Beria, Françoise Thom, Cerf, 2013
&
Beria, Jean-Jacques Marie, Tallandier, 2013
Cette note prend corps dans ma série « Autour de Staline ». Je suis conscient de ses limites, car pour être autre chose qu’une esquisse critique, elle aurait dû faire dix fois sa taille, tant il y aurait à dire de ces deux livres, dont l’un, c’est peu de le dire, m’a profondément agacé à sa (longue) lecture. Il faudrait être historien pour pouvoir reprendre l’enquête ; ma légitimité est celle d’un lecteur modestement cultivé, interpellé par ce qu’il lit.
Vingt-cinq ans après la fin de l’expérience soviétique, il est utile qu’une personnalité historique comme Lavrenti Beria, hiérarque soviétique de l’ère stalinienne, longtemps patron du NKVD, organisateur du projet atomique soviétique et réformateur avant l’heure de l’Empire rouge, fasse l’objet d’une publication biographique. Depuis le travail refondateur d’Amy Knight, paru en 1992, les meilleurs chercheurs n’avaient plus proposé de relecture complète de l’action d’un des dirigeants les plus énigmatiques de l’histoire de l’Union Soviétique. Par une heureuse coïncidence que je suppose non concertée, les éditions du Cerf et Tallandier ont proposé, à l’automne dernier, deux épais ouvrages consacrés à ce même personnage. Leur parution presque simultanée a justifié leur traitement critique contigu, hélas plutôt superficiel, dans la presse généraliste et spécialisée. Ce n’est pas cette conjonction éditoriale temporelle qui justifie que ma note de lecture réunisse ces deux livres, mais plutôt le constat de leur phénoménale hétérogénéité : ils s’apparentent, pour l’un à un plaidoyer, pour l’autre à un réquisitoire. Françoise Thom, historienne à la Sorbonne, en livrant une brique de près de mille pages, nourrie de dizaines de fonds d’archives différents, largement abreuvée par les souvenirs, problématiques, du fils de Beria, Sergo, a, selon Alain Besançon dans la dernière livraison de Commentaire, produit un « chef-d’œuvre » d’analyse politique et historique. Je serai beaucoup plus réservé sur ce gros livre partiel et partial, souvent confus, qui déborde de tant de détails que le fil général de la réflexion échappe trop souvent au lecteur. N’étant pas historien professionnel, je ne peux réfuter le travail de Mme Thom ; je me limiterai à exprimer mes interrogations de simple lecteur modérément cultivé et à partager mes étonnements quant à un livre qui souffre de plusieurs défauts à mon sens majeurs. L’ouvrage de Jean-Jacques Marie se présente sous une forme plus conventionnelle, avec son demi-millier de pages, panorama équilibré et complet, largement fondé sur des sources de seconde main. L’historien ne cache pas son trotskisme, et mêle, à une critique pertinente et puissante des sources, un ton mi-agressif, mi-sarcastique (« la génération descendante… et descendue du Politburo stalinien ») qui tranche beaucoup avec le style terne et confus de sa « rivale ». La lecture historique de Jean-Jacques Marie découle aussi, largement, de ce que l’historien perçoit, en théorie, de l’expérience stalinienne. Ces postulats, qui divergent pour partie de ceux de Mme Thom, orientent une partie de ses conclusions. Cette note, consacrée à près de 1 500 pages denses et touffues ne prétend bien évidemment pas à l’exhaustivité. Je me bornerai à soulever quelques points de divergence et de convergence entre deux travaux complémentaires et opposés.
Je dois revenir brièvement, avant d’explorer un peu ces deux travaux, à Beria lui-même. En quelques mots, qui fut-il ? Géorgien, comme Staline, issu d’un milieu modeste, Beria entre à la Tcheka (police politique) géorgienne fin 1920. Ses premières années sont assez troubles et il joue, en pleine guerre civile, auprès des nationalistes azéris, un rôle d’agent double que ses ennemis sauront rappeler aux moments opportuns. Il monte rapidement dans la hiérarchie policière du Caucase pour occuper à des postes enviables et stratégiques : chef du GPU (qui a succédé à la Tcheka) géorgien en 1926, secrétaire du PC géorgien en 1931, secrétaire du PC transcaucasien en 1932, membre du comité central en 1934, chef adjoint du NKVD en 1938, son ascension est impressionnante. Staline, pour mettre fin à la Grande Terreur, orchestrée par Iejov, le chef du NKVD, se sert de Beria, qu’il nomme à sa place pour nettoyer l’appareil policier. Pendant sept ans, Beria sera le chef incontesté de tout l’appareil répressif soviétique, dont le redoutable Goulag. En plus de nouvelles purges (dans les milieux artistiques notamment), il orchestre la déportation de peuples entiers, coupables ou seulement soupçonnés de collaboration avec l’Allemagne, vers l’Asie Centrale et la Sibérie. Après guerre, son étoile pâlit. Son alliance avec l’apparatchik Malenkov le protège de l’ascension de rivaux mais Staline rogne ses pouvoirs, les divise et place des ennemis, comme Abakoumov et Ignatiev, sur son chemin. La réussite du projet atomique, qu’il parvint à obtenir grâce à son sens certain de l’organisation, lui offre un répit mais ses jours semblent comptés lorsque Staline décède, à son grand et manifeste soulagement – les témoignages sur ce point concordent. Beria remet en cause rapidement la politique stalinienne : libération de prisonniers du goulag, volonté de négocier sur la question allemande, initiatives économiques, etc. Il effraie, par son libéralisme comme par sa brutalité, les autres hiérarques ; son action menace à la fois la mainmise militaire de l’URSS sur l’Europe de l’Est et la domination du Parti Communiste sur l’État. Les collègues de Beria s’en débarrassent, avec l’appui des militaires, peu après les émeutes ouvrières de Berlin, qu’il a en partie causées en déstabilisant la direction politique du SED (le Parti socialiste unifié d’Allemagne de l’Est). Jugé pour haute-trahison, condamné avec ses collaborateurs les plus proches, il est fusillé à une date incertaine ; il disparaît peu après, victime de damnatio memoriae, de l’Encyclopédie Soviétique et des archives. Orwell eût tiré d’intéressantes conclusions de cette vie-là.
L’expérience de la lecture successive de ces deux livres permet, en mettant de côté toute appréciation qualitative, de toucher du doigt le relativisme de toute démarche historique. Les lacunes de la connaissance historique, la disparition ou l’inaccessibilité de certaines archives, la nature partiale des témoignages à notre disposition font de l’écriture d’une biographie d’un personnage comme Lavrenti Beria une mission impossible. Les archives, triées, corrigées, mutilées, n’offrent que de bien partielles échappées sur la substance historique du stalinisme. Une part du gouvernement de l’URSS se fit, informel, au sein du premier cercle autour de Staline ; il est impossible, encore aujourd’hui, d’approcher la vérité historique de trop près. Beria suscite encore des interprétations contradictoires. Sa jeunesse en Géorgie et son ascension dans les partis locaux échappent en partie à l’historien, même quand celui-ci, comme Françoise Thom, a eu accès à des archives géorgiennes très peu exploitées avant elle. De même, l’homme privé ne tient guère que par le regard bienveillant de son fils et par celui, malveillant, des minutes de son procès ou des principaux mémorialistes du premier cercle, Khrouchtchev, Joukov ou Mikoïan. Hélas, ces témoignages varient avec le temps et le contexte politique ; tout ce qu’ils disent doit être pris avec de grandes précautions ; précautions que ne prend pas assez, à mon sens, Mme Thom. Quand on sait le nombre incalculable de complots imaginaires dont s’accusèrent, sous la torture, les victimes de Staline, on peine parfois à la suivre sur certaines conclusions ; sa lecture des sources est par trop littérale. Dans ses travaux sur Staline, Simon Sebag Montefiore, lui-même loin d’être irréprochable à cet égard, avertissait déjà ses confrères : il est presque impossible de faire la part du vrai et du faux dans les souvenirs historiques soviétiques. Ainsi Sergo Beria, qui nourrit de nombreuses analyses de Mme Thom, n’est peut-être pas aussi fiable que celle-ci le prétend. Malgré quelques épisodiques précautions méthodologiques, l’historienne se contente souvent de citer, sans les critiquer, des déclarations obtenues sous la torture, des pièces judiciaires incertaines ou des passages des souvenirs du fils Beria, lui-même mû par un compréhensible désir de réhabilitation de son père. Jean-Jacques Marie se livre à une lecture bien plus sourcilleuse des sources, mais n’a malheureusement pas poussé aussi loin que sa concurrente la recherche archivistique. L’une réalise un formidable travail d’exploration quand l’autre se livre à une démarche critique très poussée, d’où cette impression de complémentarité de deux ouvrages pourtant largement opposés.
Lavrenti Beria, que Françoise Thom, même si elle n’en voit qu’un côté, qualifie de Janus, nous échappe. Longtemps, il passa entre les mailles du filtre historique. Les historiens le considéraient comme Iejov, l’exécuteur des basses œuvres de Staline. La réputation de Beria devait beaucoup au mot sinistre du « Petit Père des Peuples » qui l’avait présenté aux diplomates américains, selon la légende, comme « son Himmler ». Chef de la police, patron de l’Archipel du Goulag, entouré d’un halo sulfureux de pervers sexuel, Beria ne rejaillissait guère, dans les études historiques, du terne premier cercle d’apparatchiks staliniens que par ses traits sanglants. Et puis les historiens se sont intéressés à la courte période de dégel qui suivit la mort de Staline, début mars 1953, jusqu’aux émeutes ouvrières de Berlin-Est, trois mois et demi plus tard. Il apparut que la fin de Staline fut suivie d’un premier et brutal mouvement de déstalinisation, bien avant que le XXe Congrès n’ébranle véritablement les fondations du culte. En trois mois, l’administration soviétique libéra une partie des détenus du Goulag, arrêta ses investigations sur le « Complot des Blouses Blanches », la dernière purge née du cerveau du tyran défunt, ordonna aux partis frères d’Europe centrale de réviser leur politique étroitement stalinienne. Les troubles berlinois de la mi-juin mirent fin à ce bref dégel. Les pages de Mme Thom sur les dissensions internes du SED sont, pour une fois, passionnantes. Lorsqu’ils s’y intéressèrent plus étroitement, les historiens comprirent que Beria y avait joué un rôle décisif. Ici, Mme Thom et M. Marie, si souvent d’un avis opposé, se rejoignent : le premier flic d’URSS, le Ministre de l’Intérieur redoutable et redouté était bien l’initiateur, trente ans avant la Perestroïka, d’une immense tentative de remise à plat du fonctionnement soviétique, économique, politique et diplomatique. Même le rôle directeur du PCUS sur l’État semblait devoir faire l’objet d’une réévaluation ! C’est la raison principale pour laquelle, aiguillés en ce sens par Khrouchtchev, patron du Parti, les membres du Premier cercle se débarrassèrent brutalement de Beria. Il ne fut pas seulement la première victime de l’ascension de Khrouchtchev, mais celui qui menaça le plus profondément les acquis de la guerre, de l’ère stalinienne et, peut-être, de la Révolution. Emprisonné, interrogé, jugé, il finit fusillé, à une date qui suscite encore quelques controverses historiques : les deux historiens sont en désaccord sur ce point, Mme Thom accorde, avec sa confiance habituelle, une crédibilité aux thèses sur le remplacement de Beria par un sosie lors de son procès, cinq mois après son arrestation, quand M. Marie, avec sa méfiance coutumière, dénonce une légende montée de toutes pièces. Il faut tout de même reconnaître à Mme Thom le mérite d’avoir reconstruit de manière satisfaisante, en s’appuyant sur les archives est-allemandes, les tortueux détours de l’affaire berlinoise et le rôle qu’y joua Beria. Jean-Jacques Marie, très critique envers elle, ne dit pas autre chose, mais sans le soutien des riches ressources explorées par l’historienne. Que Beria, longtemps envisagé comme une réplique rouge du sinistre Heinrich Himmler, ait préfiguré Nagy, Dubcek ou Gorbatchev, voilà ce qui constitue, de toute évidence, un saut historiographique majeur.
Et c’est bien là le problème du travail de Mme Thom. De cette fin « libérale » de Beria, elle tire la conclusion qu’il y a, dans le passé du patron du NKVD et du Goulag, une série de fils, que je n’ose qualifier de « rouges », qui préfigurent ce tournant, autrement incompréhensible. Elle se livre donc à un travail révisionniste – au sens le plus neutre du terme. Il vise à reconstruire la figure historique de Beria en faisant primer le libéralisme, le nationalisme géorgien, le non-communisme, l’opposition à Staline, bref, tout ce qui ferait pour un lecteur actuel de Beria une forme de personnage d’avant-garde, dont la fin tragique confirme qu’il était, pour le dire comme Lermontov, un héros de notre temps (et non du sien). Son travail élague tout ce qui pourrait ne pas correspondre à ce Beria nouveau. Un passage me semble particulièrement éclairant de cette démarche, qui n’est jamais annoncée aussi explicitement ailleurs (p. 283) : « Nous continuerons ici à nous borner à aborder les aspects de l’activité de Beria dans lesquels il a pu faire preuve d’initiative. C’est pourquoi les occupations « habituelles » du NKVD – répressions, déportations, Goulag -, qui ont fait l’objet de nombreuses études exhaustives, ne sont évoquées que dans la mesure où elles permettent de préciser le portrait politique de Beria ». En quoi le travail habituel du NKVD, dont Beria a la responsabilité, ne précise-t-il pas son portrait politique ? En quoi n’a-t-il pas vocation à figurer dans ce qui se prétend être une somme biographique ? Imagine-t-on une biographie de Joukov ne traitant pas de son action militaire ? Imagine-t-on un historien évoquer l’action d’Ernst Kaltenbrunner à la tête de la Gestapo ou d’Heinrich Himmler à la tête de la SS sans parler du travail « habituel » et respectif de la Gestapo et de la SS ? Ce passage me semble particulièrement révélateur du défaut majeur du livre de Mme Thom. Il ne s’agit pas d’une biographie, mais d’une relecture téléologique, cherchant dans la vie du hiérarque ce qui justifie son retournement libéral et sa fin tragique. Et si, pour cela, il faut passer sous silence les tortures et les exécutions (Babel ou Meyerhold entre autres) ou, pire, la déportation meurtrière d’un million d’hommes, de femmes et d’enfants, en pleine guerre, Mme Thom n’hésite pas. C’est un moyen fort commode de le dédouaner de ses responsabilités ! Or, Beria, jusque fin 1945, est bel et bien à la tête du NKVD et toutes les actions de celui-ci se font sous sa responsabilité. Le fonctionnement très particulier du gouvernement stalinien ne laisse aucun doute à cet égard : lorsque Staline commença de vouloir se débarrasser de son encombrant compatriote géorgien, il n’hésita pas à constituer des dossiers, synthétisant les erreurs et les fautes des subordonnés de Beria et les lui attribuant.
Je considère cette lacune comme une véritable faute intellectuelle, qui rend d’ailleurs difficilement compréhensible la terreur qu’est supposé faire régner Beria sur ses collègues du Politburo. À la place de ce que l’histoire retint comme les déportations des nationalités (qu’elle liquide en quelques lignes p. 282), Mme Thom nous livre des articles pointus sur l’armée Anders, le Comité Antifasciste Juif ou l’émigration géorgienne à Paris. Même écrits dans un style assez pénible, monotone, sans guère de fil directeur, ceux-ci constituent d’intéressantes quoique longuettes, monographies dont, hélas, le lecteur moyen perçoit mal le rapport réel avec Beria. En réalité, Mme Thom cherche à démontrer que Beria, par ses réseaux géorgiens à l’étranger, a joué un double-jeu, un trouble-jeu, aux dépens même de la sécurité soviétique. Comme les moyens de prouver tout cela manquent parfois, elle se lance dans de longues parenthèses sans rapport. Il est dommage que ses conclusions les plus percutantes soient noyées dans des pages filandreuses, parfois absconses, et qui n’osent pas aller au bout de leur révisionnisme. Elle collationne des faits étranges, étonnants, tous disposés un peu au hasard de ce texte obèse, pour instiller, dans l’esprit du lecteur, un doute que je ne peux faire que résumer (trop hâtivement) ainsi : Beria n’était pas communiste, c’était un nationaliste géorgien, un peu opportuniste, qui a trafiqué avec toute une série de personnages peu recommandables et s’est probablement rendu coupable de haute-trahison envers l’URSS ; il était l’opposant n°1 de Staline, du vivant de celui-ci qui voulut le détruire – d’où le travail de sape d’un Abakoumov – et n’y parvint pas ; ses « cent jours » libéraux sont parfaitement cohérents avec son parcours antérieur. Cette thèse, Mme Thom la résume en guise de conclusion lorsqu’elle explique que les hiérarques soviétiques se sont rapidement débarrassés de Beria quand ils comprirent que les motifs de l’arrestation pour trahison, en principe factices, se vérifiaient. La masse gigantesque d’informations que contient ce travail démontre son sérieux, sa méticulosité ; hélas, il est desservi par sa composition autant que par son style, par sa lecture littérale des sources et, plus profondément, par la volonté de prouver, coûte que coûte, le libéralisme et le non-communisme de Beria. En définitive, l’absence de hiérarchisation des informations, le manque de structure, la monotonie de l’ensemble, sa partialité et son manque de recul critique découragent les plus motivés de ses lecteurs.
De son côté, Jean-Jacques Marie adopte une position beaucoup plus attendue : critique, bien hiérarchisée et, malgré tout, exhaustive. Je serai plus court à son propos. Ses pages sur le procès sont très équilibrées, bien sourcées. Le travail du policier et bourreau en chef est retracé, chiffres à l’appui, avec une distance critique estimable. Il est peu de sources que cite l’historien qui ne soient interrogées. Même si son trotskisme le conduit parfois à quelques échappées hors du continuum historique, M. Marie en reste à son sujet. Les chapitres sur le nettoyage du NKVD d’Iejov, comme celles sur la déportation des « peuples-traîtres » sont à la fois synthétiques et informatives. Ils complètent fort bien les lacunes du travail de Mme Thom, lui offrant un indispensable contrepoint. Le panorama que l’historien dresse de l’action de Beria est à peu près complet. Sa lecture théorique de 1953 comme d’un moment de tension au sommet entre le Parti et l’État me semble défendable. Certes, les liens – réels – du chef du NKVD avec les milieux géorgiens mencheviks en exil sont évacués ; certes, le rôle de Beria dans l’affaire de l’armée Anders est à peine survolé. En contrepartie, il n’hésite pas à tordre le cou à certaines rumeurs, colportées avec complaisance par le fils de Beria… et qui diffèrent entre la version russe et la version française (ainsi l’opposition de Beria à l’assassinat de Trotski) ! Du sous-marin venu donner à Beria les secrets de guerre nazis au séjour d’Oppenheimer chez les Beria en passant par la préparation de la troisième guerre mondiale par Staline, Jean-Jacques Marie dénonce les invraisemblances des mémoires de Sergo Beria. Dommage que Mme Thom, qui en a assuré la traduction en français, n’ait pas, à tout le moins, la même démarche critique. Tout le problème, pour le lecteur non spécialiste est là : à qui faire confiance ? À l’historien qui n’hésite pas à critiquer les sources, quitte parfois à pousser des cris d’indignation, peu en rapport avec l’exigence de tenue scientifique ou à l’historienne qui collationne tout, jusqu’au trop-plein sans jamais, ou presque prendre de recul sur ce que disent ses sources ? Bourreau ou traître ? Exécutant opportuniste ou infiltré crypto-libéral ? Qui était vraiment Beria ? Au lecteur, à la fin de ces centaines de pages, de se prononcer, comme il peut. Janus n’a décidément pas livré ses mystères.