI.

          Combien d’exemplaires Gallimard espère-t-il en vendre ?
          Qu’on ne vienne plus, après cela, à m’opposer l’argument des faibles ventes espérées, lorsque nous défendons tel ou tel auteur immense, que les dirigeants de La Pléiade (la Bibliothèque de) n’envisagent pas de publier, ni demain, ni après-demain.

          • Une pléiade sur la pléiade, ce n’est pas une mauvaise idée ; mais le coup des « témoignages contemporains et textes théoriques » avait déjà été fait avec Lautréamont 2 et l’intérêt me semble assez mince.

          • Je ne comprends toujours pas bien l’architecture et la finalité de cet ouvrage… Poètes de La Pléiade… Discours sur La Défense de la Langue Française… Documents contemporains…
            Et encore moins l’intérêt économique de Gallimard !
            Sauf si…

            On a vu le gouvernement du Canton de Vaud (Suisse) co-financer les pléiades Ramuz. Pourquoi pas un pléiade « La Pléiade » centré sur une période qui a vu la langue française élevée à la dignité de langue officielle de la France et de langue littéraire, bénéficiant de quelques subsides d’une quelconque officine de l’État ou Fondation de ceci de cela ?

            N’a-t-on pas vu Emmanuel Macron, en octobre 2023, inaugurer la Cité Internationale de la Langue Française, dans le château de Villers-Coterrêt, à grands renfort de beaux et lyriques discours à la gloire de notre ci-devant belle langue ?…
            Heureuse coïncidence ou « hasard objectif » si cher à notre cher André Breton ?

  29. Question aux fins connaisseurs pléiadesques qui hantent ces lieux : est-ce que les tranches de tête des pléiades ont toujours été teintées ?

    Une personne me soutient que non, et cette affirmation m’étonne quelque peu – mais, béotien que je suis en cette matière, je ne suis sûr de rien.

    • J’ai en main la première édition du Rimbaud en pléiade (1946), la tranche de tête est grise. Pour Balzac, oui bien sûr le triptyque cité, mais j’ajouterai César Birotteau, La Rabouilleuse et La cousine Bette, ce roman, un des derniers, d’un cynisme et d’une noirceur qui montrent le peu d’illusions que se faisait Balzac sur le genre humain. Quant aux amateurs de B.D. je leur recommande vivement le dernier tome paru de Blacksad (Alors tout tombe, seconde partie et tome 7). Facture classique du polar noir américain, mais dessin époustouflant de Guarnido. Superbe et prix correct (16/17 euros).

      • J’ai un correspondant qui m’affirme qu’il y a 60 ans les tranches de tête des pléiade n’étaient pas teintées. Cela m’étonnait fort mais je ne voulais pas me lancer dans une vaine polémique, sans preuves à l’appui.
        Merci, « Petitlecteur » pour cette information qui devrait permettre de… « trancher » la question.
        Bien à vous.

      • Cet exemplaire porte la marque de Jacques Schiffrin dont on trouve le portrait dans le récent pavé « Histoire juive de la France » au chapitre des exilés de 1940, p.667: « Jacques Schiffrin, créateur de la prestigieuse collection « La Pléiade » aux éditions Gallimard (et qui en est spolié par son éditeur pendant la guerre), passe par le sud de la France pour rejoindre New York. »

        • Dans l’éternel procès Gaston Gallimard-Jacques Schiffrin (qui a déjà été évoqué ici), je me garderai de jouer le rôle de juge. N’ayant pas vocation à ce faire, et pas même connaissance de toutes les « pièces du dossier ».

          Mais, en vertu du principe que tout accusé (en l’espèce le sieur Gaston Gallimard) a droit à un avocat, je laisse la parole à Pierre Assouline qui a assumé ce rôle, sans ajouter le moindre commentaire, dans un sens ou dans l’autre, de mon cru :

          <emCréation de La Pléiade.« On l’a appelé « Pléiade » parce qu’on était une petite bande de juifs russes exilés à Paris et que cet esprit de groupe se dit pleiada en russe… ». Propos de Simon Schiffrin, frère de Jacques Schiffrin créateur et premier directeur de la collection et des éditions de La Pléiade, rapporté par Pierre Assouline.
          (…)
          Son aventure dure dix années en toute indépendance avec ce que cela suppose de difficultés et d’obstacles. Jusqu’à ce qu’il appelle au secours afin d’éviter faillite et liquidation. Son ami André Gide (ils avaient fait ensemble le fameux voyage en URSS en août 1936 avec Dabit, Guilloux, Herbart) s’entremet naturellement auprès de Gallimard qui rachète donc la Pléiade et en devient propriétaire, Schiffrin étant le directeur de la collection.
          (…)
          Le 5 novembre 1940, Gaston Gallimard lui adresse une lettre à la sécheresse toute administrative pour lui signifier qu’il ne fait plus partie de la maison. La Propaganda-Staffel l’exige pour tous ses employés et cadres israélites. Elle avait la Nrf dans le collimateur en raison de tout ce que son catalogue abritait d’auteurs communistes, juifs, francs-maçons etc.

          Jean Paulhan assura l’intérim à la tête de la Pléiade. Chez Gallimard, d’autres tels que le directeur commercial Louis-Daniel Hirsch et les membres du comité de lecture Robert Aron, Benjamin Crémieux, Pierre Seeligmann subissent le même sort pour les mêmes raisons.

          Un temps réfugié en zone libre, Schiffrin et sa famille parviennent à gagner New York. Il y reprend des activités d’éditions avec Kurt Wolff notamment et lance différents projets mais jamais, lui qui s’était fait naturaliser en 1927 par amour pour son pays d’adoption, ne se guérira de sa nostalgie de l’Europe et surtout de la France, de son regret du monde d’avant.
          (…)
          Jacques Schiffrin se sentait dépossédé de l’œuvre de sa vie, ce qui laisse à croire qu’il en aurait été spolié, alors qu’il l’avait vendue depuis des années et y a travaillé par la suite pendant des années. Quinze jours ne s’étaient pas passés depuis la Libération de Paris que Raymond Gallimard lui proposait déjà de rentrer en France afin d’y reprendre les fonctions qu’il occupait avant-guerre à la tête de « votre Bibliothèque de la Pléiade » et s’engageait à l’aider financièrement le cas échéant outre le reliquat de ses droits (642 593 francs lui avaient déjà été versés pendant toute la durée de la guerre via sa belle-famille sur les 1 026 682 francs qui lui étaient dûs et qui lui furent versés, les relevés de compte faisant foi). Mais après-guerre, même un forfait ne lui convenait plus et ce sont ses héritiers qui, en 1959, se dégageront totalement et définitivement de la Pléiade moyennant la somme de 3,5 millions de francs. De quoi générer de l’amertume mais pas de conflit.

          De son propre aveu, Schiffrin était trop dépressif et trop faible pour envisager un tel retour. Tout cela est très clair à la lecture du volume de la Correspondance échangée entre Gide et Schiffrin et publiée par Gallimard en 2005 précédée d’une préface… d’André Schiffrin (fils de Jacques Schiffrin).
          (…)
          Pierre Assouline, se faisant l’Avocat de La Défense du «procès» Gaston Gallimard, en chroniquant le livre de l’Accusateur Amos Reichman («Jacques Schiffrin, un éditeur en exil»)

  30. Erratum :
    j’écrivais : Michael Curtiz « , en pensant  » Douglas Sirk et même Richard Quine « . J’avais sans doute à l’esprit, le sublime  » Strangers when we meet ».

    • J’adoooOOOOoore !

      C’est joyeusement débile, foutrement injuste, vachement approximatif (quand ce n’est pas inexact ou même diffamatoire), il arrive même que cela frappe juste (quel dommage, gâcher tant de rigolade avec un peu de sérieux !) et, au total, c’est sacrément désacralisateur !

      Merci pour ce joli cadeau de veille-de-fêtes-de-fin-d’année ou de fêtes-comme-vous-voulez…

      • Certains pourraient quand même trouver saumâtre que la « vox docta » soit confiée ici à MM. Praud et Zemmour… « Désacralisateur » certainement ; la franche « rigolade », permettez-nous d’avoir un doute.
        Un bon point sur les nouvelles éditions : resucées parfaitement inutiles pour contourner la venue au domaine public. C’est malheureusement on ne peut plus exact neuf fois sur dix.
        Cordialement,
        UAPI

          • Pour nous, ce n’est pas très le problème… Nous aurions mentionné aussi bien le M, mais celui-ci est convoqué une seule fois au Mième degré, alors que les deux nuisibles le sont sérieusement, ès autorités. Et ça change tout.
            Curieux, très curieux (dans cette droite ligne) que Houellebecq n’ait pas été de la rigolade…?…
            Cordialement,
            UAPI

        • En effet, personne ne le conteste. Ce qui mérite moins mon approbation en revanche est le cas Montaigne – qui fait figure de « mauvais » exemple. On peut tout à fait décerner des qualités à l’ancienne édition de Thibaudet mais il m’est d’avis que la refonte de l’édition était nécessaire sur le plan informatif. Aussi, si les recherches ont avancé sur tel ou tel auteur, on ne peut pas en vouloir à Gallimard de sauter sur l’occasion d’une refonte nécessaire – de même si elle fait figure d’un profit douteux pour le compte de la maison.
          Les vidéos a ses mérites et ses torts sur presque tous les points qu’elle aborde.

        • Bah. Pas de raison de s’émouvoir outre-mesure pour cette pochade. On n’aura pas manqué de remarquer qu’il y a beaucoup de second degré et de dérision dans ce sketch
          Et, dans ce cadre marqué par l’outrance et l’esprit « guignols de l’info », qualifier de vox docta le détournement de propos proprement saucissonnés de Messieurs Praud, Zemmour ou… Mélenchon – quI ne sont pas pour le moment frappés d’indignité nationale ou d’excommunication – me semble quelque peu exagéré. Mais je ne veux pas m’attarder sur ce sujet de piètre intérêt en l’occurrence, ou plutôt ce hors-sujet.

          Quant à la franche rigolade que cette prestation a déclenché chez moi, elle est dû tout autant au ridicule de la prétention de son auteur que de son lancer de tomates contre la « prestigieuse collection » qui, pour une fois, n’est pas considérée comme une vache sacrée.
          Au passage, j’ai été également amusé de recevoir ma ration de tomates, en tant que lecteur et collectionneur de pléiades : une petite remise en cause, avec quelque verve parfois, du sérieux de nos graves débats, me semble supportable.

          Comme dans toute caricature, quelques traits frappent juste, mais au final, à mes yeux, il s’agit d’une simple récréation, qui a peu de chance de mobiliser longtemps ma réflexion ou de me causer des cauchemars.

          • Ce Youtuber me semble appartenir à la génération très zemmourienne de jeunes de droite qui manient mèmes et détournements vidéos, anciens adeptes de la chaîne d’Henri de Lesquens, et antigauchistes revendiqués. Le premier roman de sa maison d’édition s’appelle « pays réels » et parle de guerre civile dans la France d’aujourd’hui. Je ne l’ai pas lu, et peux donc me tromper, mais j’aurais tendance à l’inscrire dans une galaxie politique très à droite. Donc Praud et Zemmour sont probablement moins ironiques que Melanchon dans ces extraits.

          • Ne prenez pas mal ma relance, Romonkos, j’ai conscience que vous ne cherchez pas à vous attarder sur ce sujet, je ne vous attaque pas !

          • Perso, s’il faut tout dire, j’ai tendance à renvoyer dos à dos le Z et le M. Tous les deux chercheurs de guerre civile. Deux néfastes à égalité dans le nuisible.
            Ceci excluant la plus sérieuse, profonde et complexe question de la déstabilisation de notre société et de notre civilisation, qui nécessiterait d’autres médecins que ces deux sombres foireux diafoirus.
            Je préfère parler le moins possible de ces deux individus et de ceux qui les entourent : tous deux nuls dans le diagnostic comme dans les prescriptions (du genre à guérir le malade en le tuant).
            Mais je ne souhaite pas les évacuer à coups d’Interdits et d’Ostracismes.
            À présent, revenons aux choses sérieuses…

            ………………………

            Si ce pamphlet – outre la bonne partie de rigolade, j’y insiste – m’a servi à quelque chose c’est à approfondir mes connaissances sur la question de l’histoire du Droit d’Auteur et sa prescription.
            En faisant quelques recherches, je suis tombé sur un article fort complet et intéressant du SNE Syndicat National de l’Edition.
            J’ignorais par exemple que la promulgation de la Loi des 70 ans, en 1995 (en lieu et place des anciens 50 ans) avait rendu caduc les interruptions de prescription pour faits de guerre (6 années pour la 1ère Guerre – dite – Mondiale, 8 années pour la seconde Guerre – réellement – Mondiale).

            Anecdotiquement, j’ai découvert que « Le Petit Prince » ne tombera dans le domaine public qu’en 2033 (si je me souviens bien) car Saint Exupéry qui était sous le régime des 50 ans, plus les 8 années consécutives à la guerre, bénéficiait également de 30 années de bonus pour être Mort pour la France !

            Moins anecdotiquement, j’ai eu confirmation que la précipitation de Gallimard à nous infliger l’indigne édition (je parle de la qualité de l’édition, non pas de la qualité de l’oeuvre) des Céline « retrouvés » et insérés dans les nouvelles Pléiades Céline, n’avait pas d’autre but que de faire repartir la prescription des 70 ans, non seulement pour ces oeuvres posthumes mais également pour l’édition pléiade dans laquelle on les a insérés, de façon à constituer une « nouvelle oeuvre ».
            Tôt ou tard, cela finira devant les tribunaux.
            Il n’y a qu’à voir l’embrouillaminis judiciaire interminable autour du « Journal d’Anne Frank », les héritiers du père de la petite martyr et qui lui avait largement survécu (mort en 1980 à l’âge respectable de 91 ans), voulant faire reconnaître celui-ci comme co-auteur.
            Idem pour la mine d’or représentée par le « Boléro » de Ravel).
            Je n’invente rien : l’article évoqué ci-dessus, cite explicitement le cas des textes céliniens sortis de l’obscurité, sans faire plus de commentaire ; mais cette seule mention est significative.

            Voilà un cas – loin d’être unique – qui apporte de l’eau au moulin de notre petit provocateur prétentieux, bien mieux que celui du vieux Montaigne qui nécessitait effectivement d’être refait.

          • Aucun problème Curieux-Lecteur, et vos remarques ne m’ont point causé la moindre contrariété.

            Je dois d’ailleurs reconnaître que, fouineur (ou scrupuleux, si on veut prendre la chose par le côté plus flatteur) au point d’en devenir masochiste, j’ai voulu aller voir d’un peu plus près ce que raconte ce prétendu « Hussard » et suis tombé sur un pamphlet anti-Sartre (auteur et intellectuel qui est loin de figurer parmi ceux que j’apprécie) complètement stupide et ordurier, du même ordre que la pire télé-réalité la plus trash.
            Pas sûr, toute question idéologique mise à part, que Z lui-même – qui utilise tout de même, en général, un langage d’une autre tenue – se sente flatté d’avoir de tels thuriféraires. C’est ce qui pend au nez de tous les chefs de sectes (du côté du M comme de celui du Z) : traîner des adeptes encore plus déshonorants qu’eux.

            Bon, cette fois j’en ai vraiment fini, pour le moment, avec la littérature de caniveau. Faut pas abuser, même des pires choses.

          • Amusant de retrouver ici des formules telles que le Z et le M. Voici la même langue de celle de Soso Manes et son célèbre « le J c’est le S » !

          • Le Z aimerait être pris pour Zorro (hi hi hi) et le M me fait penser au film de Fritz Lang (s’il ne verse pas le sang lui-même il a l’air d’aimer le flairer).

            Pour en revenir à nos moutons (néo-zélandais, dont la peau produit les cuirs des pléiades), j’en suis venu à penser, en furetent de-ci de-là, qu’il serait intéressant – maintenant qu’elle est proche de sa mort – d’écrire une « biographie » (ou un biopic ?) de la Pléiade… Sacrée histoire etintéressante destinée !

            Il faudrait pour cela que l’auteur n’appartienne pas, de près ou de loin, au sérail gallimardien et qu’il ait quelques compétences : Brumes ferait un bon candidat.

          • L’historien que je suis vous donne raison, mais réclame l’accès à des archives pour cela ! Il y aurait une thèse à faire sur la Pléiade.

        • J’en retiens les quelques réflexions de l’ordre de l’évidence qui font que la collection n’est pas encore entrée dans le 21ème:
          – augmenter le corps de texte (la collection ne se revendiquant plus « de poche »)
          – placer les notes en bas de page et les rodomontades chez les PUF
          – bazarder le fatras de rhodoïds, jaquettes, boitiers et coffrets (un simple blister sur cuir nu m’enchanterait, avec une remise de 5%)
          – politique éditoriale que ne soit pas le fait du prince.

          • Pas d’accord pour le Rhodoïd qui est protecteur (il n’y a qu’à comparer l’état des pléiades d’occasion qui en ont été tôt privées et de celles qui l’ont conservé). Mais, baste, c’est un point qui ne mérite pas une bataille.

            Par contre, j’avais oublié le dernier point, qui a été soulevé par notre guignol : la « politique éditoriale qui ne soit pas le fait du prince », comme vous le rappelez, Valère.
            Effectivement, une collection qui prétend représenter le meilleur of the best, le nec plus ultra, la haute littérature pour l’éternité, et que sais-je encore, ne devrait pas obéir aux illuminations et aux caprices d’un seul homme, quand bien même celui-ci serait le patron.

            Ceci étant dit, pas sûr qu’une prise de décision plus collégiale épargnerait à la « prestigieuse » collection tous les errements. Il n’y a qu’à voire nombre de choix ridicules (mais « politiquement corrects ») des collections recevant l’estampille (l’imprimatur ?) de l’UNESCO !
            Dans ma jeunesse, quand bon nombre de mes choix étaient encore soumis à diverses prescriptions, il m’est arrivé de pleurer sur certains ouvrages que j’avais acquis en faisant confiance à la générale institution.

  31. Ayant la possibilité de commencer bientôt une thèse sur l’espace helvétique, j’ai envie de lire Belle du Seigneur, dont l’action, m’a-t-on dit, se plonge dans le milieu protestant genevois. Je ne me souviens pas avoir beaucoup entendu parler d’Albert Cohen. Qu’en pensez vous ? Quel écrivain est il ? Quelle qualité son édition pléiade a-t-elle ?

  32. Eh bien, voilà une bonne illustration de la façon dont un discours d’extrême-droite (je le dis de façon neutre) s’efforce de séduire et de raconter n’importe quoi en parlant d’un sujet donné, apparemment peu politique, tout en recourant à quasiment toutes les techniques courantes qui imprimeront à force dans la conscience non prévenue : débit de mitraillette prévenant toute réflexion en cours de visionnage, gifs d’émissions surreprésentant certaines personnalités politiquement très situées – avec, évidemment, un ou deux contre-exemples servant seulement à contester cela, vocabulaire agressif et parfois ordurier car le clash est devenu le mode normal d’expression et dispense de toute réflexion sérieuse, arguments extrêmement vague ou imprécis (e.g. Schiffrin) ou carrément idiots (e.g. que Gallimard publie des textes plutôt écologistes tout en important des peaux de moutons de Nouvelle-Zélande, que les volumes ne soient pas transportables – c’est faux, l’argument est amalgamé avec l’idée qu’on n’écrit pas dedans), recours à du lexique politiquement très situé (e.g. cuck), sophismes en tout genre (e.g. « croyez-moi sur parole »), vidéo servant de prétexte à de la publicité, les alternatives ridicules proposées en fin de vidéo (pour l’appareil critique, on attend – préférera-t-on le prix des volumes chez Champion ?) etc.

    Que l’on apprécie la collection ou la rejette avec lucidité. De nombreux aspects n’ont pas été examinés (e.g. la compacité des volumes qui est le conséquence de la petite taille de caractères, certes un peu pénible). D’autres arguments sont purement subjectifs (e.g. « l’impression de ne pas avancer dans la lecture » est très indigent).

    Quel que soit son bord politique, ce genre de vidéo sans fond est indéfendable pour qui prétend avoir un tant soit peu d’esprit. Ce n’est qu’un véhicule de propagande. « Le message, c’est le medium » ici aussi.

    Je n’ai pas trouvé cela drôle tant il y a ici de malhonnêteté et d’esprit politique dissimulé. J’avais vu exactement le même genre de vidéo (montage, références etc.) sur une autre chaîne Youtube qui, sous couvert de parler de la « baisse de niveau » à l’école, véhiculait de façon tout aussi subreptice, mais grossière pour qui y regarde un tant soit peu de près, un discours raciste et décliniste. Tout cela aussi sous couvert de parler d’un livre « lu » – essai lamentable et sans argumentation d’un enseignant déçu et frustré. Faut-il se réjouir ?

    • La bêtise et la mauvaise foi sont de tous les camps. Et de tous les niveaux, sociaux, intellectuels, etc. Personne n’y échappe. Tout est bon pour défendre son bifteck et accuser celui des autres d’être empoisonné. La médiocrité est massivement représentée (je répète, à tous les niveaux, sociaux, intellectuels, etc. elle n’est l’apanage d’aucune catégorie).

      Non seulement aucune catégorie n’y échappe, mais sans doute même aucune personne : nous pas plus que les autres. La seule chose qu’on puisse espérer c’est suffisamment de lucidité pour reconnaître en nous la bêtise quand elle nous envahit, et assez de courage pour la combattre – en nous avant tout – plutôt que céder à la facilité de ne la voir que chez les autres. La bêtise que je vois chez les autres me désole, mais celle que je vois en moi-même m’accable et me désespère.

      Et bien dis donc, tout cela devient sinistre peu à peu, on ne rigole pas beaucoup, on est très-très sérieux, très grave : c’est avec cet esprit là qu’on envoie les mauvais esprits au bûcher, à Buchenwald ou au goulag. Finalement, avant la crise d’apoplexie, je crois que je vais rouvrir mon Rabelais (un sacré beauf, celui-là !).

    • On peut convenir qu’il s’agit là d’une belle couillonnade, et laisser tranquilles nos grands chevaux.
      Il y a tant de raisons – depuis les plus dérisoires ou grotesques jusqu’aux plus graves ou dramatiques – de les monter, qu’à la fin ils seront irrémédiablement fourbus. À moins que l’instinct de survie ne les conduise à se débarrasser de nous.

      • Je dois avoir une problématique en « mon moi » quant à l’interprétation de cette vidéo qui se voudrait malaisante, peu objective, caricaturale voire politisante !!!
        Peut-on rire de tout ?
        Je ne m’aventurerai pas sur ce chemin mais convenons tout de même qu’il s’agit simplement d’une pochade plutôt amusante ( subjectif n’est-ce pas?) S’il faut analyser toutes les vidéos de YT , les parodies et autres pitreries bigardesques sous un angle politique, je souhaite bon courage aux sociologues dans leurs futures thèses!!
        Il est bon parfois de se gausser, de parodier, même nos élèves, nos collègues et autres IPRs et certains intellectuels médiatiques ( j’avoue que la triplette philosoulante enthoven-finkielkraut-onfray offre de savoureux moments hilarants tant leur pseudo-omniscience ( questions pour un champion! un problême, une réponse philosophique… je sais, je m’égare …)
        Moralité: j’ai bien ri, veuillez m’en excuser !

        • Ouf, je ne suis pas le seul à avoir ri de bon coeur et sans arrière-pensée !
          Tant pis si je suis idiot.

          Mais les « intelligents » font-ils mieux ?
          Quand on a vu Heidegger soutenir Hitler,
          Aragon baiser les pieds de Staline,
          Sartre adouber Mao (ou du moins les maoïstes)
          Foucault saluer l’avènement de Khomeiny… (j’en passe et des meilleures)
          on peut légitimement se poser des questions sur la stupidité de l’intelligence (et, parfois, l’intelligence de la bêtise).

          Je suis tout sauf un partisan du « tout se vaut », bien au contraire, mais un peu de recul, parfois, et d’autodérision, c’est bon pour la santé (mentale).

          • Pardon, Brumes, mais quitte à tomber dans le pédantisme bourgeois-gentilhommesque, je dirais qu’il ne faut pas confondre le message et le messager (ou, selon une autre version, il n’y a pas de sujet intéressant mais seulement des façon inintéressantes d’en parler).
            Ce guignol n’a aucune importance (et sans doute pas une audience démesurée), mais il n’empêche que la vision de la culture littéraire et de La Pléiade qu’il donne, pour caricaturale et grotesque qu’elle soit, n’en est certainement pas moins partagée, sur le fond, avec un bien plus large public, sinon la majorité de nos concitoyens.

            Ma passion pour la culture littéraire (ou livresque) et ma prédilection pour la collection de La Pléiade m’ont valu, au cours de ma vie, plus de commisération ou de moqueries que de considération ou d’envie. Autrefois j’évitais même d’en parler en certaines circonstances ou milieux, comme d’un vice honteux. Aujourd’hui, parvenu à un âge où je n’ai pas de rôle social ni de réputation à protéger, je n’ai plus de ces retenues.
            Bien que votre vie et votre expérience soient moins longues que les miennes, Brumes, je soupçonne fortement que vous devez connaître la même chose.

            Il n’est peut-être pas inutile de nous le voir rappele de temps en tempsr, fût-ce sous une forme des plus vulgaire et provocatrice, pour briser l’entre-soi dans lequel nous risquons de nous enfermer.

            Ne croyez pas qu’en écrivant cela je me préoccupe le moins du monde d’une quelconque orientation « politique » (ou prétendue telle), péché bien français qui me révulse et qui conduit à tout réduire à quelques arguments basiques ou une idéologie. C’est l’intelligence et la sensibilité qui sombrent à tous les coups.

  33. Petit clin d’oeil : vous n’aimez pas les Roto en Pléiade, vous allez les adorer au Seuil !

    Ce jour, chez mon bouquiniste habituel, je mis la main et portai le regard sur un volume « Les écrits d’Etty Hillesum ; Journaux et lettres 1941-1943 ».
    Beau gros volume souple, élégant, papier bible, flambant neuf, pas une tache, par une griffure ni un coin plié, par une trace de grisaille sur la tranche.

    « Chic ! » me dis-je, « à ce prix-là c’est une affaire ».

    Patatras ! Je l’ouvre et il se fend par le milieu, les deux moitiés tombant à plat (sans que le dos se sépare, mais la pliure intérieure présente une rigole assez impressionnante).
    Je le referme et tente de le feuilleter, délicatement, et me rends compte qu’il est impossible de l’ouvrir complètement, tant le papier gondole et menace de se déchirer au long de la pliure intérieure. Pour pouvoir le lire, il faut plonger le nez à l’intérieur et se contorsionner.

    « Tiens ! » pensai-je « cela me rappelle certains commentaires brumesques sur certaines pléiades, imprimées par un certain imprimeur… »

    Aussitôt je me précipitai vers la dernier page du livre et l’achevé d’imprimé, à peu près certain de ce que j’allais y trouver :

    « Dépôt légal : novembre 2008
    impression : Normandie Roto Impression S.A.S. 61250 Lonrai »

    Je pris mes jambes à mon cou, et je cours encore, n’osant me retourner pour voir si ce sauvage livre me poursuit toujours.

  34. Sauf que ce n’est pas Roto que nous détestons mais Aubin.

    Personne n’a encore répondu à Curieux Lecteur au sujet de Cohen. Je trouve pourtant sa question intéressante et j’aimerais moi aussi en savoir plus sur Belle du Seigneur.

    • Bonjour, je n’ai pas répondu, en ce qui me concerne, car je n’ai pas vraiment aimé l’œuvre. La préface nous promet un ouvrage digne d’un nouveau Proust, et rien dans ce que j’ai lu ensuite ne m’a semblé justifier le millième de ces louanges.
      Pour ce qui est de l’édition Pléiade, elle propose le texte « nu », sans annotation ni commentaire. Quant au « dossier de presse » offert en annexe, il se contente de répéter les éloges de la préface, et se trouve donc dénué de tout intérêt.

      • Merci, Phil, pour cet éclairage.
        Ce que j’ai pu glaner de mon côté semble montrer que ce livre est très clivant.
        La littérature, royaume de la subjectivité…

      • L’édition de « Belle du Seigneur » d’Albert Cohen en Pléiade est un pur exercice de piété familiale que n’eût pas désavoué Confucius.

        Il y a pire encore que les éditions préparées par l’auteur lui-même, ce sont les éditions préparées par les conjoints ou les descendants.

        Par contre, j’apprécie énormément l’oeuvre, sans qu’il me soit jamais venu à l’esprit l’idée pour le moins curieuse et déplacé de l’égaler ou même le comparer à « La Recherche ».

    • Eh bien Roto peut être mauvais, vraiment mauvais, lui aussi. Pourquoi proposer des volumes aussi mal fichus ? À impossibilité technique, nul n’est tenu !
      Quand le résultat est aussi médiocre, pourquoi s’entêter ? Personne, à aucun stade de la chaine de production et de commercialisation ne s’est aperçu que ce produit est infect ?
      Extérieurement, le volume en jette, il est séduisant. Dès qu’on l’ouvre, c’est la cata.
      L’exemplaire est absolument neuf. Je suis à peu près certain que la personne qui l’a vendu s’en est débarrassé car il est impossible à manipuler.

  35. On a toute ma vie taché de me convaincre de la supériorité de la vie réelle sur la vie rêvée ; et de me contraindre à y mettre le nez, les deux mains et les pieds, et à ne m’occuper que d’elle. « Regarde donc, à quoi cela a conduit le pauvre Gérard de Nerval ! » À 14 ans, déjà, mon frère me prédisait le triste sort du triste chevalier Don Quichotte.

    À quoi donc cela a-t-il servi ? En quoi fus-je utile dans le monde réel ? Dites-moi donc, Monsieur Aragon, votre influence sur le « Monde Réel » a-t-elle fait le bonheur des peuples ?

    Je me réfugie en ce moment dans les livres de Monsieur Victor Hugo (qui croyait à son action dans le monde et ceux de Monsieur Stendhal (qui n’y croyait pas) : ces livres qui, en me rendant heureux et en rendant heureux quelques autres pauvres humains, s’ils n’apportent aucune solution aux problèmes du monde diminuent un peu la quantité de malheur qui s’abat sur lui.

    J’écris cela pour tenter d’atténuer le sentiment de culpabilité qu’on m’a inoculé, en tachant, toute ma vie de me convaincre de la supériorité de la vie réelle sur la vie rêvée. Et je ne suis pas sûr que Gérard de Nerval fut plus malheureux que Louis Aragon, mais je suis sûr qu’il a été moins nuisible.

    • Dans le même temps je lis le Conte d’Udhyana de Somadeva, dans la traduction de Sylvain Lévy, dans la collection « Les Classiques de l’Orient » illustrée de bois gravés, vers 1920, ainsi que les nouvelles du recueil « La Route » bien plus « réaliste » (du moins le prétend-on) de Wassili Grossman chez l’Âge d’Homme et encore la magnifique « Légende de Lana et Damayanti » traduite en une langue lyrique par le déjà nommé Sylvain Lévy, dans la même collection illustrée de bois gravés… et je me promène dans ce jardin aux innombrables allées, et n’ai plus désir de le quitter jamais.
      Assez de ces graves discussions et de ces discours utiles qui ne font aucun bien à personne.
      Essayer d’être heureux n’est pas une insulte au malheur.
      Bonnes Fêtes à tous, divertissez-vous comme des Dieux.

  36. Le stalker Juan ascensio publie un article fort intéressant sur les français de la décadence d’ André levacourt, pour ma part inconnu; si quelqu’un peut nous apporter quelque infos, qu’ il en soit remercié.

    • De mon souvenir, les rares à s’être intéressés au sujet ont longtemps pensé que c’était le le prête-nom d’un auteur connu de l’époque (seul roman, ampleur narrative, style tenu, pseudonyme évident de Lavacourt), mais un blogueur (autre que celui dont vous parlez) avait mené une enquête, il y a quelques années et produit une hypothèse intéressante sur l’identité réelle de l’auteur (pas le grand nom espéré, plutôt une personnalité de l’Algerie française, un médecin ? Un ingénieur ? Ma mémoire me trahit). Je ne me souviens plus, très honnêtement, de l’endroit exact où j’avais lu cette enquête. Peut-être le site sur lequel j’en avais entendu parler en premier ? Je dirais autour de 2010/2012 sur un blog assez orienté « Littérature & amitiés particulières », plaisant de sincérité (et de maladresse), je le dis pour le versant littéraire car les photos d’éphèbes qui alternaient avec les critiques ne me concernaient guère (pas sûr que ce blog soit encore trouvable, mais je vous avertis, si vous cherchez).
      Cela doit faire quinze ans que les rares exemplaires se vendent cher sur le marché de l’occasion. Je l’ai vu une fois à moins de 100 euros, mais c’est souvent plus de 200.
      Je m’étonne que celui dont vous parlez ne l’ait pas évoqué plus tôt.

      • Je précise que des articles plus anciens du même site évoquent la qualité littéraire intrinsèque du livre (de mon souvenir, maîtrisé mais scabreux), seulement il est près de 4h du matin, j’ai la flemme d’aller les chercher. En tout cas c’est sur ce site que j’en avais entendu parler en premier.
        Quelques rares allusions au livre ont depuis émergé sur l’intertoile, mais une requête Google devrait vous les apporter sur un plateau numérique.

        Édit : http://imagesenfuies.canalblog.com/archives/2020/03/17/38107120.html

        L’article de 2014

        • Voilà, ces deux articles (plus l’article de Déon qu’ils évoquent et qu’on trouve par recherche Google : lien l’éditeur singulier) sont à peu près ce que je savais de Lavacourt, dont j’ai cherché un temps le livre, avant de renoncer devant l’ampleur de la dépense.
          Édit : ma mémoire d’archiviste, mon système de fichage intérieur et mon goût de la précision documentaire me font parfois penser que j’ai sûrement raté une belle carrière de fouineur de la Stasi. Ah si j’étais né en 45 à Leidenstadt-Est…

  37. Monsieur Brumes, je réponds ici à votre dernière remarque (plus haut) afin que tout le monde puisse apercevoir ma réponse, en guise d’adieu. Je vous prie de ne pas la censurer, par égard, car c’est vraiment la dernière. Je ne vous embêterai plus jamais.

    Votre dernier message, Monsieur Brumes, en forme de coup de martinet au vilain garçon désobéissant, c’est pour moi la goutte d’eau qui fait déborder le vase (martinet = goutte d’eau, c’est bizarre, mais c’est ainsi).

    Vous êtes peut-être le maître des lieux, mais ni mon père, ni mon mon prof, ni mon psy, ni mon curé. Toutes « professions » que j’exècre.
    Adieu.

    Adieu à tous.

    Je regretterai sincèrement certains d’entre vous, et certaines discussions, mais, je l’ai dis à plusieurs reprises, je suis fatigué, las, et plus que las de devoir à chaque fois ou presque m’expliquer, m’excuser, passer devant un tribunal invisible.

    Je vais donc rejoindre les partants et les partis (adieu Zino). Et cette fois c’est pour de bon. J’en ai vraiment marre des discussions oiseuses – pardon pour ceux que cela passionne, je ne cherche pas à vous choquer ou vous provoquer – sur des détails techniques, tandis que les choses essentielles passent à la trappe.
    J’ai 72 ans, je n’ai plus de leçons à recevoir. Je suis comme je suis et je ne vais pas changer pour me plier aux règles de votre petit jeu qui m’importe de moins en moins.)

    • Il n’est si bonne compagnie qui ne se quitte, j’aurais dû le comprendre bien avant – désolé, je ne suis pas fin – et quitter la table du banquet avant qu’on ne me montre la porte.

      • Je ne vous montre pas la porte, voyons, je me contente de dire qu’on a fait le tour du sujet, et qu’il faut passer à autre chose.
        Ah la susceptibilité des artistes et des intellectuels, c’est quelque chose. J’ai beau vous laisser tous causer depuis dix ans sans vous modérer outre mesure, si je n’ai pas mon costume de larbin et ma voix flûtée, rien ne passe.

    • Domonkos,
      Je n’ai jamais été vraiment partant pour partir. Mes contributions, au mieux, sont hors sujet. D’où ma rareté.
      La consigne de Brumes étant de ne pas revenir sur l’incident, je n’y reviens pas.
      En revanche, vous auriez tort de ne pas revenir.
      Sur ce fil, celui qui ne reconnaitrait pas la tolérance de Brumes et sa patience, pourrait être qualifié de malhonnête.

      Un bon Dimanche à tout le monde.

      • out à fait d’accord avec Zino. Et, sans « y » revenir non plus, cher Domonkos, notre conseil serait que, comme Dante Alighieri, vous soyez assez tranquille à présent pour ouvrir un chapitre (site ? électronique) davantage personnel … « si bien qu’il sera beau / de t’être fait un parti pour toi-même » (le « tu » pouvant ici devenir de politesse, bien sûr) : Paradis XVII, 68-69.

        Cordialement,
        UAPI

  38. Chers lecteurs et participants de ce fil, comme vous l’aurez compris, les commentaires ont été fermés pendant 24 heures, le temps que la tempête-dans-un-verre-d’eau s’apaise.

    Les messages que j’ai pu recevoir sur ma boîte depuis (enfin disons une large partie d’iceux) m’incitent cependant à rouvrir cet espace. Il n’est pas question qu’un désaccord somme toute mineur et anecdotique avec un participant, même régulier, nous prive d’échanger sur la Pléiade – et les autres éditions/collections de référence qui pourraient intéresser le lectorat de celle-ci.

    La modération reste la même : relativement libérale, quoique parfois moins patiente que par le passé. Je ne mets en place aucun blocage particulier, mais je valide nécessairement, et manuellement, le premier message provenant d’une adresse IP ou d’un mail inconnu ou nouveau.

    Aucun débat ne portera cependant, je vous prie, sur l’incident qui a motivé cette fermeture temporaire, y compris par le principal intéressé, s’il souhaitait, le cas échéant, revenir sur sa décision de ne plus intervenir.

    Bien amicalement

    • J’ai crains le pire pour cet estimable fil ! Heureuse nouvelle. Je profite de cette notice administrative pour vous demander s’il est prévu de reprendre la publication sur le blog, ou si ce hiatus est un arrêt définitif. J’avais autant de plaisir à lire vos billets érudits que les échanges de nos amis ici.

  39. Puisque notre ami Brumes nous permet à nouveau de nous attabler à la taverne du Savoir, j’en profite pour demander à notre vénérable Neobirt7 ( s’il passe par ici) quelle est, selon lui, l’édition de référence pour les Catilinaires, avec ou sans traduction en regard. L’édition pléiade — qui regroupe les figures majeures du stoïcisme – a fait très justement, l’impasse sur les discours ciceroniens qui appartiennent à la rhétorique judiciaire. Quoique… La dénonciation du Vice implique normalement chez celui qui dénonce, une praxis de la Virtus. Par conséquent, m’est avis que les plaidoyers mais aussi les réquisitoires auraient eu leur place dans le Pléiade réservé aux stoïciens.

    • L’édition la plus scientifique, et par surcroît basée sur une connaissance très intime du latin oratoire de Cicéron, a été donnée par le vétéran Tadeusz Maslowski chez Teubner il y a vingt ans : M. Tullius Cicero scripta quae manserunt omnia. Fase. 17. Orationes in L. Catilinam quattuor. Munich et Leipzig, K.G. Saur, 2003. La tradition manuscrite y est étudiée à fond (la préface fait 50 pages), le texte prudent sans être timoré consolide les acquis de la recherche antérieure, hormis peut-être pour la ponctuation, matière d’appréciation personnelle, et l’apparat critique donne en deux étages l’indication des tous les témoignages et citations antiques ainsi qu’une sélection à la fois riche et rationnelle des variantes parmi lesquelles des commentaires critiques parfois étendus soit soupèsent les passages controversés soit justifient le texte adopté au moyen de références primaires (passages cicéroniens) ou secondaires (le Thesaurus Linguae Latinae, la bibliographie savante). On appréciera fortement que les variantes de pure orthographe aient été compilées dans un appendice au lieu d’encombrer les bas de pages. Maslowski se consacre depuis plus de
      cinquante ans à l’édition des discours cicéroniens, et s’il n’est pas le genre de travailleur stemmatique brillant et intuitif comme les anglais Michael D. Reeve et Stephen Oakley, son labeur solide, consciencieux et méthodique couplé à un feeling linguistique respectable le place très au-dessus des éditeurs allemands, italiens et français du XXe siècle (les Catilinaires d’Amato sont un désastre historique ; la petite édition Erasme d’Auguste Haury ne sait ni établir le texte ni en expliquer les difficultés, et est frappée au coin de l’incompétence technique, elle qui avance le caractère insolite de neque… que [le Lexique cicéronien de Merguet en liste pourtant une quinzaine d’exemples] ou prétend que Cicéron associe un ablatif de cause et un autre de moyen en III 2, 11-12 quoniam ilium qui hanc urbem condidit ad deos immortalis BENIVOLENTIA FAMAQUE sustulimus).

      • Merci neobirt7 pour la référence.
        Le titre : Marcus Tullius cicero ( plutôt, Marci Tullii ciceronis ?) scripta quae manserunt omnia  » suggère qu’il s’agit des œuvres complètes de Ciceron. C’est le cas ?
        Ne reste plus qu’à trouver l’ouvrage ( les ouvrages… ) Peut-être, Amazon deutschland.
        Si vous avez un lien, Neobirt, à me suggérer, je vous en serai reconnaissant.

        • J’ai oublié le point après Cicero.

          Il s’agit d’une immense entreprise lancée dans la seconde moitié du XIXe siècle et subdivisée en pléthore de fascicules, la plupart en seconde édition, comme celle-ci. La tradition manuscrite de Cicéron est tellement diversifiée que le critère d’un éditeur par discours, traité ou groupement de discours ou traités, désastreux dans le cas d’Euripide, se justifiait pleinement.

        • Dans le cas où vous n’auriez pas l’habitude des éditions Teubner, j’aime mieux préciser que la totalité du matériel scientifique (préface, bibliographie, sigla breuiata / conspectus siglorum, appendice(s), indices) s’y présente en néo-latin en sus de l’apparatus criticus et de l’apparatus testimoniorum, où la traditionnelle rédaction latine semi-formalisée conjugue la clarté et l’économie. De plus en plus difficile à tenir à une époque où trop de philologues ne se sont plus exercés au thème latin depuis l’époque de la formation, si bien que trop d’éditions Teubner s’ouvrent sur des préfaces peu correctes (citons Haim Rosén, Carlo Luccarini), cette règle ne vaut plus pour les Oxford Classical Texts : ces éditions critiques abrégées sont de plus en plus souvent préfacées en anglais depuis l’édition Green d’Ausone et l’édition Lloyd-Jones-Wilson de Sophocle au début des années 90.

          • Neobirt7,
            Merci pour cette précision. Je suis bon latinisant, mais je n’irais pas jusqu’à dire que je suis un spécialiste de la langue latine. Je peux lire dans le texte, Pétrone, Suétone, Plaute ou Cicéron, avec de temps en temps quelques coups d’œil du côté du Gaffiot 😁 Tacite me fait transpirer à grosses gouttes… Les hypotaxes, dans les Annales, sont redoutables.
            Quant à la Teubner, il est vrai que même si l’apparatus criticus est en latin, la lecture pourrait rapidement devenir fastidieuse.
            Que vaut l’édition des Belles Lettres ? La connaissez-vous ?
            Merci pour le temps que vous nous consacrez.

          • Vous pouvez rapprocher de l’édition Teubner le joli petit volume du Livre de Poche Classique Cicéron. Les Catilinaires, Orationes in Catilinam – Edition bilingue. Introduction, traduction nouvelle et annotation par Michel Magnien, Paris, Librairie générale de France, 1992, 322 p. Le travail est signé d’un fin humaniste, très bon connaisseur de Cicéron et auteur d’une version plus que passable de la Poétique aristotélicienne dans la même série ; outre la traduction, largement inspirée de celle d’Edouard Bailly en Budé (très réussie au demeurant ; à ce professeur de lycée est due la belle intégrale des lettres cicéroniennes aux Classiques Garnier), on y trouve cent pages d’introduction et de notes (50 + 50), les indexes nécessaires, ainsi qu’un dossier de textes historiques pertinents non retraduits par Magnien (morceaux de Plutarque et de Dion Cassius, extraits cicéroniens). On ne fait plus guère de besogne de cette qualité en poche. Dans la même série a aussi paru une riche traduction du Protagoras de Platon par Monique Trédé-Boulmer et Paul Demont ; outre que la version l’emporte en qualité sur celle de Frédérique Ildefonse en GF (1997), elle se recommande par son appendice retraduisant presque tout le dossier documentaire disponible sur ce sophiste.

          • La Budé des Catilinaires ne vaut rien, publiée à la va-vite dans les années 20 par le stakhanoviste Henri Bornecque connu pour ses collations manuscrites ratées, sa tendance à privilégier les codices parisiens, son conservatisme textuel rigide et sa capacité à écrire sans broncher des notes imbéciles (le grand A. E. Housman la raillait en imaginant une note ainsi conçue, dans sa Budé des Héroïdes : « Pâris : vaut bien une messe »). La traduction, signée Ed. Bailly, se lit encore avec plaisir mais dépend trop du texte poussiéreux en vis-à-vis et n’a jamais prétendu être un décalque sourcilleux.

  40. Neobirt7,
    Merci pour la référence. Je viens de le commander en ligne ( c’était le dernier exemplaire disponible. Et d’occasion, de surcroît).
    Quel dommage qu’une édition identique du  » Contre Verres  » ne soit pas disponible.
    Si seulement nous avions quelques Cicerons modernes, dans nos débats publics ! Je ne parle même pas de politique, juste pour le plaisir des oreilles.
    Mille mercis, neobirt7.

    • Cicéron n’a pas toujours été digne de sa réputation. Il a réécrit plusieurs discours pour la postérité. Son plaidoyer en faveur de Milon fut désastreux mais la version revue et corrigée par l’auteur est un superbe morceau. En exil à Marseille, Milon écrivit ironiquement à l’orateur que, s’il avait vraiment prononcé ce discours retouché, il n’aurait pu goûter de si délicieux rougets dans sa ville d’adoption!

        • Mais nous n’aurions pas eu ses Tristia, de loin pour moi sa plus belle œuvre… L’aimable poète est dans sa pleine maturité lorsqu’il nous peint la douleur de la cité qui s’efface derrière lui, cum subit illius tristissima noctis imago… Ah, faut-il souffrir pour sublimer son art !

          • « Les plus désespérés sont les chants les plus beaux ». Musset.
            Je préfère Musset, et de loin, à vigny ou Lamartine.
            Musset a cette note unique, ce tragique mezzovoce, qui me plaît tant, et que je retrouve par exemple, chez Giraudoux ou même chez Cocteau ; voilà des auteurs qu’on ne lit plus trop ( j’y ajouterai Jean Anouilh) et c’est évidemment regrettable. Ils sont toujours au programme, dans les lycées, mais ils sont expédiés en deux séances, au profit d’auteurs plus récents, dont la langue est moins riche, mais avec une thématique nécessairement plus audible pour un lectorat contemporain. Comparez le dialogue des deux soldats dans « La machine infernale » avec celui des deux gardiens dans « Roberto Zucco » de Koltès. Comme disent nos djeuns : y a pas photo.
            On me répondra que la langue évolue avec son temps, que c’est normal…
            Un lever de soleil sur Athènes, serait moins émouvant aujourd’hui qu’il l’était pour Chateaubriand ? L’émotion est-elle encore la même ? Puisque les mots ont changé.
            Je reconnais ma perplexité.

  41. Exact mais pour un Romain, être n’importe où ailleurs qu’à Rome, c’est une mort civile. Pour Sénèque, la Corse même fut affreuse…

    • N’importe où, sauf Athènes, passage obligatoire pour tout Romain cultivé.
      Il y avait les barbari… Et puis il y avait les Graeci. Rome a toujours été jalouse d’Athènes. Comme la Russie était jalouse de la France.
      Je retourne à mes copies.
      PS : Je parlais d’Ovide, car j’ai sur ma table de chevet cette belle et longue plainte lyrique : Tristes.
      Excellent ouvrage pour passer une nuit sereine 😁
      🖐️

        • La traduction française de Danièle Robert chez Acte Sud est passable. C’est celle que j’ai en région parisienne, le gros de ma bibliothèque est en province, où j’ai une immense pièce dédiée.
          Il faut lire Ovide en latin. Prenez le Budé pour le texte, et lorsqu’il y a de la difficulté, retournez à la traduction.
          La ressemblance entre les premiers vers de Tristes et ceux de Victor Hugo, en préface à La légende des siècles, est frappante :
          Livre, qu’un vent t’emporte
          En France, où je suis né.
          L’arbre déraciné
          Donne sa feuille morte. »

          Hugo.

          On oublie la douleur d’Hugo- exilé volontaire- parce qu’on a dans l’oreille le bruit et la fureur des Châtiments.

          Je crois qu’il existe une version bilingue de Tristes, dans la collection Thesaurus.

          • Voilà ce que j’ai pu trouver dans mes archives. C’est un florilège du début de Tristes. Pour l’instant, ma préférence va vers la prose de Chantal Labre.

            Traduction de Chantal Labre (L’exil et le salut, Arléa, 1991)

            « Petit livre, je ne dis pas non : tu iras à Rome sans moi, à Rome, hélas, où ton maître n’a plus le droit d’aller ! Vas-y, mais mal vêtu, comme il sied au livre d’un exilé. Prends, malheureux, la tenue de cette triste saison de ma vie. Je ne te veux pas fardé de la teinture pourpre des airelles : un tel éclat ne convient pas au deuil. Ton titre ne sera pas rehaussé de vermillon, l’huile de cèdre ne parfumera pas tes pages. Les sombres extrémités de ton texte ne seront pas parées de croissants d’ivoire. Laissons aux livres heureux ces ornements : toi, tu dois te souvenir du sort qui est le mien ; la décence te le commande. Pas de pierre ponce pour égaliser la surface de tes feuillets. Montre-toi au naturel, hirsute, mal rasé. N‘ aie pas honte de tes taches : à les voir, on saura que j’ai pleuré. Va, mon livre, et porte avec ces pages mon salut aux lieux qui me sont chers : j’aurai du moins la joie d’y pénétrer de la seule manière qui me soit laissée.»

            traduction de Danièle Robert (Actes Sud, coll. « Thesaurus », Arles, 2006)

            « C’est sans moi, petit livre (et je ne t’en veux pas), que tu iras à Rome ;
            Hélas ! à moi, ton maître, il n’est pas permis d’y aller !
            Vas-y, mais sans apprêts, comme il convient aux exilés ;
            Revêts l’aspect, infortuné, de ma situation.
            Pas d’airelles pour te couvrir d’une teinture pourpre :
            Cette couleur ne convient pas à l’affliction ;
            Pas de titre passé au minium, ni papier à l’huile de cèdre,
            Ne porte pas de cornes blanches sur ton front noir :
            Ces ornements sont faits pour d’heureux petits livres,
            Toi, tu dois rappeler quel est mon sort.
            Qu’on ne polisse pas tes tranches à la pierre ponce friable,
            Présente-toi hirsute, et tout échevelé.
            N’aie pas honte de tes taches : celui qui les verra
            Comprendra qu’elles ont été causées par mes larmes.
            Va, mon livre, et salue de ma part les lieux que j’aime,
            Je ne peux évidemment les toucher que du pied.  »

            Traduction de Jean Luc Lévrier (Sables , 2017)

            « Tu iras seul, mon petit livre, à Rome, et je ne t’en
            Veux pas : ton maître, hélas, est privé de ce droit.
            Vas-y, mais sans apprêt : tu n’es qu’un livre d’exilé.
            Malheureux ! Porte une tenue de circonstance.
            Pas de teinture rouge à l’airelle pour ta jaquette :
            Cette couleur ne sied pas aux lamentations ;
            Pas de titre au minium, de feuillets à l’huile de cèdre,
            Pas de front noir qui porterait des cornes blanches :
            Ce sont là des ornements faits pour les livres heureux ;
            Tu dois te souvenir de ce qu’est ma fortune.
            Pas de tranches polies à la friable pierre ponce :
            Qu’on voie tes barbes hirsutes et en bataille.
            N’aie pas honte d’avoir des taches : quand on les verra,
            On comprendra qu’elles sont faites de mes pleurs.
            Va, mon livre, et salue pour moi les lieux qui me sont chers :
            J’y mettrai donc les pieds que l’on me laisse y mettre. »

            Traduction de Dominique Poirel (éd. La Différence, coll. « Orphée », 1989)

            « Allons, j’y consens, petit livre : sans moi tu iras à la Ville,
            Là où ton maître, hélas ! n’a point le droit d’aller.
            Va, donc, mais négligé, tel qu’il convient à mon exil ;
            Revêts, infortuné, la livrée de mon sort.
            Point de myrtille afin de te farder de pourpre —
            Ce n’est pas la couleur qui sied à ma détresse
            Ni titre vermillon, ni baume sur tes pages,
            Ni cornes blanches sur le noir de ton front :
            Cet attirail est bon pour les livres heureux.
            Toi, garde d’oublier quelle est mon infortune.
            Pour te polir des deux côtés, nulle pierre ponce friable,
            Mais qu’on te voie plutôt hirsute, échevelé.
            Si tu as quelques taches, n’aie pas honte : en les voyant,
            Chacun devinera qu’elles viennent de mes larmes.
            Va, mon livre, et salue pour moi les lieux aimés ;
            Pour m’y rendre, je n’ai que le pied de mes vers.»

            Bonnes Lectures

          • Du papier dans la Rome augustéenne ? Décidément, cette pauvre ignorante de Danièle Robert raconte n’importe quoi. Le latin charta, qui a pris ce sens, désigne les feuilles volantes de papyrus sur lesquelles on écrivait ; cf. l’illustre, et controversé, cacata chartacatullien, où le support par métonymie désigne surtout la poésie merdeuse de l’individu pris à partie : R. O. A. M. Lyne, Collected Papers on Latin Poetry, Oxford-New York 2007, p. 349 et la note 19, etc. On attend un texte joliment calligraphié, par extension : de la belle poésie, et Volusius selon Catulle vous défèque ses vers, i.e. de la poésie turbide et morte.

          • Le médiocrissime texte Budé des Tristes commis par l’excellent connaisseur du latin technique et fin linguiste que fut Jacques André a fait l’objet d’une translation partielle de bon aloi par Dominique Poirel, alors à l’aube de sa carrière : Ovide, les Tristes. Poèmes choisis traduits du latin et présentés, Paris, Orphée / La Différence, 1989. 127 p. Dans les limites de ce que pouvait produire un jeune docteur de l’Ecole des Chartes, ce rendu d’extraits bien choisis de quelques poèmes est vif, serré et relativement littéral (les distiques élégiaques sont rendus vers à vers). La traduction André, elle, se ressent de n’émaner pas d’un spécialiste de la poésie érotique latine d’argent, avec sa phraséologie spécifique, et fut vivement accrochée par des spécialistes anglais de ce genre littéraire. L’un d’eux, John Barrie Hall, éditeur valeureux du délicat Claudien et du difficile Stace, a fini par nous donner une édition Teubner (1997) qui fait le point sur la riche mais décevante tradition manuscrite et propose une énergique reconsidération des nombreux passages douteux, réhabilitant des conjectures antérieures et proposant un assez grand nombre de solutions personnelles sans craindre de s’écarter beaucoup des leçons transmises (un unique exemple fixera les idées : en I 2, 55 Hall imprime et mandare suis suprema et habere sepulcrum : les mss. ont et mandare suis aliquid/quem/qua/quo {et} suprema et habere sepulchrum/chra ; avant lui, on proposa et mandata suis aliquid sperare sepulchra [N. Heinsius], est aliquid mandare suis, sperare sepulchrum[Burmann], et mandare suis; aliquid sperare sepulchrum [le grand latiniste anglais de la seconde moitié du XXe siècle W. S. Watt]). La traduction des poèmes d’exil confectionnée par le lamentable Emile Ripert pour les anciens Classiques Garnier (s.d. [1937]) n’est pas déshonorante lorsque que son texte de base, emprunté sans contrôle à quelque édition française du XIXe siècle, peut-être Panckoucke, tient debout.

  42. « Parve nec invideo sine me liber ibis in Urbem »
    « Mon petit livre, à Rome, sans moi, tu vas te rendre.
    Je ne t’en veux pas ».

    J’ai choisi de mettre l’incise « nec invideo » en proposition indépendante, à la limite de la parataxe. Je ne traduis pas la négation nec, afin de mettre en relief la solitude de l’exilé. J’installe, comme un silence entre les deux propositions. C’est le silence d’une émotion qui peine à s’exprimer verbalement. Mais qui parvient quand même à le faire.
    En revanche, je mets entre virgules, le complément de lieu, ce lieu devenu inaccessible, enfermé par les virgules : Rome.
    J’ai tenté par ces choix ( qui ne respectent absolument pas l’ordre des mots de la phrase latine) de renforcer le caractère élégiaque du distique.

    De l’art de trahir pour l’effet 😁

  43. Décidément Gallimard cherche à écouler les Mille et une Nuits, un coffret à venir alors que le précédent ne date que s’il y a quelques mois. Seul changement : fini l’album.

  44. Un volume « Œuvres en prose » d’Edgar Poe est annoncé à paraître en avril sur Decitre. Il doit s’agit probablement d’une nouvelle édition de ce qui est le 2e volume de la collection, paru en 1932.

    • C’est vrai que ça serait dommage de ne pas en profiter pour faire une édition plus moderne et critique des oeuvres de Poe avec les poèmes et les essais.

      • Ce qui serait fort stupide, car l’édition mériterait d’être refaite. Je vais attendre un peu fort de quoi il s’agit, même si je crains que vous n’ayez rien, WoO.

        D’ailleurs, je n’ai pas encore décidé si je voulais acheter les nouvelles complètes dans les nouvelles traductions chez Gallmeister ou chez Libretto. Je fais confiance à Pierre Bondil après avoir lu le volume 1 de Sherlock chez Litera. Cependant, chez Libretto, les traductions ont été aussi bien accueillies. Si quelqu’un a des raisons en faveur de l’une ou l’autre…
        (Dommage qu’il ne s’agisse que des nouvelles dans l’un comme dans l’autre cas.)

        • Je conseille très fortement la traduction de Christian Garcin et THierry Gillyboeuf chez Libretto., au contraire de celle de Gallmeister.

          Voici le début de La Chute de la Maison Usher :

          (Christian Garcin et Thierry Gilliboeuf, La Chute de la Maison Usher, 2018, Phébus)

          « Pendant toute une journée morne, sombre et muette d’automne, alors que les nuages oppressants étaient bien bas dans les cieux, j’avais traversé seul, à cheval, une contrée singulièrement sinistre, et j’avais fini par me retrouver, alors que les ombres du soir gagnaient du terrain, en vue de la mélancolique Maison Usher. J’ignore comment cela fut possible, mais au premier regard que je jetai sur le bâtiment, une tristesse insupportable envahit mon esprit. Je dis bien insupportable, car elle ne se trouvait pas atténuée par le sentiment plus ou moins agréable, d’ordre poétique, avec lequel l’âme accueille d’ordinaire les images naturelles les plus sévères de la désolation ou de la terreur. Je contemplais le décor qui s’offrait devant moi – la simple demeure et le cadre banal du domaine, les murs lugubres, les fenêtres pareilles à des yeux vides, quelques rangées de laîches et quelques troncs d’arbres blancs et pourris – en éprouvant une forte dépression que je ne saurais mieux comparer qu’à la phase où l’opiomane sort de sa rêverie – le retour amer à la vie quotidienne, le moment effroyable où le voile retombe. Le coeur se glaçait, s’effondrait, ressentait un malaise – des pensées d’une irrépressible tristesse qu’aucun aiguillon de l’imagination ne parvenait à piquer pour les pousser vers le sublime. Qu’est-ce qui
          faisait – je m’arrêtai pour y réfléchir – qu’est-ce qui faisait que la contemplation de la Maison Usher me mettait tellement les
          nerfs à vif ?  »

          (Pierre Bondil et Johanne Le Ray,La Chute de la maison Usher, 2018, Gallmeister)

          « Toute une journée d’automne sombre, morne et silencieuse, sous les nuages oppressants qui planaient bas dans les cieux, j’avais traversé seul, à dos de cheval, une étendue de terres singulièrement désolées; et alors qu’approchaient les ombres du soir, je me trouvai enfin à portée de la mélancolique Maison Usher. J’ignore pour quelle raison, mais au premier regard que je posai sur la demeure, un intolérable sentiment de tristesse envahit mon esprit. Je dis intolérable car cette émotion ne fut pas atténuée par la sensation à demi plaisante, car poétique, avec laquelle l’esprit reçoit généralement jusqu’aux images naturelles les plus sombres de la désolation ou de l’abominable. Je contemplai le décor devant moi, la maison en elle-même, le décor simple du paysage domanial… les murs sinistres… les fenêtres vides semblables à des yeux… quelques laîches fétides… et quelques troncs blancs d’arbres morts…avec un écrasement si complet de l’esprit que je ne peux le comparer avec justesse à aucune sensation terrestre autre que la réaction postérieure à la prise d’opium chez celui qui s’y adonne… l’amer retour à la vie de tous les jours… la hideuse vision lorsque l’on ôte le voile. Il y avait une froidure, un naufrage, un écoeurement de l’âme…. l’irrémédiable emprise de pensées lugubres à laquelle aucune stimulation de l’imagination ne pouvait imprimer de tour sublime. D’où venait, pris-je le temps de songer, d’où venait que la contemplation de la maison Usher me troublât autant ?  »

          Bonnes Lectures

          • Bonjour à tous et un grand merci à Brumes pour avoir rouvert son site et à revpop2 pour le choix de Poe chez Libretto. Dernièrement, je souhaitais lire le Sphinx des glaces et comme c’est la suite imaginée par Verne des aventures d’Arthur Gordon Pym que je n’avais pas lu depuis bien longtemps, je m’y suis replongé. Et je dois dire que j’en ai trouvé la lecture laborieuse. La traduction de Baudelaire ne facilite pas une lecture fluide du texte et il serait temps (si ce n’est déjà fait) de retraduire le texte de Poe. Et ce manque d’aisance à la lecture est particulièrement flagrant quand on lit le texte de Verne qui est ce qu’il est, mais parfaitement écrit. J’espère ne pas provoquer les foudres des laudateurs de Baudelaire… Bonnes lectures et bonnes fêtes à tous.

          • Christian Garcin et Thierry Gillyboeuf ont, après les nouvelles, aussi traduit l’Histoire d’Arthur Gordon Pym de Nantucket.

        • Aux éditions Phébus, il n’ y a pas que les nouvelles, est paru, en 2023, les aventures d’Arthur Gordon Pym, traduit toujours par Christian Garcin et Thierry Gillyboeuf. Bientôt cela arrivera chez Libretto !

          • Merci à tous pour ces informations. Et c’est une excellente nouvelle pour le volume Pym. Espérons que d’autres volumes voient le jour.

  45. Je souhaite de bonnes fêtes – un peu en retard – à tous les consultants de ce blog. Pour réagir sur le tome Poe prévu l’année prochaine, c’est pour ainsi dire une bien curieuse nouvelle. Un personnel de Gallimard, en mai 2020, m’avait répondu, je cite :
    « Rien n’est prévu à ce jour pour Goethe, ni pour Poe. En revanche, pour les autres auteurs [Descartes, Apollinaires (œuvres poétiques), Verlaine (œuvres poétiques)], de nouvelles éditions sont en cours de préparation, ou en projet. »
    Si le nouveau Poe à paraître est une refonte intégrale du volume sorti le siècle dernier, cela signifie que le revirement entre 2020 et aujourd’hui est plutôt radical. Pas pour me déplaire, car j’imagine mal Gallimard s’abaisser à simplement apprêter un volume beaucoup trop vieux.
    Néanmoins je souhaitais attirer l’attention sur ce vieux mail, car à ce moment-là, il semble qu’il n’y avait même pas l’ombre d’un projet en cours pour l’auteur.

    • Rappel des flops de 2023:
      – Steinbeck en mars avec 3 traductions « révisées » des années 40-50 et une seule traduction de 2022.
      – Céline avec des brouillons retrouvés présentés comme des oeuvres.
      – Dumas 3 Mousquetaires exacte reproduction notes comprises de l’édition de 1962, associée en coffret au tout nouveau Vicomte de Bragelonne…
      Alors je suis assez pessimiste pour le nouveau Edgar Poe, que je trouve par ailleurs un peu surfait – comme sa contemporaine Georges Sand, sa vie est sans doute plus remarquable que ses écrits.

      • Je ne peux pas laisser dire sans réagir que Poe et Sand soient « surfaits ». Tant pis, je rompt le silence, non pour me défendre mais pour défendre deux écrivains qui se situent très largement au-dessus de ce type de condamnation à l’emporte-pièce.

        Soit dit en Passant-très-vite.

        • Content de vous revoir cher Domonkos Szenes et de vous lire à nouveau. Je suis d’accord avec vous et plus particulièrement pour Sand qui ouvre un pan de littérature régionaliste non négligeable : Moeurs et vie au quotidien dans le Berry. Par contre pour Poe, j’ai quelques réserves quant à la traduction, qui, en particulier pour Pym me semble bien laborieuse. J’espère que vous ne bouderez pas trop longtemps et que vous nous reviendrez bientôt… Bonnes fêtes de fin d’année à vous et meilleurs vœux. Avec mon épouse, nous comptons allons visiter au printemps le musée Soulages et je crois qu’il ne doit pas être loin de chez vous… Y êtes-vous allé ? Et qu’en pensez-vous ?

          • PetitLecteur,
            Il me plaît de penser que ce sont les petits lecteurs qui font les grandes bibliothèques.
            Quant à notre ami Domonkos, il me paraît évident que son absence retire une bonne part de ce qui fait l’originalité de ce fil. Sa propension à la confidence ne doit pas faire oublier ses contributions à la littérature chinoise, et ses nombreuses réflexions sur la littérature sont toujours passionnantes à lire.
            Je profite de mon court passage sur le fil pour souhaiter non pas une bonne et heureuse année 2024 ( nos vœux, rarement, se réalisent) mais un avenir moins déprimant, un retour aux Humanités dans nos écoles, une révolution éditoriale chez Gallimard ( ceci étant, évidemment, une pure fiction…) et l’amour inextinguible pour le Livre. À tous les contributeurs, aux lecteurs invisibles de ce fil.
            À notre ami, Brumes, que l’amour du Livre, jamais ne nous quitte.

          • Zino, puisque vous évoquez, à mon propos, la propos la « littérature chinoise » (et bien qu’en l’espèce l’appellation soit impropre, puisque le livre dont je vais re-parler n’appartient pas à la littérature et n’est pas chinois) je suis parvenu, après de dures négociations, à me faire offrir pour mon Noël l’édition des illustrations japonaises du « Pèlerinage vers l’Ouest ».

            M’y étant plongé depuis plusieurs jours pour une exploration plus sérieuse, je ne puis que confirmer l’ambivalence de mon point de vue.
            Oui, ce livre m’est indispensable, en qualité de passionné du roman chinois et de toute la mythologie qui s’y attache, et d’amateur (moins passionné, mais tout de même) de culture japonaise, y compris de culture populaire.

            C’est un ouvrage qui a peu d’équivalents (s’il en a !) dans nos contrées. L’introduction et la présentation apportent d’utiles renseignements, sans pour autant traiter le sujet très en profondeur.
            Les illustrations enchanteront les yeux des amateurs point trop exigeants, bien qu’elles n’aient pas la qualité artistique des oeuvres des grands noms des faiseurs d’estampes nippons. Elles sont tout de même plus livres, plus vivantes que les illustrations classiques chinoises (et les illustrations chinoises contemporaines ne sont pas les moins « classiques » voire momifiées).
            Pour le « lecteur averti », celui qui connaît bien l’oeuvre, qui connaît les adaptations qui en ont été faites et la place qu’elle occupe dans la culture et l’imaginaire chinois (et extrême-oriental), il est impossible de ne pas posséder cet ouvrage, et il en tirera profit et plaisir.

            Mais, et c’est là où je regimbe sérieusement, ce bouquin ne saurait remplacer l’oeuvre originale, encore moins dispenser de la lire préalablement.
            Ce qui me révolte c’est l’insigne médiocrité des « résumés » qui veulent replacer les illustrations dans la continuité du récit et le contexte de l’action. Sur le plan de l’écriture, c’est du pré-digéré, du reader’s digest comme on ne devrait plus avoir le droit d’en faire.
            Le but – essentiellement commercial en voulant surfer sur l’irrésistible vague du manga – est clairement de présenter à un public de semi-analphabètes habituels « lecteurs » de petits illustrés, une suite d’illustrations sous forme de récit, en dispensant de lire le roman.
            De ce point de vue, c’est détestable.

            Maintenant, choisissez votre couleur et faites vos jeux !

            Et bonne année. 2024 à tous.

            Il est temps à présent de retourner me réfugier dans ma bibliothèque qui s’est récemment enrichie de délectables ouvrages, à l’abri autant que faire se peut, de la rumeur et de la fureur de l’époque. Puisqu’on est inutile, autant désirer l’être plus encore, en espérant que la hache du bûcheron taoïste épargnera encore quelque temps cet arbre dont le bois ne vaut rien.

          • Ces narratifs – qui me font penser à ceux qu’on trouvait sous les images des antiques planches de bandes dessinées, comme les « Pieds Nickelés » de Forton par exemple – ont dû être écrites par le Cochon Zhu Bajie (Tchou Pa Kiaï en vieil EFEO bien de chez nous).

            On ne peut pas lire très longtemps ces phrases lourdes, approximatives, contenant des empilements d’informations hétéroclites « grâce » à l’accumulation de « qui » et de « que », sans trouver l’épreuve insupportable et sentir chauffer sa bile. Quand certains professeurs d’université d’aujourd’hui écrivent moins bien que certains instituteurs d’autrefois… (pas de panique ni de Paul et Mick, ceci n’est pas une attaque de la profession dans son ensemble, encore moins une attaque personnelle contre quiconque, il reste heureusement d’authentiques Maîtres ; d’ailleurs ma remarque pourrait également s’appliquer à quantité d’autres « métiers », comme celui d’écrivain, par exemple).

  46. Domonkos ,
    « L’arbre tordu vit sa vie, tandis que l’arbre droit finit en planches ».

    Pas de panique donc pour le bûcheron taoïste ! Et joyeuses fêtes à tous !

    • Qu’on n’abatte même pas l’arbre droit pour faire les planches du cercueil d’un tordu de mon espèce ; le feu (du ciel ou de la terre, peu importe) suffira à me réduire en cendres, et le vent les dispersera.
      Désolé pour le CO2 émis. D’un autre côté, la décomposition des corps émet du méthane… « Polluera bien qui polluera le dernier » !

  47. Bonjour, je découvre la Pléiade (je connaissais mais je n’avais pas de tomes de la série), et je viens d’acquérir Céline – Romans édition 1962. Mais ce que je trouve curieux c’est que le volume ne contient pas la page avec les informations ou et quand le livre a été imprimée? Est-ce normal pour cette édition?

    Mon but n’est pas d’acheter une grand quantité de Pléiades mais des volumes qui m’intéressent. J’ai acquis également Saint Exupéry – Oeuvres 1958, Roger Martin du Gard I et II, Voltaire – Romans et contes (1950).

    Bien à vous

        • La place d’achevé d’imprimer a évolué au cours du temps dans La Pléiade, d’après mes observations dans mes exemplaires la modification date de 1969: avant l’achevé d’imprimer était en début d’ouvrage, après cette date à la fin (avec un décalage entre les 1ers tirages et les réimpressions). Et pour l’anecdote toutes les encyclopédies de La Pléiade ont gardé la justification en début de volume jusqu’aux derniers (Histoire des Mœurs en 1990), inversement les albums sont tous datés en fin de volume depuis Balzac en 1962, seul le volume des Auteurs de La Pléiade de 1960 est daté en début d’ouvrage.

  48. Je viens d’acquérir, pour la très modique somme de 300 euros, les treize volumes de la correspondance de Voltaire en Pléiade. Je crois que c’est une affaire, non seulement au vu du prix, mais également de la difficulté à trouver l’ensemble de nos jours. Seuls quelques coffrets sont légèrement abîmés, les volumes sont en excellent état.

    • Félicitations !
      Je les ai aussi mais achetés neufs, laborieusement, un par un.
      Vous avez des heures de plaisantes lectures en perspective.
      La seule autre correspondance complète que je possède, c’est celle de Flaubert.
      Là encore, je ne regrette absolument pas la dépense!

      • Pour l’anecdote, j’avais repéré les volumes à la librairie ancienne Bal à Chambéry, là où j’ai acheté mes premières Pléiades la même année. C’était il y a six années environ, lors de mon année d’enseignant-stagiaire. Eh bien, y repensant régulièrement, je me suis dit récemment, avec très peu d’espoir, que j’allais contacter la bouquiniste au cas où les volumes seraient invendus à ce jour. Eh bien, oui, ils y étaient toujours.

        • Ils vous étaient destinés.
          Ceci dit, Brumes a souligné à maintes reprises que la correspondance de Voltaire n’a eu que peu de succès.
          Je suis même surpris de voir que tous les volumes sont encore disponibles. Mais pour combien de temps ?

        • Je serais vraiment curieux de savoir combien ils en vendent par an, neuf. Il est bien possible que chaque tome (sauf le premier?) soit très en dessous de la centaine.

          EDIT : et encore, je vois ça avec optimisme, c’est plus plausiblement en dessous de la dizaine.

  49. Il faut bien avouer que les auteurs du XVIIe et du XVIIIe siècles ne passionnent plus le public.
    Et pourtant, si Gallimard rééditait les Romans du XVIIIE s., je me jetterais dessus comme Ajax sur son épée!

    • Mais qui lira les 13 volumes, d’ailleurs ? J’ai deux volumes et n’en acquérerai d’autres qu’après lecture des premiers. Sinon, c’est de la simple collectionnite. (Je ne parle pas de vous, Vidar, qui êtes tombé sur une bonne occasion).

      • (Ceci dit sans nier l’intérêt historique de cette correspondance, bien sûr, mais les journées sont courtes et la vie itou. 13 volumes !)

      • Oh, ne doutez pas qu’il y ait un peu de « simple collectionnite » dans mes achats de livres. J’en n’en ai pas honte. Je tâche de lire beaucoup, mais c’est bien moins que le rythme de mes achats… Je manque à nouveau de place après avoir ajouté plusieurs étagères à ma bibliothèque il y a un an.

        C’est sans doute idiot, mais je crains que certains livres, déjà épuisés aujourd’hui, ne soient introuvables dans dix ou vingt ans quand je voudrais les lire. Le problème, c’est qu’il y a beaucoup de titres intéressants que je souhaiterais lire… D’un côté, je m’efforce de penser qu’il y aura toujours immensément plus de livres disponibles à lire qui m’intéressent que mes capacités de lecture – c’est indubitablement vrai. De l’autre, j’ai à présent un certain nombre de livres épuisés très difficiles à trouver (du moins à un prix décent), et je suis très heureux de les avoir lus après avoir mis la main dessus.

        De toute façon, les livres sont mon seul poste réel de dépenses non contraintes hormis quelques broutilles à droite ou à gauche. Sinon, j’aurais l’impression de ne travailler que pour payer mes factures.

        Puis-je vraiment me persuader que la correspondance complète de Van Gogh, illustrée de tous les dessins de l’auteur, dans l’édition de référence (BAKKER Nienke, JANSEN Leo, LUIJTEN Hans (dirs.), cinq vol. sous coffret, 2009, éd. Actes Sud) ne vaut pas les deux cents euros que j’y ai mis ? Et le catalogue raisonné de Francis Bacon ? Et les trois volumes sur la Chapelle Sixtine aux éd. Citadelles & Mazenod ? Et l’ensemble des œuvres complètes de Ladislav Klima aux éd. La Différence – une édition si excellente par Erika Abrams ? Et cette superbe édition en anglais de sagas islandaises (HREINSSON Vidar (dir.), cinq vol., 1997-2019, éd. Leifur Eiriksson Publishing) ?

        Je n’y parviens pas.

        • Je partage absolument votre avis, cher Vidar (et un Strasbourgeois).
          Parfois, je me fais l’avocat du diable, pour titiller l’esprit, mais bien sûr, je suis comme vous : J’achète plus de livres que je ne peux en lire. Et c’est une compulsion sans doute commune à tous les participants de ce site.
          J’ai lu récemment un article qui proposait l’explication suivante : On ne s’achète pas seulement des livres, mais surtout l’illusion réconfortante qu’on aura l’occasion de prendre du temps d’intimité pour les lire.
          Mon propos sur la correspondance Voltaire était donc de mauvaise foi. Preuve en est que les deux volumes en ma possession sont le XIII et le XII, et que je ne les ouvrirai sans doute pas avant d’avoir fait l’acquisition de l’ensemble (quant à savoir pourquoi j’ai décidé des me les procurer en commençant par le dernier, c’est un vrai mystère ; mon instinct me soufflait qu’ils seraient plus difficiles à trouver ensuite, mais à la réflexion ce n’est pas très logique).
          Comme vous, les livres sont ma seule dépense significative (Omphalos de Kim Jung Gi, aujourd’hui, pour une bonne centaine d’euros) ; à part cela, je n’ai besoin de rien (j’en suis revenu des Montblancs).
          L’argument du livre devenu introuvable à prix correct est aussi très fort. Je profite de quelques « vacances de Noël » pour enfin lire cette intégrale Conan parue chez Bragelonne et, petite vérification faite, on ne le trouve plus à moins de 240 € (et les prix montent ensuite assez vite, jusqu’à plus de 800 euros). Le dictionnaire du darwinisme, qui m’intéresse beaucoup, n’était plus proposé qu’à environ 600 €, ce qui m’a fait reculer, etc.
          Ma seule limite est de ne pas acheter un livre que je ne suis pas sûr d’avoir envie de lire si mon temps limité me permet d’en lire d’autres. Par exemple, je n’ai pas acheté le Vicomte de Bragelonne (tiens, encore Bragelonne), parce que je n’ai pas encore lu les Trois mousquetaires, et qu’après les Trois mousquetaires, il y a déjà Vingt ans après. Je n’ai donc dans ma bibliothèque les Trois mousquetaires que je suis absolument sûr de lire un jour prochain si un AVC intempestif n’abrège pas mes ambitions. Il est dans la catégorie « peut-être-lu-à-tout-moment-car-il-en-vaut-bien-un-autre-de-ma-bibliothèque ». Mais ses suites seront en concurrence avec Proust, Borges, Pessoa… Autant dire qu’ils ont peu de chance pour eux.
          Mais cette règle est bien sûr à géométrie variable (une manière de dire qu’elle ne sert à rien) : je sais que, comme vous, j’aurais les 13 volumes de Voltaire, sans être toutefois certain d’en faire une lecture suivie (mais sans être sûr du contraire non plus, car j’aime beaucoup Voltaire).
          A propos du temps qui passe et le temps de lecture qu’il nous reste, je viens de passer le cap des 50 hurlants, le 29 novembre dernier. A cette occasion, j’ai fait le pari suivant : bon, disons qu’il me reste 20 années devant moi. Quels sont les 20 auteurs (ou oeuvres) que j’aurais envie d’étudier vraiment à fond, chacun pendant une année.
          Pour l’instant, j’en suis à :
          – Flaubert
          – Cervantes
          – Dante
          – Shakespeare
          – Rabelais

          – La bible
          – Gilgamesh
          – Herodote
          – Thucydide
          – Montaigne

          – Molière
          – Racine
          – La Fontaine
          – Voltaire
          – Sade

          – Melville
          – Rimbaud
          – Baudelaire
          – Proust
          – Borges

          Evidemment, je n’ai pas mis les auteurs que j’étudie en permanence (Homère), ou ceux que je compte lire de manière très approfondie sans pour autant y passer une année complète (Virginia Woolf, en ce moment). Et j’ai bien conscience de l’ineptie des listes, et même du projet ; m’enfin, si j’arrive aux 70 en ayant profondément étudié tous ces auteurs, j’aurai peut être appris quelque chose dans ma vie et nul doute que j’aurai eu beaucoup de plaisir.

          (Sur Flaubert, d’ailleurs, essayez de vous procurer le difficilement trouvable « la scène originaire de Madame Bovary », par Francisco Gonzalez, publié en français par Universidad de Oviedo ; tout un livre sur le premier chapitre du roman, sur le mystère du « Nous » (« Nous étions à l’étude… ») et de cette fameuse casquette ; c’est un vrai régal).

          • C’est magnifique, et un peu émouvant même, de voir dans la même liste La bible et Rimbaud. Merci !
            Cordialement,
            UAPI

          • C’est merveilleux, un peu émouvant même, de voir La bible et Rimbaud ensemble dans la même liste. Merci !
            Cordialement,
            UAPI

          • Bonjour UAPI, c’est ironique ?
            La Bible m’intéresse en tant qu’objet culturel. À ce seul titre, elle doit doit être peu ou prou au niveau d’Homère.

          • Cher D-f-l, l’ironie (hélas) n’est pas dans nos cordes… Rarement un peu d’humour – bien obligés -, c’est tout. Il n’y avait rien d’autre que le « merci » inscrit, et pas seulement en pensant à l’objet culturel. (Pour développer un chouia : la Bible et Dante, aucun problème… la Bible et Rimbaud – ou Baudelaire d’ailleurs – bravo ! Et pour compléter encore, nous compulsons assez souvent celle de Chouraqui : qu’en pensez-vous ?).
            Bien cordialement,
            UAPI

          • Pincopall Murlo, je n’ai pas d’avis et c’est pour cela qu’il faudra bien que j’y passe une année. J’avais tenté de lancer la question des éditions de la Bible sur Propagerlefeu mais le site n’a pas le rayonnement qui permet de toucher les sachants (sauf ceux qui viennent d’ici même et que je remercie chaleureusement, et quelques égarés que je remercie itou).
            Quand le temps sera venu, dans l’année que je vais consacrer à ces textes bibliques, j’envisage de me baser sur plusieurs traductions, y compris des traductions orientées (ex : Bible des Témoins de Jéhovah), car les différences sont elles-mêmes porteuses de sens.
            Chacune de mes lectures s’accompagne vaguement d’un « projet ». S’agissant de la Bible, j’ai très envie d’une lecture approfondie explicitement athée et culturelle, en lien avec l’histoire de l’art, mais tout cela est encore flou.
            La Bible d’André Chouraqui fera sans aucun doute partie des exemplaires que j’utiliserai, à côté de la TOB annotée, de la Bible qu’un Témoin m’a offerte, et d’une bible d’un prêtre décédé, exemplaire offert par son compagnon en deuil (la Bible de Jérusalem, aux éditions La Martinière, un pavé bleu sous coffret), cadeau qui m’a touché en particulier.

          • Concernant le dictionnaire du darwinisme, il faut signaler que le prix éditeur est de plus de 400 euros. C’est assez inhabituel aux PUF d’avoir de tels prix. J’en suis étonné.

          • Pour ceux que le Darwinisme intéresse, je me suis rabattu sur « Les mondes Darwiniens, l’évolution de l’évolution », paru en 2009, aux éditions Syllepse. Un prix accessible pour un livre qui fait parfaitement le tour de la question à l’occasion des 150 ans de la publication de l’Origine des espèces. Pas mieux en français à ma connaissance.

          • Je conseille à tous ceux qui ne connaissent pas cet auteur de s’y initier par la chrestomathie parue aux éd. de la Différence sous le nom « Je suis la Volonté absolue » en 2012. Je conseille notamment sa brève autobiographie qui ouvre cette anthologie et ses Métaphilosophiques. Par ailleurs, les éditions du canoë tentent de terminer petit à petit l’édition de ses œuvres complètes dues à Erika Abrams. Il manquait deux volumes aux éd. de la Différence lorsqu’elles ont connu leurs déboires (les litteraria et le théâtre). Une très belle découverte pour moi que cet auteur. J’ai échangé un peu par courriel avec la traductrice, qui était très aimable.

  50. Pareil pour moi. Je pourrais reprendre votre argumentaire mot pour mot.
    Il n’y a vraiment pas de quoi culpabiliser même si nos achats de livres sont irrationnels dans le sens où nous ne pourrons JAMAIS tout lire.
    Vive la lecture et zut pour la logique !

  51. Pour ma part, ma liste n’est pas celle des oeuvres ou auteurs que j’ai le projet de découvrir, mais celle des poèmes des Fleurs du Mal que j’ai pris le temps d’apprendre et que j’ai à présent en tête. 809 vers, dont 711 alexandrins.
    J’y vais à mon rythme, mais j’ai bon espoir d’avoir un jour intégré l’ensemble du recueil. Me les réciter quotidiennement m’apporte une connaissance bien plus profonde de l’oeuvre que me le permettrait une simple lecture.

    • Je pense que j’appréhenderai avec émotion le dernier poème une fois y être parvenu. Le Voyage, dans la section La Mort, poème de 144 alexandrins.

      • Bonjour Kleinfuge,
        Vous me faites penser à ces grecs qui citaient Homère par cœur, ce qui m’a toujours rempli d’admiration, moi qui ne sait pas retenir une f**king fable de La Fontaine.
        Je crois qu’on a déjà évoqué le sujet ici, mais avez vous une méthode particulière de mémorisation (à l’aide !) ?

          • Vu Le Malade imaginaire en 2023, troupe amateur du théâtre Molière-Sorbonne. J’étais entre autre épaté par ce qui à mon niveau est un exploit de mémorisation. Mais un comédien n’est pas constitué comme moi, il est d’une autre catégorie. La réponse de Kleinfuge m’intéresse plus.

          • La mémoire fonctionne différemment chez chacun. Par exemple, j’ai beaucoup de mal à retenir une citation exacte, et le par cœur a toujours été ma grande hantise (d’où de pénibles difficultés en droit – quoi que vous en diront (à tort) les juristes qui prétendent qu’il ne sert pas d’apprendre mais de comprendre dans leur discipline – faisant là l’économie de tout ce qu’il faut retenir en droit, pour aller vite et bien à l’essentiel). Tous mes efforts de mémorisation des textes sont tombés à l’eau – peut-être parce que retenir des mots n’est pas mon mode de fonctionnement mémoriel. En revanche, je pourrai vous dire très précisément ce que je faisais, qui je côtoyais, ce que je lisais, au printemps 2004, 2012 ou 2018. Je me souviens des anniversaires, des années, des dates, de même que je me souviens des visages – ce qui m’a permis d’épater mon ancien conseiller principal d’éducation (au lycée), recroisé 17 ans plus tard, par hasard, à Vannes, et reconnu en un quart de seconde. J’ai des centaines de gens en mémoire (visage, nom, prénom, âge, statut familial, anecdotes en commun, etc.), mais je ne retiens pas un simple sonnet. Et comme me le disait mon professeur d’histoire (médiocre au demeurant) quand j’avais 14 ans : « vous avez la tête farcie de connaissances subalternes » (que Wikipédia et Google ont contribué à démonétiser). C’est un peu ma « croix » de lecteur : je me rappelle que j’ai lu un livre, le contexte de sa lecture, les émotions éventuellement ressenties, ce qu’il y avait dedans, mais je ne peux quasiment jamais en citer un seul mot de mémoire.

            Quand je vous disais que, si j’avais réalisé ma vocation, j’aurais fini « fichier de la Stasi », je ne mentais pas totalement.

  52. En ce qui me concerne, je n’utilise ma mémoire que dans mon domaine.
    Je ne connais par cœur que quatre ou cinq poèmes mais les noms et dates des rois de France, des présidents français et américains, des souverains britanniques postérieurs à Guillaume le Conquérant, des empereurs romains, des rois lagides, séleucides et attalides, des rois macédoniens argéades et antigonides plus tous les Habsbourg et les Hohenzollern.
    Les tsars russes sont prévus mais pas avant 2029.
    Pour les listes archontales et consulaires, je préfère consulter les utiles recueils de Develin et Broughton.
    Aucune mémoire des visages par contre.
    Comme la nature humaine est curieuse parfois !

  53. DraaK fut là, je peux vous exposer ma méthode d’apprentissage.
    Il y a trois ans (peut-être quatre, je ne sais plus), j’ai commencé par le fameux Au Lecteur, poème introductif du recueil. Je ne sais d’ailleurs pas si à l’époque j’ambitionnais de m’atteler à ce travail d’apprentissage. Il se trouve qu’après avoir intégré ces quarante alexandrins qui annoncent admirablement ce que le lecteur va lire par la suite, ce qui fait la particularité de ce recueil, j’ai continué l’apprentissage en suivant scrupuleusement l’ordre des poèmes – édition 1861 des Fleurs, choisie par la Pléiade (exception pour le second Spleen, appris sans suivre cet ordre). Le long Bénédiction m’a mis le pied à l’étrier.

    Je lis et tente de retenir le premier vers; je procède par vers, ou groupe de deux vers, parfois par strophe de quatre vers, en fonction notamment du sens de ceux-ci ou de la phrase qu’ils forment, de la ponctuation. J’attache évidemment beaucoup d’importance au respect strict de la métrique, en tenant compte des diérèses et synérèses. A quoi bon lire et réciter des alexandrins si l’on passe outre le rythme, la musique qui se dégage de l’enchaînement des syllabes ?

    Je répète inlassablement ces mots jusqu’à ce que leur musique me devienne familière. Certains vers, par leur rythme, par la succession de mots et de syllabes, ont pu m’opposer une certaine résistance, notamment pour l’articulation mentale ou orale.
    Je ne passe au(x) vers suivant(s) que lorsque les précédents sont parfaitement maîtrisés. Pas en mémoire immédiate, mémoire qui permet, après lecture d’une strophe que l’on retient aisément, de la réciter sans problème pendant une petite heure mais dont le souvenir, plus tard dans la journée, est déjà bien estompé, diffus, voire envolé. J’entends maîtrise parfaite le moment où la récitation de cet ensemble de vers devient fluide, naturelle, sans effort intellectuel, comme on fredonnerait une mélodie connue depuis la plus tendre enfance.

    J’ai pu d’ailleurs remarquer, par expérience, la façon dont mon cerveau fonctionne.
    La découverte de vers nouveaux est souvent laborieuse. Mais j’ai constaté que cet apprentissage était lui-même rythmé par des phases, des étapes. La nuit fait toujours un travail bénéfique dans ce sens. Je me lève assez tôt, à 6h00, et pendant ma douche, les vers découverts et appris la veille ont déjà trouvé leur place dans mon cerveau, comme par magie. Malgré ce constat encourageant, je persiste dans mon travail de récitation mentale. Je continue à me réciter ces vers. Une journée, deux journées, trois journées. Je les récite alors même que j’ai entamé l’apprentissage de la strophe suivante. En suivant cette méthode, cette cadence, et selon l’engouement que je mets dans cette tâche, j’intègre un sonnet en une dizaine de jours. Les 19 strophes de Bénédiction m’ont je crois bien occupé deux mois, voire davantage.

    Bien entendu, la mémoire s’entretient. Je continue à me réciter les poèmes appris il y a deux ans. Quand je me lave les dents, quand je nettoie la vaisselle, quand je suis à vélo, quand je me promène.
    Lorsque je constate qu’un mot au sein d’un vers m’échappe (chose rare heureusement), alors même que j’ai pu réciter mille fois le poème, je ne succombe pas à la facilité d’ouvrir le livre pour me rafraichir la mémoire, je me triture un peu l’esprit pour retrouver la pièce manquante. Par esprit de déduction, en reconsidérant le nombre de syllabes d’une part, en essayant de me mettre à la place de l’écrivain d’autre part.

    Exposés comme cela, ce travail, cette méthode, peuvent paraître fastidieux, bien éloignés du plaisir normalement procuré par la poésie.
    Ce à quoi je réponds que je tire de cette activité une jouissance immense. Une satisfaction multiple.

    La première, évidente, la satisfaction finale de connaître un poème, le faire sien, l’emporter partout avec soi. Le poème comme un petit microcosme qui vit et se suffit à lui-même, le miel du style littéraire.
    La satisfaction de la compréhension du poème, de son sens, des subtilités qui font sa richesse. Sens qui parfois peut paraître opaque lors d’une simple lecture, qui se révèle de façon progressive pendant l’apprentissage, pour devenir enfin évident et clair.
    La satisfaction relative à notre faculté d’apprentissage. La capacité de notre cerveau d’intégrer, de « stocker » pour parler vulgairement, avec la perspective du challenge futur.
    Mais surtout la satisfaction, la réjouissance à l’idée du plaisir à venir, la découverte du recueil (que je n’ai jamais lu). Le sentiment d’être un chanceux.

    • Bon, vous avez votre livre pour Fahrenheit 451 alors.

      C’est plus intéressant du reste que mon fichier anthropométrique et subalterne de tous les gens qui ont eu le malheur de me croiser.

    • Les hommes-bibliothèque existent (ou en tous cas ont existé) en Afrique. Leur disparition, dit-on, c’est comme une bibliothèque qui brûle. En Italie, naguère, des gens « simples » (relativement) récitaient des passages de « La Comédie » sans effort apparent ; interrogés, ils n’avaient pas toujours bien compris ce qu’ils récitaient, mais la musique et le rythme (incarné dans le mètre) y étaient, et c’est l’essentiel. Jean-Marie Straub en a filmés (qui déclament, là, du Pavese).
      Vous avez notre admiration ! et vous pourrez en effet, comme dit notre hôte et maître, résister dans Fahrenheit 451 – le plus tard possible, si l’IA, Chat-GPT & C° nous le permettent, espérons-le !
      Cordialement,
      UAPI

    • Merci beaucoup KleinFuge,
      J’essaie d’aller trop vite, ce me semble. Je vais essayer votre « méthode », dont je comprends tous les bénéfices.
      Sur un sujet connexe : Contrairement à tous les intervenants de ce site, je prends énormément de notes de lectures. On pourrait croire que cela aussi gâche le plaisir de lecture, mais non. Cette lecture posée et cette recension quasi archéologique des mots stimule beaucoup la réflexion.

    • Les hommes-bibliothèque existent (ou en tous cas ont existé) en Afrique. Leur disparition, dit-on, c’est comme une bibliothèque qui brûle. En Italie, naguère, des gens « simples » (relativement) récitaient des passages de « La Comédie » sans effort apparent ; interrogés, ils n’avaient pas toujours bien compris ce qu’ils récitaient, mais la musique et le rythme (incarné dans le mètre) y étaient, et c’est l’essentiel. Jean-Marie Straub en a filmés (qui déclament, cette fois-là, du Pavese).
      Vous avez notre admiration ! et vous pourrez en effet, comme dit notre hôte et maître, résister dans Fahrenheit 451 – le plus tard possible, si l’IA, Chat-GPT & C° nous le permettent, espérons-le !
      Cordialement,
      UAPI

      • J’anime une conférence fiscale dans une dizaine de jours. En vue de la préparation de celle-ci, et par curiosité, j’ai demandé hier à ChatGPT quelles étaient les nouveautés fiscales sur l’intégration fiscale depuis 2019 en France. L’IA m’a conseillé de consulter un expert-comptable. Ça va, nous avons encore un peu de temps devant nous.

      • Pour rebondir sur la poésie orale, je me permets de renvoyer à l’enquête de Milman Parry sur les bardes yougoslaves au début des années 30 : ils pouvaient improviser des épopées de plusieurs milliers de vers bien qu’analphabètes.

        • Idem pour les bergers toscans (ou assimilés) en tensons d’octastiques – le mètre de la « Jérusalem délivrée », par excellence… Mais sans doute pas des milliers de vers : au contraire, quelques rapides, pointues réponses, du tac au tac.
          Cordialement,
          UAPI

  54. Merci, KleineFuge, pour ces conseils pratiques, qui inspirent au lecteur passif, quoiqu’assidu, que j’étais, son premier message.

    Ayant caressé le même projet il y a une vingtaine d’années, quand mon enthousiasme juvénile pour Baudelaire était à son comble, j’en étais resté à une douzaine de poèmes. L’erreur fut-elle de commencer par mes préférés, dont le Voyage, ce qui me conduisit peut-être à regimber quand il s’agit de revenir sur mes pas?

    Les années écoulées n’ont fait que me convaincre en tout cas qu’il n’y aurait pas meilleur recueil (selon mes goûts) pour un tel projet. Je peux souvent me délecter des alexandrins d’un Heredia ou d’une Noailles, mais ils me semblent bien moins mémorables que les fulgurances baudelairiennes.

  55. Après Calvino en avril, c’est donc un coffret Baudelaire en deux volumes des œuvres complètes qui est annoncé en mai pour la Pléiade, avec un album Baudelaire signé Stéphane Guéguan. Je relève aussi un Quarto Bradbury annoncé pour le second semestre 2024. La SF pénètre petit à petit la littérature mainstream… Source de ces infos, Le Figaro littéraire.

    • Hâte d’avoir l’album de Guégan en main. Je suis en train de lire sa biographie de Gautier parue chez Gallimard. Histoires Littéraires en avait fait la recension en 2011 :

      Enfin une biographie complète et nuancée de Gautier, laissant derrière elle les précédentes, y compris la plus récente, celle de Gérard de Senneville, peu exhaustive et souvent incertaine. Les quatre-vingt-dix pages de notes et références, précises et nourries, témoignent de l’ampleur de la recherche biographique et documentaire. L’auteur a su mettre à profit les douze tomes de la Correspondance générale et les huit des œuvres complètes parus chez Champion. Pareil effort s’étend aux milieux littéraires et artistiques du temps, et l’on constate l’excellent traitement apporté aux amis et comparses de Gautier, par exemple Borel, Du Seigneur, Dondey et tout le Petit Cénacle, ainsi que Heine, Nerval et Balzac. Quant au monde musical et artistique, l’évocation qui en est faite est remarquable. Plus largement, l’image de Gautier se trouve considérablement modifiée : l’homme comme l’écrivain apparaissent plus complexes et plus attachants que l’effigie convenue et quasi-parnassienne qu’on en avait trop souvent. Au fond, l’auteur de Mademoiselle de Maupin fut toujours un marginal – même s’il donna des gages au Second Empire par ses « exercices de propagande », comme le dit l’auteur –, un poète hanté, un « conteur excentrique », un critique d’art souvent perspicace, un causeur truculent (voir le Journal des Goncourt). Bref, Stéphane Guégan s’attache à nous faire voir un Gautier multiple, tel qu’il fut. On sait que l’écrivain resta attelé, durant une grande partie de sa vie, au feuilleton dramatique, en ces temps où le théâtre constituait « le rite culturel par excellence ». Mais il savait y garder sa liberté, exprimer sans détours sa haine du vaudeville et du mélodrame, défendre à l’occasion le théâtre de Musset, et adopter des « stratégies d’évitement » pour ne pas parler de ce qui l’ennuyait ou lui semblait inepte. Gautier poète se trouve remis lui aussi à sa vraie place, et Stéphane Guégan définit justement la fonction de la poésie selon l’auteur d’Émaux et camées : elle « sert à repousser l’absence, abolir la mort ». De fait, l’écrivain avait débuté très tôt en poésie, en 1830, alors qu’il n’avait pas dix-neuf ans, par ses Poésies. Il restera toute sa vie fidèle à ce Romantisme de 1830, qu’il avait si bien incarné à la première d’Hernani, et défendra toujours la sainte trinité Hugo-Berlioz-Delacroix, sans oublier Balzac, qu’il fut le premier, dès 1837, à mettre au pinacle, et aussi Rossini (signalons par ailleurs de pertinents développements sur Gautier et Wagner, et sur Gautier et la photographie). En peinture, l’écrivain était finalement assez éclectique, aimant d’une égale admiration Ingres et Delacroix, et aussi Chassériau. Même s’il dédaigna Courbet et Manet, il saura, par exemple, remarquer les préraphaélites anglais. Romantiques sont également ses livres de voyages, même si, comme l’observe Stéphane Guégan, son Voyage en Russie est bien moins réussi et moins enthousiaste que ceux en Espagne et en Italie. Soit dit en passant, dans son De Paris à Cadix, Dumas ne se fera pas faute de copier servilement, et parfois ligne à ligne, le Voyage en Espagne. À propos des amours de Gautier, qui furent diverses, il y aurait beaucoup à dire (Marie Mattei, Carlotta et Ernesta Grisi, etc.), mais le poète nous avait avertis : « Nous préférons la coutume loyale d’avoir plusieurs femmes, à celle de n’en avoir qu’une qu’on trompe avec les femmes des autres. » La Correspondance de Gautier abonde au reste en propos pleins de sel, ainsi lorsque l’auteur du Roman de la Momie se gausse des monuments égyptiens, « tous ces vieux granits historiés de canards, de peignes et de ronds de serviette ». Grâce à l’acuité de ses analyses et à la justesse du propos, ce volume de 700 pages possède un grand pouvoir d’évocation. En le parcourant, on comprend mieux pourquoi Baudelaire tint à dédier Les Fleurs du Mal à Gautier – ce qui ne l’empêchait d’ailleurs pas de reconnaître, à part lui, « les limites » de l’esprit de celui-ci, limites toutefois relatives, mais que cette biographie ne dissimule pas. Parfaitement dosé par-delà son extrême précision, le livre nous ménage aussi des moments de répit, voire de rêverie. Ainsi, telles lignes écrites par Gautier en 1852 semblent présager la désespérante globalisation de notre univers urbain : « La terre n’a jamais été plus ennuyeuse ; toutes les différences disparaissent, et il est presque impossible de distinguer une ville d’une autre ; la rue de Rivoli menace d’étendre indéfiniment ses arcades. »

      Sa monographie sur Gustave Caillebotte, chez Hazan, vaut elle aussi d’être lue.

      • Je goûte assez le « Poète impeccable » mais beaucoup plus encore le Conteur et celui qui fut sans doute l’un des meilleurs sinon le meilleur et le plus fidèle ami de Gérard de Nerval (cela seul assurerait pour moi sa gloire, quand bien même aurait-il été bien plus médiocre poète et conteur).
        À qui d’autre, sinon à l’ami intime de sa jeunesse, peut-on envoyer, pour accompagner six « Chimères » dont l’encre est à peine sèche, un billet à la fois crypté, pathétique et fantaisiste, tel que : « En voilà 6, fais-les copier et envoie à diverses personnes. Va d’abord les lire et la lettre au père L–y. Tu verras si l’on peut révoquer ma lettre de cachet. Sinon je refais l’Erotica Biblion de M. de Mirabeau, car je n’ai pas même de Sophie pour venir me consoler (écrire à l’Archiduchesse). Si tu veux les 6 autres sonnets, viens vite les chercher demain. Adieu Muffe !
        Ton ami
        Lb [Labrunie] Gérard de Nerval »
        ?

        Par contre, il est inutile de vouloir ajouter à la gloire du Poète et Conteur, celle du Critique d’Art. En cette matière, Théophile Gautier fut léger, voire superficiel, malin et intuitif, fit d’heureuses trouvailles, toujours intelligent, mais totalement dépourvu de théorie (contrairement à Baudelaire qui le domine en ce domaine de cent pieds – très loin également d’un Émile Zola) et de vision. Il ne suffit pas de ‘remarquer les préraphaélites anglais » pour rattraper le péché capital d’avoir loupé Courbet et Manet !
        Je note, par objectivité, mais ne lui en fait pas reproche. L’amoureux de Cocteau que je suis ne peut pas jeter la pierre à Gautier.
        En vérité, pour Théophile Gautier et ses pairs, la critique dans les gazettes était un passe-temps mondain et élégant et un gagne-pain (quitte d’ailleurs, pour dépanner un copain, à lui passer sa chronique, pendant qu’on se livre à des occupations plus sérieuses, comme d’aimer ou de voyager).

        Quant à la citation finale sur la standardisation et la banalisation des villes, il est ridicule et anachronique de vouloir en faire une préfiguration de la critique de notre actuelle mondialisation américanisée ; c’est en fait un vieux cliché qu’on peut retrouver sous la plume de centaines (milliers ?) d’auteurs, en tous temps et en tous lieux.
        C’est le péché de presque tous les biographes que de fleureter avec l’hagiographie, mais ne croyez pas pour autant que je jette le bébé avec l’eau du bain et l’ouvrage à Gautier consacré évoqué ci-devant avec quelques excès de laudations.

  56. Il m’est impossible de pardonner à une collection se disant « prestigieuse, » une entreprise se voulant le dernier mot du meilleur de la Littérature universelle, de s’arrêter en cours de route dans l’édition de Victor Hugo ; de renoncer, le souffle court et le sang paresseux, à terminer le grand cycle des poèmes et celui des romans : rééditer, sous des habits clinquants, « Les Misérables » alors qu’on n’est même pas capable de fournir la moindre tenue décente à « Quatre-Vingt Treize » et à « L’Homme qui Rit », est inadmissible.
    Aucune raison, aucun prétexte ne peut le justifier, et le discours tenu par Gallimard à ce sujet est d’une pitoyable hypocrisie.
    Rien qu’à cause de ce Hugo hémiplégique – sans même évoquer les autres manques béants – toute la collection est bancale et boîte bas.

    J’ai trouvé chez mon bouquiniste la collection des oeuvres complètes de VH dans l’ordre chronologique du Club Français du Livre, sous la direction de Jean Massin, ces magnifiques volumes rouges et dorés, sur papier bible, renfermant tout Hugo (dont on ne peut rien retrancher) et enrichis de documents et d’analyses écrites par les meilleurs, cette collection qui avait enchanté ma jeunesse et dont je pleurais la perte, dans un des nombreux déménagements-naufrages que j’ai connus.
    Et je me suis empressé de me débarrasser de mes pléiades incomplets – aussi estimable soit l’édition des trois premiers volumes de poésie – dont la vue m’était devenue insupportable.

    Ironie du destin, quinze jours plus tard, j’acquérais, chez le même bouquiniste, les quatre énormes volumes reliés cuir, impossibles à manipuler donc à lire, jadis publiés par Jean-Jacques Pauvert et contenant également l’intégrale de Victor Hugo. Bien conscient que je me contenterai de les contempler, les ouvrir, les feuilleter et rêver ; semblables à un coffre renfermant des bijoux que jamais on ne portera. Décidément, ma folie est inguérissable.

    …………………………..

    Hormis cela, j’ai été amusé en lisant le récent témoignage d’un honorable membre de la compagnie brumesque, qui a acheté les 13 volumes pléiade de la Correspondance de Voltaire, dans une échoppe chambérienne.

    Ayant des accointances familiales dans cette ville, j’avais eu moi-même en mains ces mêmes volumes, chez le même échoppier, voici quelques années. Durant un séjour de plusieurs semaine, ayant pris le temps de longuement les compulser, me torturant de questions, j’avais finalement renoncé à les acheter, car, à leur lecture erratique, l’esprit sec du maître de Ferney, constamment préoccupé de ses intérêts personnels, matériels et immatériels (de la gestion de ses biens à son supposé magistère intellectuel) m’était devenu de plus en plus désagréable (je ne trouve pas de mot plus approprié et ne veut point me porter à des excès de langage).
    Enfin, reparti avec une bonne brassée de « Connaissance de l’Orient » dont j’avais dû férocement négocier le prix, initialement exorbitant.

    Ah qu’on me perle plutôt de Diderot, un véritable frère, celui-là ! Ce Sans-Dieu plus sensuel et humain que François-Marie Arouet dit Voltaire, moins pleurard et persécuté que Rousseau (admirateur de son admirateur Gérard de Nerval dont tout l’oeuvre, plus qu’aucune autre, aurait pu s’appeler « Rêveries du Promeneur Solitaire » je lui demande pardon d’écorner son idole).

    Je n’émets ici qu’un avis et non un jugement critique intangible, tant mieux si d’autres y trouvent des beautés et des vérités auxquelles je fus aveugle, et des agréments que, pour ma part, je trouve ailleurs.

    • Dans une longue analyse de la saga romanesque constituée des derniers romans, « Les Travailleurs de la Mer », « Quatre-Vingt Treize » et « L’Homme qui Rit » Henri Meschonnic fait litière des critiques épinglant telles invraisemblances, excès de réthorique, procédés « vieillis » etc, pour se consacrer – brillamment – à l’essentiel : le texte.

      C’est également mon point de vue : le roman n’est pas la vie, c’est une oeuvre d’art pour l’essentiel, et cela prend avant tout la forme d’un texte. Plus que des êtres d’encre et de papier, des situations, des événements, on a affaire à un texte. Pour la « réalité » voir la télé du même nom ! (Ha ha, ha ha !)
      Or Victor Hugo est éminemment l’homme du texte, les mots l’emportent sur les choses, que dis-je, les choses sont des mots et les mots sont des choses. Victor Hugo est un océan, il l’a assez répété, un océan d’encre, il sue il saigne de l’encre, et quand l’encre déborde elle se transforme en dessins en images qui sont une autre forme de mots.
      L’oeuvre huronienne ne se divise pas, n’est pas soumise au tri et à la discrimination, rien ne peut lui être retranchée (comme toute grande oeuvre).

    • Content de vous lire, avec l’espoir un peu fou (mais tout espoir n’est-il pas entaché de folie ?) que vous signez là votre retour, ô Domonkos !

      Pendant près de dix ans, lors du rasage quotidien, je me suis offert huit ou dix pages de la « Correspondance » de Voltaire. Cette lecture vaut surtout par sa légèreté et la joie qu’elle donne. N’est-ce pas déjà beaucoup ? Quelques lettres sont d’une teneur plus denses et mériteraient, si ce n’est fait, une édition à part.

      Cordialement,

      Marc.

      • Merci.
        Je crois que je n’ai définitivement pas « l’esprit voltairien ». Question de tempérament. Je n’aime pas les secs. Je trouve un peu plus de chair chez Diderot. Peut-être parce que je n’ai moi-même pas tout à fait le physique d’un ascète ?
        Mais bah, je n’en disputerai point. Pourquoi gâcher le plaisir des autres ?

  57. Quel calme… Et quel programme de semestre ! Quatre sorties, deux réimpressions. J’imagine qu’on peut espérer des annonces nouvelles pour avril, mai, juin ?

    • Les annonces pour avril devraient arriver incessamment sous peu.

      De mon côté j’ai demandé ceci a l’éditeur : « Votre semblez avoir commencé à ajouter à votre programme des auteurs de science fiction et de fantasy (Lovecraft/Verne/Tolkien). Peut-on espérer l’arrivée d’autres auteurs classiques de ces genres littéraires (Asimov, Clarke, Bradbury, Herbert, Wells, Howard…) »

      Et voici la réponse : « Concernant votre question, certains des auteurs que vous mentionnez pourraient être publiés en Pléiade dans l’avenir’

      Il faudrait maintenant creuser auteurs par auteurs pour préciser leur réponses…

      • Tout de même, les réponses sont toujours extrêmement vagues. « Il se pourrait que » ; « nous y réfléchissons » etc.

        J’avais vu le calendrier il y a un moment (je ne sais plus où) des étapes depuis « on envisage de » à « c’est sorti ». Cela me semblait très long. Pour la confection proprement dite (traduction, appareil savant), je comprends que cela prenne du temps (encore que c’est cette partie qui se rétrécit apparemment, surtout pour les textes français). Cependant, mettre cinq ans pour décider si on va ou non faire le Genji en Pléiade…

        Pour ma part, je souhaiterais notamment que paraisse Les trois royaumes, dernière des quatre Grandes Histoires (qui sont au nombre de cinq en fait, à cause du changement de canon). Je souhaiterais vivement également un inédit chinois important : L’investiture des dieux. Sinon, je pense qu’il serait de bon ton de livrer une Anthologie de la poésie japonaise.

    • Vient d’apparaître sur le site Catalogue Pléiade un volume sobrement intitulé « Oeuvres » pour avril : Italo Calvino, très probablement, si nous devons en croire les augures.

      Est-ce que je rêve ou bien personne ne semble plus épaté que cela par l’annonce du volume « Pléiade, poésie et poétique » (mars) qui me semble, à moi, particulièrement prometteur et audacieux (au point que je le suppose subventionné) ? Il est vrai que nous en savons encore fort peu, quant au contenu.

      Et Calvino, c’est de la roupie de sansonnet ? Pas de quoi relever le niveau de ce semestre ? (Oui, je sais, une hirondelle calvinesque – et même deux – ne feront pas le printemps de La Pléiade, tout au plus une rémission parmi quelques autres, un sursaut, un baroud d’honneur).

      • A juger sur pièces, mais le volume sur La Pléiade est également celui que j’attends le plus. La vieille édition des poètes du XVIe siècle, tout érudites et précieusement écrites qu’en sont les notices concises d’Albert-Marie Schimdt, est fort lacunaire et cause plus de frustration qu’autre chose : Marot à peine esquissé, Du Bartas à la pipette… (Lacunes qui certes ne seront en rien comblée par l’ouvrage à venir, mais du moins aura-t-on davantage à se mettre sous la dent pour ce siècle si fécond en vers). A voir la taille du volume et des notes, mais j’attends de cet ouvrage autre chose que le plus connu de Du Bellay et les quelques tragédies de Jodelle inscrites à la petite postérité pour être les premières pièces du genre en langue romane. L’édition viendra quoi qu’il en soit remédier à cette aberration d’une collection qui n’avait jusqu’alors pas même fait honneur au groupe dont elle tient son propre nom! Pour cette raison un peu futile, j’en viens à espérer qu’ils auront particulièrement soigné cette édition.

    • « Arabo-Persane », vous êtes sûr, Pléiadophile. Avec tout le respect, etc, permettez-moi de manifester ma désapprobation à l’égard de cette appellation. J’espère qu’il s’agit pour vous d’un raccourci et que vous n’envisagez pas sérieusement de mêler en un même volume la carpe arabe et le lapin persan.

      Qu’est-ce qui justifierait cette association-dissolution (qui sent bien son « orientalisme » fin XIXème siècle) ?
      Une commune religion ? C’est oublier que la religion musulmane sunnite est une création du monde arabe, et qu’il s’agit d’une religion d’adoption pour les Iraniens, qu’ils se sont d’ailleurs empressés d’adapter sous la forme irréductible du chiisme. Et faire abstraction de tout ce qui l’a précédée et tout ce qui, sous le manteau musulman, a survécu de ce passé.
      Evoquera-t-on l’adoption par les Iraniens de l’écriture arabe ? Il n’en demeure pas moins que leur langue est fondamentalement différente.

      On pourrait d’ailleurs renverser la proposition, au profit de la poésie arabe qui ne peut être confondue avec une autre et revendiquer pour elle le même traitement autonome.

      À l’aune de tels rapprochements-identifications, pourquoi pas des anthologie de poésie « sino-japonaise », « anglo-américaine », ou bien publier en un savant mélange une vaste anthologie de la poésie en langues latines, ou d’inspiration chrétienne à quelque idiome qu’elles appartiennent.

      • D’ailleurs, je vous recommande la plus extrême prudence, « Pléiadophile » : si quelque persan venait à vous lire, vous auriez tout à craindre de sa réaction. Persan perd sang froid facilement.

      • Il est vrai que si on doit prendre en compte la poésie achéménide ou sassanide, elle pourra difficilement s’associer à la poésie de langue arabe puisqu’elle n’a aucun rapport mais je suis presque certain que cette anthologie (surtout la persane) ne verra jamais le jour : trop érudite, trop peu de lecteurs potentiels.
        Quant à la poésie américaine, malgré le tropisme excessif pour ce pays, je ne suis pas certain que ce sera une grosse vente. Qui connaît en France la poésie américaine en dehors de quelques noms : Poe, Whitman, Dickinson, Pound, Cummings et quelques autres. Pas de quoi enthousiasmer les foules comme tous les recueils de poésie hélas !

        • Les gens qui me connaissent ne songeront pas un instant à m’accuser d’un américanisme excessif (le contraire non plus). Je songe simplement à l’importance de la poésie nord-américaine dans la littérature contemporaine. Sa force, sa diversité, son influence, y compris hors du champ étroit des stricts amateurs de poésie.
          Partant de là, je ne suis pas convaincu non plus qu’elle n’ait pas son public et qu’une anthologie représenterait un naufrage financier pour Gallimard.

          En ce qui concerne la Poésie persane, sa radicale différence avec la Poésie arabe ne se limite pas à la poésie pré-islamique et antérieure à l’adoption de l’écriture arabe. Il s’agit de deux mondes, de deux aires culturelles que tout sépare (hormis la religion et même là, les iraniens ont tenu et tiennent encore à exprimer leur différence, qui ne se limite pas à des questions de forme ou de formalisme).
          Quant à la lancinante question du nombre d’éventuels acheteurs, là encore le pire n’est pas si certain qu’il peut paraître.

          Enfin, de toutes façons, comme vous dites, il est peu probable que Gallimard vienne un de ces jours nous départager en publiant la dite anthologie, et quand bien même me démentirait-il ce n’et pas nous qui paieraient les violons du bal.

    • Quant à la question plus générale des anthologies poétiques… Je vois beaucoup plus l’urgence d’une Anthologie de la Poésie Américaine (n’en avait-on pas parlé, naguère ?) que de la poésie grecque.

      Poésie américaine autrement plus actuelle, plus importante et prégnante dans le monde d’aujourd’hui pour nos contemporains (révérence gardée envers les vieux hellénistes érudits et hellénophiles amateurs – seconde catégorie à laquelle j’ose prétendre appartenir – mais en matière d’éditions de poésie grecque, ancienne et moderne, ils ont déjà de quoi banqueter à s’en faire péter la panse, avec tout ce qui existe).

      Par contre, d’accord avec « Vidar » il me paraît urgent de consacrer une anthologie à la Poésie Japonaise, qui ferait pendant (et ne se confondrait pas avec) la récente anthologie de la Poésie Chinoise.

  58. Et voilà. Le site de La Pléiade laisse désormais apparaitre un volume intitulé Œuvres pour le 25 avril 2024. Si j’ai bien suivi les rumeurs il s’agirait d’Italo Calvino ?

  59. J’attends ces volumes sur la Pléiade et Calvino avec intérêt également. Mais sans informations fournies pour l’instant… Par contre c’est quoi ce travail sur un site officiel !?! L’apparition d’un OEUVRES tout en majuscule, sans rien de plus, on dirait un truc fait en 2′ sans considération aucune.

      • Délectable Calvino. Pourvu que ce ne soit pas encore, un volume hémiplégique, bâclé, un « best of ». Heureusement les oeuvres d’Italo Calvino ne sont pas des romans-fleuves…

        Je songe moi aussi au honteux Steinbeck, ni fait ni à faire, qui présente « l’originalité » d’être une sorte de « tirage spécial » mais portant un numéro et inséré dans la série principale. Un véritable cas d’école !

        • L’œuvre romanesque chez les Meridiani c’est trois volumes, donc un seul en Pléiade ce sera forcément une anthologie… sans compter les contes italiens jamais republiés en français car pas très bien traduits semble-t-il.

          • Bien conscient qu’il s’agit de miettes jetées aux affamés de littérature italienne et non pas d’un banquet.

        • Le site de Gallimard annonce bien une Pléiade Calvino. S’ils se contentent de reprendre ce qui a déjà été retraduit chez Gallimard cela fait une quinzaine de titres potentiels pour son Pléiade. Sans doute un projet mené par Christophe Mileschi.

  60. Le numéro ISBN affiché sur le site de la Pléiade permet d’identifier formellement qu’il s’agit d’Italo Calvino, et on le retrouve sur le site de Gallimard: https://www.gallimardmontreal.com/catalogue/livre/romans-calvino-italo-9782070115655. Pour l’ouvrage collectif, on trouve le résumé suivant sur le site Web d’une librairie québécoise: « Recueil de pièces poétiques célèbres ou peu connues, des premières tragédies et la première comédie du répertoire français ainsi que Deffence et illustration de la langue francoyse, des œuvres signées par les écrivains de la Pléiade, formule inventée par Ronsard vers 1555. Des témoignages contemporains et des textes théoriques sur le groupe complètent l’ensemble. »

    • Il est intéressant de faire suivre la parution des œuvres de Ronsard d’un volume de cette nature, je ne m’attendais pas à un tel investissement chez Gallimard.

      • Mais Ronsard n’est qu’une reprise en coffret de deux volumes déjà parus… Peut-être ai-je mal compris la teneur de votre message cependant.

        • Je me suis mal exprimé, toutes mes excuses ! La parution en coffret sert évidemment de catalyseur dans l’espoir d’écouler une pléaide de la Pléaide (!) dont le contenu quelque peu fourre-tout ne saurait promettre des ventes exceptionnelles. Je m’étonnais que Gallimard s’engage dans une telle entreprise, on ne peut dire que c’est une littérature très en vogue et ce même si nous fêtons l’anniversaire du prince des poètes.

        • Bizarrement, le site de la la Pléaide annonce ce coffret Ronsard comme reprenant l’édition de Daniel Ménager et Michel Simonin. Le troisième éditeur de leur Ronsard, Jean Céard – le seul a être encore vivant, il appréciera – passe à la trappe. C’est à ce genre de détail qu’on voit que plus rien n’est tenu dans cette collection.

          https://www.la-pleiade.fr/Catalogue/GALLIMARD/Bibliotheque-de-la-Pleiade/OEuvres-completes-I-II16

          • Le site de La Pléiade est tenu par des gougnafiers (voir l’annonce <em> »Oeuvres »</em> anonyme… pour Calvino).

            Les volumes Ronsard, repris en coffret (que j’ai acquis, n’étant pas ennemi des coffrets, et ne possédant pas ce bel ouvrage), portent bien, sur la jaquette et sur la page de titre :

            <em> »édition établie, présentée et annotée, par Jean Céard, Daniel Ménager et Michel Simonin ».</em>

  61. Ayant commencé la littérature tardivement, j’ignore quelle place d’importance rempli I. Calvino dans le champs littéraire. Il n’en demeure pas moins qu’avec le Verne à paraître et le Collectif La Pléiade, on se situe sur une lancée de trois inédits. Je ne saute pas au plafond, mais je ne m’en plains pas.
    Je suis toujours à la recherche des petits malins – le ton est amical – qui nous ont teasé un Mishima en Pléiade. Je pense que je dormirai mieux la nuit si l’un d’entre eux daigne nous adjoindre une source à ses dires.

  62. Pour s’amuser un peu…

    Anthologie Poésie Italienne

    Anthologie Conteurs Renaissance Italienne

    Dante

    Jacques de Voragine

    Machiavel

    Goldoni

    Casanova

    Pirandello

    … Italo Calvino (qui sera donc le second auteur italien contemporain en Pléiade ; et le septième, toutes époques confondues).

    Huit et bientôt neuf volumes en langue italienne.

    …………………………..

    Il est vrai que Gallimard, toujours merveilleusement inventif, étoffe le rayon «auteurs de nationalité italienne» (c’est ainsi explicitement désigné) de son catalogue Pléiade, avec… les Historiens Romains, Plaute, Térence, Pline l’Ancien, Virgile !…

    Je veux bien admettre que, non sans une certaine audace, on fasse de l’Italie moderne l’héritière de Rome, mais faire des Romains des citoyens de «nationalité italienne», il y a un grand pas que j’hésite à franchir.

    Vercingétorix serait-il de «nationalité française» ?

    Ses contemporains et immédiats successeurs, gallo-romains, seraient-ils «franco-italiens» ?

    Que voilà un beau programme et un chantier prometteur pour nos jeunes historiens…

      • N’empêche que « italien » a une résonance linguistique précise qui exclue les Latins…c’est comme ça !

        Comment dire alors ? Il faut savoir renoncer parfois à la forme adjectivale devenue si envahissante (« qualitatif » et, horreur suprême « quantitatif »). Disons donc : Ecrivains d’Italie (antiques et modernes) sinon : Écrivains latins et italiens.

        • Le site parle bien d’une catégorie « par nationalité d’auteur ».

          « Nationalité » a une signification bien précise, et son emploi en l’espèce est non seulement incorrecte mais de surcroît parfaitement ridicule.

          La catégorie « par langue » existant indépendamment (ce qui, pour la langue italienne réduit encore la cohorte d’auteurs, en excluant les latins et Casanova qui écrivit en français), il eut été beaucoup plus simple d’employer une appellation plus vague, comme « par pays ».

          Simple taquinerie, mais tout de même, cela montre le j’m’en-foutisme des types qui tiennent le site et de Gallimard le donneur d’ordre.

          Le dossier à charge s’alourdit, « l’affaire Gallimard » est de plus en plus mauvaise, et le verdict final sera, n’en doutons pas, une lourde condamnation sans réduction de peine possible..

          En attendant, passons à autre chose (s’il y a autre chose à se mettre sous la dent, par ces temps de disette).

    • Et encore Voragine écrit en latin et Casanova en français tout comme une bonne partie des pièces de Goldoni dans le volume Pléiade. Il y a donc encore moins de langue italienne que vous ne le dites dans la collection.

        • J’apprends l’italien pour un voyage à Florence / Sienne en novembre prochain. Je vais bientôt pouvoir lire Plaute dans le tex… Ah, non.

  63. Szenes Domonkos
    Sujet : Question liée au programme éditorial 
    Message : Envisagez-vous de publier un jour en Pléiade une nouvelle édition d’Edgar POE comprenant tous les contes et les poèmes, y compris ceux qui n’ont pas été traduits par Baudelaire ?

    …………………………………………………………….

    Cher Monsieur,

     Nous avons bien reçu votre courrier électronique et nous vous remercions sincèrement de l’intérêt que vous portez à notre collection.

    Une telle publication serait possible, mais pas encore en projet. En toute hypothèse, il nous faudrait conserver les Œuvres en prose traduites par Baudelaire, qui sont un jalon essentiel dans les premiers temps de la collection.

     Nous vous prions de croire, cher Monsieur, à l’expression de nos sentiments les meilleurs.

    Lucie Ketlas

    Bibliothèque de la Pléiade

    Éditions Gallimard

    5, rue Gaston-Gallimard

    75328 Paris Cedex 07

    • « En toute hypothèse, il nous faudrait conserver les Œuvres en prose traduites par Baudelaire, qui sont un jalon essentiel dans les premiers temps de la collection. »

      Je ne comprends pas en quoi la traduction de Baudelaire est indispensable.

      • J’ai depuis toujours pensé que les traductions et présentations de Poe par Baudelaire, hormis le fait qu’elles représentent un moment historique de l’introduction de Poe dans notre domaine littéraire et dans notre imaginaire – un adoubement au sens propre du terme – font partie de l’oeuvre de Baudelaire et devraient ou pourraient être conservées comme un troisième volume baudelairien.

        Après tout, numéro 2 de la collection suivant immédiatement le numéro 1 consacré à Baudelaire en ses oeuvres même, ce « vieux Poe » (dont on ne fait plus les bonnes soupes), n’a-t-il pas été considéré par le premier éditeur de la Pléiade, sans le dire, comme un volume « d’oeuvres complémentaires » de Baudelaire ?

        Et par conséquent, qu’Edgar Poe soit totalement dégagé de l’ombre tutélaire de Baudelaire et se voie consacrer un volume d’Oeuvres Complètes, avec traductions et présentations nouvelles : par sa valeur littéraire, par son influence et son rôle fondateur, il le mérite bien !

        Si je l’ai bien comprise, la réponse que j’ai reçue des services de Gallimard, bien qu’évoquant une lointaine et incertaine possibilité, semble aller dans ce sens et me conforte dans ma conviction.

        • Monomaniaque que je suis, je dirais à peu près la même chose des traductions poétiques de Gérard de Nerval – au premier chef, évidemment, son fameux « Faust » – et j’ai rêvé de même d’un volume consacré à icelles ainsi qu’à son théâtre écrit en collaboration avec une part plus ou moins importante selon les pièces, notamment avec Dumas grand Chef de Chantier s’il en fut !

          Ses poésies allemandes, qui portent sa marque et sa sensibilité autant que celle des originaux, ont joué un rôle dans la réception du Romantisme d’outre-Rhin en France et sa collaboration avec Heinrich Heine, dans un sens et dans l’autre, ne peut être ignorée.

          • Bénéficiant encore – par la grâce de Dieu ou de Dame Nature selon les penchants de chacun – de quelques éclairs de lucidité (mais pour combien d’années, combien de mois ?), je suis conscient qu’il s’agit là d’un fantasme personnel n’ayant aucune chance de devenir réalité, ni demain ni après-demain.

            Cela n’aurait été envisageable que dans le cadre de la refonte des Oeuvres de Nerval par Jean Guillaume et Claude Pichois, et n’aurait aucun sens aujourd’hui, détaché, en d’autres mains et obéissant à d’autres principes.

            De toute façon, il y a bien d’autres priorités et manques gravissimes à combler dans la vénérable (?) et prestigieuse (? derechef) collection.

        • Repentirs (avant de passer à autre chose, c’est mon « Poe de départ ») :

          • Conjugaison erratique dans un des messages précédents (« soit »… « se voie »…) ; ayant perdu le fil de ma phrase trop alambiquée.
          • Par ailleurs, mes propos sur le Poe de Baudelaire ne sont peut-être, après tout, que ceux d’un vieux conservateur, qui a découvert ensemble, à 14 ans – dans les années 60 du siècle dernier – Poe et Baudelaire (et le « Baudelaire » de Sartre par la même occasion). Pour les nouvelles générations cela n’a sans doute plus aucun sens et la réception et la place d’Edgar Poe ne passent plus du tout par les mêmes chemins.
  64. Pierre Jourde, dans son dernier recueil de chroniques, <em> »On achève bien la culture »</em> (Chez Naulleau-Leo Scheer) règle son compte – entre autres – à J.M.G. Le Clézio. Il considère que « l’hypothèse la plus vraisemblable » serait de la bêtise de Le Clézio <em> »une bêtise irréparable, flaubertienne, une bêtise à la Homais »</em>

    J’ai beaucoup aimé les livres de Le Clézio dans ma jeunesse, et j’ai bien conscience de sa baisse continuelle au fil des années. Ses derniers ouvrages, pour ce que j’en connais, sont d’une platitude et d’une faiblesse qui inspirent la pitié ou font grincer des dents, c’est selon son caractère. Il n’y a jamais personne pour dire aux écrivains qu’il est grand temps d’arrêter ! Mais je ne suis pas aussi persuadé que Jourde de l’absence de talent de J.M.G. Le Clézio, même si, lorsqu’on parle de ce talent, on évoque un regretté disparu.

    En ce qui concerne la bêtise, par contre, je ne peux que souscrire au jugement de Jourde, dans l’excès même de son expression. La bêtise interdit-elle le talent ? Je ne crois pas, du moins dans le cas des romanciers. Je ne suis pas loin de croire même qu’elle est un élément indispensable. Les très bons romanciers, les plus grands, m’ont toujours semblé assez bêtes, au fond. Flaubert lui-même, hein ?… Balzac, Zola, ils en tenaient une couche ! Les plus intelligents ne sont pas vraiment doués pour le genre romanesque.

    Pour écrire de bons gros véritables romans qui tiennent la route, il faut tout de même y croire, un peu et de préférence beaucoup. Et pour croire à la fiction qu’on est en train d’écrire soi-même, il faut quand même une dose certaine de bêtise (autrement dit, pour ne pas faire de peine, de naïveté).

    Il n’empêche qu’on peut également être bête et totalement dépourvu de talent. C’est le cas le plus fréquent. Comme dit perfidement, Sylvain Tesson, l’écrivain qu’il faut actuellement ostraciser pour être bien reçu dans la confrérie des Hommes et Femmes de Lettres fréquentables, <em> »la plupart des écrivains sont de vrais écolos : ils ne laissent aucune trace ».</em>

    • « La plupart des écrivains sont de vrais écolos : ils ne laissent aucune trace. » Je note celle-là dans mon carnet de citation. Top !

    • Bonsoir Domonkos

      Je ne suis que de très loin l’actualité littéraire, le temps fera son tri, parfois injuste, de lui-même. Le patrimoine est si vaste …

      Les principales manifestations « culturelles » (rentrée littéraire, Goncourt et compagnie, printemps des poètes, …) relèvent plus, il me semble, de la sphère médiatique que de la vraie littérature. D’ailleurs, on en parle à la télévision. Et, ô surprise, dans ce domaine, les « grands » éditeurs occupent tout le terrain.

      Ainsi j’ai cru comprendre que le « Printemps » était plus ou moins inféodé à Gallimard. Dans sa collection « Poésie », où se trouve la prise de risque éditoriale ?

      On a reproché aux signataires de la tribune, avec le mépris qui s’impose pour clore définitivement le débat, d’être de parfaits inconnus, contrairement à M Tesson : la faute à qui ?

      • Tous les signataires (il y en eut quand même un certain nombre) ne sont pas « de parfaits inconnus » – ou alors, c’est la poésie en général qui est, dans ce pays, une parfaite inconnue – ; et nul n’ostracise M. Tesson, cher Domonkos. C’est contre son choix (en « padrino »), par une quasi connue du monde poétique, que s’insurgeaient les signataires.

        Au demeurant, l’argument d’autorité utilisé par les contre-signataires (du « Figaro » en particulier) n’est jamais un signe pertinent d’intelligence. On est allé jusqu’à décréter que Baudelaire était plus réac que M. Tesson… ah bon ?… et Dante Alighieri, alors ?

        Cordialement,

                  UAPI

        • Je me moque comme de mes premières chaussettes du pré… tendu, pré… tancieux, prin… temps des poètes, et de toutes les manifestations « Culturelles » complètement pourries de termites et autres parasites nuisibles, qui sont mes ennemis déclarés.

          Je me moque itou de M. Sylvain Tesson, dont j’ai tenté de lire le si révéré « panthère des neiges » (c’est bien ça le titre ? la flemme d’aller vérifier) qui m’est tombé des mains rapidement, tant le style est rempli d’affèteries (comme pratiquement toute la production littéraire actuelle).

          Je n’ai donc pas l’intention de de consacrer la moindre minute à discuter du talent ou de l’absence de talent des uns et des autres, car cela est totalement hors sujet.

          Soit dit en passant – encore un hors-sujet – je félicité Gallimard (une fois n’est pas coutume) pour sa magnifique et irremplaçable collection « Poésie » dont je ne pense que du bien.

          Et, pour que vous sachiez à partir de quelle position je prends la parole, j’ajoute que je lis assidûment des œuvres poétiques (ce sont même les seules que je lis assidûment dans les parutions récentes), que ce soit chez de petits éditeurs confidentiels ou de grands éditeurs, comme Gallimard ou Flammarion. Je défends mordicus la poésie contemporaine (comme je défends la musique contemporaine) contre ceux qui pensent qu’elle est morte avec l’abandon du vers régulier. Le terme de « vieux réac » que je mérite sur bien des sujets, ne saurait me définir complètement et absolument.

          ……………………………………………….

          Toute cette malheureusement et péniblement longue introduction pour en venir à affirmer (sans avoir besoin d’y revenir par la suite), que le problème n’est pas que la plupart des signataires de la fameuse pétition (je n’ai pas pris connaissance de la contre-pétition qui ne m’intéresse pas plus et appartient au même rituel) – parmi lesquels, pour faire nombre, figurent quantité de ces fameux « agents culturels » à l’égard desquels je me plais à répéter ma détestation – soient des inconnus ou des méconnus. Même pas qu’ils soient, pour ceux que je connais, des médiocres et des minables (je demande pardon aux deux ou trois vrais poètes qui se sont peut-être égarés en cette sinistre compagnie).

          Le problème fondamental, qui justifie à lui seul mon dégoût à l’égard de cette pétition, c’est que ces messieurs-dames s’érigent en censeurs, dans la meilleure tradition jdanovienne ou maccarthyste, au choix, et demandent « la tête » de Monsieur Tesson ou d’autres.

          Car c’est bien de cela qu’il s’agit, inutile de prétendre ou feindre de croire le contraire ! Ils ne critiquent pas la nomination de M. Tesson, ce qui serait leur droit si cette critique était fondée sur l’incompétence démontrée du nommé, non, ils s’érigent en Comité de Salut Public et refusent sa nomination et lui dénient le droit de parrainer cette manifestation, au nom d’une fumeuse idéologie qui n’a rien à voir – mais vraiment rien de rien – avec la valeur littéraire, l’esthétique, la créativité.

          Ces mouchards se sont déshonorés, déshonorent leur plume et je sais de quelle façon les aurait mouchés un Victor Hugo.

          • Vous n’aimez pas la censure : soit, je m’accorde avec vous sur le caractère précieux, d’autant plus dans des temps troublés, de la liberté. Nous devons tous veiller à préserver, dans la mesure du possible, ce bien commun, qui devrait être universel.

            Par contre, tout écrivain, qui publie son oeuvre ou émet une opinion par l’intermédiaire d’un média, au même titre que je le fais actuellement, est responsable de ses propos, et ce, d’autant plus que son « aura » intellectuelle, et par conséquent son crédit, est magnifiée par la société. Ce qui est le cas d’un écrivain « consacré ».

            Cette responsabilité s’accompagne du devoir, lui aussi universel, de se prêter à la critique : ce que bien peu acceptent aujourd’hui, hélas. Par conséquent, le choix, pour une manifestation culturelle, d’un « parrain » porteur de thèses « clivantes » ne peut pas être anodin, et ce quelles que soient ses compétences dans le domaine considéré : la littérature, à partir du moment où elle interfère avec la société, n’est plus une simple question de technique, ou d’esthétique.

            A moins qu’on n’interdise aux artistes toute prise de position dans un domaine strictement étranger à leur activité créatrice ? C’est-à-dire : qu’on leur dénie le droit d’être un simple citoyen ?

            Donc considérer les signataires comme de simples « mouchards » (mais on comprend, en fait : salauds) me semble, j’en suis désolé, assez triste. Car elle manifeste, elle aussi, une grande intolérance. Il y a, pour vous, le camp du Bien, et le camp du Mal.

          • « clivant » oh le beau mot appartenant à la novlangue ! Et encore, ne tombai-je pas dans le travers de la surestimation et ne confonds-je point « 1984 » et « Le Père Ubu » ?

            Coupable d’être « clivant » ! Oh la belle condamnation ad personam. Condamné pour ce qu’il est, réputé être, exacte définition de la diffamation.

            Je ne comprends pas grand chose à la suite de votre intervention, sinon qu’à la lire je pourrais être amené à penser que vous ressentiriez une proximité avec les petits Fouquier-Tinville qui ont signé la lettre de dénonciation (je maintiens, il ne s’agit de rien d’autre, et surtout pas d’une critique étayée qu’on serait en droit d’attendre de leur part), et je renonce à une discussion aussi viciée.

            Nommez saine critique la dénonciation diffamatoire, et mesure de salubrité l’appel à faire tomber une tête, libre à vous, nous sommes en démocratie, cela vous est permis. Vous aimeriez donc cette atmosphère de Tribunal Permanent des esprits et des consciences ? Ces avatars de l’Union des Écrivains Soviétiques ? Vous réclameriez le rétablissement de l’imprimatur ? Je ne vous ferai pas l’injure de le croire.

            Décidément, on n’en sort pas. Chaque fois les mêmes chausses-trappes, les mêmes apories, les mêmes fin de non recevoir.

            « Quelle époque opaque » comme disait le Concombre Masqué du grand Mandryka.

        • Cher ami,

          Je ne suis pas aussi dur que notre camarade quant à la notoriété plus ou moins méritée de certains signataires, pour autant je seconde son propos, c’est bien une censure, rien de moins, et un évènement d’autant plus inquiétant qu’il est spontanément initié par des auteurs et poètes, contre un auteur et poète, sans que le bras d’une indigne administration s’en mêle. Et comment puis-je vous laisser dire qu’il n’est pas ostracisé, quand ceux-ci l’accusent de « renforcer la banalisation et la normalisation de l’extrême-droite dans les sphères politique, culturelle, et dans l’ensemble de la société » sans aucune réaction du monde littéraire ? Entre le silence gênant de son organisatrice et les journaux comme ActuaLitté qui s’éparpillent sur la gestion de l’événement – mais quel lien peut-il bien avoir avec M. Tesson ? – il semble bon ton de renvoyer un auteur prolifique d’un revers de la main à une étiquette politique – un petit cénacle très à l’aise et complaisant quand il s’agit de recevoir l’extrême-gauche la plus militante, des pédophiles et j’en passe – sans s’encombrer de démontrer en quoi lui ou son œuvre fleureraient un relent de fascisme. On lui trouve ici d’avoir préfacé un livre interdit, là d’être « proche » de telle ou telle figure tabou, et pour clouer son cercueil, on fait intervenir quelque sçavant ès lettres pour tracer une ligne droite entre le style de M. Tesson et Charles Maurras. Vous devriez être inquiet d’une société dont les écrivains et hommes de lettres s’affairent plus à dénoncer, calomnier et étouffer, que confronter, répondre, et analyser.

          Cinna

  65. Désolé, ce ne sont pas des apories, et la violence de votre réponse est regrettable. Fouquier Tinville ? Allons donc, pourquoi pas Staline ?

    Il ne s’agit pas de faire tomber une tête, mais du droit au désaccord et à la critique. Un homme public est responsable de ses propos. Vous refusez ce droit à la critique, au nom de quoi ?

    D’ailleurs, pour en revenir à Victor Hugo, il a amplement professé une mission d' »enseignement » de l’art, contrairement à vos affirmations selon lesquelles le seul choix d’une personnalité littéraire devrait reposer sur « la valeur littéraire, l’esthétique, la créativité »

    • Je suis d’accord avec vous Phil. Le traitement médiatique de l’affaire, d’ailleurs, vous donne raison. Tesson est érigé en victime innocente, et les signataires de la tribune passent pour des censeurs et, comme ce sont de parfaits inconnus, pire, pour des jaloux.

      • J’ai envoyé mon commentaire sans l’avoir achevé, désolé.

        L’écrivain et traducteur Claro a écrit un article très juste sur son blog à ce sujet, dans lequel il rappelle qu’une tribune n’est pas un tribunal. On a encore le droit de s’indigner dans ce pays, de s’opposer à une nomination, bref de débattre, de polémiquer. Cela me semble aussi vieux que la littérature et n’allons pas jusqu’à plaindre Sylvain Tesson, croyez-moi, il n’en a pas besoin.

        • En parfait accord avec Cinna et Domonkos sur le sujet, j’éviterai d’offrir une simple reprise (moins bien écrite) des mêmes remarques.

          L’écoute sur les ondes hertziennes d’un débat laissant la parole à quelques signataires de cette tribune m’amène en revanche à en proposer quelques autres.

          De simples critiques, avides de débattre, et impatients de faire entendre leur analyse littéraire des oeuvres de l’impétrant? L’hypothèse n’est guère recevable, le format ainsi choisi d’une tribune en est bien la preuve, mais le discours des signataires lui-même devrait suffire à la conjurer.

          L’élément qui m’aura le plus révolté, asséné avec l’ardeur du zélote, suggérait en effet que les 200 ou 300, que sais-je, poètes associés à ce texte « représentent la poésie en France ». Leur mouvement d’humeur aurait donc une valeur, en quelque sorte, démocratique. A qui appartient la poésie? A tous les locuteurs? A ses lecteurs? A ceux, qui, parfois, s’essaient à l’écrire (combien en restent-ils)? Non, apparemment, elle est le bien d’un groupe de poètes professionnels, assermentés de fait, j’imagine, par la réception de quelque prébende public…

          La comparaison avec Fouquier-Tinville ou la période stalinienne n’est donc pas outrancière: il y a une différence de degré, convenons-en, mais une similitude nette: quand les artistes se syndiquent, non pas selon leurs affinités, qui peuvent se manifester tout à fait légitimement par une critique commune féroce, voire la détestation, de certains collègues, mais en une sorte d’Union des Ecrivains, toute prête à rejeter dans les limbes du non-art ceux qu’on ne peut pas encore faire taire, le parallèle n’est pas choquant.

          Autre point saillant de l’argumentaire: la critique du Printemps des Poètes lui-même, manifestation dont je sais fort peu, mais que ces artistes souhaiteraient clairement voir autogéré. Scandaleux, selon eux, que les payeurs puissent décider en quelque matière, quand la « démocratie » voudrait que tout parte de la base….pas le peuple (grands dieux!), mais celle, bien sûr, des clercs de l’Etat culturel. A la mesquinerie s’ajoute donc la petitesse…

          • Pour répondre à Cinna, qui affirme :  « Vous devriez être inquiet d’une société dont les écrivains et hommes de lettres s’affairent plus à dénoncer, calomnier et étouffer, que confronter, répondre, et analyser », je suis inquiet de notre société, oui, mais pas pour la même raison que vous.

            Trois cents poètes et critiques à l’audience plus ou moins « confidentielle » ne menacent pas une société, soyez sérieux. Quant à « calomnier et étouffer », c’est faux : tous les médias grand public accordent une importance bien supérieure, et bienveillante, à M Tesson (censuré, dites-vous ?), qu’à ses opposants, qui seraient, selon vous, « un petit cénacle très à l’aise et complaisant quand il s’agit de recevoir l’extrême-gauche la plus militante, des pédophiles et j’en passe », qui calomnie ? M Tesson n’a-t-il pas préfacé un ouvrage d’extrême droite ? Et je ne suis pas sûr que de nos jours, la tolérance à la pédophilie ou à des sexualités » illégales » soit aussi grande que vous le prétendez : les mentalités changent, voyez-vous (ce si décrié « wokisme », qui signifie « prise de conscience », caricaturé par certains opposants, tout aussi bien que par des tenants trop extrémistes).

            Je suis inquiet de notre société, disais-je, et cela a un rapport avec M Tesson, car elle laisse périr des milliers de personnes à ses portes, en toute indifférence, sans trouver d’autre réponse à ce drame humanitaire qu’un renforcement incessant de ses remparts. A titre personnel, je m’interroge sur notre humanité. Et, d’un simple point de vue pratique et pragmatique, je sais que c’est une stratégie perdante pour tous.

            Enfin, pour répondre à M Marsay, qui a parlé de non-art ?

        • « ’une tribune n’est pas un tribunal », ceci est parfaitement exact, en général, et devient un déni lorsque ce n’est pas conforme à la réalité comme dans le cas présent. Car il ne s’agit pas ici, de simplement manifester son désaccord avec une nomination (ce qui est légitime) mais de demander l’annulation de cette nomination : au nom de quoi, de qui s’arroge-t-on le droit de « décider » à la place de ceux à qui ce doit a été réglementairement accordé ?

          Pas plus que les signataires de la contre-tribune n’ont le droit de nommer M. Tesson, les signataires de la tribune-dénonciation n’ont le droit de l’annuler. Je vous en demande pardon, mais je suis un légaliste.

          « On a encore le droit de s’indigner dans ce pays, de s’opposer à une nomination, bref de débattre, de polémiquer. » On a le droit de s’indigner, de discuter, de débattre, de désapprouver ; quant à « s’opposer » à une décision légale ou réglementaire, il s’agit d’autre chose, on sort des clous, on se dote de pouvoirs que personne ne vous a accordés.

          Mais toutes ces arguties, n’est-ce pas, n’ont pas d’autre but que de vouloir masquer la vilaine dénonciation « politique » (donc hors sujet et sans aucune pertinence en l’espèce) sous des habits « convenables ». Changer le mal en bien, la mauvaise cause en bonne cause, à grands renforts de bons sentiments et de proclamations de vertu, c’est un vieux classique remis au goût du jour.

          Je ne défends pas M. Tesson personnellement, je défends des principes.

          Quant à savoir s’il faut « le plaindre »… chacun en sera son propre juge, selon sa sensibilité. Il n’en demeure pas moins que cette dénonciation publique, ce clouage au pilori, qui ne sont justifiés par rien (je ne crois pas que M. Tesson soit connu pour des déclarations particulièrement extrémistes et choquantes, il n’est pas non plus un responsable politique devant rendre compte de ses actes de pouvoir), est tout de même une violence, exercée en meute, à son égard. Chose insupportable à mes yeux, quelque soit la cible.

          Je comprends que la violence de certains termes utilisés dans mes interventions puissent choquer des personnes de bonne foi, et je le regrette, mais je ne retire rien, je n’affadis rien : cette « violence » (relative) qu’on peut me reprocher n’est pas gratuite, ni provocatrice : elle est nécessaire, voulant se situer à la hauteur de la violence exercée à l’encontre de M. Tesson.

          Je tente de me faire comprendre, d’exposer mes raisons, de rester dans le cadre de la raison, de montrer des dangers, je ne cherche à « vraincre » personne, ce serait sans intérêt.

          • On sait tous que le Printemps des poètes n’a rien de poétique et que la nomination d’un parrain relève du copinage, tout comme les prix littéraires. Alors l’argument légaliste, bon, ce n’est pas comme si la moitié des Français avaient voté pour Sylvain Tesson. Je ne défends pas les signataires de La Tribune, je dis juste que voir en eux des inquisiteurs, compte tenu de l’état inquiétant de notre société où l’extrême droite ne cesse de monter (Phil l’explique très bien), c’est chose très exagérée. Ont-ils eu gain de cause ? Tesson a-t-il été débarqué ? Non, les ministres de la Culture et de l’Économie ont pris sa défense. Alors arrêtons de crier au stalinisme s’il vous plaît !

          • Je ne connaissais point Tesson fils avant l’éclatement de cette polémique. Ma foi, ma foi jurée, il n’y a pas là de quoi se mettre martel en tête, moins encore instaurer une nouvelle querelle entre plumitifs vendeurs et exigeants poètes crottés. Et de fait les pièces du procès sont étiques: il préfaça la dystopie de l’infréquentable Raspail et sous couvert de grandes borées d’air sauvage ses livres fleureraient la Réaction antimoderniste et la haine du Progrès. Quelles preuves en a-t-on ? De prétendues enquêtes de presse qui se ressentent de méconnaître tant l’état de l’édition conservatrice (allez voir chez Chiré si l’on y fait la réclame des œuvres dudit Tesson) que la littérature nationaliste française. Au fond, le Sylvain est une vache à encre, un enfileur de poncifs que sa constance dans des genres où il peut faire illusion par sa rhétorique d’afféteries et son style correct et fluide ont fini par imposer à des lecteurs superficiels en quête de prêt à penser. Nul ne songe à dénoncer avec autant de zèle les folies de l’autre camp : la fausse érudition historique de Mona Cholet au service de thèses anhistoriques malhabilement décalquées des billevesées progressistes étatsuniennes, la vacuité hargneuse indissociable soit d’un faire éruptif et raboteux soit d’un style télégraphique propre aux auteurs féminolatres déballant leur misère sexuelle de victimes du patriarcat, les billevesées scripturaires de spécialistes de linguistique de troisième ordre aux productions savantes aussi décalquées que le papier-monnaie de Monsieur Law ?

          • Je corrige un point de votre propos. Il n’a pas préfacé la dystopie de Raspail (« Le camp des saints ») mais le volume Bouquins contenant des romans « exotiques » comme Moi, Antoine Tournens, Le jeu du roi et Sept cavaliers… C’est encore moins marqué.

          • Dans ce cas, horresco referens, pour quoi de matériel est-il blâmable ? Ces 1200 cagots eussent été bien mieux inspirés de rester cois…

            Merci, cher hôte, de cette lumineuse correction.

          • Comme Phil, vous tenez à parler de la question en termes politiques et idéologiques (reprenant les termes même de la pétition incriminée), afin d’en faire un casus belli, un antagonisme entre deux camps, celui du Bien et celui du Mal, et de ne surtout pas nommer la chose par son véritable nom. Cherchez dans les ouvrages de René Girard, vous le trouverez.

            Soit. C’est exactement le terrain sur lequel je refuse de vous suivre (dès que je vois l’ombre d’une idéologie se profiler, quelle qu’elle soit, je me défile et file à toute vapeur). Nous en resterons donc là – du moins, en ce qui me concerne.

          • Celui qui se promène, portant un fer porté au rouge, et cherchant sur quelle épaule l’appliquer, finit toujours par trouver.
            (Ce n’est peut-être pas terrible comme aphorisme, mais au moins je ne l’ai piqué à personne.)

          • Puisque vous évoquez Jean Raspail, NeoBirt7, je dois avouer que, pour le peu que j’ai fréquenté ses livres, il ne m’a pas paru de si haute volée que certains le prétendent. Son « Anneau du Pêcheur » ne m’ayant pas déplu (sans pour autant en tomber le cul par terre), j’ai tenté de lire son fameux « Camp des Saints » qui m’était tombé par hasard sous la main, et je dois avouer que je n’ai pas été plus loin que quelques pages, picorées de ci de là, découragé par la niaiserie du fond et la pauvreté de l’écriture (sur ces deux plans, au fond, l’exact opposé ou bien le miroir de J.M.G. Le Clézio qui se tient sur l’autre bord).

            J’en suis resté là, sans désir de perdre mon temps à y revenir. Même son célèbre roman sur ce « Roi de Patagonie » ne m’a jamais attiré, moins encore depuis mon expérience raspaillienne.

            Mais il est courant que des débats, qui ont marqué l’histoire des idées, sont partis de faits ou de personnages ou de livres qui ne semblaient pas mériter tant d’honneur ou d’indignité et qui sans cela seraient oubliés de tous.

          • Pour ma grande confusion, je dois avouer que je n’ai guère lu que des extraits, de loin en loin, de la Correspondance de Baudelaire.

            Je profite de votre présence, NeoBirt7, pour solliciter votre avis à ce sujet (j’ai le vague souvenir que vous en ayez déjà parlé, jadis ou naguère, et pas trop en bien, mais ma pauvre mémoire peut me tromper). Je ne suis pas encore bien certain d’acheter les deux volumes qui vont être repris en coffret, le printemps prochain.

            Selon vous, est-ce que ça vaut le coup ?

  66. Le site Gallimard précise un peu mieux ses projets du printemps en matière de Pléiade: le coffret Baudelaire est bien une simple réimpression sous coffret de la correspondance. Quant au volume Poe il s’agit seulement d’un coffret illustré, l’édition reste donc la même (pour les lecteurs intéressés par une belle édition et traduction moderne de Poe, achetez la chez Phébus).

    Cela relance les perspectives de nouveaux volumes et album pour le mois de mai…

    • … Traduction de Poe chez Phébus rééditée en Libretto (deux tomes sur trois pour l’instant).

      En revanche, je dois dire combien les volumes Libretto me semblent pauvrement confectionnés. Les couvertures sont génériques (bien que point laides), le papier s’abîme très facilement, la couverture se décolle aisément. Ce ne sont point des volumes un tant soit peu durables.

      • Confectionner des mauvais petits livres à date de consommation courte, pour tout dire « jetables » (comme des pots de yaourt, après en avoir consommé le contenu), m’a toujours paru une insulte à l’égard de l’oeuvre dont ils sont porteurs.

        • À plus de onze euros le volume en sus… C’est d’autant plus dommage qu’il s’agit d’une très bonne édition, abondamment annotée. (De même quelques erreurs matérielles, avec des titres manquants pour séparer les notes entre les nouvelles par exemple.)

    • en effet, réimpression de la correspondante de Baudelaire début mai et nouvelle édition de son œuvre mi-mai avec toujours un album qui lui sera donc dédié. Soit cinq volumes Baudelaire dont deux nouveaux plus l’album.

      • Comme il se trouve que je ne possède pas ces volumes de la Correspondance de Baudelaire et que j’ai un goût certain (un très mauvais-goût selon plusieurs personnes bien plus au fait de ces choses que moi, et peut-être ont-ils raison) pour les coffrets, je vais me faire le plaisir de me l’offrir. Mais non pas la réédition des Oeuvres qui figure déjà dans ma bibliothèque.

        Je me verrai offrir le nouvel album Baudelaire, sans nul doute. Ce sera la seconde fois qu’un auteur se verra consacré un deuxième album, après le cas Céline (sans qu’on en voit la nécessité en ce qui concerne Baudelaire). Décidément, toutes les traditions se perdent et le jeu à la mode chez Gallimard est le chamboule-tout. Voir encore ce curieux Poe, « tel qu’en lui-même Gallimard le change » rhabillé dans un bel (?) étui, sorte de « tirage spécial » sans l’être. Là, tout de même, ce sera sans moi, il y a des limites à ma jobardise.

        Plus ça va, plus la politique éditoriale de La Pléiade consiste, à côté de quelques rares vraies nouveautés, à recycler à l’infini, remixer comme le commun des samplers… Sortir des « best of » et des rééditions sous nouvelle couverture… Ou encore la réédition de films et de musiques sur de nouveaux supports, en y ajoutant quelques « bonus »… Des recettes « revisitées » (mot qui signifie en bon français : défigurées)… Enfin, bref, ce qui se fait dans l’air du temps, de notre temps, celui de la cuisine de nos entreprises de divertissement, d’où sort une tambouille de plus en plus immangeable.

        ……………………………………

        PS : Je viens de regarder sur la chaîne Public-Sénat un documentaire et un débat sur le grand Simon Les et sa dénonciation du maoïste. Non sans un serrement de coeur et des bouffées de honte, moi qui fleuretai avec cette mortifère idéologie dans mon âge juvénile. Le grand drame d’un peuple martyrisé, et celui d’un homme de vérité isolé et tenu à l’écart : de quoi rendre nos actuels débats sur une certaine affaire de dénonciation publique d’un écrivain médiatique assez dérisoires… Et pourtant… comme le sentiment d’une répétition, sur le mode mineur… après tout, qu’il y ait ou non mort d’homme(s), un lynchage reste un lynchage : la pire et la plus inquiétante des lâchetés. Pauvres de nous, qui sommes inguérissables.

        • Au fait, je constate que « Oeuvres » (le volume Calvino qui ne veut toujours pas dire son nom) est encore reporté (la date du 25 avril était invraisemblable) au 02 mai 2024.

          Espérons (l’espérance est un sentiment invincible) que ce surplus d’affinage dans les caves du Maître-Fromager Gallimard, nous donnera un produit encore plus savoureux !

        • Flaubert a bénéficié de ce 2ème album avant Céline. Si Gallimard renouvelle encore une fois avec Baudelaire j’avoue une certaine déception face à ce procédé, ce n’est pas comme s’il manquait d’écrivains à mettre en valeur dans cette collection…

          • Oups ! j’avais loupé le Flaubert ou je l’avais oublié.

            Donc, finalement c’est en cours pour devenir un procédé courant. Dont la signification m’échappe. Surtout en songeant à tous ceux qui n’ont pas « l’honneur » d’un album.

            Mais, la vraie question, à mes yeux, c’est quelle masse de documents nouveaux, quel nouvel éclairage, justifie un Flaubert bis et un Baudelaire bis ? Pour Céline, je veux bien croire que le dernier mot n’est pas dit, qu’il n’est pas encore figé dans une stature de « classique », que son image et la réception de l’homme et de l’oeuvre soient encore en mouvement, soumis aux changements de mentalité de notre époque, à laquelle il appartient encore tout de même. De plus, l’édition de ses oeuvres augmentée des brouillons retrouvés… Admettons.

            Mais Flaubert ! Baudelaire ! Quelle autre justification que commerciale, pour tenter de conquérir un nouveau public et surtout un nouveau marché ? Une nouvelle génération de lecteurs-acheteurs ?…

  67. DraaK, j’ai une pensée pour vous. Je viens d’acheter d’occasion le Dictionnaire du darwinisme et de l’évolution. Je l’ai trouvé à l’instant en ligne comme neuf à 150 euros. Cela me semble une bonne affaire vu la rareté et le prix éditeur.

      • Je peux évidemment vous le prêter pour un long temps si cela vous intéresse. Vous pouvez m’écrire à contact01 [AT] kingsofspeed [POINT] fr

        • Vraiment très aimable à vous, cher Vidar, mais je suis de ces inconscients qui conservent les livres qu’ils lisent ! (Nous venons de terminer une grosse extension pour y loger plus confortablement ma bibliothèque, qui aura un mur de 8 m. de long pour elle toute seule, mais sans oser le dire à mon épouse, je sais déjà que ces quelques mètres seront ridiculement insuffisants). N’était le prix de cette extension, j’aurais déjà le dictionnaire, ah ah.
          (Sinon, je pense le plus sérieusement du monde à survivre 36 ans pour atteindre 2059 et fêter le grandiose anniversaire des 200 ans de la publication de l’Origine des Espèces et profiter de toutes les éditions qui seront publiées à cette occasion).

  68. La fameuse « Intelligence Artificielle » n’est pas près d’approcher de la grandeur de l’homme ; mais l’homme se rapproche chaque jour de la petitesse de « l’Intelligence Artificielle ».

    Pour que le fameux jour où « l’IA » dominera l’homme arrive, il faut que l’homme rapetisse : c’est en bonne voie.

  69. « La localité de Spithfield semble fictive », nous disent dans leur note les éditeurs des romans, contes et nouvelles de Gautier en Pléiade à propos du passage suivant de Partie carrée :

    « Ah ! le voilà qui brasse plus de toile en une minute que dix tisserands de Spithfield n’en pourraient faire dans leur année », dit Jack

    Difficile de les blâmer, l’édition Michel Lévy de 1865, celle qu’ils ont reprise, donne bien Spithfield. Mais c’est Spithfields qu’on lit dans les feuilletons de La Presse où paraît le roman pour la première fois en 1848. Il y a fort à parier que le manuscrit a été mal retranscrit et que Gautier – familier de Londres où il avait séjourné à plusieurs reprises – fait référence à Spitalfields, quartier de Londres connu à l’époque depuis que s’y étaient établis des huguenots à la fin du XVIIe siècle pour ses tisserands et ses soyeux.

    • Merci beaucoup pour cet apport nouveau, moi qui ne vais pas tarder à me lancer (relancer) dans la lecture de Théophile Gautier dont j’adore la langue, dans la pléiade. Si par hasard, vous tombez dessus, il existe un Capitaine Fracasse au livre de poche aux couleurs flashy (orange, jaune, rose) ou le nom de l’auteur est orthographié Gauthier. Pas facile à trouver car quand Hachette s’en est aperçu, le tirage a été pilonné. Voilà de la bibliophilie à petit prix….

  70. Bonjour,

    Ayant terminé ma lecture de l’Iliade, je cherche désormais à débuter celle de l’Odyssée. Cependant – et à chaque fois que j’entreprends de lire une œuvre traduite d’une langue étrangère au français – je ne sais auprès de quelle traduction je pourrais me pourvoir. Pour la grande épopée de la colère d’Achille, je me suis contenté de celle de Paul Mazon, satisfaisante même si un peu rude et hachée. Pour le retour d’Ulysse, je pensais me munir de la traduction de Victor Bérard (que l’on trouve en Belles Lettres, Folio classique, Pléiade, Albin Michel, etc.), mais l’on ne cesse de déprécier à mes yeux la qualité de la traduction effectuée par celui-ci – qui serait invariablement inférieure à celle de Mazon. Mais alors, laquelle choisir ? J’hésite présentement entre trois traducteurs : Victor Bérard, Philippe Brunet et Philippe Jaccottet. Auriez-vous la magnanimité ainsi que la bonté de m’aiguiller dans ce périple que je m’apprête à débuter, afin que de Troie je parvienne, malgré quelques pérégrinations, à enfin toucher la glèbe nourricière de l’île d’Ithaque ?

    Hellénistiquement,
    Elie

    • Bonjour,

      Il y a en effet eu de nombreuses discussions par le passé, ici ou ailleurs (propagerlefeu) concernant les éditions d’Homère.

      J’avais retenu, au fil des discussions, les éd. suivantes pour le Grand Index Culturel, dans l’ordre :

      ►WEST Martin, 2017, sous le titre Homeri Odyssea (éd. Teubner, coll. « Bibliotheca scriptorum graecorum et romanorum ») [en grec ancien sans traduction]

      ►BÉRARD Victor, trois vol., 1924 (éd. Les Belles Lettres, coll. « Universités de France » [bilingue], reprise de la traduction aux mêmes éd.., coll. « Classiques en poche », trois vol., 1998 [bilingue] (en 2012 paraît un coffret reprenant ces trois vol. [bilingue]) ; reprise également aux éd. Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », 1955 [vol. contenant l’Illiade et l’Odyssée], reprise également in MONSACRÉ Hélène (dir.), 2019, Tout Homère (co-éd. Les Belles Lettres/Albin Michel)

      ►DUFOUR Médéric, RAISON Jeanne, 1935 (éd. Classiques Garnier, reprise aux éd. Flammarion, coll. « GF », 2009)

      Certains affectionnent la poésie de Jaccottet pour ses vers, d’autres relèvent qu’elle est cependant peu fidèle au texte grec.

    • La traduction de Victor Bérard aux Belles Lettres est assez unanimement appréciée. De mémoire, c’est celle qui figure dans le Tout Homère, dont le très sévère Neo-birt7 a dit grand bien (comprendre : il n’en a pas dit grand mal).

      J’ai lu ces textes en Belles Lettres, car il n’est pas exclu qu’une future retraite me donne le temps d’apprendre le grec et de lire dans le texte.

      Tout au plus ai-je lu un jour que l’ordre de certains passages avait été reconstitué un peu autoritairement par le traducteur, mais je parle là de sujets que j’ignore.

    • Voici le début de l’Odyssée par les trois traducteurs cités :

      Philippe Brunet (éd. Du Seuil, Paris, 2022)

      « Muse, dis-moi les détours de l’homme ruses-nombreuses,détours nombreux, lorsqu’il eut détruit Troie, citadelle très sainte !Il vit les villes, connut les coeurs de mortels innombrables,et endura sur la mer les douleurs innombrables de l’âme,en luttant pour son souffle et le retour de ses hommes !Mais, malgré tous ses efforts, il n’a pu leur offrir la vie sauve !C’est d’eux-mêmes, par leur propre folie, qu’ils périrent,les insensés ! Ils mangèrent les vaches de l’astre suprême,le Soleil, qui leur prit le jour du retour nostalgique..Fille de Zeus, commence où tu veux, mais dis-nous leur histoire. »

      Philippe Jaccottet (éd. Le Club français du livre, Paris, 1955)

      « O Muse, conte-moi l’aventure de l’Inventif :celui qui pilla Troie, qui pendant des années erra,voyant beaucoup de villes, découvrant beaucoup d’usages,souffrant beaucoup d’angoisses dans son âme sur la merpour défendre sa vie et le retour de ses marinssans en pouvoir pourtant sauver un seul, quoi qu’il en eût :par leur propre fureur ils furent perdus en effet,ces enfants qui touchèrent aux troupeaux du dieu d’En Haut,le Soleil qui leur prit le bonheur du retour …A nous aussi, Fille de Zeus, conte un peu ces exploits ! »

      Victor Bérard (éd. Les Belles Lettres, Paris, 1924)

      « C’est l’homme aux mille tours, Muse, qu’il faut me dire, Celui qui tant erra quand, de Troade, il eut pillé la ville sainte. Celui qui visita les cités de tant d’hommes et connut leur esprit, Celui qui, sur les mers, passa par tant d’angoisses, en luttant pour survivre et ramener ses gens. Hélas ! Même à ce prix, tout son désir ne put sauver son équipage : ils ne durent la mort qu’à leur propre sottise, ces fous qui, du Soleil, avaient mangé les boeufs ; c’est lui, le Fils d’En Haut, qui raya de leur vie la journée du retour.Viens, ô fille de Zeus, nous dire, à nous aussi, quelqu’un de ses exploits. »

      Bonnes Lectures

  71. Bonjour, vous avez également la traduction de Frédéric Mugler dans la collection Babel(1991) :

    Muse, dis-moi l’homme inventif, qui erra si longtemps,

    Lorsqu’il eut renversé les murs de la Sainte Ilion,

    Qui visita bien des cités, connut bien des usages,

    Et eut à endurer bien des souffrances sur les mers,

    Tandis qu’il luttait pour sa vie et le retour des siens.

    A comparer donc.

    • Bonjour.
      S’agissant du nouvel album Baudelaire…
      Mon portefeuille n’ayant hélas jamais été à la hauteur de mes désirs de pléiadophile, je n’ai acquis que très récemment l’album de 1974, d’occasion, pour le prix d’un volume « ordinaire » de la collection. C’est l’unique album Pléiade de ma bibliothèque.
      Travaillant sur Baudelaire depuis plusieurs années, et n’ayant jamais eu l’occasion de pousser les portes de la BNF, je chemine beaucoup sur Gallica et j’avais donc jusque-là puisé mon iconographie au petit bonheur la chance sur Internet, dans des résolutions ma foi honorables.
      J’ai donc eu l’habitude de visualiser tableaux, photos, fac-similés concernant Baudelaire sur l’écran (lui aussi honorable) de mon ordinateur.
      Alors lorsque j’ai ouvert ce charmant petit album, le geek-par-défaut que je suis devenu fut quelque peu… …désappointé !
      La petitesse des reproductions imprimées ne permet guère de les pleinement apprécier, hormis celles en pleine page…
      Rien à redire en revanche sur les commentaires de Claude Pichois et sur l’heureux recensement systématique des sources/origines de ces éléments d’iconographie (informations trop souvent lacunaires sur la toile)…
      Par ailleurs, mon libraire m’a expliqué avec regret que sa petite boutique de province n’avait jamais reçu le moindre agenda ou album de la Pléiade, même lorsqu’un client lui achetait plusieurs volumes en une seule fois. Je ne suis donc pas près de voir la nouvelle édition de cet album.

      Question : les autres albums publiés dans la collection ont-ils ce même « défaut » ?

      Souhait : l’une ou l’un d’entre vous, acquisition faite de cet album dans son édition de 2024, aurait-il, le cas échéant, l’amabilité de nous en dire céans quelques mots, que je puisse en humer quelque peu le contenu par procuration… ?

      Merci,
      Bien à vous,
      Krysbald.

  72. Les événements les plus improbables se produisent pourtant, parfois, au grand esbaudissement des manants. C’est ainsi que, voir paraître dans la ci-devant « prestigieuse » collection, un ouvrage de cette qualité (si l’on se fie aux intentions) et de cette originalité, nul n’osait plus le pronostiquer.

    « La Pléiade » à paraître le 25 avril 2024 :

    « C’est en 1547 que paraissent les premiers poèmes de Ronsard et de Du Bellay. En 1549-1550, Du Bellay publie La Deffence, et illustration de la langue francoyse, à la fois traité sur la langue et art poétique, et L’Olive, premier recueil de sonnets et de vers lyriques originaux en français. Ronsard donne le premier recueil d’Odes françaises. À Lyon, entre 1549 et 1552, voient le jour des volumes de poésie amoureuse dus à Pontus de Tyard et à son cousin Guillaume Des Autels, lequel prend en outre part aux débats sur les genres littéraires.
    1552 et 1553 sont des années décisives, avec Les Amours de Ronsard, ceux de Baïf, la première tragédie française à l’antique, la Cléopâtre captive de Jodelle, et le scandale des Folastries. Dans Le Cinqieme [Livre] des Odes augmenté, Ronsard insère son élégie à Jean de La Péruse, dans laquelle il sélectionne sept poètes : lui-même, Du Bellay, Tyard, Baïf, Des Autels, Jodelle et La Péruse. Le mot « Pléiade » ne figure pas dans le texte.
    Il apparaît en 1555, lorsque dans l’Hymne à Henri II Ronsard dresse une nouvelle liste. La Péruse est mort ; Des Autels, effacé. Peletier fait son apparition, et Belleau « vien[t] en la brigade / Des bons, pour acomplir la setiesme Pliade ». Cette année-là, Tyard augmente ses Erreurs amoureuses. Ronsard et Baïf chantent de nouvelles dames. Dans la Rhétorique de Foclin, les exemples sont tirés des œuvres des poètes de la Pléiade.
    La décennie où a fleuri la Pléiade est exceptionnelle dans l’histoire de la poésie comme dans celle de la langue. Ce volume donne à lire des pièces poétiques célèbres ou moins connues, fait revivre les débats poétiques et linguistiques, et propose, outre la Deffence, le premier art poétique en français, les premières tragédies et la première comédie du répertoire français, la première rhétorique moderne. La section finale est consacrée aux réactions des contemporains. »

    Événement, donc, aussi improbable que de voir la Dame du Temps Jadis révéler quelques appas et susciter encore les désirs des Lettrés, jeunes ou vieux, à l’exemple de la vieille femelle gorille de la chanson de Brassens :

    « Bah! soupirait la centenaire
    Qu’on pût encore me désirer
    Ce serait extraordinaire
    Et, pour tout dire, inespéré! »

  73. J’imagine qu’il s’agit d’une énième erreur, mais ledit site indique que le coffret de la nouvelle édition de Baudelaire sera un « coffret de deux volumes vendus ensemble, réunissant des réimpressions récentes des premières éditions (1975, 1976) »…

    • Pas d’erreur. Comprendre : « (…) des réimpressions récentes des premières éditions… de Claude Pichois (1975, 1976) ».

      Simple changement d’habit pour le coffret des « Oeuvres Complètes ». Ce sera le troisième, en comptant celui de 2018 (que je possède et trouve fort élégant), celui de 2021 (nettement moins seyant) et enfin celui annoncé pour mai 2024, dans le goût du jour ou devrais-je dire « Fashion week », qui règne actuellement (et qui me semble fort laid).

      Ce dernier changement pour un habit « s’harmonisant » (motif identique et couleur différente, laideur pour laideur) avec celui du coffret « Correspondance » à paraître ce même printemps, vise évidemment à pousser le candide lecteur-acheteur à acheter les deux coffrets du même mouvement. Chez Gallimard, un mot d’ordre commande : « Faites péter la thune ! »

      En pendant ce temps-là, on va nous infliger la énième réimpression de l’antédiluvien et hémiplégique Edgar Poe, toujours jugé indigne d’une édition complète et sérieuse, dégagée des langes baudelairiens…

      • Reste le nouvel album « Baudelaire » qu’on devra à la plume de Stephan Guégan, et qui sera axé très probablement sur le Critique d’Art, au vu du métier et des ouvrages récents de son auteur. À voir. Je ne saurais en préjuger.

        Étant allé à la pêche aux informations sur lesdits ouvrages de Stephan Guégan, je suis tombé sur la reproduction de l’entame (invitant lire la suite dans la revue) d’un article consacré à George Sand dans la « Revue des Deux Mondes » et consacré à la passion de l’écrivaine pour l’art qui lui était contemporain.

        Lisant ce texte, j’ai constaté avec un accablement teinté d’amusement que les actuels délires sur le « genre » et la sexualisation de la langue, aboutissent à un joyeux (ou déprimant, suivant l’humeur) méli-mélo.

        En effet, après une phrase où Mme Sand ne se contente plus de s’habiller en garçon mais fait sa « transition de genre », si j’en juge par l’accord du participe passé : « Et elle ne se guérira pas, jusqu’aux dendrites finales et leur tachisme à visée fantastique, des petits bonheurs de l’amateurisme éclairé, qui l’ont préparé (sic) à faire migrer la sensation, l’appréhension sensible du réel, au cœur des mots », je trouve un peu plus loin un hideux « auteure » et un fautif (voyez-là un pur procès de mauvaise intention de ma part) « petit (re-sic) Fadette », qui attestent de la fébrilité des rédacteurs et/ou correcteurs, soumis à de contradictoires injonctions, au point d’en devenir fous : « Millet, sauf erreur, n’est jamais mentionné par l’auteure de François le Champi et de La Petit Fadette. »

        Mais, bon sang de bois, où faut-il donc mettre ou ne pas mettre ces maudits « e » féminisants ? Et puis, basta, pourquoi ne pas les distribuer au hasard, personne n’y verra que du feu ! 

        • Effectivement, certains rédacteurs ont des problèmes de vocabulaire, s’ils ne connaissent la différence entre « réimpression » et « nouvelle édition ».

          Le texte qui présente le coffret est plus précis, techniquement ; et dans tous les cas, il y a la même présentation, mot pour mot, signée Claude Pichois. Ce serait quand même « plus fort que le Roquefort » comme disait Séraphin Lampion, qu’on ait demandé à Claude Pichois de produire deux éditions différentes de la même oeuvre ! À moins d’une révision, d’un toilettage ? Rien ne l’indique ni ne peut le faire penser (j’ai noté également que la pagination du coffret est exactement la même que celle des deux volumes de 1975 et 1976, mais je sais par ailleurs que Gallimard peut imposer à ses auteurs de faire des modifications de-ci, de-là, sans changer la pagination).

          De toute façon, je ne me re-paierais pas la même édition, quand bien même me dirait-on qu’on a changé ici un mot et là une date ! Faut pas trop pousser mémère, quand même, surtout que sa retraite n’a pas été revalorisée à hauteur de l’inflation, tant s’en faut.

  74. D’ailleurs moi-même, pas moins rendu fou que les autres (du moins un peu plus fou qu’avant), j’en viens à régulièrement oublier le « e » final de StéphanE Guégan. La vengeance du Serpent à Plumes freudien !

  75. Rassurez-vous, le site est mis à jour n’importe comment. Il s’agira bien d’une nouvelle édition des œuvres complètes de Baudelaire (les œuvres, et non la correspondance, dont l’édition reste inchangée), sous la direction d’André Guyaux. De ce que je sais, elle contiendra quelques inédits (notamment dans le tome 2 consacré aux écrits sur l’art), et aura le mérite de présenter à la suite les différentes éditions des Fleurs du mal au lieu de reléguer les variantes en fin de volume. Le coffret annoncé contiendra évidemment la nouvelle édition et non celle établie par C. Pichois.

    • Hé bé ! Vous m’en apprenez de belles ! Merci de nous révéler « le dessous des cartes ».

      Soit je ne sais plus lire (après tout, à mon âge, c’est bien possible), soit Gallimard embauche ses employés et ses sous-traitants chez les semi-analphabètes. Ce n’est plus de l’amateurisme, c’est du j’m’en-foutisme ou les mots n’ont plus aucune signification.

      La présence que vous signalez de «quelques inédits» notamment consacrés à l’Art, va de pair avec l’Album Baudelaire rédigé par le spécialiste de l’Art, StéphanE Guégan. Par ailleurs, il me plairait certainement d’avoir les différentes versions des «Fleurs du Mal» en Pléiade, mais, outre que je possède déjà toutes les versions dans d’autres éditions, cela ne suffira pas à me convaincre de remplacer mon Pichois par un Guyaux (autant changer l’Or en plomb), pas plus que cumuler les deux : les dimensions de ma bourse et celles de ma bibliothèque ne sont pas illimitées, et quand bien même, je ne veux pas risquer les malédictions de mes héritiers à l’adresse de mes mânes !

      Quant à l’Album Baudelaire, rédigé par StéphanE Guégan, il va s’en dire qu’en récompense de ma fidélité (et des vacances qu’il se paie régulièrement aux Seychelles grâce à mes subsides) mon libraire me l’offrira, sans me condamner pour autant à la Guyaux-tine.

    • le site est mis à jour n’importe comment

      en effet, on peut voir la parution le 2 mai prochain d’un volume de Romans — Edition d’Yves Hersant

      Romans tout court. Il faut regarder sur le lien « En savoir plus » pour savoir qu’il s’agit de romans d’Italo Calvino !

  76. Bon, pour conclure en ce qui me concerne, avant de retourner à ma semi-retraite (des lectures et des travaux d’écriture et de réécriture de textes anciens, notamment tous ceux ramenés de Wallis et Futuna, sans compter quelques obligations familiales m’occupent plus que 24 h par jour en ce moment) je me contenterai de dire mon espérance que l’aimable compagnie aura perçu dans mes propos la part de second degré et de fantaisie et ne chargera pas trop mon dossier déjà très lourd.

    La discussion sur Baudelaire, pour intéressante qu’elle soit en ce qui concerne les moeurs et les usages pléiadesques et gallimardiens, est pour moi secondaire (et encore plus, évidemment, le ridicule volume Jules Verne, que je finirai par acheter, bien sûr, fidèle entre les fidèles que je suis du vieux Jules, mais vraiment sans me presser, quand je ne saurai vraiment pas à quoi consacrer mes derniers euros).

    Ce qui m’importe vraiment, qui m’intrigue et me fait lécher les babines, le véritable événement de cette rentrée printanière, c’est le volume « La Pléiade, poésie, poétique ». Que tous les Dieux, d’ici et d’ailleurs, d’hier et d’aujourd’hui, veuillent m’épargner une cruelle déception, après tant d’autres…

  77. «Auteur d’une thèse sur les «Illuminations», André Tuyaux est l’éditeur des Œuvres complètes de Rimbaud dans la Bibliothèque de la Pléiade et l’auteur de nombreux articles sur le poète. 

    André Guyaux est également spécialiste de Baudelaire. On lui doit une édition de Fusées, Mon cœur mis à nu et La Belgique déshabillée. Sa principale contribution aux études baudelairiennes est un important ouvrage sur la « fortune » de Baudelaire : Un demi-siècle de lectures des « Fleurs du Mal » (1855-1905). Avec Antoine Compagnon, Jacques Dupont et Patrick Labarthe, il dirige la revue annuelle consacrée aux études baudelairiennes, L’Année Baudelaire.

    André Guyaux s’intéresse également à l’œuvre de Huysmans. Il a dirigé, avec Pierre Jourde, l’édition des Romans et nouvelles de Huysmans parue dans la Bibliothèque de la Pléiade en octobre 2019. Il a co-organisé l’exposition Huysmans-Moreau. Féeriques visions, au musée Gustave Moreau et assuré, avec Stéphane Guégan, le commissariat de l’exposition Huysmans et l’art. De Degas à Grünewald, au musée d’Orsay (novembre 2019-février 2020).» (Extraits de la fiche wiki)

    Tuyaux… Compagnon… Stéphane Guégan (tiens, l’heureuse rencontre)… Tout un petit monde qui tourne en rond, un petit bassin de poissons rouges dans lequel Gallimard plonge son épuisette pour nourrir sa cuisine de La Pléiade… Cela ressemble tout de même furieusement à des relations incestueuses.

    Qu’attendre de surprenant ? Comment espérer un peu de sang neuf ?

    • Encore un sale tour joué par mon « correcteur » :

      « Guyaux… Compagnon… Stéphane Guégan (tiens, l’heureuse rencontre)… « 

      et non pas « Tuyaux, etc. » Il n’y avait aucune ironie mal placée de ma part, je dois chaque fois corriger le correcteur et cette fois je l’ai malencontreusement laisser passer.

    • Cher Domonkos,

      Vous avez un avis bien rude à l’égard de Guyaux et Compagnon. J’ai pas trouvé à redire sur la besogne du premier concernant Rimbaud, et le deuxième me fait l’effet de porter bien seul le fardeaux des études barrésiennes en France. Si la qualité est au rendez-vous, est-ce bien un défaut que Gallimard fasse toujours appel aux mêmes plumes ?

      Mes amitiés,

      Cinna

      • Ma cible ce n’est pas tant les personnes prises individuellement, leurs compétences et leur limites, mais ce système étroit – copinage ou népotisme ? – fait de relations incestueuses et de consanguinité ; filons la métaphore, jusqu’à l’absurde, c’est toujours amusant : j’accuse moins les « poissons rouges » que le « pêcheur » (Gallimard) qui se contente de la pêche en petit bassin (poissons d’élevage nourris à la farine et aux granulés ?) et ne se risque pas dans la pêche au large.

        Quand je vois revenir constamment les mêmes noms, à la tête de Pléiades consacrés à moult auteurs divers et variés, je pense à ces gouvernements faits de ministres interchangeables, appartenant à un harem aux étroites limites.

        Cela m’inquiète : peut-on être à ce point multi-tâches, multi-compétent ? Ma pauvre mère, qui m’avait fabriqué avec un Italien de passage, avait l’habitude de qualifier ceux qui se vantaient de savoir tout faire de « mi fa tutti »…

        Et puis, péché de notre époque sans mémoire ni patience, ne respectant ni l’expérience ni l’endurance, cette facilité, cette vitesse avec laquelle on qualifie quelqu’un de « spécialiste », voire « grand spécialiste » (comme les reporters qui sont tous « grands » reporters) de tel auteur ou de tel domaine…

        Pardonnez-moi de parler encore de ma propre expérience (ou ne me pardonnez pas, cela ne changera rien, le mal sera fait), mais j’ai gardé en mémoire cet ami de ma jeunesse, critique et auteur de bandes dessinées, auteur de quelques romans formalistes et assez précieux, devenu depuis « spécialiste » d’Agatha Christie et de Frédéric Dard (entre autres), qui m’avait un jour avoué, m’entendant parler chaque jour ou presque de Jules Verne, qu’il était un phénomène car n’ayant jamais lu, même pas dans son enfance, un seul livre du natif de Nantes et Amiénois d’adoption… Sur sa demande je lui fis une liste de titres essentiels, et lui donnai verbalement quelques leçons de « vernologie »… Quelle ne fut ma stupéfaction lorsque je l’entendis, quelques mois plus tard seulement, qualifié « d’éminent spécialiste de Jules Verne » sur les antennes de France Inter où il était invité à faire la promotion de son premier livre sur le sujet !

        Je vous mets en garde : je parle d’une tendance à fabriquer des « spécialistes » à tout va, n’y voyez aucun rapprochement, aucune tentative d’identification avec les personnes que nous avons évoqué dans nos messages précédents, qui ne furent qu’un point de départ et ne font plus l’objet de mon commentaire.

        Bien à vous.

        • Je confirme et j’atteste sans crainte de démenti, qu’au vu de ses écrits et à l’audition de ses propos, les compétences en vernologie de mon ami d’alors égalaient – en qualité et en quantité – celles de Philippe Sollers en sinologie.

          Ce jour-là j’ai appris beaucoup sur la Vie, et particulièrement sur la vie du « Monde des Lettres ».

  78. Bonjour,

    Le 22 février à 17 h 32, Domonkos Szenes nous gratifiait de quelques lignes tirées d’un article de Stéphane Guégan et publiées dans la Revue des deux mondes.

    Pour mémoire, revoici l’extrait : « Et elle ne se guérira pas, jusqu’aux dendrites finales et leur tachisme à visée fantastique, des petits bonheurs de l’amateurisme éclairé, qui l’ont préparé (sic) à faire migrer la sensation, l’appréhension sensible du réel, au cœur des mots »

    Si vous comprenez quelque chose, merci d’éclairer ma lanterne. J’y comprends pouic et je me demande ce viennent faire les « dendrites » (prolongements des neurones) et le « tachisme » (style de peinture abstraite)…

    Cordialement,

    Marc.

    • Il est certain que détaché du contexte (et ce, de façon assez mesquine), ce passage est abscons et ne semble pas signifier pas grand-chose. Mais si l’on considère qu’il est fait allusion ici aux travaux plastiques de l’écrivain et à un procédé appelé par G. Sand elle-même dendrite (de « l’aquarelle à l’écrasage »), tout s’éclairera.

  79. Je ne lâche pas Stéphane Guégan (à moins que ce soit lui qui ne me lâche pas). Voici ce qu’il dit du prochain Jules Verne en Pléiade :

    « Quand paraît Cinq semaines en ballon (1863), l’écrivain nantais, 35 ans et enfin maître de sa forme, laisse entendre clairement son admiration pour Daniel Defoe et son Robinson Crusoé (1719), découvert enfant à travers la traduction de Pétrus Borel (1836) et les multiples adaptations récréatives à l’usage du jeune public. Le papier engendrant le papier en littérature, l’image l’image au XIXe siècle, et donc l’illustre naufragé le naufrage illustré, cette rencontre du tendre âge déterminera l’inspiration du romancier et les éditions Hetzel, également iconophiles, au-delà de ce que l’on soupçonne aujourd’hui. Ainsi le créateur des Voyages extraordinaires, lecteur aussi du Gordon Pym de Poe, auquel il donnera une suite après l’avoir lu dans la langue splendide de Baudelaire, a-t-il multiplié les robinsonnades, les voulant tantôt ironiques, tantôt seulement toniques. Jean-Luc Steinmetz, aussi féru de Borel que de Verne, a réuni trois d’entre elles, et les a lestées d’une bonne partie de leur illustration originelle. Car les romans de Verne possèdent deux langues, et invitent à jouir de l’une par l’autre, comme à rejoindre le troisième mode de l’intertextualité qui commande chacun de ses livres. C’est là où ce nouveau volume de La Pléiade produit le plus d’étincelles. Le désir tenace de refaire Robinson, que Verne a lui-même associé au délice de frayeurs précoces, ne pouvait aboutir à de banales contrefaçons. Prolonger Defoe ou Johann David Wyss, père d’un Robinson suisse plus rousseauiste et sermonneur, exigeait davantage du prosélyte français. L’Ecole des Robinsons (1882), hommage déclaré aux grands aînés, arbore la fantaisie du « plaisant » (Verne à Hetzel), et presque du comique. La scène d’entrée, au cours de laquelle se vend aux enchères une île devenue « inutile » au large de San Francisco, est à se tordre, autant qu’à méditer sur la marche et le marché du monde. L’humour domine ici jusqu’au bout, et la révélation, qu’on taira, de l’origine des félins prédateurs. A l’étape suivante (Deux ans de vacances, 1888), Robinson, quittant la gentry américaine, se réincarne et se démultiplie. A l’adulte déniaisé se substitue un groupe d’enfants, tout «un pensionnat de Robinsons» venus d’Auckland, et prêts à démontrer leur débrouillardise ou leur culture livresque. L’un des aventuriers en herbe prête voix à Verne et, note Steinmetz, au dévoilement cocasse des artifices de la fiction : « Il y a toujours un moment, s’écrie-t-il, où les sauvages arrivent, et toujours un moment où l’on en vient à bout. » L’Autre, chez Verne, se dédouble, avatars éduqués de Vendredi ou anthropophages irrécupérables. La prétendue « bonne conscience coloniale » affiche une plus grande fragilité dans ce qui forme l’ultime réponse à Defoe et, plus encore, à Wyss : Seconde patrie (1900), titre éloquent, se raccorde aussi à l’utopie de l’île bienfaisante, abri d’une refondation économique et sociale, sur qui soufflent les vents tièdes de Thomas More et de Chateaubriand, fils de Saint-Malo, autre phare de Jules Verne. »

    Articulet de complaisance, si ce n’est de commande, bien entendu, et qui me confirme dans ma dénonciation du consanguinisme du petit monde du papier et de l’encre parisien…

    La phrase « Car les romans de Verne possèdent deux langues, et invitent à jouir de l’une par l’autre, comme à rejoindre le troisième mode de l’intertextualité qui commande chacun de ses livres. » m’a fait mourir de rire : quelle façon précieuse et pseudo-savante de nous dire que Verne, très « Second Empire » dans sa dimension hoffmanienne, venu du théâtre de divertissement et n’en étant jamais revenu, a toujours été partagé entre la course au succès académique et la course au succès mondain. Que de profondeur et de lourdeur, pour parler de sa légèreté !

    Pour ma part, je n’éprouve pas le besoin d’accabler Verne d’esprit de sérieux pour le prendre au sérieux.

  80. Voici quelques jours ou semaines j’avais demandé si des lecteurs-participants de ce blog pouvaient me dire si la Correspondance de Baudelaire vaut vraiment la peine d’être acquise et lue in extenso ?

    N’en connaissant que des extraits, rencontrés au gré des biographies et autres études littéraires, je m’interroge sur l’opportunité de me payer le coffret qui va les réunir ce printemps, ou si je peux passer mon chemin sans rien rater d’essentiel.

    C’est, de ma part, une question sérieuse, au premier degré, commandée par une vraie curiosité, et non pas une blague ou l’occasion de me livrer à quelque fantaisie.

  81. Il y a un vingtaine d’années, j’ai lu la correspondance de Baudelaire. A part quelques lettres, l’ensemble est ennuyeux, répétitif, avec notamment les sempiternelles demandes d’argent à maître Ancelle. Rien à voir avec la correspondance allègre de Voltaire qui traite mille sujets, souvent futiles, parfois sérieux, ou celle de Flaubert que vous connaissez certainement.

    Cordialement,

    Marc.

    • Bien reçu.

      Merci.

      J’économiserais. Mon temps et mon argent. En vieillissant, je possède de moins en moins et de l’un et de l’autre.

      Même Stendhal, quand il ne parle que de lui (les mémoires, journaux, lettres, récits de voyage), m’ennuie.

      Je m’en suis aperçu récemment, à l’occasion de relectures : je me suis demandé pourquoi, moi le natif de Grenoble, d’ascendance italienne (et subissant l’ascendant de l’Italie), j’avais pu être à ce point fasciné dans ma jeunesse par le maître de l’égotisme ! « Et moi, et moi et moi » jusqu’à plus soif, mais pas le moindre « émoi, émoi, émoi »…

      Et, oui, Flaubert. Oui, évidemment !

      Bien à vous.

      • Pour vous, Domonkos, un extrait de ladite préface, signée Claude Pichois :« Chaque éditeur de correspondance tend à se transformer en hagiographe et à prêcher pour son saint, tout en dénigrant celui du voisin. Devra-t-on ici, afin de mieux faire saisir l’originalité de ce recueil, en découvrir d’abord les aspects négatifs ? Devra-t-on affirmer que la correspondance de Baudelaire n’a pas la variété et l’ampleur de la correspondance de George Sand ; qu’elle n’est pas, contrairement à celle de Sainte-Beuve, le film littéraire d’un demi-siècle ; qu’elle renseigne moins bien sur l’œuvre que celle de Balzac sur La Comédie humaine ; qu’elle ne fait pas, comme celle de Mérimée, la chronique de la vie politique et mondaine ; qu’elle ne propose pas, à l’instar de la correspondance de Flaubert, sur l’époque, sur l’homme, sur l’art, des réflexions dignes d’un moraliste ; qu’elle n’a pas le piquant mystérieux des lettres de Stendhal, qu’elle ne manifeste pas l’admirable dédain qu’on voit aux lettres de Vigny, ni l’amoureux délire ou la superbe indifférence que montrent les lettres de Chateaubriand, qu’elle n’offre pas la complaisante image de soi que reflète la correspondance de Victor Hugo ?Ce serait affirmer que Baudelaire n’est pas George Sand, qu’il n’est pas Sainte-Beuve, Mérimée, Balzac, Flaubert, etc. : vérité d’évidence. »

        • Merci Krysbald.

          Je ne sais pas si votre citation me convaincra d’acheter et de lire les volumes de la Correspondance de Baudelaire (mais, après tout puis-je me permettre de mourir sans avoir connu ce pan de la personnalité d’un homme qui figure tout en haut de mon panthéon personnel ?… à 14 ans, le culte de trois déités, Hugo, Baudelaire et Nerval – cherchez pas la moindre logique – m’a sans doute marqué à jamais), mais elle m’aura confirmé la valeur du style de Claude Pichois.

          Il m’est arrivé, plus d’une fois, d’acheter des livres uniquement pour le présentateur de l’oeuvre.

    • Les lettres les plus intéressantes, d’un point de vue « affectif » sont les premières du premier volume, celles que Charles enfant écrit à sa mère et à son demi-frère… d’un point de vue littéraire, ma foi… (y en a-t-il un ?)…Votre critique est juste, Marcbonetto, et c’est d’ailleurs en substance l’avertissement qu’en donne en préface Claude Pichois lui-même (j’ai les deux volumes devers moi)…Pour rendre ces deux volumes plus intéressants, je me suis adjoint en complément le volume réunissant les lettres de ses correspondants (suivant en cela les conseils de monsieur Pichois dans ladite préface) (« Lettres à Baudelaire » aux éditions de La Baconnière [Études Baudelairiennes IV-V] · établi par Pichois toujours).Comédien, metteur en scène et lecteur à voix haute, les lettres de madame de La Fayette ont finalement plus d’attraits pour moi dans leurs étranges particularismes (pour certains) ou dans « la piètre plume qui est la sienne » (pour d’autres) que les lettres de Baudelaire. Pour l’instant du moins… Car s’agissant de ces dernières, je n’ai pas encore tout lu…J’y trouve néanmoins un intérêt car je les croise sans cesse avec ses œuvres poétiques et critiques (l’appareil exégétique de ses deux volumes d’œuvres complètes y font très souvent allusion). En dehors de ces travaux d’études exégétiques, j’avoue que lire pour elle-même la correspondance de Baudelaire ne m’offre pas, pour l’instant du moins – hormis les tendres et « mignonnes » premières lettres – un plaisir immédiat…Je finis même par trouver les lettres de ses correspondants plus intéressantes…
      Cordialement,
      Krysbald.

    • En complément à la réponse de Marc, toujours extrait de la préface :
      « Un épistolier aime à écrire des lettres. Baudelaire non pas, qui se dit lui-même « malhabile » à en écrire (7 juin 1851) : « Une lettre me coûte plus à écrire qu’un volume » (16 décembre 1847). »
      Et un peu plus loin :
      « Ce que Baudelaire annonce à ses correspondants, c’est le « spectacle ennuyeux de l’immortel péché », ce sont ses difficultés et ses déboires, sa misère et jusqu’à sa misère physiologique, ses rêves avortés, les persécutions, ses humiliations – qui souvent le font penser au suicide. »

      • C’est bien ce que je disais : si Claude Pichois présentait « l’oeuvre » de « l’écriveur » Marc Lévy, il serait capable de me convaincre de lire un de ses bouquins.

  82. Bonjour,

    Certains ici ont-ils déjà pratiqué les volumes de Maurice Coyaud (je pense notamment à ses anthologies de contes, anecdotes, proverbes etc.) ? Avez-vous un avis ?

    Je vous remercie.

  83. J’ai remarqué que sur les différents sites de libraires, le volume pléiade de Dickens, La petite Dorrit – Un conte de deux villes, semble à nouveau commandable. Affaire à suivre…

  84. Pour les amateurs du genre ou de l’auteur, une édition de la « Correspondance générale » de Nerval vient de paraître aux éditions du Sandre.

    • 728 pp. 45€

      J’hésite. Chacun des trois volumes de Nerval en Pléiade comprend une section « Correspondance » chronologique. Je ne sais pas si cette édition apporte beaucoup de lettres qui ne se trouveraient pas dans ces trois volumes.

      Sur un site de librairie, il est indiqué que le volume des éditions du Sandre comprendrait « non seulement la totalité des lettres de Nerval aujourd’hui connues, mais aussi celles qui lui ont été adressées ».

      Ce qui renforce ma question : quelle est la part d’inédit ? Si je pouvais consulter cet ouvrage, le feuilleter, me rendre compte de son véritable contenu, nul doute que ma décision, dans un sens ou l’autres, serait prise immédiatement. Mais il n’y a aucune chance que cela se produise dans le semi-désert culturel où je réside.

      Je ne me leurre pas, il faudra bien un jour ou l’autre, en qualité de fanatique de Gérard Labrunie dit de Nerval que j’acquiers ce bel ouvrage, mais rien ne (me) presse. J’attendrai un moment où mes finances ne seront pas trop obérées par d’autres « achats indispensables » ou bien une occasion.

      • Peut-être notre camarade-libraire, Thomas Codaccini, pourrait-il nous en dire plus… Avez-vous eu l’ouvrage en main ?

        • C’est drôle que vous me demandiez mon avis précisément le jour où j’ai fait l’acquisition de cette Correspondance générale. Pour être franc, je ne l’ai pas encore ouverte (le temps me manque…), mais pour qui possède déjà les trois tomes de la pléiade (ce qui est mon cas), je doute qu’elle renouvelle l’approche nervalienne, même si elle présente des lettres inédites et quelques lettres soigneusement choisies de divers correspondants. Dans ce cas, me direz-vous, pourquoi me la suis-je offerte ? Eh bien, je confesse avoir un certain penchant pour les éditions du Sandre, je trouve leurs ouvrages magnifiques : de la grande littérature dans un écrin des plus élégants, souvent accompagnée d’un appareil critique ni trop léger ni trop envahissant, en tous cas suffisant pour le modeste lecteur que je suis. D’ailleurs, je recherche désespérément les Poésies complètes de Jean Lorrain, publiées par eux il y a quelques années et annoncées en réimpression depuis plusieurs mois sans que rien ne vienne ; et ne saurais que trop vous recommander, au sein de leur modeste catalogue, les œuvres complètes (en deux tomes) de René Crevel, celles de Gabriel-Albert Aurier, ainsi que Les Névroses et Le Cabinet secret de Maurice Rollinat.

          • Merci pour votre réponse éclairante. Je ne me dispenserai certainement pas de cet ouvrage. Tout ce qui est de Gérard de Nerval ou sur Gérard de Nerval m’est aussi indispensable et délectable que l’ambroisie des Dieux.

          • Je découvre grâce à vous ces Éditions du Sandre dont j’ignorais tout jusque là.

            Les Oeuvres de René Crevel, auteur pour lequel j’ai un vieil attachement, m’intéresseraient évidemment.

            Je ne connais par Gabriel-Albert Aurier et Maurice Rolinat, et je mourrai sans doute sans les connaître, car je ne suis plus à l’âge des découvertes, le temps et la phynance ne m’y autorisent plus.

            Par contre, je me paierai sans doute, incessamment sous peu, les Oeuvres de Pétrus Borel, par le même Michel Brix qui a édité la Correspondance Générale de Nerval, dont nous ne sommes pas loin, avec le Romantisme français (que je trouve, pour ma part, en l’état actuel de mon évolution, bien plus intéressant que l’Allemand, n’en déplaise aux idées re!ues), le « petit cénacle » etc.

            Et, tant qu’à faire, je suis assez intrigué par le « Sade Félon » toujours de Michel Brix, à La Chasse au Snark. Voilà de quoi me redonner goût à la vie littéraire.

          • Renseignements pris, les deux auteurs inconnus de moi que vous citez, tous deux nés à Châteauroux ! Seriez-vous un spécialiste de « la littérature castelroussine » ?

          • Du tout ! J’ignorais que ces deux-là partageaient le même lieu de naissance.

            Quant aux œuvres de Pétrus Borel, je n’avais pas mentionné l’ouvrage, mais oui, c’est une des indéniables réussites des éditions du Sandre.

            Dans leurs petits formats, je viens de faire l’acquisition de La Légende des sexes de Edmond Haraucourt, un pastiche scabreux (et bien plus court) que le grand recueil du père Hugo. C’est, sans mauvais jeu de mots, très finement troussé. Je suis amateur de toutes ces littératures de seconde zone, de tous ces petits maîtres oubliés, parfois de grands écrivains et poètes, plus ou moins célèbres en leur temps mais éclipsés par les Baudelaire, Rimbaud et autres Mallarmé. Par exemple, je me désespère qu’il n’y ait pas aujourd’hui une édition abordable (comprendre : Honoré Champion exclu) de la poésie de Théodore de Banville, pour qui Baudelaire avait une grande estime.

          • Je vous rends grâce pour Théodore de Banville. Quand j’étais écolier – au début de la seconde moitié du siècle dernier, soit en des temps quasiment bibliques – on me faisait encore apprendre des vers de ce poète et on considérait que nous nous devions de le connaître (comme Albert Samain, Francis Jammes, Emile Verhaeren…) et je lisais Maeterlinck dans Le Livre de Poche.

            Je suis tout de même allé prendre connaissance de vos deux oubliés de Châtellerault : l’un est mort très jeune en laissant une oeuvre mince (sauf en matière de critique picturale) mais Maurice Rollinat, dont on peut lire les poèmes en ligne, me paraît fort estimable, comme homme et comme poète. Si je parviens à l’âge vénérable de Mathusalem (le joli nombre de 969 années tout de même) je me le procurerai et trouverai peut-être le temps de le lire.

          • Aurier en effet fut membre avant l’heure du fameux club des 27. La postérité (et encore, timidement) a retenu le critique et théoricien d’art, qui le premier décela le génie de Van Gogh et Gauguin, et posa une définition du symbolisme qui fait encore référence. Ses œuvres complètes m’ont permis de découvrir un poète prometteur, dans cette veine fin-de-siècle que j’affectionne particulièrement, mais hélas fauché trop tôt pour passer – sur ce plan-là du moins – à la postérité.

  85. Pour les amateurs de lettres chinoises, je signale une édition des Trois Royaumes disponible à la Librairie de l’amateur à Strasbourg.

    Je n’y connais rien mais j’engage tous les curieux à visiter le site pour y consulter un descriptif complet.

    Bonne soirée à tous.

    • Au fond d’une cour, après un passage vouté, dans le vieux Strasbourg, allez-y muni d’un sac d’or…

      Je m’y suis rendu, la semaine dernière, nu et désargenté, et en suis revenu dans le même état. Heureux d’avoir tenu en main maints ouvrages qui hantent mes rêves et mes fantasmes, et de les avoir reposés respectueusement, avant qu’ils me coûtent un bras.

      Je pense, « Un Strasbourgeois », que vous voulez parler de la vieille édition de l’EFEO éditée fin des années 50 (de mémoire) à Saigon dans ce qu’on appelait encore Indochine, édition qui n’a pas dépassé le premier volume, et qui figure dans ma bibliothèque : j’ignorais que je possédais des ouvrages valant, sous d’autres cieux que ceux qui recouvrent mon village du piémont cévenol, de telles sommes ! Mon petit bouquiniste local en avalerait son bail commercial, à défaut de son bulletin de naissance !

      Comme on disait dans une pub d’une célèbre marque de rillettes : « … ………. »

      O bienheureux « Un Strasbourgeois » qui vivez dans ce pays de cocagne où les livres ne sont pas encore objet de mépris ou d’indifférence.

      ………………..

      PS : à titre de consolation, j’ai trouvé à « La Jument Verte », quelques pléiades plus à portée de ma bourse.

      • Il faut bien que Strasbourg mérite son titre de « Capitale du livre 2024 »!

        Ceci dit, j’ai déjà fait de belles trouvailles à L’Amateur à des prix tout à fait raisonnables.

        Et il reste le plaisir des yeux…

        • Le plaisir des yeux ou bien… les yeux pour pleurer (je blague, je blague !)
          J’ai tout de même trouvé ma provende à « La Jument Verte » (et j’ai, hélas, laissé les trois volumes de Tourgueniev, SVP ne vous jetez pas dessus…) où, satisfaction supplémentaire, j’ai eu affaire à des vendeurs qui n’avaient pas comme moi atteint le troisième ou le quatrième âge : cela m’a redonné quelque espoir.
          Je ne savais pas pour « Capitale du Livre 2024 » mais cela me paraît bien mérité.
          Je réitère : ô bienheureux « Un Strasbourgeois » !… (heureusement, demi-bienheureux que je suis, j’ai mon ambassadeur à Strasbourg, en la personne de mon fils, qui ne veut pour rien au monde en partir… à moins que je ne le retrouve un de ces jours du côté de Tokyo…)

        • Bonjour « Un Strasbourgeois »,
          Je vous avais répondu au sujet des librairies de Strasbourg, ainsi qu’à « Petit Rien » au sujet de la disparition de l’Arlésienne-Calvino, mais mon Mac m’a fait des blagues, je n’ai pas été reconnu par Brumes et mes réponses n’ont pas passé la douane frontalière.
          Tant pis. Pas grave. Rien d’essentiel.
          J’écris présentement sur le portable, inconfortable avec son petit clavier pour mes gros doigts, et je déteste me relire et réécrire : pour moi c’est comme remâcher les restes d’un repas refroidi.
          Je vous salue.

          • La patience est l’alliée du lecteur commentateur.

            Donc « Domonkoszen » sera reconnu à l’avenir, mais essayez (tous) au maximum de garder vos pseudonymes habituels.

            Le robot chalut bloque le chahut, mais à condition qu’il vous reconnaisse.

            Je n’ai pas forcément le temps de me connecter pour voir ce qui bloque et si c’est légitime, encore moins quand je suis en voyage.

          • Brumes, je suis complètement nul dans les relations avec mon Mac, le logiciel, et généralement tout ce qui est informatique.

            Je n’ai changé ni d’ordi, ni de pseudo, mais lors de mes dernières interventions le logiciel m’a demandé je-ne-sais-quoi, de m’identifier, trouver un nouveau mot de passe… rien compris, vous dis-je. J’ai gentiment obéi à la machine (c’est notre sort, aujourd’hui, à nous autres vieux humains obsolètes) et, le résultat est que votre « robot » ne me reconnaissait plus !

            Je ne suis qu’une pauvre créature entre les mains de la Providence-IA…

            Merci de m’avoir réintégré dans l’illustre compagnie, après un passage par le Purgatoire.

          • Je réalise, tardivement, en voyant paraître mes interventions, que j’ai bel et bien « changé de pseudonyme » (en fait échangé mon véritable nom contre son raccourci) mais ce fut à l’insu de mon plein gré. Maledizione !

      • C’est bien ce que j’ai trouvé sur le site de la librairie (et dans ma bibliothèque), suite au message de « Un Strasbourgeois ».

        C’est le même texte, traduit par Nghiêm Toan et Louis Ricaud, introduit par Nghiêm Toan, qui a été repris, puis poursuivi par Louis Ricaud et complété par Jean et Angélique Lévi, dans l’édition plus contemporaine de Flammarion. Le volume qui nous intéresse se distingue des rééditons par la présence des caractères chinois émaillant le texte et les notes (noms propres, courts poèmes) et par les illustrations traditionnelles. Mais il ne comporte que les premiers chapitres et, de toute façon, cette édition est vieillie et très insatisfaisante (je crois que NeoBirt7 en avait savamment parlé, ici même, jadis ou naguère).

        Me semble n’avoir vocation qu’à s’adresser aux spécialistes un peu archéologues de la publication des classiques chinois dans notre domaine linguistique, et les fanatiques peu ou prou fétichistes (voilà une remarque de nature à décourager l’acheteur et me rendre personna non grata dans la « Librairie de l’Amateur »). A l’époque où je l’avais acquis, dans mes vertes années, j’achetais aveuglément (à des prix qui feraient rire aujourd’hui) tout ce que je trouvais sur la Chine, et l’édition Flammarion n’était pas encore parue. 

        Il existe une autre édition chez You Feng, que je ne connais pas du tout et n’ai guère envie de connaître.

        On rêve d’une véritable édition nouvelle, complète, bien traduite, bénéficiant d’un appareil critique satisfaisant… en Pléiade, par exemple, où elle viendrait heureusement compléter les Grands Classiques chinois. 

  86. Bonjour Zino,

    Si vous passez par là :

    Vous m’aviez un jour conseillé des livres d’introduction à la stylistique. Je suis long à l’allumage mais, voilà, je m’y mets (je lis actuellement celui de Joëlle Gardes-Tamine).

    Le premier que vous conseilliez, « Introduction à la stylistique » par Karl Cogard, est introuvable.

    Vous n’auriez pas un exemplaire quelque part, à tout hasard ?

    • Draak, je vous réponds un peu tard. Ma santé… Oubliez Karl Cogard, l’ouvrage est intéressant mais daté. Préférez-lui « L’introduction à la stylistique » de Frédéric Calas. Une fois l’ouvrage lu et les notions assimilées, vous vous jetez sur «  » commentaires stylistiques  » de Garagnon, De Boissieu. Anne Marie Garagnon, professeur émérite à Paris IV, maîtrise l’exercice du commentaire stylistique à la perfection. Elle fut un modèle pour de nombreux jeunes professeurs, et son amour de la langue française, la propreté de ses analyses, la clarté de ses notules grammaticales font l’honneur du corps professoral. Hélas, Me Garagnon n’enseigne plus. Mais il reste ses livres. Procurez-les-vous. Ce n’est pas un ordre, c’est une invitation.

      • Bonjour Zino,

        Voilà qui est donc commandé. La matière m’intéresse beaucoup.

        Sachez qu’une main anonyme m’a envoyé le Cogard. J’en profite pour la remercier ici.

        Les « Cinq études sur le style de Voltaire », de Mme Garagnon, m’intéressent aussi, mais il faut que je me calme ; Pas plus tard qu’il y a une heure, je me suis commandé dix mètres de bibliothèque qui n’y suffiront pas si je ne ralentis pas le rythme.

        Prenez soin de vous Zino, et tous les autres itou.

  87. Des informations tirées de Decitre :

    • Italo Calvino : sortie repoussée au 05/09
    • Le Comte de Monte-Cristo : Etui illustré à paraître en juin
    • Manifestes du surrealisme et autres ecrits – tirage spécial André Breton le 05/09
    • Coffret historiens romains 2 volumes le 05/09
    • Effectivement, Calvino a disparu des annonces sur le site de la Pléiade. Calvino est, depuis des années, l’Arlésienne de la Pléiade !
      Il reste donc, en tout et pour tout, pour satisfaire l’appétit des pléiadophiles en ce printemps 2024, un Jules Verne (parfaitement dispensable), une « nouvelle édition » de Baudelaire (pour mon compte, à peine moins dispensable), quelques coffrets et seule vraie nouveauté, le volume sur « La Pléiade, poésie et poétique ».
      C’est trop de bonté et de générosité de la part de Sa Seigneurie Gallimard, à l’égard de ses manants.

  88. Suite à la disparition de l’Arlésienne-Calvino des parutions du printemps, le pléiadophile de base n’a plus à se mettre sous la dent,

    qu’un piètre Jules Verne dont on n’hésite à le qualifier de « nouveauté » tant, après quatre autres volumes consacrés au même Jules, il n’apporte strictement rien à la connaissance de l’auteur et de son oeuvre et n’ajoute rien (plutôt le contraire) à sa gloire ;
    et un inouï « La Pléiade, poésie et poétique » dont on a la faiblesse d’attendre beaucoup.

    Hormis cela, une « nouvelle édition » de Baudelaire qui ne va pas bouleverser l’édition baudelairienne, l’éditeur petit boutiquier, n’ayant même pas la décence de donner une véritable édition d’Edgar Poe et préférant nous refourguer, sous un « étui illustré » l’antique et insignifiante édition plus que douteuse et parcellaire qui traîne dans ses caves depuis près d’un siècle !
    Et puis, bien sûr, la kyrielle de « coffrets » (encore Baudelaire) et « d’étuis illustrés » (Le Comte de Monte Christo)… Pauvre de nous ! Battus, cocus, et censés être contents.

  89. Passionné de Jules Verne, je n’ai pas acquis le 5ème volume No 670 paru le 29 février et qui contient en 1264 p. L’École des Robinsons – Deux ans de vacances – Seconde patrie, avec environ 150 pages de notices et notes.

    Le mauvais rendu des illustrations sur papier bible, avec une vilaine transparence des textes au verso, ainsi que le problème récurrent des pièces de titre dorées grossièrement avec bavures chez Babouot, ont découragé l’acte d’achat à 65€.

    • Vous faites bien, Valère, de ne point consacrer vos écus à l’acquisition de cet ouvrage dont le contenu est aussi médiocre que le contenant (je peux vous le garantir après l’avoir lu).

      Édition par-dessus la jambe de romans parmi les plus dispensables du Maître des « Voyages Extraordinaires » (hormis « Deux Ans de Vacances » qui n’est pas sans intérêt, mais pas au point de sauver le reste).

      Faut-il voir dans cette négligence une sorte de justice immanente ?

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