La Bibliothèque de la Pléiade

Version du 30 octobre 2015

Version du 19 février 2016

Version du 29 mars 2016

En décembre 2013, j’écrivis une modeste note consacrée à la politique éditoriale de la célèbre collection de Gallimard, « La Bibliothèque de la Pléiade », dans laquelle je livrais quelques observations plus ou moins judicieuses à ce propos. Petit à petit, par l’effet de mon bon positionnement sur le moteur de recherche Google et du manque certain d’information officielle sur les prochaines publications, rééditions ou réimpressions de la collection, se sont agrégés, dans la section « commentaires » de cette chronique, de nombreux amateurs. Souvent bien informés – mieux que moi – et décidés à partager les informations dont Gallimard est parfois avare, ils ont permis à ce site de proposer une des meilleures sources de renseignement officieuses à ce sujet. Comme le fil de discussions commençait à être aussi dense que long (près de 100 commentaires), et donc difficile à lire pour de nouveaux arrivants, j’ai pensé qu’il pourrait être intéressant, pour les nombreuses personnes qui trouvent mon blog par des requêtes afférentes à la « Pléiade », que toutes les informations soient regroupées sur cette page. Les commentaires y sont ouverts et, à l’exception de ce chapeau introductif, les informations seront mises à jour régulièrement. Les habitués de l’autre note sont invités à me signaler oublis ou erreurs, j’ai mis un certain temps à tout compiler, j’ai pu oublier des choses.

Cette page, fixe, ne basculera pas dans les archives du blog et sera donc accessible en permanence, en un clic, dans les onglets situés en dessous du titre du site.

Je tiens à signaler que ce site est indépendant, que je n’ai aucun contact particulier avec Gallimard et que les informations ici reprises n’ont qu’un caractère officieux et hypothétique (avec divers degrés de certitude, ou d’incertitude, selon les volumes envisagés). Cela ne signifie pas que l’information soit farfelue : l’équipe de la Pléiade répond aux lettres qu’on lui adresse ; elle diffuse aussi au compte-gouttes des informations dans les médias ou sur les salons. D’autre part, certains augures spécialistes dans la lecture des curriculums vitae des universitaires y trouvent parfois d’intéressantes perspectives sur une publication à venir. Le principe de cette page est précisément de réunir toutes ces informations éparses en un seul endroit.

J’y inclus aussi quelques éléments sur le patrimoine de la collection (les volumes « épuisés » ou « indisponibles ») et, à la mesure de mes possibilités, sur l’état des stocks en magasin (c’est vraiment la section pour laquelle je vous demanderai la plus grande bienveillance, je le fais à titre expérimental : je me repose sur l’analyse des stocks des libraires indépendants et sur mes propres observations). Il faut savoir que Gallimard édite un volume en une fois, écoule son stock, puis réimprime. D’où l’effet de yo-yo, parfois, des stocks, à mesure que l’éditeur réimprime (ou ne réimprime pas) certains volumes. Les tirages s’épuisent parfois en huit ou dix ans, parfois en trente ou quarante (et ce sont ces volumes, du fait de leur insuccès, qui deviennent longuement « indisponibles » et même, en dernière instance, « épuisés »).

Cette note se divise en plusieurs sections, de manière à permettre à chacun de se repérer plus vite (hélas, WordPress, un peu rudimentaire, ne me permet pas de faire en sorte que vous puissiez basculer en un clic de ce sommaire vers les contenus qu’ils annoncent) :

I. Le programme à venir dans les prochains mois

II. Les publications possibles ou attendues ; les séries en cours

III. Les volumes « épuisés »

IV. Les rééditions

V. Les volumes « indisponibles provisoirement »

VI. Les volumes « en voie d’indisponibilité »

Cette page réunit donc des informations sur le programme et le patrimoine de la collection.

Les mises à jour correspondent à un code couleur, indiqué en ouverture de note (ce qui évite à l’habitué de devoir tout relire pour trouver mes quelques amendements). La prochaine mise à jour aura lieu dans quelques temps, lorsque le besoin s’en fera sentir.

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I. Le programme à venir dans les prochains mois

Le programme du premier semestre 2016 est officiellement connu et publié sur le site officiel.

->Henry James : Un Portrait de femme et autres romans. Après la publication des Nouvelles complètes, Gallimard décide donc de proposer plusieurs romans de l’épais corpus jamesien. Le volume comprend quatre romans : Roderick Hudson (1876), Les Européens (1878), Washington Square (1880) et Portrait de femme (1881). La perspective de publication semble à la fois chronologique et thématique. Elle n’est pas intégrale puisque sont exclus trois romans contemporains du même auteur : Le Regard aux aguets (1871), L’Américain (1877) et Confiance (1879). En cas de succès, il paraît probable que ce volume soit néanmoins suivi d’un ou deux autres, couvrant la période 1886-1905.

On peut imaginer que le(s) volume(s) à venir comprendra/comprendront Les Bostoniennes, Ce que savait Maisie, Les Ambassadeurs, Les Ailes de la Colombe ou La Coupe d’Or, mais comme certains de ces ouvrages ont été retraduits, fort récemment, par Jean Pavans, il est difficile d’établir avec certitude ce que fera la maison Gallimard du reste de l’œuvre. La solution la plus cohérente serait de publier deux autres tomes (voire trois…).

->Mario Vargas Llosa : Œuvres romanesques I et II. M. Vargas Llosa a beaucoup publié, souvent d’épais romans (ou mémoires – comme le très recommandable Le Poisson dans l’eau). La Pléiade ne proposera qu’une sélection de huit romans parmi la vingtaine du corpus. Le premier tome couvre la période 1963-1977 et comprend La Ville et les chiens (1963), La Maison verte (1965), Conversation à La Cathedral » (1969) et La Tante Julia et le scribouillard (1977). Le deuxième tome s’étend de 1981 à 2006 et a retenu La Guerre de la fin du monde (1981), La Fête au bouc (2000), Le Paradis un peu plus loin (2003) et Tours et détours de la vilaine fille (2006).

Il faut noter l’absence des Chiots, de l’Histoire de Mayta et de Lituma dans les Andes, ainsi que des derniers romans parus. De ce que je comprends de l’entretien donné par M. Vargas Llosa au Magazine Littéraire (février 2016), cette sélection a été faite voici dix ans. Cela peut expliquer quelques lacunes. Entre autres choses, le Nobel 2010 de littérature dit aussi que, pour lui, féru de littérature française et amateur de la Bibliothèque de la Pléiade depuis les années 50, il fut plus émouvant de savoir qu’il entrerait dans cette collection que de se voir décerner le Nobel de littérature. Il faut dire qu’à la Pléiade, pour une fois, il précède son vieux rival Garcia Marquez – dont les droits sont au Seuil.

-> en coffret, les deux volumes des Œuvres complètes de Jorge Luis Borges, déjà disponibles à l’unité.

-> Jules Verne (III)Voyage au centre de la terre et autres romans. L’œuvre de Verne a fait l’objet de deux volumes en 2012 ; un troisième viendra donc les rejoindre, signe que cette publication, un peu contestée pourtant, a eu du succès. Quatre romans figurent dans ce tome : Voyage au centre de la terre (1864) ; De la terre à la lune (1865) ; Autour de la lune (1870) et, plus étonnant, Le Testament d’un excentrique (1899), un des derniers romans de l’auteur – où figure en principe une sorte de jeu de l’oie, avec pour thème les États-Unis d’Amérique (qui ne sera peut-être pas reproduit).

Un quatrième tome est-il envisagé ? Je ne sais.

-> Shakespeare, Comédies II et III (Œuvres complètes VI et VII). Gallimard continue la publication des œuvres complètes du Barde en cette année du quatre centième anniversaire de sa mort. L’Album de la Pléiade lui sera également consacré. C’est une parution logique et que nous avions, ici même, largement anticipée (ce « nous » n’est pas un nous de majesté, mais une marque de reconnaissance envers les commentateurs réguliers ou irréguliers de cette page, qui proposent librement leurs informations ou réflexions à propos de la Pléiade).

Le tome II des Comédies (VI) comprend Les Joyeuses épouses de Windsor, Beaucoup de bruit pour rien, Comme il vous plaira, La Nuit des rois, Mesure pour mesure, et Tout est bien qui finit bien.

Le tome III des Comédies (VII) comprend Troïlus et Cressida, Périclès, Cymbeline, Le Conte d’hiver, La Tempête et Les Deux Nobles Cousins.

J’ai annoncé un temps que les poèmes de Shakespeare seraient joints au volume VII des Œuvres complètes, ce ne sera pas le cas. Ils feront l’objet d’un tome VIII, à venir. Ce corpus de poésies étant restreint (moins de 300 pages, ce me semble, dans l’édition des années 50, déjà enrichie de divers essais et textes sur l’œuvre), il est probable qu’il sera accompagné d’un vaste dossier documentaire, comme Gallimard l’a fait pour les rééditions Rimbaud et Lautréamont, ou pour la parution du volume consacré à François Villon.

Le programme du second semestre 2016 a filtré ici ou là, via des « agents » commerciaux ou des vendeurs de Gallimard. Nous pouvons l’annoncer ici avec une relative certitude.

-> Après Sade et Cervantès, le tirage spécial sera consacré à André Malraux, mort voici quarante ans. Il reprendra La Condition humaine, et, probablement les romans essentiels de l’écrivain (L’Espoir, La Voie royale, Les Conquérants). Ces livres sont dispersés actuellement dans les deux premiers des six volumes consacrés à Malraux.

Je reste, à titre personnel, toujours aussi dubitatif à l’égard de cette sous-collection.

–> Premiers Écrits chrétiens, dont le maître d’œuvre est Bernard Pouderon ; selon le site même de la Pléiade, récemment et discrètement mis à jour, le contenu du volume sera composé des textes de divers apologistes chrétiens, d’expression grecque ou latine : Hermas, Clément de Rome, Athénagore d’Athènes, Méliton de Sardes, Irénée de Lyon, Tertullien, etc. Ce volume  n’intéressera peut-être que modérément les plus littéraires d’entre nous ; il pérennise toutefois la démarche éditoriale savante poursuivie avec les Premiers écrits intertestamentaires ou les Écrits gnostiques.

Pour l’anecdote, Tertullien seul figurait déjà à la Pléiade italienne, dans un épais et coûteux volume ; ici, il n’y aura bien évidemment qu’une sélection de ses œuvres.

–> Certains projets sont longuement mûris, parfois reportés, et souvent attendus des années durant par le public de la collection. D’autres, inattendus surprennent ; à peine annoncés, les voici déjà publiés. C’est le cas, nous nous en sommes faits l’écho ici-même, de Jack London. Dès cet automne, deux volumes regrouperont les principaux de ses romans, dont, selon toute probabilité Croc-blanc, L’Appel de la forêt et Martin Eden. Le programme précis des deux tomes n’est pas encore connu.

L’entrée à la Pléiade de l’écrivain américain a suscité un petit débat entre amateurs de la collection, pas toujours convaincus de la pertinence de cette parution, alors que deux belles intégrales existent déjà, chez Robert Laffont (coll. Bouquins) et Omnibus.

-> enfin, s’achèvera un très long projet, la parution des œuvres de William Faulkner, entamée en 1977, et achevée près de quarante ans plus tard. Avec la parution des Œuvres romanesques V, l’essentiel de l’œuvre de Faulkner sera disponible à la Pléiade. Ce volume contiendra probablement La Ville, Le Domaine, Les Larrons ainsi que quelques nouvelles.

Comme souvent, la Pléiade fait attendre très longtemps son public ; mais enfin, elle est au rendez-vous, c’est bien là l’essentiel.

Cette année 2016 est assez spéciale dans l’histoire de la Pléiade, car neuf volumes sur dix sont des traductions, ce qui est un record ; l’album est également consacré à un écrivain étranger, ce qui n’est pas souvent arrivé (Dostoïevski en 1975, Carroll en 1990, Faulkner en 1995, Wilde en 1996, Borges en 1999, les Mille-et-une-nuits en 2005).

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Le domaine français fera néanmoins son retour en force en 2017, avec la parution (selon des sources bien informées) de :

-> Perec, Œuvres I et II. Georges Perec ferait également l’objet de l’Album de la Pléiade. Voici quelques années déjà que l’on parle de cette parution. Des citations de Georges Perec ont paru dans les derniers agendas, M. Pradier m’avait personnellement confirmé en 2012 que les volumes étaient en cours d’élaboration pour 2013/14 ; il est donc grand temps qu’ils paraissent.

Que contiendront-ils ? L’essentiel de l’œuvre romanesque, selon toute vraisemblance (La Disparition, La vie, mode d’emploi, Les Choses, W ou le souvenir d’enfance, etc.). Le Condottiere, ce roman retrouvé par hasard récemment y sera-t-il ? Je ne le sais pas, mais c’est possible (et c’est peut-être même la raison du retard de parution).

-> Tournier, Œuvres (I et II ?). Michel Tournier l’avait confirmé lui-même ici ou là, ses œuvres devaient paraître d’ici la fin de la décennie à la Pléiade. Sa mort récente peut avoir « accéléré » le processus ; preuve en est que Pierre Assouline, très au fait de la politique de la maison Gallimard, a évoqué, sur son site et dans son hommage à l’auteur, la parution pour 2016 de ces deux volumes. Il s’est peut-être un peu trop avancé, mais selon nos informations, un volume (au moins) paraîtrait au premier semestre 2017 (ou bien les deux ? rien n’est certain à cet égard), ce qu’Antoine Gallimard a confirmé au salon du livre.

-> Quand on aime la Pléiade, il faut être patient. Après dix-sept ans d’attente, depuis la parution du premier volume, devrait enfin sortir des presses le tome Nietzsche II. Cette série a été ralentie par les diverses turpitudes connues par les éditeurs du volume. La direction de ce tome, et du suivant, est assurée par Marc de Launay et Dorian Astor.

Cela fait quatre ou cinq tomes, soit l’essentiel du premier semestre. D’autres volumes sont attendus, mais sans certitude, pour un avenir proche, peut-être au second semestre 2016 :

-> Flaubert IV : la série est en cours (voir plus bas), le volume aurait été rendu à l’éditeur. On évoquait ici-même sa parution pour 2015.

-> Nimier, Œuvres. Je n’oublie pas que l’Agenda 2014 arborait une citation de Nimier, ce qui indique une parution prochaine.

-> Beauvoir, Œuvres autobiographiques. Ce projet se confirme d’année en année : annoncé par les représentants Gallimard vers 2013-2014, il est attesté par la multiplication des mentions de Simone de Beauvoir dans l’agenda 2016 (cinq, dans « La vie littéraire voici quarante ans », qui ouvre le volume). Gallimard est coutumier du fait : il communique par discrètes mentions d’auteurs inédits, dans les agendas, que les pléiadologues décryptent comme, jadis, les kremlinologues analysaient le positionnement des hiérarques soviétiques lors des défilés du 1er mai.

-> Leibniz : un volume d’Œuvres littéraires et philosophiques s’est vu attribuer un numéro d’ISBN (cf. sur Amazon). C’est un projet qui avait été évoqué dans les années 80, mais plus rien n’avait filtré le concernant depuis. Je n’ai (toujours) pas trouvé de mention de ce volume dans des CV d’universitaires. Comme pour Nietzsche II, je tiens cette sortie pour possible (ISBN oblige) mais encore incertaine. Cependant, le site Amazon indique une parution au 1er mars… 1997 : n’est-ce pas là, tout simplement, un vieux projet avorté, et dont l’ISBN n’a jamais été annulé ? À bien y réfléchir, l’abandon est tout à fait plausible.

-> D’autres séries sont en cours et pourraient être complétées : Brontë III, Stevenson III, Nabokov III, la Correspondance de Balzac III. D’autres séries, en panne, ne seront pas plus complétées en 2016 que les années précédentes (cf. plus bas) : Vigny III, Luther II, la Poésie d’Hugo IV et V, les Œuvres diverses III de Balzac, etc.

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II. Les publications possibles ou attendues ; les séries en cours

a) Nouveaux projets et rééditions

Les volumes que je vais évoquer ont été annoncés ici ou là, par Gallimard. Si dix nouveaux volumes de la Pléiade paraissent chaque année, vous le constaterez, la masse des projets envisagés énumérés ci-dessous nous mène bien au-delà de 2020.

–> un choix de Correspondance de Sade ;

–> les œuvres romanesques de Philip Roth, en deux volumes ; une mention de Roth, dans l’agenda 2016, atteste que ce projet est en cours.

–> l’Anthologie de la poésie américaine ; les traducteurs y travaillent depuis un moment ;

–> une nouvelle édition des œuvres de Descartes et de la Poésie d’Apollinaire (direction Étienne-Alain Hubert) ; Jean-Pierre Lefebvre travaille en ce moment sur une retraduction des œuvres de Kafka, une nouvelle édition est donc à prévoir (les deux premiers tomes seulement ? les quatre ?) ; une nouvelle version de L’Histoire de la Révolution française, de Jules Michelet est en cours d’élaboration également ;

–> Une autre réédition qui pourrait bien être en cours, c’est celle des œuvres de Paul Valéry, qui entreront l’an prochain dans le domaine public ; certains indices dans le Paul Valéry : une Vie, de Benoît Peeters, récemment paru en poche, peuvent nous en alerter ; la réédition des Cahiers, autrefois épuisés, n’est certes pas un « bon » signe (cela signifie que Gallimard ne republiera pas de version amendée d’ici peu – ce qui ne serait pourtant pas un luxe, l’édition étant ancienne, partielle et, admettons-le, peu accessible) ; en revanche, les Œuvres pourraient faire l’objet d’une révision, comme l’ont été récemment les romans de Bernanos ou les pièces et poèmes de Péguy. La publication de la Correspondance de Valéry pourrait être une excellente idée, d’un intérêt certain – mais c’est là seulement l’opinion du Lecteur (Valéry y est plus vif, moins sanglé que dans ses œuvres).

–> Tennessee Williams, probablement dirigée par Jean-Michel Déprats ; une mention discrète dans l’agenda 2016 tend à confirmer cette parution à venir ;

–> Blaise Cendrars, un troisième volume, consacré à ses romans (les deux premiers couvraient les écrits autobiographiques) ; selon le CV de Mme Le Quellec, collaboratrice de cette édition, ce volume paraîtrait en 2017 ;

–> George Sand : une édition des œuvres romanesques serait en cours ; l’équipe est constituée.

–> De même, Michel Onfray a évoqué par le passé, dans un entretien, l’éventuelle entrée d’Yves Bonnefoy à la Pléiade. Ce projet est littérairement crédible, d’autant plus que l’Agenda 2016 cite plusieurs fois Bonnefoy. Je suppose qu’il s’agira d’Œuvres poétiques complètes, ne comprenant pas les nombreux ouvrages de critique littéraire. Quelque aventureux correspondant a posé franchement la question auprès de Gallimard, qui lui a répondu que Bonnefoy était bien en projet.

-> Il faut également s’attendre à l’entrée à la Pléiade du médiéviste Georges Duby. Une information avait filtré en ce sens dans un numéro du magazine L’Histoire ; cette évocation dans l’agenda, redoublée, atteste de l’existence d’un tel projet. J’imagine plutôt cette parution en un tome (ou en deux), comprenant plusieurs livres parmi Seigneurs et paysans, La société chevaleresque, Les Trois ordres, Le Dimanche de Bouvines, Guillaume le Maréchal, et Mâle Moyen Âge.

-> Le grand succès connu par le volume consacré à Jean d’Ormesson (14 000 exemplaires vendus en quelques mois) donne à Gallimard une forme de légitimité pour concevoir un second volume ; les travaux du premier ayant été excessivement vite (un ou deux ans), il est possible de voir l’éditeur publier ce deuxième tome dès 2017…

-> Jean-Yves Tadié a expliqué, en 2010, dans le Magazine littéraire, qu’il s’occupait d’une édition de la Correspondance de Proust en deux tomes. Cette perspective me paraît crédible et point trop ancienne. À confirmer.

–> Textes théâtraux du moyen âge ; en deux volumes, j’en parle plus bas, c’est une vraie possibilité, remplaçant Jeux et Sapience, actuellement « indisponible ». La nouvelle édition, intitulée Théâtre français du Moyen Âge est dirigée par J.-P.Bordier.

–> Soseki ; le public français connaît finalement assez mal ce grand écrivain japonais ; pourtant sa parution en Pléiade, une édition dirigée par Alain Rocher, est très possible. Elle prendra deux volumes, et les traductions semblent avoir été rendues.

–> Si son vieux rival Mario Vargas Llosa vient d’avoir les honneurs de la collection, cela ne signifie pas que Gabriel Garcia Marquez soit voué à en rester exclu. Dans un proche avenir, la Pléiade pourrait publier une sélection des principaux romans de l’écrivain colombien.

–>Enfin, et c’est peut-être le scoop de cette mise à jour, selon nos informations, officieuses bien entendu, il semblerait que les Éditions de Minuit et Gallimard aient trouvé un accord pour la parution de l’œuvre de Samuel Beckett à la Pléiade, un projet caressé depuis longtemps par Antoine Gallimard. Romans, pièces, contes, nouvelles, en français ou en anglais, il y a là matière pour deux tomes (ou plus ?). Il nous faut désormais attendre de nouvelles informations.

Cette première liste est donc composée de volumes dont la parution est possible à brève échéance (d’ici 2019).

Je la complète de diverses informations qui ont circulé depuis trente ans sur les projets en cours de la Pléiade : les « impossibles » (abandonnés), les « improbables » (suspendus ou jamais mis en route), « les possibles » (projet sérieusement évoqué, encore récemment, mais sans attestation dans l’Agenda et sans équipe de réalisation identifiée avec certitude).

A/ Les (presque) impossibles

-> Textes philosophiques indiens fondamentaux ; une édition naguère possible (le champ indien a été plutôt enrichi en 20 ans, avec le Ramayana et le Théâtre de l’Inde Ancienne), mais plutôt risquée commercialement et donc de plus en plus incertaine dans le contexte actuel. Zéro information récente à son sujet.

–> Xénophon ; cette parution était très sérieusement envisagée à l’époque du prédécesseur de M. Pradier, arrivé à la direction de la Pléiade en 1996 ; elle a été au mieux suspendue, au pire abandonnée.

–> Écrits Juifs (textes des Kabbalistes de Castille) ; très improbable en l’état économique de la collection.

–> Mystiques médiévaux ; aucune information depuis longtemps.

–> Maître Eckhart ; la Pléiade doit avoir renoncé, d’autant plus que j’ai noté la parution, au Seuil, cet automne 2015, d’un fort volume de 900 pages consacré aux sermons, traités et poèmes de Maître Eckhart ; projet abandonné.

–> Joanot Martorell ; le travail accompli sur Martorell a été basculé en « Quarto », un des premiers de la collection ; la Pléiade ne le publiera pas, projet abandonné.

–> Chaucer ; projet abandonné de l’aveu de son maître d’œuvre (le travail réalisé par les traducteurs a pu heureusement être publié, il est disponible via l’édition Bouquins, parue en 2010).

-> Vies et romans d’Alexandre est un volume qui a été évoqué depuis vingt-cinq ans, sans résultat tangible à ce jour. Jean-Louis Bacqué-Grammont et Georges Bohas étaient supposés en être les maîtres d’œuvre. Une mention récente dans Parole de l’orient (2012) laisse à penser que le projet a été abandonné. En effet, une partie des traductions a paru en 2009 dans une édition universitaire et l’auteur de l’article explique que ce « recueil était originellement prévu pour un ouvrage collectif devant paraître dans la Pléiade ». C’est mauvais signe.

Ces huit volumes me paraissent abandonnés.

B/ Les improbables

–> Aimé Césaire, Léon Gontran Damas et Léopold Sedar Senghor ; ce tome était attendu pour 2011 ou 2012, le projet semble mettre un peu plus de temps que prévu. Selon quelques informations recueillies depuis, il semble que, malgré l’effet d’annonce, la réalisation ce volume n’a jamais été vraiment lancée.

–> Saikaku ; quelques informations venues du traducteur, M. Struve, informations vieilles maintenant de dix ans ; notre aruspice de CV, Geo, est pessimiste, du fait du changement opéré dans l’équipe de traduction en cours de route.

–> Carpentier ; cela commence à faire longtemps que ce projet est en cours, trop longtemps (plus de quinze ans que Gallimard l’a évoqué pour la première fois). Carpentier est désormais un peu oublié (à tort). Ce projet ne verra probablement pas le jour.

–> Barrès ; peu probable, rien ne l’a confirmé ces derniers temps…

–> la perspective de la parution d’un volume consacré à Hugo von Hofmannsthal avait été évoquée dans les années 90 (par Jacques Le Rider dans la préface d’un Folio). La Pochothèque et l’Arche se sont occupés de republier l’écrivain autrichien. Cette parution me paraît abandonnée.

–> En 2001, Mme Naudet s’est chargée du catalogage des œuvres de Pierre Guyotat en vue d’une possible parution à la Pléiade. Je ne pense pas que cette réflexion, déjà ancienne, ait dépassé le stade de la réflexion. Gallimard a visiblement préféré le sémillant d’Ormesson au ténébreux Guyotat.

-> Voici quelques années, M. Pradier, le directeur de la collection avait évoqué diverses possibilités pour la Pléiade : Pétrarque, Leopardi et Chandler. Ce n’étaient là que pistes de réflexions, il n’y a probablement pas eu de suite. Un volume Pétrarque serait parfaitement adapté à l’image de la collection et son œuvre y serait à sa place. Je ne sais pas si la perspective a été creusée. Boccace manque aussi, d’ailleurs. Pour Leopardi, le fait qu’Allia n’ait pas réussi à écouler le Zibaldone et la Correspondance (bradée à 25€ désormais) m’inspirent de grands doutes. Le projet serait légitime, mais je suis pessimiste – ce qui est logique en parlant de l’infortuné poète bossu. Enfin, Chandler a fait l’objet depuis d’un Quarto, et même s’il est publié aux Meridiani (pléiades italiens), je ne crois pas à sa parution en Pléiade.

Ces neuf volumes me paraissent incertains. Abandon possible (ou piste de réflexion pas suivie).

C/ Les plausibles

–> Nathaniel Hawthorne ; à la fois légitime (du fait de l’importance de l’auteur), possible (du fait du tropisme américain de la Pléiade depuis quelques années) et annoncé par quelques indiscrétions ici ou là. On m’a indiqué, parmi l’équipe du volume, les possibles participations de M. Soupel et de Mme Descargues.

-> Le projet de parution d’Antonin Artaud à la Pléiade a été suspendu au début des années 2000, du fait des désaccords survenus entre la responsable du projet éditorial et les ayants-droits de l’écrivain ; il devrait entrer dans le domaine public au 1er janvier 2019 et certains agendas ont cité Artaud par le passé ; un projet pourrait bien être en cours, sinon d’élaboration, tout du moins de réflexion.

–> Romain Gary, en deux tomes, d’ici la fin de la décennie.

–> Kierkegaard ; deux volumes, traduits par Régis Boyer, maître ès-Scandinavie ; on n’en sait pas beaucoup plus et ce projet est annoncé depuis très longtemps.

–> Jean Potocki ; la découverte d’un second manuscrit a encore ralenti le serpent de mer (un des projets les plus anciens de la Pléiade à n’avoir jamais vu le jour).

–> Thomas Mann ; il faudrait de nouvelles traductions, et les droits ne sont pas chez Gallimard (pas tous en tout cas) ; Gallimard attend que Mann tombe dans le domaine public (une dizaine d’années encore…), selon la lettre que l’équipe de la Pléiade a adressé à un des lecteurs du site.

–> Le dit du Genji, informations contradictoires. Une nouvelle traduction serait en route.

–> Robbe-Grillet : selon l’un de nos informateurs, le projet serait au stade de la réflexion.

–> Huysmans : Michel Houellebecq l’a évoqué dans une scène son dernier roman, Soumission ; le quotidien Le Monde a confirmé que l’écrivain avait été sondé pour une préface aux œuvres (en un volume ?) de J.K.Huysmans, un des grands absents du catalogue. Le projet serait donc en réflexion.

–> Ovide : une nouvelle traduction serait prévue pour les années à venir, en vue d’une édition à la Pléiade.

–> « Tigrane », un de nos informateurs, a fait état d’une possible parution de John Steinbeck à la Pléiade. Information récente et à confirmer un jour.

–> Calvino, on sait que la veuve de l’écrivain a quitté le Seuil pour Gallimard en partie pour un volume Pléiade. Édition possible mais lointaine.

–> Lagerlöf, la Pléiade n’a pas fermé la porte, et un groupe de traducteurs a été réuni pour reprendre ses œuvres. Édition possible mais lointaine.

Enfin, j’avais exploré les annonces du catalogue 1989, riche en projets, donc beaucoup ont vu le jour. Suivent ceux qui n’ont pas encore vu le jour (et qui ne le verront peut-être jamais) – reprise d’un de mes commentaires de la note de décembre 2013.

– Akutagawa, Œuvres, 1 volume (le projet a été abandonné, vous en trouverez des « chutes » ici ou là)
Anthologie des poètes du XVIIe siècle, 1 volume (je suppose que le projet a été fondu et  dans la réfection de l’Anthologie générale de la poésie française ; abandonné)
Cabinet des Fées, 2 volumes (mes recherches internet, qui datent un peu, m’avaient laissé supposer un abandon complet du projet)
– Chénier, 1 volume, nouvelle édition (abandonné, l’ancienne édition est difficile à trouver à des tarifs acceptables – voir plus bas)
Écrits de la Mésopotamie Ancienne, 2 volumes (probablement abandonné, et publié en volumes NRF « Bibliothèque des histoires » – courants et néanmoins coûteux, dans les années 90)
– Kierkegaard, Œuvres littéraires et philosophiques complètes, 3 volumes (serpent de mer n°1)
– Laforgue, Œuvres poétiques complètes, 1 volume (abandonné, désaccord avec le directeur de l’ouvrage, le projet a été repris, en 2 coûteux volumes, par L’Âge d’Homme)
– Leibniz, Œuvres, 3 volumes : un ISBN attribué à un volume Leibniz a récemment été découvert. Les possibilités d’édition de Leibniz dans la Pléiade, avec une envergure moindre, sont donc remontées.
– Montherlant, Essais, Volume II (voir plus bas)
Moralistes français du XVIIIe siècle, 2 volumes (aucune information récente, abandonné)
Orateurs de la Révolution Française, volume II (mis en pause à la mort de François Furet… en 1997 ! et donc abandonné)
– Potocki, Manuscrit trouvé à Saragosse, 1 volume (serpent de mer n°1 bis)
– Chunglin Hsü, Roman de l’investiture des Dieux, 2 volumes (pas de nouvelles, le dernier roman chinois paru à la Pléiade, c’était Wu Cheng’en en 1991, je penche pour l’abandon du projet)
– Saïkaku, Œuvres, 2 volumes (cas exploré plus haut)
– Sôseki, Œuvres, 2 volumes (cas exploré plus haut)
– Tagore, Œuvres, 2 volumes (le projet a été officiellement abandonné)
Théâtre Kabuki, 1 volume (très incertain, aucune information à ce sujet)
Traités sanskrits du politique et de l’érotique (Arthasoutra et Kamasoutra), 1 volume (idem)
– Xénophon, Œuvres, 1 volume (évoqué plus haut)

b) Les séries en cours :

Attention, je n’aborde ici que les séries inédites. J’évoque un peu plus bas, dans la section IV-b, le cas des séries en cours de réédition, soit exhaustivement : Racine, La Fontaine, Vigny, Balzac, Musset, Marivaux, Claudel, Shakespeare et Flaubert.

Aragon : l’éventualité de la publication un huitième volume d’œuvres, consacré aux écrits autobiographiques, a pu être discutée ; elle est actuellement, selon toute probabilité, au stade de l’hypothèse.

Aristote : le premier tome est sorti en novembre 2014, sans mention visuelle d’un quelconque « Tome I ». Le catalogue parle pourtant d’un « tome I », mais il a déjà presque un an, l’éditeur a pu changer d’orientation depuis. La suite de cette série me paraît conditionnelle et dépendante du succès commercial du premier volume. Néanmoins, les maîtres d’œuvre évoquent, avec certitude, la parution à venir des tomes II et III et l’on sait désormais que Gallimard ne souhaite plus numéroter ses séries qu’avec parcimonie. Il ne faut pas être pessimiste en la matière, mais prudent. En effet, la Pléiade a parfois réceptionné les travaux achevés d’éditeurs pour ne jamais les publier (cas Luther, voir quelques lignes plus bas).

Brecht : l’hypothèse d’une publication du Théâtre et de la Poésie, née d’annonces vieilles de 25 ans, est parfaitement hasardeuse. La mode littéraire brechtienne a passé et l’éditeur se contentera probablement d’un volume bizarre d’Écrits sur le théâtre. Dommage qu’un des principaux auteurs allemands du XXe siècle soit ainsi mutilé.

Brontë :  Premier volume en 2002, deuxième en 2008, il en reste un, Shirley-Villette. Il n’y a pas beaucoup d’information à ce sujet, mais le délai depuis le tome 2 est normal, il n’y a pas d’inquiétude à avoir pour le moment. La traduction de Villette serait achevée.

Calvin : L’Institution de la religion chrétienne est absent du tome d’Œuvres. Aucun deuxième volume ne semble pourtant prévu.

Cendrars : voir plus haut, un volume de Romans serait en cours de préparation.

Écrits intertestamentaires : un second volume, dirigé par Marc Philonenko, serait en chantier, et quelques traductions déjà achevées.

Giraudoux : volume d’Essais annoncé au début des années 90. Selon Jacques Body, maître d’œuvre des trois volumes, et que j’ai personnellement contacté, ce quatrième tome n’est absolument pas en préparation. Projet abandonné.

Gorki : même situation que Brecht et Faulkner, réduction de voilure du projet depuis son lancement. Suite improbable.

Green : je l’évoque plus bas, dans les sections consacrées aux volumes « indisponibles » et aux volumes en voie d’indisponibilité. Les perspectives de survie de l’œuvre dans la collection sont plutôt basses. Aucun tome IX et final ne devrait voir le jour.

Hugo : Œuvres poétiques, IV et V, « en préparation » depuis 40 ans (depuis la mort de Gaëtan Picon). Les œuvres de Victor Hugo auraient besoin d’une sérieuse réédition, la poésie est bloquée depuis qu’un désaccord est survenu avec les maîtres d’ouvrage de l’époque. Il est fort improbable que ce front bouge dans les prochaines années, mais Gallimard maintient les « préparer » à chaque édition de son catalogue. À noter que le 2e tome du Théâtre complet, longtemps indisponible, est à nouveau dans les librairies.

Luther : Le tome publié porte le chiffre romain I. Une suite est censée être en préparation mais l’insuccès commercial de ce volume (la France n’est pas un pays de Luthériens) a fortement hypothéqué le second volume. Personne n’en parle plus, ni les lecteurs, ni Gallimard. Suite improbable. D’autant plus que M. Arnold, le maître d’œuvre explique sur son CV avoir rendu le Tome II… en 2004 ! Ces dix années entre la réception du tapuscrit et la publication indiquent que Gallimard a certainement renoncé. Projet abandonné.

Marx : Les Œuvres complètes se sont arrêtées avec le Tome IV (Politique I). L’éditeur du volume est mort, la « cote » de Marx a beaucoup baissé, il est improbable que de nouveaux volumes paraissent à l’avenir, le catalogue ne défend même plus cette idée par une mention « en préparation ». Série probablement arrêtée.

Montherlant : Essais, tome II. Le catalogue évoque toujours un tome I. Aucune mention de préparation n’est présente (contrairement à ce que les catalogues de la fin des années 2000 annonçaient). Le premier volume a été récemment retiré (voir plus bas, dans la section « rééditions »), tout comme les volumes des romans. Perspective improbable néanmoins.

Nietzsche : Œuvres complètes, d’abord prévues en 5 tomes, puis réduites à 3 (c’est annoncé au catalogue). Le premier volume a paru en 2000. Le deuxième devrait paraître au premier semestre 2017 (information officieuse et à confirmer).

Orateurs de la Révolution française : paru en 1989 pour le bicentenaire de la Révolution, ce premier tome, consacré à des orateurs de la Constituante, n’a pas eu un grand succès commercial. François Furet, son éditeur scientifique, est mort depuis. Tocqueville, son autre projet, a été retardé quelques années, mais a pu s’achever. Celui-ci ne le sera pas. Suite abandonnée.

Queneau : en principe, ont paru ses Œuvres complètes, en trois tomes, mais le Journal n’y est pas, pas plus que ses articles et critiques. Un quatrième tome, non annoncé par la Pléiade, est-il néanmoins possible ? Aucune information à ce sujet.

Sand : un volume de Romans est en préparation (cf. plus haut).

Stevenson : un troisième tome d’Œuvres est en préparation. Le deuxième volume a paru en 2005 déjà, il serait temps que le troisième (et dernier) sorte dans les librairies.

Supervielle : une édition des Œuvres en 2 volumes avait été initialement prévue, la poésie est sortie en 1996, le reste doit être abandonné.

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III. Les volumes « épuisés »

Ces volumes ne sont plus disponibles sur le marché du livre neuf. Gallimard ne compte pas les réimprimer. Cette politique est assortie de quelques exceptions, imprévisibles, comme les Cahiers de Paul Valéry, « épuisés » en 2008 et pourtant réimprimés quelques années plus tard. Cet épuisement peut préluder une nouvelle édition (Casanova par exemple), mais généralement signe la sortie définitive du catalogue. Les « épuisés » sont presque tous trouvables sur le marché de l’occasion, à des prix parfois prohibitifs (je donne pour chaque volume une petite estimation basée sur mes observations sur abebooks, amazon et, surtout, ebay, lors d’enchères, fort bon moyen de voir à quel prix s’établit « naturellement » un livre sur un marché assez dense d’amateurs de la collection ; mon échelle de prix est évidemment calquée sur celle de la collection, donc 20€ équivaut à une affaire et 50€ à un prix médian).

1/ Œuvres d’Agrippa d’Aubigné, 1969 : Gallimard a exclu explicitement la réédition. C’est le cas de beaucoup de volumes des années 1965-1975, majoritaires parmi les épuisés. Ils ont connu un retirage, ou aucun. 48€ au catalogue, peut monter à 70€ sur le marché de l’occasion.

2/ Œuvres Complètes de Nicolas Boileau, 1966 : Gallimard a exclu explicitement la réédition. Le XVIIe siècle est victime de son progressif éloignement ; cette littérature, sauf quelques grands noms, survit mal ; et certains auteurs ne sont plus jugés par la direction de la collection comme suffisamment « vivants » pour être édités. C’est le cas de Boileau. 43€ au catalogue, il est rare qu’il dépasse ce prix sur le second marché.

3/ Œuvres Complètes d’André Chénier, 1940 : Gallimard a exclu explicitement la réédition. Étrangement, il était envisagé, en 1989 encore (source : le catalogue de cette année-là), de proposer au public une nouvelle édition de ce volume. Chénier a-t-il été victime de l’insuccès du volume Orateurs de la Révolution française ? L’œuvre, elle-même, paraît bien oubliée désormais. 40€ au catalogue, trouvable à des tarifs très variables (de 30 à 80).

4/ Œuvres de Benjamin Constant, 1957 : Gallimard a exclu explicitement la réédition. À titre personnel, je suis un peu surpris de l’insuccès de Constant. 48€ au catalogue, assez peu fréquent sur le marché de l’occasion, peut coûter cher (80/100€)

5/ Conteurs français du XVIe siècle, 1965 : pas d’information de la part de l’éditeur. L’orthographe des volumes médiévaux ou renaissants de la Pléiade (et même ceux du XVIIe) antérieurs aux années 80 n’était pas modernisée. C’est un volume dans un français rocailleux, donc. 47€ au catalogue, assez aisé à trouver pour la moitié de ce prix (et en bon état). Peu recherché.

6/ Œuvres Complètes de Paul-Louis Courier, 1940 : pas d’information de la part de l’éditeur. Courier est un peu oublié de nos jours. 40€ au catalogue, trouvable pour un prix équivalent en occasion (peut être un peu plus cher néanmoins).

7/ Œuvres Complètes de Tristan Corbière et de Charles Cros, 1970 : pas d’information de la part de l’éditeur. C’était l’époque où la Pléiade proposait, pour les œuvres un peu légères en volume, des regroupements plus ou moins justifiés. Les deux poètes ont leurs amateurs, mais pas en nombre suffisant visiblement. Néanmoins, le volume est plutôt recherché. Pas de prix au catalogue, difficilement trouvable en dessous de 80€/100€.

8/ Œuvres de Nicolas Leskov et de M.E. Saltykov-Chtchédrine, 1967 : Gallimard a exclu explicitement la réédition. Encore un regroupement d’auteurs. Le champ russe est très bien couvert à la Pléiade, mais ces deux auteurs, malgré leurs qualités, n’ont pas eu beaucoup de succès. 47€ au catalogue, coûteux en occasion (quasiment impossible sous 60/80€, parfois proposé au-dessus de 100)

9/ Œuvres de François de Malherbe, 1971 : Gallimard a exclu explicitement la réédition. Et pour cause. C’est le « gadin » historique de la collection, l’exemple qu’utilise toujours Hugues Pradier, son directeur, quand il veut illustrer d’un épuisé ses remarques sur les méventes de certain volume. 39€ au catalogue, je l’ai trouvé neuf dans une librairie il y a six ans, et je crois bien que c’était un des tout derniers de France. Peu fréquent sur le marché de l’occasion, mais généralement à un prix accessible (30/50€).

10/ Maumort de Roger Martin du Gard, 1983 : aucune information de Gallimard. Le volume le plus récemment édité parmi les épuisés. Honnêtement, je ne sais s’il relève de cette catégorie par insuccès commercial (la gloire de son auteur a passé) ou en raison de problèmes littéraires lors de l’établissement d’un texte inachevé et publié à titre posthume. 43€ au catalogue, compter une cinquantaine d’euros d’occasion, peu rare.

11/ Commentaires de Blaise de Monluc, 1964 : aucune information de Gallimard. Comme pour les Conteurs français, l’orthographe est d’époque. Le chroniqueur historique des guerres de religion n’a pas eu grand succès. Pas de prix au catalogue, assez rare d’occasion, peut coûter fort cher (60/100).

12/ Histoire de Polybe, 1970 : Gallimard informe ses lecteurs qu’il est désormais publié en « Quarto », l’autre grande collection de l’éditeur. Pas de prix au catalogue. Étrange volume qui n’a pas eu de succès mais qui s’arrache à des prix prohibitifs sur le marché de l’occasion (difficile à trouver à moins de 100€).

13/ Poètes et romanciers du Moyen Âge, 1952 : exclu d’une réédition en l’état. C’est exclusivement de l’ancien français (comme Historiens et Chroniqueurs ou Jeux et Sapience), quand tous les autres volumes médiévaux proposent une édition bilingue. Une partie des textes a été repris dans d’autres volumes ou dans l’Anthologie de la poésie française I. 42€ au catalogue, trouvable sans difficulté pour une vingtaine d’euros sur le marché de l’occasion.

14/ Romanciers du XVIIe siècle, 1958 : exclu d’une réédition. Orthographe non modernisée. Un des quatre romans (La Princesse de Clèves) figure dans l’édition récente consacrée à Mme de Lafayette. Sans prix au catalogue, très fréquent en occasion, à des prix accessibles (20/30€).

15/ et 16/ Romancier du XVIIIe siècle I et II, 1960 et 1965. Gallimard n’en dit rien, ce sont pourtant deux volumes regroupant des romans fort connus (dont Manon LescautPaul et VirginieLe Diable amoureux). Subissent le sort d’à peu près tous les volumes collectifs de cette époque : peu de notes, peu de glose, à refaire… et jamais refaits. 49,5€ et 50,5€. Trouvables à des prix similaires, sans trop de difficulté, en occasion.

17/, 18/ et 19/ Œuvres I et II, Port-Royal I, de Sainte-Beuve, 1950, 1951 et 1953. Gallimard ne prévoit aucune réimpression du premier volume de Port-Royal mais ne dit pas explicitement qu’il ne le réimprimera jamais. Les chances sont faibles, néanmoins. Son épuisement ne doit pas aider à la vente des volumes II et III. Le destin de Sainte-Beuve semble du reste de sortir de la collection. Les trois volumes sont sans prix au catalogue. Les Œuvres sont trouvables à des prix honorables, Port-Royal I, c’est plus compliqué (parfois il se négocie à une vingtaine d’euros, parfois beaucoup plus). L’auteur ne bénéficie plus d’une grande cote.

20/, 21/ et 22/ Correspondance III et III, de Stendhal, 1963, 1967 et 1969. Cas unique, l’édition est rayée du catalogue papier (et pas seulement marquée comme épuisée), pour des raisons de moi inconnues (droits ? complétude ? qualité de l’édition ? Elle fut pourtant confiée au grand stendhalien Del Litto). Cette Correspondance, fort estimée (par Léautaud par exemple) est difficile à trouver sur le marché de l’occasion, surtout le deuxième tome. Les prix sont à l’avenant, normaux pour le premier (30/40), parfois excessifs pour les deux autres (le 2e peut monter jusque 100). Les volumes sont assez fins.

23/ et 24/ Théâtre du XVIIIe siècle, I et II, 1973 et 1974. Longtemps marqués « indisponibles provisoirement », ces deux tomes sont récemment passés « épuisés ». Ce sont deux volumes riches, dont Gallimard convient qu’il faudrait refaire les éditions. Mais le contexte économique difficile et l’insuccès chronique des volumes théâtraux (les trois tomes du Théâtre du XVIIe sont toujours à leur premier tirage, trente ans après leur publication) rendent cette perspective très incertaine. 47€ au catalogue, très difficiles à trouver sur le marché de l’occasion (leur prix s’envole parfois au-delà des 100€, ce qui est insensé).

Cas à part : Œuvres complètes  de Lautréamont et de Germain Nouveau. Lautréamont n’est pas sorti de la Pléiade, mais à l’occasion de la réédition de ses œuvres voici quelques années, fut expulsé du nouveau tome le corpus des écrits de Germain Nouveau, qui occupait d’ailleurs une majeure partie du volume collectif à eux consacrés. Le volume est sans prix au catalogue. Il est relativement difficile à trouver et peut coûter assez cher (80€).

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 IV. Les rééditions

Lorsque l’on achète un volume de la Pléiade, il peut s’agir d’une première édition et d’un premier tirage, d’une première édition et d’un ixième tirage ou encore d’une deuxième (ou, cas rare, d’une troisième, exceptionnel, d’une quatrième) édition. Cela signifie qu’un premier livre avait été publié voici quelques décennies, sous une forme moins « universitaire » et que Gallimard a jugé bon de le revoir, avec des spécialistes contemporains, ou de refaire les traductions. En clair, il faut bien regarder avant d’acheter les volumes de ces auteurs de quand date non l’impression mais le copyright.

Il arrive également que Gallimard profite de retirages pour réviser les volumes. Ces révisions, sur lesquelles la maison d’édition ne communique pas, modifient parfois le nombre de pages des volumes : des coquilles sont corrigées, des textes sont revus, des notices complétées, le tout de façon discrète. Ces modifications sont très difficiles à tracer, sauf à comparer les catalogues ou à feuilleter les derniers tirages de chaque Pléiade (un des commentateurs, plus bas, s’est livré à l’exercice – cf. l’exhaustif commentaire de « Pléiadophile », publié le 12 avril 2015)

La plupart des éditions « dépassées » sont en principe épuisées.

a) Rééditions à venir entièrement (aucun volume de la nouvelle édition n’a paru)

Parmi les rééditions à venir, ont été évoqués, de manière très probable :

Kafka, par Jean-Pierre Lefebvre (je ne sais si ce projet concerne la totalité des quatre volumes ou seulement une partie).

Michelet, dont l’édition date de l’avant-guerre ; certes quelques révisions de détail ont dû intervenir à chaque réimpression, mais enfin, l’essentiel des notes et notices a vieilli.

Descartes (l’édition en un volume date de 1937) en deux volumes.

Apollinaire, pour la poésie seulement (la prose est récente).

Jeux et sapience du Moyen Âge, édition de théâtre médiéval en ancien français, réputée « indisponible provisoirement ». La nouvelle édition est en préparation (cf. plus haut). Cette édition, en deux volumes serait logique et se situerait dans la droite ligne des éditions bilingues et médiévales parues depuis 20 ans (RenartTristan et Yseut, le Graal, Villon).

De manière possible

Verlaine, on m’en a parlé, mais je ne parviens pas à retrouver ma source. L’édition est ancienne.

Chateaubriand, au moins pour les Mémoires d’Outre-Tombe mais l’hypothèse a pris du plomb dans l’aile avec la reparution, en avril 2015, d’un retirage en coffret de la première (et seule à ce jour) édition.

Montherlant, pour les Essais… c’est une hypothèse qui perd d’année en année sa crédibilité puisque le tome II n’est plus annoncé dans le catalogue. Néanmoins, un retirage du tome actuel a été réalisé l’an dernier, ce qui signifie que Gallimard continue de soutenir la série Montherlant… Plus improbable que probable cependant.

b) Rééditions inachevées ou en cours (un ou plusieurs volumes de la nouvelle édition ont paru)

Balzac : 1/ La Comédie humaine, I à XI, de 1935 à 1960 ; 2/ La Comédie humaine, I à XII, de 1976 à 1981 + Œuvres diverses I, en 1990 et II, en 1996 + Correspondance I, en 2006 et II, en 2011. Le volume III de la Correspondance est attendu avec optimisme pour les prochaines années. Pour le volume III des Œuvres diverses en revanche, l’édition traîne depuis des années et le décès du maître d’œuvre, Roland Chollet, à l’automne 2014, n’encourage pas à l’optimisme.

Claudel : 1/ Théâtre I et II (1948) + Œuvre poétique (1957) + Œuvres en prose (1965) + Journal I (1968) et II (1969) ; 2/ Théâtre I et II (2011). Cette nouvelle édition du Théâtre pourrait préfigurer la réédition des volumes de poésie et de prose (et, sans conviction, du Journal ?), mais Gallimard n’a pas donné d’information à ce sujet.

Flaubert : 1/ Œuvres complètes, I et II, en 1936 ; 2/ Correspondance I (1973), II (1980), III (1991), IV (1998) et V (2007) + Œuvres complètesI (2001), II et III (2013). Les tomes IV et V sont attendus pour bientôt (les textes auraient été rendus pour relecture selon une de nos sources). En attendant le tome II de la vieille édition est toujours disponible.

La Fontaine : 1/ Œuvres complètes I, en 1933 et II, en 1943 ; 2/ Œuvres complètes I, en 1991. Comme pour Racine, le deuxième tome est encore celui de la première édition. Il est assez courant. Après 25 ans d’attente, et connaissant les mauvaises ventes des grands du XVIIe (Corneille par exemple), la deuxième édition du deuxième tome est devenue peu probable.

Marivaux : 1/ Romans, en 1949 + Théâtre complet, en 1950 ; 2/ Œuvres de jeunesse, en 1972 + Théâtre complet, en 1993 et 1994. En principe, les Romans étant indisponibles depuis des années, une nouvelle édition devrait arriver un jour. Mais là encore, comme pour La Fontaine, Vigny ou le dernier tome des Œuvres diverses de Balzac, cela fait plus de 20 ans qu’on attend… Rien ne filtre au sujet de cette réédition.

Musset : 1/ Poésie complète, en 1933 + Théâtre complet, en 1934 + Œuvres complètes en prose, en 1938 ; 2/ Théâtre complet, en 1990. La réédition prévue de Musset en trois tomes, et annoncée explicitement par Gallimard dans son catalogue 1989, semble donc mal partie. Le volume de prose est « indisponible provisoirement » et la poésie est toujours dans l’édition Allem, vieille de 80 ans. Là encore, comme pour La Fontaine et Racine, il est permis d’être pessimiste.

Racine : 1/ Œuvres complètes I, en 1931 et II, en 1952 ; 2/ Œuvres complètes I, en 1999. Le deuxième tome est donc encore celui de la première édition. Il est très rare de le trouver neuf dans le commerce. Le délai entre les deux tomes est long, mais il l’avait déjà été dans les années 30-50. On peut néanmoins se demander s’il paraîtra un jour.

Shakespeare : 1/ Théâtre complet, en 1938 (2668 pages ; j’ai longtemps pensé qu’il s’agissait d’un seul volume, mais il s’agirait plus certainement de deux volumes, les 50e et 51e de la collection ; le mince volume de Poèmes aurait d’ailleurs peut-être relevé de cette édition là, mais avec une vingtaine d’années de retard ; les poèmes auraient par la suite été intégrés par la nouvelle édition de 1959 dans un des deux volumes ; ne possédant aucun des volumes concernés, je remercie par avance mes aimables lecteurs (et les moins aimables aussi) de bien vouloir me communiquer leurs éventuelles informations complémentaires) ; 2/ Œuvres complètes, I et II, Poèmes (III) (?) en 1959 ; 3/ Œuvres complètes I et II (Tragédies) en 2002 + III et IV (Histoires) en 2008 + V (Comédies) en 2013. Les tomes VI (Comédies) et VII (Comédies) sont en préparation, pour une parution en 2016. Le tome VIII (Poésies) paraîtra ultérieurement.

Vigny : 1/ Œuvres complètes I et II, en 1948 ; 2/ Œuvres complètes I (1986) et II (1993). Le tome III est attendu depuis plus de 20 ans, ce qui est mauvais signe. Gallimard n’en dit rien, Vigny ne doit plus guère se vendre. Je suis pessimiste à l’égard de ce volume.

c) Rééditions achevées

Quatre éditions :

Choderlos de Laclos : 1/ Les Liaisons dangereuses, en 1932 ; 2/ Œuvres complètes en 1944 ; 3/ Œuvres complètes en 1979 ; 4/ Les Liaisons dangereuses, en 2011. Pour le moment, les éditions 3 et 4 sont toujours disponibles.

Trois éditions :

Baudelaire : 1/ Œuvres complètesI et II, en 1931 et 1932 ; 2/ Œuvres complètesen 1951 ; 3/ Correspondance I et II en 1973 + Œuvres complètesI et II, en 1975 et 1976.

Camus : 1/ Théâtre – Récits – Nouvelles, en 1962 + Essais, en 1965 ; 2/ Théâtre – Récits et Nouvelles -Essais, en 1980 ; 3/ Œuvres complètesI et II, en 2006, III et IV, en 2008.

Molière : 1/ Œuvres complètesI et II, en 1932 ; 2/ Œuvres complètesI et II, en 1972 ; 3/ Œuvres complètesI et II, en 2010. L’édition 2 est encore facilement trouvable et la confusion est tout à fait possible avec la 3.

Montaigne : 1/ Essais, en 1934 ; 2/ Œuvres complètes, en 1963 ; 3/ Essais, en 2007.

Rimbaud : 1/ Œuvres complètes, en 1946 ; 2/ Œuvres complètes, en 1972 ; 3/ Œuvres complètes, en 2009.

Stendhal : 1/ Romans, I, II et III, en 1932, 1933 et 1934 ; 2/ Romans et Nouvelles, I et II en 1947 et 1948 + Œuvres Intimes en 1955 + Correspondance en 1963, 1967 et 1969 ; 3/ Voyages en Italie en 1973 et Voyages en France en 1992 + Œuvres Intimes I et II, en 1981 et 1982 + Œuvres romanesques complètes en 2005, 2007 et 2014. Soit 16 tomes différents, mais seulement 7 dans l’édition considérée comme à jour.

Deux éditions :

Beaumarchais : 1/ Théâtre complet, en 1934 ; 2/ Œuvres, en 1988.

Casanova : 1/ Mémoires, I-III (1958-60) ; 2/ Histoire de ma vie, I-III (2013-15).

Céline : 1/ Voyage au bout de la nuit – Mort à crédit (1962) ; 2/ Romans, I (1981), II (1974), III (1988), IV (1993) + Lettres (2009).

Cervantès : 1/ Don Quichotte, en 1934 ; 2/ Œuvres romanesques complètesI (Don Quichotte) et II (Nouvelles exemplaires), 2002.

Corneille : 1/ Œuvres complètes, I et II, en 1934 ; 2/ Œuvres complètes, I (1980), II (1984) et III (1987).

Diderot : 1/ Œuvres, en 1946 ; 2/ Contes et romans, en 2004 et Œuvres philosophiques, en 2010.

Gide : 1/ Journal I (1939) et II (1954) + Anthologie de la Poésie française (1949) + Romans (1958) ; 2/ Journal I (1996) et II (1997) + Essais critiques (1999) + Souvenirs et voyages (2001) + Romans et récits I et II (2009). L’Anthologie est toujours éditée et disponible.

Goethe : 1/ Théâtre complet (1942) + Romans (1954) ; 2/ Théâtre complet (1988). Je n’ai jamais entendu parler d’une nouvelle édition des Romans ni d’une édition de la Poésie, ce qui demeure une véritable lacune – que ne comble pas l’Anthologie bilingue de la poésie allemande.

Mallarmé : 1/ Œuvres complètes, en 1945 ; 2/ Œuvres complètes I (1998) et II (2003).

Malraux : 1/ Romans, en 1947 + Le Miroir des Limbes, en  1976 ; 2/ Œuvres complètes I-VI (1989-2010).

Mérimée : 1/ Romans et nouvelles, en 1934 ; 2/ Théâtre de Clara Gazul – Romans et nouvelles, en 1979.

Nerval : 1/ Œuvres, I et II, en 1952 et 1956 ; 2/ Œuvres complètes I (1989), II (1984) et III (1993).

Pascal :  1/ Œuvres complètes, en 1936 ; 2/ Œuvres complètes I (1998) et II (2000).

Péguy : 1/ Œuvres poétiques (1941) + Œuvres en prose I (1957) et II (1959) ; 2/ Œuvres en prose complètes I (1987), II (1988) et III (1992) + Œuvres poétiques dramatiques, en 2014.

Proust : 1/ À la Recherche du temps perdu, I-III, en 1954 ; 2/ Jean Santeuil (1971) + Contre Sainte-Beuve (1974) + À la Recherche du temps perdu, I-IV (1987-89).

Rabelais : 1/ Œuvres complètes, en 1934 ; 2/ Œuvres complètes, en 1994.

Retz : 1/ Mémoires, en 1939 ; 2/ Œuvres (1984).

Ronsard : 1/ Œuvres complètes I et II, en 1938 ; 2/ Œuvres complètes I (1993) et II (1994).

Rousseau : 1/ Confessions, en 1933 ; 2/ Œuvres complètes I-V (1959-1969).

Mme de Sévigné : 1/ Lettres I-III (1953-57) ; 2/ Correspondance I-III (1973-78).

Saint-Exupéry : 1/ Œuvres, en 1953 ; 2/ Œuvres complètes I (1994) et II (1999).

Saint-Simon : 1/ Mémoires, I à VII (1947-61) ; 2/ Mémoires, I à VIII (1983-88) + Traités politiques (1996).

Voltaire : 1/ Romans et contes, en 1932 + Correspondance I et II en 1964 et 1965 ; 2/ le reste, c’est à dire, les Œuvres historiques (1958), les Mélanges (1961), les deux premiers tomes de la Correspondance (1978) et les onze tomes suivants (1978-1993) et la nouvelle édition des Romans et contes (1979).

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V. Les volumes « indisponibles provisoirement »

Un volume ne s’épuise pas tout de suite. Il faut du temps, variable, pour que le stock de l’éditeur soit complètement à zéro. Gallimard peut alors prendre trois décisions : réimprimer, plus ou moins rapidement ; ou alors renoncer à une réimpression et lancer sur le marché une nouvelle édition (qu’il préparait déjà) ; ou enfin, ni réimprimer ni rééditer. Je vais donc ici faire une liste rapide des volumes actuellement indisponibles et de leurs perspectives (réalistes) de réimpression. Je n’ai pas d’informations exclusives, donc ces « informations » sont à prendre avec précaution. Elles tiennent à mon expérience du catalogue.

-> Boulgakov, Œuvres I, La Garde Blanche. 1997. C’est un volume récent, qui n’est épuisé que depuis peu de temps, il y a de bonnes chances qu’il soit réimprimé d’ici deux ou trois ans (comme l’avait été le volume Pasternak récemment).

-> Cao Xueqin, Le Rêve dans le Pavillon Rouge I et II, 1981. Les deux volumes ont fait l’objet d’un retirage en 2009 pour une nouvelle parution en coffret. Il n’y a pas de raison d’être pessimiste alors que celle-ci est déjà fort difficile à trouver dans les librairies. À nouveau disponible (en coffret).

-> Defoe, Romans, II (avec Moll Flanders). Le premier tome a été retiré voici quelques années, celui-ci, en revanche, manque depuis déjà pas mal de temps. Ce n’est pas rassurant quand ça se prolonge… mais le premier tome continue de se vendre, donc les probabilités de retirage ne sont pas trop mauvaises.

-> Charles Dickens, Dombey et Fils – Temps Difficiles Le Magasin d’Antiquités – Barnabé Rudge ; Nicolas Nickleby – Livres de Noël ; La Petite Dorrit – Un Conte de deux villes. Quatre des neuf volumes de Dickens sont « indisponibles », et ce depuis de très longues années. Les perspectives commerciales de cette édition en innombrables volumes ne sont pas bonnes. Les volumes se négocient très cher sur le marché de l’occasion. Gallimard n’a pas renoncé explicitement à un retirage, mais il devient d’année en année plus improbable.

-> Fielding, Romans. Principalement consacré à Tom Jones, ce volume est indisponible depuis plusieurs années, les perspectives de réimpression sont assez mauvaises. À moins qu’une nouvelle édition soit en préparation, le volume pourrait bien passer parmi les épuisés.

-> Green, Œuvres complètes IV. Quinze ans après la mort de Green, il ne reste déjà plus grand chose de son œuvre. Les huit tomes d’une série même pas achevée ne seront peut-être jamais retirés une fois épuisés. Le 4e tome est le premier à passer en « indisponible ». Il pourrait bien ne pas être le dernier et bientôt glisser parmi les officiellement « épuisés ».

 -> Hugo, Théâtre complet II. À nouveau disponible.

-> Jeux et Sapience du Moyen Âge. Cas évoqué plus haut de nouvelle édition en attente. Selon toute probabilité, il n’y aura pas de réédition du volume actuel.

-> Marivaux, Romans. Situation évoquée plus haut, faibles probabilité de réédition en l’état, lenteur de la nouvelle édition.

-> Mauriac, Œuvres romanesques et théâtrales complètes, IV. Même si Mauriac n’a plus l’aura d’antan comme créateur (on le préfère désormais comme chroniqueur de son époque, comme moraliste, etc.), ce volume devrait réapparaître d’ici quelques temps.

-> Musset, Œuvres en prose. Évoqué plus haut. Nouvelle édition en attente depuis 25 ans.

-> Racine, Œuvres complètes II. En probable attente de la nouvelle édition. Voir plus haut.

-> Vallès, ŒuvresI. La réputation de Vallès a certes un peu baissé, mais ce volume, comprenant sa célèbre trilogie autobiographique, ne devrait pas être indisponible depuis si longtemps. Réédition possible tout de même.

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VI. Les volumes « en voie d’indisponibilité »

Ce n’est là qu’une courte liste, tirée de mes observations et de la consultation du site « placedeslibraires.com », qui donne un aperçu des stocks de centaines de librairies indépendantes françaises. On y voit très bien quels volumes sont fréquents, quels volumes sont rares. Cela ne préjuge en rien des stocks de l’éditeur. Néanmoins, je pense que les tendances que ma méthode dégage sont raisonnablement fiables. Si vous êtes intéressé par un de ces volumes, vous ne devriez pas hésiter trop longtemps.

– le Port-Royal, II et III, de Sainte-Beuve. Comme les trois autres tomes de l’auteur sont épuisés, il est fort improbable que ces deux-là, retirés pour la dernière fois dans les années 80, ne s’épuisent pas eux aussi. Ils sont tous deux assez rares (-10 librairies indépendantes).

– la Correspondance (entière) de Voltaire. Les 13 tomes, de l’aveu du directeur de la Pléiade, ne forment plus un ensemble que le public souhaite acquérir (pour des raisons compréhensibles d’ailleurs). Le fait est qu’on les croise assez peu souvent : le I est encore assez fréquent, les II, III et XIII (celui-ci car dernier paru) sont trouvables dans 5 à 10 librairies du réseau indépendant, les volumes IV à XII en revanche ne se trouvent plus que dans quelques librairies. Je ne sais pas ce qu’il reste en stock à l’éditeur, mais l’indisponibilité devrait arriver d’ici un an ou deux pour certains volumes.

– les Œuvres de Julien Green. Je les ai évoquées plus haut, à propos de l’indisponibilité du volume IV. Les volumes V, VI, VII et VIII, qui arrivent progressivement en fin de premier tirage devraient suivre. La situation des trois premiers tomes est un peu moins critique, des retirages ayant dû avoir lieu dans les années 90.

– les Œuvres de Malebranche. Dans un entretien, Hugues Pradier a paru ne plus leur accorder grand crédit. Mais je me suis demandé s’il n’avait pas commis de lapsus en pensant à son fameux Malherbe, symbole permanent de l’échec commercial à la Pléiade. Toujours est-il que les deux tomes se raréfient.

– les Œuvres de Gobineau. Si c’est un premier tirage, il est lent à s’épuiser, mais cela vient. Les trois tomes sont moins fréquents qu’avant.

– les Orateurs de la Révolution Française. Série avortée au premier tome, arrêtée par la mort de François Furet avant l’entrée en lice de Robespierre et de Saint-Just. Elle n’aura jamais de suite. Et il est peu probable, compte tenu de son insuccès, qu’elle reste longtemps encore au catalogue.

– le Théâtre du XVIIe siècle, jamais retiré (comme Corneille), malgré trente ans d’exploitation. D’ici dix ans, je crains qu’il ne soit dans la même position que son « homologue » du XVIIIe, épuisé.

– pèle-mêle, je citerais ensuite le Journal de Claudel, les tomes consacrés à France, Marx, Giraudoux, Kipling, Saint François de Sales, Daudet, Fromentin, Rétif de la Bretonne, Vallès, Brantôme ou Dickens (sauf David Copperfield et Oliver Twist). Pour eux, les probabilités d’épuisement à moyen terme sont néanmoins faibles.

13 755 réflexions sur “La Bibliothèque de la Pléiade

  1. Je voudrais vous entretenir, si vous permettez, de quelque chose qui une nouvelle fois est sans rapport avec la Pléiade.
    Je voudrais vous parler du monde des blogs, et d’une découverte que je viens de faire récemment. Ce que je vais dire, il convient de le relier au dernier vrai commentaire que j’avais publié ici même et dont j’ai dit qu’il serait mon dernier sur ce blog.
    J’ai découvert ce blog de Brumes tout à fait par hasard, un jour que je cherchais s’il était prévu qu’un certain écrivain paraisse dans la collection. Dans un premier temps, et cela dura près d’une année, je fus un lecteur silencieux et l’idée de publier moi-même un commentaire, comme vous tous, comme tous ces intervenants remarquables que j’avais plaisir à lire, cette idée ne m’a jamais effleuré. Et puis un jour, quelqu’un a écrit quelque chose soit qui m’a fait sursauter, soit qui était de taille à me faire franchir la barrière d’énergie, très haute dans mon cas, qu’il faut franchir pour me décider à formuler mes quelques pâles idées et surtout à avoir l’outrecuidance de les faire lire.
    Gide disait qu’il était facile de tuer, que seul le premier crime est difficile, et que même celui-là ne l’était pas autant qu’on l’a dit. Ici il en fut de même, une fois le premier commentaire publié, on ne pouvait plus m’arrêter, et j’ai inondé le blog de commentaires ayant la plupart assez peu de rapport avec l’objet que le créateur du blog a fixé à sa création.
    Je me suis heurté à la fin aux limites du tout virtuel qui me sont apparues indésirables. C’est qu’Internet vous enferme dans l’artificiel, vous éloigne de la vie. J’ai fini par me rendre compte que je dialoguais avec des gens dont j’ignorais tout, qu’il ne semblait pas possible que je les rencontrasse un jour dans la vie réelle, alors que je commençais à ressentir pour quelques-uns d’entre eux quelque chose qui s’apparente à un début de sentiment d’amitié, né, favorisé par la connivence, la communauté des amours, les affinités d’idées et de goût.
    Et je voyais là une contradiction, une raison pour moi de cessation, d’arrêt.

    Or, il se trouve que par pur hasard, j’ai trouvé un autre blog qui a des points communs avec celui-ci et des différences. Le principal point commun est la qualité des intervenants qui est aussi exceptionnelle qu’ici. L’autre est qu’on y écrit en français et non en petit-nègre. Et pour cause, les commentaires sont modérés de main de maître par une modératrice d’exception. Une main de fer dans un gant de velours.
    La différence est que là il y a moyen pour les participants qui le souhaitent de passer à des conversations privées avec ou sans le secours de l’ordinateur. Et c’est précisément ce qui m’est arrivé. Ce qui m’a amené à réviser mes positions sur les échanges par Internet.
    Une autre différence d’importance est que le blog n’est pas un blog tourné vers la littérature, au contraire. Et on n’y aime pas trop les « agrégés » qui « viennent ici nous abreuver de citations, pour étaler leur petit savoir, et dont on n’a que faire. » Mais j’ai trouvé à biaiser et à parler malgré tout de livres et d’écrivains, et toujours hors sujet, et sans avoir été jamais censuré.
    Une caractéristique commune à tous les lieux de discussion sur Internet est que parfois c’est à couteaux tirés. Les gens basculent facilement dans les attaques personnelles, les quolibets, les moqueries, et même plus. Mais tant que l’on permettra l’usage des pseudonymes, il en sera, me semble-t-il toujours ainsi. C’est une complication inévitable.

    Je vais donc ici faire la publicité de ce blog, et j’en demande pardon à Brumes. Mais franchement il le mérite ô combien : il s’agit du blog tenu par Madame et Monsieur Bilger (l’ancien magistrat).

    Je vous remercie, vous, d’avoir eu la patience de me lire, et Brumes de me publier.

    • Vous continuerez toujours de m’intriguer, Ahmed. Ne serait-ce qu’à cause de vos contradictions que je partage en partie et qui provoquent chez moi la même attirance-répulsion pour ce genre d’échanges et de lieux d’échanges (plus faciles à justifier chez moi qui connaît la vacuité de la vie d’un vieil homme isolé sur une terre d’inculture – dans tous les sens du terme : je vous le garantis, ici rien ne pousse, ni arbre ni idée ! – que chez vous qui semblez avoir une vie plus active et bien remplie).

      Je partage avec vous cette impression : « J’ai fini par me rendre compte que je dialoguais avec des gens dont j’ignorais tout, qu’il ne semblait pas possible que je les rencontrasse un jour dans la vie réelle, alors que je commençais à ressentir pour quelques-uns d’entre eux quelque chose qui s’apparente à un début de sentiment d’amitié, né, favorisé par la connivence, la communauté des amours, les affinités d’idées et de goût. » Et je voyais là une contradiction… » mais n’ai pas réussi à en faire une bonne fois pour toutes : « une raison pour moi de cessation, d’arrêt » quoique j’en fusse plus d’une fois tenté.

      Et, comme vous, je ne saurais me résigner à l’usage du pseudo qui me semble un enfantillage (même s’il est certainement une nécessité pour certaines personnes dont je ne saurais critiquer les raisons). Même les pseudonymes et autres hétéronymes, si chers à mon ami Frédérick Tristan par exemple ou à Fernando Pessoa, m’ont toujours paru de l’enfantillage, des coquetteries, des jeux vains et insignifiants. Comme si on avait besoin de ce genre d’étiquètes ridicules pour savoir que, inéluctablement, radicalement, « Je est un autre » !

      Je ne ferai pas la liste de ce qui nous sépare, par contre, cela est sans intérêt, et je n’irai très probablement pas sur le blog que vous indiquez, où je me sentirais certainement encore plus « vilain petit canard » qu’ici même.

      • Mon cher Domonkos, c’est à vous en particulier que je pensais en écrivant cet nième commentaire. Je vous remercie d’y avoir répondu, et vous salue bien amicalement là où vous êtes, en cette terre infertile même. Et croyez-moi sur parole, il y a moins de choses qui nous séparent que vous ne croyez.
        Et je vais m’arrêter là, et c’est bien assez.

  2. L' »agrégé cultivé » c’est un mythe. J’ai rencontré des normaliens qui, pour le coup, avait une vraie culture -mais des agrégés…Ils bossent le programme et après, dans la plupart des cas, basta. Et c’est du vécu. Je crois que c »était sur Renard que vous aviez désiré intervenir mon cher Ahmed. Aujourd’hui, vos « sorties de route » seraient bien mieux acceptées, on ne sait même plus si Brumes lit encore ce blog!

  3. Suite à de récentes et à d’anciennes lectures de et à propos de Jules Verne, je suis impressionné (après d’autres, ce n’est pas une découverte personnelle) par l’obsession de la faim dans les Voyages… Obsession remarquable chez un auteur qui n’est pas classé parmi les écrivains à préoccupations sociales ou politiques prépondérantes, et qui me semble la marque d’un siècle où le problème de la faim était encore endémique sur le territoire français (contrairement à notre temps où la faim – la véritable faim, la famine – qui subsiste est soit plutôt marginale soit assez largement « importée »).

    Que ce soit la faim de ceux que Verne n’aurait pas nommés sous-prolétaires (voir son récit de voyage en Angleterre et en Ecosse), celle des pauvres hères, celles des naufragés sur leurs radeaux ou leurs « îles désertes », celle des cannibales… Voir même le gros appétit bourgeois de ses personnages socialement favorisés…

    L’oeuvre de Jules Verne se prête à diverses lectures, peut être vue sous différents éclairages, celui de la faim mériterait une étude particulière (j’en ai trouvé des fragments dans divers ouvrages, je ne sais si une thèse ou un livre a été consacré à ce thème).

    Si, si, si, cela a à voir avec la Pléiade… on peut le considérer de ma part comme une tentative plus ou moins sournoise de justifier la présence de Verne dans la « prestigieuse » collection.

  4. Ah ! Bonheur! J’avoue que ma phrasette espérait une telle réaction. Le blog à toujours son maître inimitable. Dont je suis en train de lire le palpitant « papier » sur « Un roi sans divertissement » (« Le chute du justicier »). Une petite chose : le sang de l’oie sur la neige et l’espèce de fascination qu’elle provoque renvoie à un épisode bien connue de Perceval où l’on voit le chevalier rester magnétisé par le sang d’oiseaux (des oies je crois bien !) sur la neige. Ou de Langlois et du Graal noir. D’ailleurs, il faut relire la scène de la battue en faisant bien attention à la manière dont l’ombre, la silhouette de Langlois est décrite, les torches et les indications scéniques des lumières et des ombres . Je n’en dis pas plus mais il existe un excellent petit folio explicatif portant sur ce livre et très utile pour s’y retrouver tant au niveau de la symbolique que des récits enchevêtrés et des temporalités. Sinon, je trouve votre texte remarquable.

    Ps « Noé » de Giono parle de l’écriture d’un Roi sans divertissement. Giono parlant de Giono, et du plus beau Giono -je suis d’accord avec vous – c’est passionnant.

    • Que pensez-vous de discourir, pour changer, des auteurs ou des oeuvres que Gallimard s’entête à réimprimer en Pléiade lors même qu’ils n’y auraient plus tellement leur place, soit que leur gloire a fané, soit que le recul des temps ou l’inadéquation de l’édition fait qu’on en juge moins magnanimement qu’à l’époque de leur sortie sur papier bible ? Pour ma part, je rangerais dans cet Enfer le chaos pompier que constituent les « Cahiers » de Paul Valéry, disponibles dans une chrestomathie presque rase d’annotations (pas cent pages par volume !) et dont les mérites se discutent mais que semble protéger le nom illustre de Judith Robinson-Valéry, ainsi que le corpus entier d’Alain, du sable sans chaux. Eh quoi ! un septième seulement des « Propos » suffit à remplir deux Pléiades de taille standard aujourd’hui, l’une annotée (tome II, 1970), l’autre pas du tout (tome I, 1956), tandis que les monographies – à mon sens largement dispensables, en dehors de « Mars ou la guerre jugée » – s’entassent dans une autre paire de volumes sans la queue d’une mise en contexte ou d’un début d’exégèse ; ne serait-il pas malin de donner une nouvelle sélection de « Propos » conçue selon des critères beaucoup plus actuels ? Le Plutarque également mériterait de passer à la trappe, comme tous les volumes signés Gérard Walter hormis les Historiens romains (le « Mémorial de Sainte-Hélène », Michelet, Chénier, triade dont l’importance intrinsèque, sous des cieux commerciaux moins défavorable, appellerait la refonte) ; la saveur des Vies selon Amyot s’étant dissipée depuis belle lurette, trois traductions modernes de bel aloi persuadent de laisser son français traînant sombrer dans l’oubli.

      • D’accord à une nuance près, il faudrait extraire des cahiers de Valéry – illisibles – les poèmes dit poèmes abstraits qui parsèment ces cahiers et que l’on ne trouve pas dans le volume I et les inclure dans ledit volume avec Albums de vers anciens et Charmes. Et pour Michelet pourquoi ne conserver de ses écrits que l’Histoire de la Révolution française, par républicanisme ?

        • Pour Michelet, son Histoire du moyen-âge et sa Renaissance dont des œuvres splendides, magnifiquement écrites et je regrette profondément qu’on ne trouve pas d’éditions, autre qu’en bouquins, dignes de pareil chefs d’œuvre. Et je passe sur La sorcière, La mer, l’oiseau, qu’Hugo tant que Flaubert trouvaient si beaux.
          La seule édition complète des cahiers de Valéry est- celle du CNRS en plus du vingt volumes autographes : une splendeur.

          • Je serais l’un des premiers à acheter une Pléiade des minora (comparativement à son « Histoire de France) de Michelet ; il nous manque en particulier une édition scientifique de « La sorcière », essai que l’on peut qualifier d’avant-gardiste et inouï sans craindre l’hyperbole. Cela se vendrait sûrement en notre période obsédée par la représentation des femmes et nous paierait en retour du disgracieux Germaine de Staël ou du piteux Colette dont Gallimard rougit sûrement in pectore.

            Les 29 volumes et presque 60 kg des « Cahiers » de Valéry en fac-similé aux éditions du CNRS m’évoquent les trop gros traités varroniens, ces fameuses « Antiquités divines et humaines » dont Cicéron affirme qu’il fallait un chariot pour les transporter. Dans ces océans de papier, qu’est-ce au juste qui mérite la lecture ? Si Varron écrivait mal, en style de fiches, et s’entêtait à appliquer des principes de composition guidés par la mystique néo-pythagoricienne des nombres dans la division de sa matière, le Valéry des brouillons n’est génial que par intermittences, et encore.

          • Je me réjouis, NeoBirt7 de vous voir citer le « piteux Colette dont Gallimard rougit sûrement in pectore » : pour moi, à mettre au même rang – peut-être même en dessous – de Jean d’O.

            ………………………………

            Sinon, je possède depuis hier l’étique volume Stevenson. Que dire ? L’accablement m’empêche de consacrer du temps à détailler les vices et les insuffisances de cet ouvrage. Avoir attendu si longtemps, pour si peu ! C’est à la limite de l’insulte à l’égard de l’auteur (je ne parle pas du mépris du lecteur, qu’on prend pour un béotien, on s’habitue): est-ce ainsi qu’on va rendre hommage et mieux faire connaître ce « dernier Stevenson » ?

          • Colette (en 4 volumes, rien de moins !) ni Jean d’O ne sont les seuls à m’échauffer la bile par leur simple présence en Pléiade. Que dire des tristes Duras et Simenon, sinon qu’ils laissent entrebâillée la porte au genre d’appel d’air loisible de faire s’engouffrer aussi bien leurs émules contemporains (Guy des Cars et Zévaco, voire Sagan) que leurs dignes héritiers Musso, Brussolo, Nothomb ? Pourquoi avoir pléiadisé Ponge et Supervielle si c’est pour éliminer La Tour du Pin ? avoir édité Sarraute en écartant Feydeau, Labiche ou Guitry ? nous donner du Roth et du London à l’exclusion de romanciers en langue anglaise plus marquants ? Et surtout, ut turpiter atrum desinat in piscem mulier formosa superne, pourquoi diantre achever en nadir des éditions de qualité comme le Stevenson ?

          • A mes yeux, le je-m’en-foutisme de ce Stevenson est plus grave et plus inquiétant encore (plutôt façon de se débarrasser de la corvée Stevenson que justice rendue à son oeuvre) que la présence d’indésirables ou l’absence d’incontestables. Mal faire un boulot, avec une évidente mauvaise volonté, est pire que de ne pas le faire.

            Dois-je comprendre, NéoBirt7 que vous condamnez Sarraute à l’égal de Duras ? Pour ma part, je conserve une (coupable ?) faiblesse pour la première. Mais il faudrait que j’y retourne pour vérifier mes jugements et impressions qui datent de trois décennies au moins.

          • Je trouve Sarraute poseuse et superficielle, sans compter sa langue dépourvue de nerf tant dans ses romans que dans ses logodrames. Son vocabulaire conceptuel en particulier irrite en moi le connaisseur de la rhétorique antique et classique, ainsi lorsqu’elle parle de ‘sous-conversation’, de ‘pré-dialogue’, ou de ‘tropisme’ (une catachrèse hideuse s’il en est).

          • eh bien, cette chère vieille dame, dans son costume taillé sur mesure par vous, cher NeoBirt7, ne pourra se plaindre comme « La servante au grand coeur » de Baudelaire que les vivants ne pensent pas à elle et ne songent pas à l’habiller chaudement…

            « Les morts, les pauvres morts, ont de grandes douleurs,
            Et quand Octobre souffle, émondeur des vieux arbres,
            Son vent mélancolique à l’entour de leurs marbres,
            Certe, ils doivent trouver les vivants bien ingrats,
            A dormir, comme ils font, chaudement dans leurs draps,
            Tandis que, dévorés de noires songeries,
            Sans compagnon de lit, sans bonnes causeries,
            Vieux squelettes gelés travaillés par le ver,
            Ils sentent s’égoutter les neiges de l’hiver (…) »

            A défaut de « compagnon de lit » elle trouvera auprès de nous de « bonnes causeries ».

          • Plus sérieusement, je ne suis point armé pour répondre à vos arguments, je les enregistre dans un coin de ma tête et je les aurais à l’esprit si, d’aventure, quelque jour je retournais voir de plus près la prose de Mme Sarraute (quand même, il me serait rude de devoir la ranger dans le même tiroir que la comédienne Duras).

      • D’accord avec vous pour le Plutarque d’Amyot (< trad. français moderne par Bernard Latzarus en Classiques Garnier < textes + trad. par R. Flacelière et coll. aux Belles lettres), pas du tout d'accord pour Alain et Paul Valéry dont la présence en Pléiade se justifie parfaitement.

        • M. Moury, avons-vous donc pris du plaisir et du profit à la sélection par J. Robinson-Valéry des « Cahiers » de Valéry ? Il ne s’agit pourtant là que d’une poussière de réflexions fulgurantes, ou absconses, sans la queue d’un raisonnement ni d’une argumentation, que les abréviations de l’auteur parent plus souvent qu’à leur tour d’une apparence de langage algébrique fort irritante de la part d’un éminent littérateur, et dont le feuilletage de quelques dizaines de pages en continu dans l’édition diplomatique du CNRS fait très vite apparaître l’insigne monotonie. Je ne suis pas certain d’y trouver même la centième partie de l’intérêt que revêt le journal de Stendhal, surtout annoté par Del Litto dans ses deux splendides tomes des « Oeuvres intimes » en Pléiade. En comparaison, les « Propos » d’Alain reprennent des couleurs ; je ne puis néanmoins me départir du soupçon que leur pertinence a sombré avec les transformations politiques et sociale de notre pays sous les Trente Glorieuses, pour ne rien dire des mutations générées par l’essor des technologies numériques depuis quinze ans. Quant aux deux volumes Pléiades de « Varia », c’est le Alain le plus académiquement exsangue qui s’y épanouit ; pas de quoi jeter des ombres sur la philosophie de Bergson ou Bachelard ou Sartre. Ne peut-on alors penser sans le moindre désir de briser des idoles que ces collections un peu factices sous lesquelles Alain se présente ont fait leur temps et pourraient s’effacer dignement du catalogue de l’éditeur ?

          • Cher Néo-Birtè

            Si vous aimez Bachelard, vous m’offrez l’occasion de me faire une publicité. Car il faut alors que vous achetiez mon livre « Introduction à la philosophie des sciences d’Emile Meyerson (1859-1933) ou L’irrationalité du réel selon Meyerson » qui vient de paraître car certaines des pages dont je suis le plus satisfait, expliquent en quoi le système de Meyerson fut le contraire de celui de Bachelard.
            Sur Paul Valéry, sur Alain je vous ai lu mais persiste à vous trouver très injuste dans les deux cas.
            Leur « pertinence » n’ayant, au demeurant, pas de rapport avec « les transformations sociales ou techniques » survenues depuis leur mort. Cet argument, venant d’un philologue helléniste tel que vous, me semble étrange.

          • corrigendum : lire « Cher Néo-Birt7 »
            J’avais mal frappé la double touche 7 et è du clavier Azerty.

  5. Juste un mot sur La sorcière de Michelet .Oui, c’est un texte inouïe. Il touche au fantastique par le fantasmagorique des images, il est écrit d’une manière proprement hallucinée, sauvage, d’un romantisme démentiel, les adjectifs sont des éclairs qui viennent zébrer la prose lors de la reconsitutionn du sabbat ou de l’imaginaire de Satan chez La Femme. Bref, un très, très grand livre qu’il faut absolument éditer de la meilleure manière. IL y a quelque chose qui se perd à la Pléiade pour ne pas avoir pensé à cela, plus les textes de poésie presque rimbaldienne que sont L’oiseau, La mer, où la syntaxe se désarticule, dont le texte se fait poème en prose. Mais de fait, vu le débat qui traverse la société sur la place du féminin, la sorcière s’impose.

    • Même si on peut contester les éditions Jean de Bonnot, on ne peut pas leur retirer le fait d’avoir édité,eux, la Sorcière dans une très belle version illustrée.

      • Je l’avais quant à moi, lue dans mes années de jeunesse, en GF où elle représentait à elle seule le nom de Michelet (je n’ai jamais su le fin mot de ce choix par l’éditeur).

      • On daube trop facilement Jean de Bonnot, ils ont fait des choses excellentes et réédités des textes rares. Grâces à eux ont peut se procurer de jolies volumes à des prix plutôt menus. Il y a du snobisme dans l’anti Jean de Bonnot primaire !

  6. Cher Neo,
    Vous entretenez un suspense difficilement soutenable au sujet de Plutarque et de ses « trois traductions modernes de bel aloi » ! DraaK vient d’ouvrir une page sur l’homme, où vos commentaires sont attendus avec impatience (et gratitude anticipée) !

  7. Rétif, quelqu’un qui défend JDB ne peut pas être foncièrement mauvais ; ça dénote que l’on n’est pas totalement déconnecté des « vraies gens ».

    NeoBirt, en condamnant en seulement deux ou trois messages – et sur un blog consacré à La Pléiade – les volumes Pléiade de Duras, Ormesson, Sarraute, Michelet, Plutarque, Roth, London, Valéry, Colette, Chénier, Las Cases, Stevenson… (et j’en oublie certainement), comment voulez-vous être pris au sérieux une seule seconde ?

    Outre la rancœur qu’ils dénotent, peut-être ce fiel et cette misanthropie cachent-ils une certaine souffrance mais cela n’excuse pas la condescendance et le mépris que vous affichez pour les lecteurs de Pléiade qui ont économisé sou à sou pour se procurer ces livres et les lire.

    Tentez de trouver des aspects positifs au monde qui vous entoure : je vous assure que l’on se sent mieux après. 🙂

    • Vous vous méprenez, Lombard, mais d’une manière qui m’incite, pour une fois, à la générosité envers vous. Je me départirais bien volontiers de mes économies en échange d’une édition de Las Cases conforme aux dernières découvertes manuscrites ainsi qu’annotée convenablement – c’est le méchant pensum de Walter en Pléiade que je censurais. Il en va de même, mutatis mutandis, pour son Michelet tronqué, dont le commentaire (par ailleurs détaillé) est hors d’âge depuis belle lurette ; une Pléiade des traités mineurs de cet historien à la magnifique plume, de  » La sorcière » jusqu’aux quasi poèmes en prose, me ferait me pâmer aussi, ainsi encore qu’une intégrale sur bible de son « Histoire de France » (que je possède dans la magnifique reproduction sur plein mouton rouge de Michel de l’Ormeraie dans les années 70, hélas sans aucun appareil scientifique). Quant au reste, je faisais simplement remarquer que le Plutarque d’Amyot ne peut plus vraiment justifier son maintien dans la Pléiade et élargissais le propos à divers auteurs du XXe siècle qui me semblent, et pas seulement à l’aune de mon seul jugement, des insertions purement mercantiles (Duras, Colette, d’Ormesson, Simenon, voire Sarraute, ainsi que deux ou trois Américains). Heureux les lecteurs qui apprécient ces Pléiades ; loin de moi l’idée de les blâmer, ni de vous chicaner votre plaisir, Lombard – mais enfin, que Gallimard nous fait cher payer des auteurs du second ou du troisième rang dont tous les coins de rue nous offrent les éditions bon marché… L’absence de ces gloires très périssables nous eût peut-être valu des Pléiades de plus grands noms injustement oubliés. A force de publier des astres falots dont seule la pollution du ciel médiatique magnifie l’éclat, la collection délaisse trop d’étoiles de première grandeur.

      • Pourquoi le Plutarque ne vous plaît-il pas ? Pour ma part je découvre cet auteur, je le lis avec plaisir et j’y apprends beaucoup de choses, même si je me doute bien que les découvertes postérieures ont permis de préciser des points, voire d’identifier des erreurs sur ces vies d’hommes illustres telles que décrites par cet auteur ancien. De la même façon, quand j’ai lu Hérodote dans La Pléiade, je savais que deux mille ans plus tard sa géographie du pourtour méditerranée me paraîtrait un peu naïve, mais j’étais touché de découvrir la vision du monde des anciens et de lire cet auteur considéré comme l’un des pères de L’Histoire.

        En tant que lecteur, ce qui me plairait beaucoup, ce serait de lire ici de la part des contributeurs érudits – et il n’en manque pas – des comptes-rendus de lecture qui me donneraient envie de découvrir tel ou tel auteur paru dans La Pléiade. Je rêve de critiques positives et de papiers enthousiasmants ; j’aimerais tant que l’on se concentre sur ce qui est bien plutôt que sur ce qui ne l’est pas. J’ai bien compris qu’untel n’aime pas d’Ormesson, mais une fois que cela a été écrit, cela vaut-il la peine d’éreinter cet auteur sur des dizaines de messages pendant des pages et des pages ? Que d’énergie perdue.

        Pour ce qui est des hors-sujets, j’en ai déjà parlé : quel intérêt y-a-t-il à écrire ici, sur ce blog consacré à La Pléiade, que l’édition Pléiade ne vaut rien, que le directeur de collection n’est pas terrible et qu’il existe bien mieux ailleurs ? Depuis que je suis ce blog, j’ai lu si peu de « mentions bien » après la lecture d’un Pléiade.
        Quant aux critiques envers Gallimard, tant sur leurs éditions et leurs directeurs de collections, que sur les auteurs qu’ils devraient publier et ceux qui n’auraient rien à faire au catalogue, comprenez l’inutilité totale de ce genre de remarques : Gallimard n’infléchira pas sa ligne éditoriale, les lecteurs de Pléiade achèteront et liront ce qui leur plaît, et ceux qui n’aiment pas n’aimeront toujours pas.

        J’écoute et regarde des émissions littéraires ; il est peu d’intervenants sérieux qui ne mentionnent pas leurs lectures favorites. Ainsi, le dernier salon du livre m’a donné envie de relire Tolstoï, un intervenant dans « Livres et vous » m’a incité à relire un Dostoïevski, les écrits sur la littératures de Julien Gracq m’ont amené à découvrir de nombreux auteurs publiés dans La Pléiade… Ce n’est peut-être pas si facile d’écrire des critiques positives, de donner envie de découvrir un auteur ou un ouvrage (sans raconter l’histoire comme le font certains « critiques » littéraires à la télévision !).

        Je viens de terminer le recueil Plaute et Térence. Amateur enthousiaste de théâtre, j’ai été très touché par la découverte des ancêtres de nos comédies classiques. Elles m’ont donné envie de lire les pièces grecques qui les ont inspirées. À la lecture de ces vingt-six pièces, j’ai pu un peu comprendre le mécanisme de ces anciennes comédies, me familiariser avec les « types » de personnages récurrents et découvrir les liens avec l’actualité et la vie quotidienne de l’époque. Ce fut pour moi de belles heures de lecture que je ne peux que recommander à tous les amateurs de théâtre.

        • A lire la critique de NéoBirt7, il me semble qu’on doit comprendre (!) qu’il critique moins la présence de Plutarque en Pléiade que sa présence sous la forme de la vénérable traduction d’Amyot, évêque du 16ème siècle !… Je le crois autorisé à. dire qu’on pourrait moderniser cette édition et sa traduction.

          Si l’aurotité de NéoBirt7 se suffit pas, on peut appeler en renfort Céline qui, dans son texte de 1957, intitulé « Rabelais il il a raté son coup », regrette que le « style académique » d’Amyot ait durablement influencé la langue française. Je précise que je ne demande pas pour autant un Plutarque transcrit en verlan…

  8. Mais Neo-Birt 7 (Milles fois bénis soit son nom) oublie parfois qu’il lit en savant là où nous lisons tout bêtement, tout bonnement, en … lecteur (et oui). ainsi sur propagerle feu traite-t-il avec le plus grand mépris l’édition Bouquins des Vies parallèles de Plutarque. Sans doute, il y voit mille fautes, un tas de scories lui saute au visage. Mon bonheur de lecteur en aura-t-il été moins grand?

      • Pour le dire autrement : quand on décide de lire un ensemble significatif comme les Vies de Plutarque, autant le faire dans l’édition la plus fidèle ; car le temps passe, d’autres lectures nous appellent ensuite, l’on n’y reviendra peut-être plus, ou plus de la même manière, et nos lectures ultérieures seront à tout jamais influencées par ce premier contact.

        Pour le reste, je rejoins Lombard : hormis quelques catastrophes éditoriales, on peut certainement se féliciter des différentes éditions de textes, où chacun saura trouver son compte et sa part de bonheur. Louons la Pléiade pour ce qu’elle nous offre.

  9. À lire vos derniers echanges sur les bonnes et les mauvaises Pléiades, je me demande si le chant de M. Rossignol (voir plus haut dans nos échanges) ne va pas encore une fois se réveiller et se faire strident et caustique…. avec raison ? Je ne tranche pas. Quant à moi Vive la Pléiade quand même ! L’excipit du Père Hugo «et s’il n’en reste qu’un etc…» est décidément toujours d’actualité !!

  10. Sans faire de retape, je me permets de signaler la recension (très positive) du Pléiade Borges par Euphorion, sur propagerlefeu.fr.

  11. Pour ma part, j’ai hélas raté mon coup puisque j ai tenté de donner l’envie de de lire Boulgakov tome II (bien forcé le 1 étant inatteignable). J’ai dit à quel point le Théâtre était merveilleusement ornementé de notes en sa châsse éditoriale et quel bonheur c’était de lire une pièce comme « La fuite », qui donne une extraordinaire description des milieux blancs pendant la guerre civile russe, avec notamment l’incroyable spectacle des courses de cafards, qui peut-être se peut lire symboliquemen. Frappant aussi ce personnage du général blanc cruel comme Attila ne l’était pas et qui se découvre sur sa fin une étrange humanité. les personnages de Boulgakov sont profonds, humains, il passe en eux toute une vie bariolée, tantôt triste tantôt heureuse, comme la vraie, et « La fuite » nous en dit plus sur ces milieux blancs bientôt en exil, déjà en exil, que bien de lourdes monographies. En fait, j’ai plutôt toujours dit du bien de la Pléiade ici! Et je renvoie encore au tome II du théâtre espagnol du 17eme siècle, notamment pour les pièces de Calderon de la Barca. Ne parlons qu’à peine de l’annotation, elle serait parfaite si elle n’était parfois superflue (on a deviné bien avant de lire la note ce qu’elle allait dire et l’énervante impression d’avoir perdu son temps pointe. mais c’est là un défaut commun à d’excellentes Pléiades qui en disent trop de peur de ne pas en dire assez). Mais Dieu que ces pièces sont extraordinaires, belles, désirables comme des Venus languides. Je pense Au Magicien prodigieux que je viens de lire il y a de cela une petite semaine. C’est déjà Faust (Calderon avait-il lu Marlow on en discute; à mon sens : oui), mais Faust avec tout le baroque et son jeu sur les apparences, l’omniprésence de la mort en coulisse, les vies qu se transmutent, transforment et quand on la couple avec lecture du « Grand théâtre du monde » alors on à l’impression de « tenir » le baroque avec cette véritable obsession pour l’idée d’apparences, de fluctuation de l’identité, cette certitude (la seule?) que le monde n’est qu’un tissu de mensonge où la seule chose à faire est de se raccrocher au Dieu des œuvres. Il se lit dans ce théâtre tout une conception du monde qu’ironiquement, nous qui vivons dans les simulacres, avons perdu. Mais lisez,et vous retrouverez le goût,le sel, le tuf d’une époque pour laquelle vraiment, authentiquement, le monde est un théâtre.
    Quel dommage que je ne sache pas trouver les mots pour pousser vers Boulgakov, Il y a là un ton unique au théâtre, les personnages ont une singularité et une force qui leur permet d’incarner une vision du monde et mieux, une époque entière. Si je n’avais crainte d’ennuyer, je parlerais d’autres pièces que La fuite !
    Ah, à propos, Lombard,vous m’avez fortement donné envie de lire les pièces dont vous parlez et que je ne connais que très imparfaitement.Si j’achète ce Pléiade pour peu qu’il se trouve sur mon chemin dans des temps plus fortunés, je vous le devrais.
    @ Cher Draak, cher ami, quid d’un bonheur frelaté? au moment où nous lisions, ce bonheur n’était-il pas là, patent, présent, réalisé ? L’avenir n’a pas à gâcher le passé. C’est comme si vous me disiez que le bon temps pris avec un ami était frelaté parce que plus tard nous nous sommes fâchés. J’ai déjà relu mon Plutarque dans cette édition et il y a toutes les chances pour que je le lise en Quarto désormais, mais cela ne m’ôtera aucune des minutes de bonheur que j’eus avec mon édition Bouquins.

    • Merci Restif de votre commentaire élogieux sur Le théâtre espagnol et sur Boulgakov tomes 2. Je méditais de les acheter mais hésitais -très gros et très chers- si vous confirmez leur excellence, je ne vais plus trop tarder.

    • Mais cher Restif, l’avenir ne fait rien d’autre que gâcher le passé, soit par la lumière crue qu’il jette sur lui, soit par l’obscurcissement progressif de lumineux moments (qui se perdront dans l’oubli, comme les larmes dans la pluie, dirait un ami talentueux (bien qu’un tantinet violent)).

  12. Il va falloir que j’aille sur propagerlefeu.com 🙂

    Puisque l’on parle de la qualité d’une traduction, pourquoi une traduction ancienne serait-elle moins bonne qu’une récente ? Pourquoi penser que l’on détient aujourd’hui la vérité ? On peut à la rigueur affirmer qu’une ancienne traduction est moins fluide ou utilise un vocabulaire daté ; et alors ?

    Pour prendre l’un des rares exemples que je peux me permettre d’évoquer sans dire trop de bêtises, prenons celui du Tao-Tö King. La traduction de La Pléiade est tout à fait excellente, fluide, moderne et compréhensible – autant que ce grand ouvrage métaphysique puisse l’être ! Le Tao a donné lieu à d’innombrables traductions ; et bien, sur le plan de la spiritualité, les spécialistes (du contenu, donc, et non de la langue) affirment que c’est l’une des plus anciennes traductions, sinon la toute première en français, celle du Père Léon Wieger, qui « traduit », respecte et reflète… le mieux l’esprit de ce texte.

    Je comprends tout à fait que les spécialistes des langues anciennes aient découvert tout un tas de façons très modernes de traduire Plutarque, mais en quoi les traductions actuelles seraient-elles meilleures que celle d’Amyot qui a vécu il y a un peu plus de quatre siècles ? Admettons simplement qu’elles sont différentes, probablement complémentaires, mais « meilleures » que celle retenue par Gallimard pour leur collection de référence, tout ça paraît bien présomptueux.

    Draak, je comprends tout à fait le point de vue qui consiste à lire la « meilleure » version d’un texte. De mon côté, j’ai eu beaucoup de mal avec les trois premiers volumes de littérature médiévale à La Pléiade (Poètes et romanciers, Historiens et chroniqueurs, Jeux et sapience) et j’ai béni Gallimard quand ils ont commencé à publier Tristan et Iseut, Le Roman de Renard, Chrétien de Troyes, Le Graal etc dans les version bilingues avec la translation en regard du français contemporain, la plupart sous la direction de Daniel Poirion. Mais on peut pas dire qu’une traduction était meilleure que l’autre, puisque les volumes supervisés par Albert Pauphilet ne proposaient pas de traduction à proprement parler.

    • Lombard, une traduction du grec ou du latin datant de plusieurs siècles a forcément été faite sur un état textuel de l’original dont le caractère préscientifique est patent (soit qu’il s’agissait d’une édition princeps du début de la Renaissance, une Aldine ou un Juntine, dont on sait qu’elles reposaient sur un manuscrit du XIVe ou du XVe siècle, aetate et qualitate qua très distant du ou des prototypes médiévaux, soit qu’a été utilisée une édition secondaire quelconque qui pouvait avoir été corrigée par un humaniste plus intéressé à faire valoir sa science du latin et du grec qu’à essayer de purifier le texte primaire). A mesure que la méthodologie de la critique textuelle des oeuvres antiques a été s’améliorant, les éditions se sont rapprochées par anastyloses d’un état idéal du texte, rendant possible des traductions plus fiables ; de même, notre intelligence du latin et du grec a accompli des progrès de géant depuis la Renaissance, par la production de grammaires et de lexiques reposant sur des collections documentaires beaucoup plus vastes comme par les trouvailles textuelles successives, si bien que, à l’exception de certaines oeuvres de quelques savants d’un talent et d’une envergure intellectuelles exceptionnels comme Denys Lambin, Jean Dorat, Isaac Casaubon, J. J. Scaliger ou Claude Saumaise, le travail des grands humanistes du XVIe siècle doit être tenu pour presque entièrement périmé. Comment donc la tâche du traducteur en langue vernaculaire, à laquelle ces géants n’ont jamais consenti pour des raisons touchant à la sociologie de la connaissance et qui dont était investie par des esprits d’un aloi moindre, comme Amyot, pouvait-elle échapper à cette loi ? Une traduction récente accomplie par n’importe quel classiciste de niveau même moyen sur la base d’une excellente édition critique moderne taille par conséquent des croupières aux versions françaises du XVIe siècle, même signées par d’Amyot ou Blaise de Vigenère. N’oubliez pas non plus, Lombard, que c’est comme monuments de la prose française pré-classique que le Plutarque et le Longus d’Amyot sont passés à la postérité, non comme oeuvres de science ; à notre époque, la Pléiade des Vies selon Amyot tristement torchée par Walter ne rend plus aucun service à quiconque tout en desservant dramatiquement cet irremplaçable témoin de la culture gréco-romaine qu’est Plutarque.

      • Vos arguments sont recevables et me permettent de comprendre votre point de vue quant à l’évolution des traductions.

        J’en retiens également que « le Plutarque d’Amyot […] (est) passé à la postérité comme monument de la prose française du XVIe siècle », ce qui explique peut-être pourquoi Gallimard a décidé de le publier – et accessoirement pourquoi ça intéresse le lecteur que je suis.

        Il n’en reste pas moins que, selon moi, la quasi totalité des commentaires concernant les éditeurs tiers, les nouvelles traductions et les appareils critiques alternatifs auraient plus leur place sur le site de Draak ou ailleurs que sur ce blog consacré à La Pléiade.

        Merci pour ces explications.

    • Lombard, je profite de votre intervention pour lever un malentendu : Le site des « meilleures » éditions a surtout pour but d’éviter les pires. Pour le reste, comme on me le signalait avant même que je commence mon projet, la meilleure édition de l’un n’est pas celle de l’autre. A chacun de trouver son bonheur. On peut vouloir lire Amyot parce qu’il fut un découvreur, ou un passeur. On peut le lire parce qu’il fit connaître Plutarque à d’autres auteurs qui se sont inspiré de son texte, et pas d’un autre. On peut le lire parce que sa langue est belle et qu’elle est le marqueur d’une époque… Mais on peut aussi ne PAS le lire parce que l’on souhaite lire la traduction la plus fiable, débarrassée de contre-sens prouvés et la plus fiable à l’intention ou au caractère de l’auteur d’origine.
      Il ne s’agit donc pas de décerner des prix, mais de donner des clés, et j’espère arriver à maintenir un réel esprit positif dans cette démarche.

  13. Dès que j’aurai lu toute le Pléiade du second tome du théâtre espagnol et tout le théâtre de Boulgakov je vous promets solennellement d’écrire un petit compte rendu d’impression (je n’ai pas la prétention d’être un critique) ! Pour Boulgakov, je veux croire que vous avez lu « Le maître et Marguerite » cher Pléiadophile, car si jamais il manquait à vos bonheurs, alors là achetez immédiatement vous économiserez sur un autre terrain. C’est la meilleure annotation du roman lequel j’enrage d’avoir relu juste avant mon achat, à tel point que je crois bien que je vais le lire à nouveau tant il est complet et donne de pistes de lectures, le replace dans son époque, retire leur faux-nez aux personnages comme quelqu’un ici m’en avait d’ailleurs prévenu, déclenchant mon achat.. Pour le théâtre, comme dit il me reste à découvrir (j’ai lu Bakou mais c’est une curiosité, sur la jeunesse de Staline pour tenter de rentrer en grâce. Ça rata)bie des pièces, je me tais. Mais sur ce qu’en ai vu, quel théâtre! Prochaine pièce au programme, après « L’appartement de Zina », « Les journées des Tourbines » qui donnèrent le roman « La garde Blanche ». Et, oui, avec le théâtre espagnol ce sont des Pléiades fort chères, pas loin de 80 euros, c’est bien pourquoi je n’ose en dire plus sans avoir lu plus, voire tout. Surtout que les auto-sacramentals espagnols c’est tout un genre, curieux pour nous aujourd’hui. Mais quelle langue, et merveilleusement traduite. La préciosité et la labilité du monde…
    Vous voyez Lombard, ce qui me fait plaisir, comme avec Pléiadophile qui m’a parfois éveillé l’attention lui -aussi, c’est que mutuellement nous fécondions nos curiosités. C’est pour moi une des grandes joies de ce site auquel je dois l’achat de plusieurs Pléiades auxquelles je n’aurais pas pensé de prime abord.
    Venez sur propagerle feu, vous pourrez interroger et aussi y défendre vos éditions (justement) chéries.
    Vive les lieux qui donnent envie de lire !

    • Restif, de quels volumes du théâtre espagnol parlez-vous ? Je vois qu’il existe en Pléiade un recueil de pièces espagnoles du XVIe siècle et deux du XVIIe siècle…
      Par ailleurs, la traduction est-elle fluide et compréhensible par un lecteur peu au fait de la langue espagnole des XVIe et XVIIe siècle ?

      • Pardon Lombard, je n’avais pas vu votre question (puissiez-vous lire ma réponse). Je parle du Théâtre du dix-septième siècle espagnol en deux volumes de la Pléiade, le dix-septième espagnol côté théâtre. Je n’ai que le tome 2, le premier étant surtout consacré à Lope de Vegas et étant, comme son frère, très chère. mais je l’achèterais car il y a pas que Lope et qu’il est bon d’avoir les deux tomes de ce théâtre qui n’a pour analogue que le théâtre élisabéthain. Ils sont somptueusement traduits, avec une grâce toute particulière dans le rendu de cette préciosité si propre au baroque. Mais Shakespeare touche à ce type de préciosité dans les descriptions du royaume des fées par Titania dans Le songe d’une nuit d’été. Mais attention, quand je dis « préciosité » il faut penser à une tapisserie grammaticale tout en liesse, un vrai sourire de la langue, des escarboucles sont accrochées aux verbes , une rosée de mots se dépose sur l’aurore de ces phrasettes doucettes qui sont de vrais poèmes e prose La description d’un jardin ou d’une passion par Calderon de la Barca c ‘est une enluminure. Une « très riche heure » du Duc de Berry. N’allez point penser que langue soit difficile! Elle s’orne de parures mais se lit des yeux, gouleyante à souhaits, elle glisse sous le regard comme un vin fin sous la langue. Rien de plus aisé à lire que ce théâtre. Mais comment, oui, comment parler d’auteurs aussi merveilleux et différents que Tirso de Molina (auteur du premier Don Juan qui nous est ici magnifiquement donné), Calderon de la Barca (auteur de La vie est un songe », c’est tout le programme du grand théâtre baroque du siècle d’or espagnol) Augustin Moreto y Cavana et de Francesco De Rojas Zorilla que je n’ai pas encore lu, à peine entamé avec quelle joie? Je reviendrais avec plaisir su les thèmes que j’ai déjà esquissés (l’omniprésence du jeu sur les apparences, sur la labilité d’un mode où tout est mouvant) mais mon verbe est un trop pauvre seigneur, un loqueteux parmi ces rois tout parés de richesses et de soie. Mais lisez les sans craintes, ils font partie de la plus haute cuvée culturelle de notre histoire;
        Lirez-vous seulement ce mot, quelqu’un le lira-t-il? Bah, j’aurais fait œuvre pieuse

  14. Domnkos m’avait demandé de parler un peu de mon périple dans le tome II du Journal de Junger (enfin à l’époque il ignorait que ce fut dans le tome II). Je n’ai pas grand chose à dire pour l’instant vais-je citer ce passage qui devrait faire l’unanimité : « L’univers des livres me manquera beaucoup [en Russie] ; je lui dois des heures précieuses; ce sont des oasis dans un monde de destruction. C’est pourquoi les promenades sur les deux rives de la Seine sont parfaites à leur façon; le temps s’écoule sans peine. on ne saurait guère les imaginer plus belles; et elles le seraient beaucoup moins, et de beaucoup, si les livres étaient pour rien.Le fleuve aussi joue sa partie ».
    Il suffit de remplacer les rives de la Seine par ses bouquinistes favoris voire ses chasses informatiques pour retrouver tout ce que Junger dit là.

  15. « J’ai bien reçu et lu (…). Lu avec les mouvements variés que vous devinez. J’ai en particulière exécration ce genre « mal écrit exprès ». Pas tellement exprès que ça, du reste. Je devine la pissée d’encre du stylo qui cavale, incontinence spécifique d’une certaine femme-de-lettrerie, et qui était déjà le fait de la dame Sand. J’admets bien que ces dialogues à la va comme je te pousse peuvent servir à poser des personnages très objectivement, comme chez les Américains les plus vantés. Mais ici, ça sent justement l’imitation trop voulue (…). Quand un auteur (…) vous écrit pendant des 400 pages, et en dehors du dialogue « naturellement qu’en un sens ils étaient deux », ou « le malaise de ce soir, peut-être, il fallait appeler ça de la jalousie », quand on tombe à chaque instant sur « des tas de petites autos » ou « des tas de lumières », à la longue il me semble entendre une espèce de zézaiement dont on ne sait plus s’il est affectation ou inculture. Il est vrai qu’on pourrait opter sans hésitation pour le dernier terme devant les poncifs feuilletonesques (lèvres comme des fruits mûrs, etc., etc.), les impropriétés enfantines, les fautes monumentales (se fasciner sur quelque chose !) dont le bouquin est hérissé. (…)
    Le refus hypocrite (…) de traiter toute la partie lesbienne de cette histoire en fausse entièrement la psychologie. Le plus intéressant n’est pas dit. Il y a force chichis de détail pour compenser cette lacune, et ces chichis sont analysés avec une certaine finesse. On n’en regrette que davantage qu’elle ne se soit pas exercée sur la vérité vraie. Quant aux phénomènes « néantisation » et autres qui doivent permettre de rattacher cela à l’existentialisme, ils relèvent essentiellement des petits matins nauséeux et de la gueule de bois.
    Pour dire encore deux mots de la question des dialogues, ce n’est certainement pas dans cette manière débraillée et sale (genre sale du Flore et du Dôme, (…) que l’on obtient un naturel durable. Ce naturel, lui aussi, est un « effet de l’art ». »

    Lucien Rebatet – Lettres de prison, 1945-1952 (pp.59-60) ; Lettre à Roland Cailleux, 8 janvier 1946.

    C’était mon hommage et mes voeux de bienvenue à certaine dame pour sa prochaine entrée en Pléiade…
    (On va encore me dire : « si vous n’aimez pas ça, n’en dégoûtez pas les autres ! » J’entends bien, mais je plaide non coupable : le lecteur averti aura naturellement compris que, Lucien Rebatet étant un personnage de fiction, les opinions exprimées par ce personnage ne sauraient en rien engager le signataire de ces lignes ni préjuger de ses propres opinions.)

  16. En attendant j’ose me demander si Gallimard ne cache pas un très sordide calcule derrière cette édition. on flotte sur la vogue pro-féministe de ces derniers temps en espérant que cela vaudra à l’édition en Pléiade de Dame Beauvoir pléthore d’articles qui amèneront la chose tant désirée : faire vendre. Ce n’est pas du tout la littérature qui guide cette opération. Gallimard espère que la « papesse » des féministes » ,l’ancêtre, la compagne du têtard aux yeux macro-globuleux, sera un bon enjeu de papiers et donc, de ventes. Car sincèrement même si « Les mandarins » sont fort lisibles, Dame Beauvoir n’a pas du tout la stature pour entrer en Pléiade, soyons sérieux. Ce sont de telles bonnes gosses ficelles juteuses qui ternissent l’auréole de la Pléiade.

    • Vous avez raison, Restif – d’un solide restaurant familial où se mitonnait amoureusement une carte certes traditionnelle, voire conservatrice, mais nourrissante et capable de surprises la plupart du temps agréables, la Pléiade est devenue une cantine industrielle dont la cuisine se passe dans des arrière-boutiques nauséabondes, mi-salle de préparation dans une usine de la Sodexho mi-annexe d’un abattoir de quelque pays de l’Est. On y débite en grosses tranches des auteurs roboratifs ayant fait leurs preuves en poche, quelque adipeuse que puisse être leur chair, Simenon, Colette, Duras, Jean d’O., on y fourre à pleins boyaux de saucisses la tripaille, péniblement relevée par les épices d’un commentaire postiche, des maîtres à penser que leur sexualité ou leur genre (Foucault, de Staël, Beauvoir) font coller aux tendances littéraires et médiatiques, tout malheureux qu’on soit de devoir imprimer le produit fini de commandes lancées sous une direction plus éclairée (« Premiers écrits chrétiens », « Les Epicuriens », Aristote). Pour chef officiant aux fourneaux, un petit comptable soutenu par l’unique préoccupation de tenir son rang mondain. Autant céder Gallimard à des géants éditoriaux (Hachette Livres, Editis) qui, eux, trouveraient peut-être dans la Pléiade une série de prestige digne qu’on lui permette de tenir son rang.

        • Si j’ai correctement « digéré » la psychiatrie, une attitude positive n’aurait d’intérêt que dans deux cas :
          – améliorer la relation problématique que nous entretiendrions avec notre interlocuteur ;
          ou
          – améliorer notre perception des qualités de l’interlocuteur afin de transformer notre souffrance « pathogène » en une tolérance bienveillante et bénéfique pour notre santé.
          Or, si j’en crois les commentaires « négatifs » (que je qualifierai pour ma part, de « lucides ») exprimés dans ce blog, l’être souffrant, c’est la bibliothèque de la Pléiade, victime d’un déclin très significatif en terme de qualité éditoriale, de programme éditorial, et aussi, sans doute, d’un « désamour » de son propriétaire, insatisfait du rendement financier de la collection.
          Ainsi, il ne servirait à rien, je crois, de se voiler la face, et la seule action « positive » serait sans doute de boycotter la collection.
          Je ne peux encore m’y résoudre.

          • N’être jamais content, je crois que cela porte aussi un nom, en psychiatrie (?)
            Tout n’est pas absolument noir.

  17. Bon, définitivement, NeoBirt7 est notre Jérémie. D’autres ici, jouent un rôle plus christique ou apostolique. C’est ainsi que nous entendons, d’un côté, s’élever les louanges à la gloire de la Pléiade et, de l’autre, tomber les malédictions. Personnellement, parfois je penche vers les unes, d’autres fois vers les autres. Et la cohabitation des deux ne me dérange pas. La mise en examen de la Pléiade ne me semble pas abusive, à condition que l’instruction soit faite à charge et à décharge. Pourquoi vouloir supprimer un des deux plateaux de la balance ?

    Je dois avouer que j’attends avec impatience les deux Kierkegaard et les Lais médiévaux, pour répondre à l’idée que je me fais de la « prestigieuse » collection.

    Mais que ceux qui n’en attendent que des beaux volumes, bien reliés et bien imprimés, d’auteurs juste bons ou moyens, et qui supportent de voir à l’occasion des auteurs médiocres se parer de ces brillants atours, soient heureux et goûtent librement et sans remords leur plaisir, je ne le leur contesterai pas. De quel droit ?

    Au lieu de mes dix nouveautées annuelles habituelles, je n’en achèterai, en 2018, que deux ou trois, et, avec le budget économisé, me paierai sur le marché de l’occasion deux fois plus de numéros dont l’absence m’est cruelle. Et ainsi, foin de querelles, tout le monde sera content.

  18. Message personnel. Restif, il me semble vous avoir vu écrire que vous appréciez « Les Deux Etendards » (ou bien me trompai-je lourdement ?). Les « Lettres de Prison 1945-1952′ » adressées par Rebatet à Roland Cailleux sont toutes remplies essentiellement du reportage sur l’écriture de ce roman, y compris dans ses aspects les plus élevés comme les plus triviaux. On est vraiment dans l’écriture du livre et dans l’arrière-cuisine où il se mitonne.

    Enfermé, craignant de voir sa vie abrégée (du moins durant les premiers mois), il tente d’assurer sa survie littéraire en travaillant sur ce qu’il considère comme son grand oeuvre, de laisser à la postérité le souvenir de l’écrivain qu’il voudrait être, qu’il croit pouvoir être, plutôt que celui du lamentable auteur des « Décombres ». Il ne passe pas son temps à pleurnicher sur lui-même (contrairement à Céline en exil, à Brasillach en prison) et profite de son enfermement pour s’enfermer doublement à l’intérieur de son travail en cours. C’est pour le moins très intéressant. (Sans être dupe : Rebatet, s’il tâche, au moyen de ses lettres, d’assurer dans l’immédiat la survie de son esprit, travaille également à sa future statue.)

    En même temps, il reçoit des livres, en emprunte à la bibliothèque, et fait la chronique des parutions de l’époque, avec un rare esprit d’indépendance, même à l’égard de lui-même, de ses partis pris et de ses convictions. Un simple exemple (lettre de juin 1946), prouve qu’il avait meilleure vue en littérature qu’en politique : « Si on fait de Céline une exception inclassable – ce que le bougre est bien ! – (…) le seul écrivain de premier rang qui soit entièrement de notre époque, d’une nouveauté absolue de langue, de son, de couleur, c’est encore Proust (…) (Céline était cette année-là en enfer et Sartre au plus haut des cieux.)
    Bien sûr, il y a aussi des scories.

    (Il s’agit d’une édition de 1993 au Dilettante, ornée d’un court avant-propos qui tente de justifier la publication de cet auteur « impubliable », sans le moins du monde le dédouaner. J’en extrais quelques phrases qui me rappellent un récent débat entre nous – et qui ne feront pas forcément plaisir à tout le monde, ha ha ha, le diable m’emporte !

    « Près de cinquante ans après la Libération, la morale publique impose le silence éternel aux morts, comme si elle avait peur de demander des comptes aux vivants. (…) en publiant, on démystifie. Ni les Lettres à la NRF de Céline, ni le Journal de Drieu la Rochelle n’ont profité à leurs auteurs ou à leurs idées. Céline en ressort mesquin, bassement intéressé, renégat surtout. Drieu, impuissant, viscéralement obsédé par le juif, ridicule en politique. »

    L’avant-propos en forme d’avertissement est non signé, mais l’édition étant établie, présentée et annotée par un certain Remi Perrin, je crois pouvoir supposer qu’il en est également l’auteur. Je ne connais rien de ce Remi Perrin, sinon – maigre fruit de mes recherches – qu’il a traduit « le sourire de Lénine » de Curzio Malaparte, pour un éditeur, Perrin & Perrin qui semble avoir une dilection pour les auteurs qui ne se sont pas honorés par leur conduite durant les années 40… Hem !)

    Voilà. Décidément, comme dirait Céline, j’aggrave mon cas.

    • Pages remarquables (d’admiration lucide) sur Sartre et (d’admiration affectueuse : « je le connais mieux que moi-même ») sur Gide. Et d’autres. Breton. Gracq. Montherlant. Camus. Se trompe rarement sur la grandeur des astres littéraires qu’il observe de loin, à travers la lunette-lucarne de sa cellule. Pas de naines rouges confondues avec des super-novas.

        • De même en musique, Rebatet était un remarquable mélomane et s’est rarement trompé dans ses jugements (quelques injustices sur Chostakovitch et sur Sibelius mais il n’avait pas pu entendre leurs meilleures œuvres).

          • Il parle également de musique dans ces lettres, et son Histoire de la Musique est un classique (le seul de ses livres qui a toujours été réédité sans être pollué par des débats idéologiques). En tous cas, quand je lis ce qu’il écrit sur la littérature, je n’ai à aucun moment l’impression de lire les écrits d’un fasciste.

            Je n’ai aucune complaisance à l’égard de l’ordure que ces écrivains charriaient, je suis seulement fasciné le fait que de tels esprits aient pu sombrer dans cette infamie. Le processus m’intéresse, car chacun peut être exposé aux dangers du naufrage.

            Mais il n’y a pas d’identité entre les caractères et les esprits. Brasillach était un fasciste convaincu, idéologue, Céline un raciste de l’espèce la plus vulgaire, En fin de compte ce sont de petits esprits, bien peu intéressants (B. limité par l’étroitesse de sa pensée, malgré sa culture, C. par la vulgarité de la sienne) et dont je n’aurais pas recherché la conversation. L’un avait le talent, l’autre le génie – le talent et le génie, comme on disait autrefois de la grâce divine, tombent où ils veulent. Drieu et Rebatet je les connais moins et ils sont plus mystérieux à mes yeux, je ne les vois guère comme des idéologues.

            C’est la même chose de l’autre côté (ne devrait-on pas avoir à « s’excuser » et se justifier constamment de lire Aragon, Eluard et toute la clique stalinienne qui ont évité d’être des collabos et des kappos – et encore ! -que parce que l’Armée Rouge s’est arrêtée en Germanie ?). Je ne trouve rien d’un communiste convaincu chez Aragon et il me fait toujours l’effet d’un dilettante, Eluard est déjà bien plus orthodoxe. Sartre, très inquiétant, je ne lui vois aune empathie, aucun sentiment humain. Beaucoup sont illisibles, grande soumission à l’idéologie et absence de talent. Ne m’intéressent pas. Mais la soumission de grands esprits à une idéologie déshumanisante… On le vit de nouveau, aujourd’hui.

            Ceci dit, ce n’est pas la hauteur de pensée ou les considérations inédites qui m’intéressent dans les Lettres de Rebatet mais, d’une part sa tambouille d’écrivain, d’autre part sa découverte des oeuvres d’écrivains contemporains « in vivo », comme si je découvrais à travers lui qui n’est pas un critique littéraire professionnel mais un passionné de littérature, au moment de leur parution, les livres d’écrivains qui semblent prometteurs, peut-être les maîtres de demain, comme un certain Albert Camus, Jean-Paul Sartre, etc.

          • « Ahh ces nazis, quels gens cultivés tout de mêêêêême!!!………. » Plus sérieusement son histoire de la musique est tout sauf un classique du genre. Réédité par Bouquins, donc aisément disponible, mais très contestable sur plus de points que Chosta et Sibelius (sur Messiaen et Nielsen notamment il est très injuste). Découvrir l’histoire de la musique avec ça serait en tout cas une très mauvaise idée…. ça sent l’aigreur à toutes les pages. Sans parler de quelques relents antijuifs sur Mendelssohn notamment.

          • Bof. Votre procès en sorcellerie, mon cher Joaquim, ne provoque chez moi qu’un peu d’irritation et beaucoup d’accablement. Quant à votre humour, si cela veut en être, il ne me fait pas rire. La caricature de mes propos, que je tâche d’exprimer de la façon la plus équilibrée et claire possible pour les mal-comprenants, est évidemment empreinte d’hostilité gratuite. Je me suis assez fait enguirlander par les thuriféraires de Céline, que j’aurais trop maltraité, pour avoir à me justifier, et il me semble que j’ai distingué soigneusement l’étendue de la culture et l’étroitesse de l’esprit d’un Brasillach, pour n’avoir pas à me justifier plus longuement.

            Tout cela peut vous sembler obsolète ou hors-sujet, indigne du moindre examen, pourtant c’est notre « âme » (je vous autorise à vous gausser de ce mot) que nous jouons dans cette partie, et il ne s’agit pas d’un procès des temps anciens mais de quelque chose qui se déroule aujourd’hui et concerne chacun de nous.

            Quant à affirmer qu’en employant le terme de « classique » je voudrais faire d’un livre un ouvrage incontestable dans toutes ses parties et ses détails… je vous laisse la responsabilité de cette ineptie. Je ne connais personne pour croire que la qualification de « classique » mette une oeuvre hors de portée de la critique et des critiques. Les exemples sont innombrables.

            Je suis fatigué de devoir rappeler des évidences, justifier la moindre de mes petites phrases, face à des procureurs malintentionnés et à l’esprit cadenassé sur leurs convictions-réflexes.

          • Comme disaient, en des temps révolus, des sortes de proto-nazis à qui on coupa justement la tête : « Brisons là, Monsieur. »

  19. On paet d’un cas « Rebatet », à propos d’un unique ouvrage que, nolen volen oon retrouve souvent coneillé pour l’apprentissage de la musique et voilà,n se retrouve avec un point Goodwin pour Domonkos. ET une idiotie grammaticales « ah, ces nazis », Domonkos n’avait dit (un peu) de bien que de Rebatet, le voilà de force mis en compagnonnage avec la gratin du nazisme français. procédé dégouttant qui vous juge un homme. Mais que n’attaque donc Goerges Steiner qui voit dans Les deux étendards l’un des plus grands livres du xxeme siècle et un personnage féminon supérieure à la Natacha de Guerre et Paix; vite, vite, taxe le de nazi abec cet humour impayable que nous nvions

  20. (Ah,himmel c’est parti d’un coup !!!)
    Fin -« avec cet humour impayable que nous envions tous.  »
    Désolé je ne peux pas tout réécrire. Vous déchiffrerez, mes excuses. Il faut croire que le clavier à vomis avant moi.

  21. Et si, au moins, Hâfez et Rûmi intégraient la collection ? Qui lève la main pour un beau volume de la poésie classique persane/iranienne ?
    (Verdier a publié une traduction qui semble intéressante du « Diwan » d’Hâfez – quelqu’un a-t-il pu la consulter ?)
    Pour Attar, Diane de Selliers a réalisé une belle édition du « Cantique des oiseaux »…
    Ferdowsi, Nizami, Saadi me sont inconnus…
    En appendice, on pourrait trouver un choix de poèmes concis de Kiarostami et de ceux, brûlants et noirs, de Forough Farrokhzad, entre autres, sur 200 pages ?

    J’aurais un désir semblable pour un volume de poésie japonaise… Plusieurs dizaine de milliers de haïkus et autres ne combleraient pas mon appétit !

    • Si j’étais un provocateur (mais tout le monde sait que je ne le suis point) je dirais ! « Surtout pas de haïkus », ça devient indigeste à force d’en trouver partout, à foison. Mais, comme je suis raisonnable, je me contenterais de dire : « Des haïkus, oui, ma non troppo et pas que… » Il y a aussi d’autres formes dans la poésie japonaise, bien trop méconnues sous nos climats.

      • D’où le « plusieurs dizaine de milliers de haïkus ET AUTRES » !
        L’occasion de découvrir tout un autre pan de la poésie japonaise – même si je suis partant pour débourser mon argent et acquérir toute nouvelle intégrale d’Issa ou Bashô… Quand je lis une nouvelle traduction, je lis un nouveau livre – mais quelque chose, toujours passe la traduction, qu’elle soit ciselée, idiote, fidèle, infidèle, belle, laide, rugueuse, lisse…
        Parce qu’après tout, le haïku n’est au départ que la première strophe d’une forme codifiée… comparaison n’est pas raison (surtout avec l’exemple qui va suivre) mais… comme si, des sonnets, il s’agissait de ne conserver que les deux tercets (ou plutôt les deux quatrains).

        • D’accord.
          En ce qui concerne les traductions, surtout pour les langues éloignées de la nôtre, j’essaie toujours d’en avoir plusieurs, dans la mesure du possible ; et quand j’acquiers une nouvelle traduction, il est rare que je ne conserve pas la précédente. Sauf si elle est franchement exécrable : et encore ! certaines traductions « dépassées » ou réputés fautives, ont une « légitimité historique » elles sont le témoin de la réception de l’oeuvre étrangère dans notre pays, et en tant que témoins je les conserverai toujours précieusement.

    • Je lève également les deux mains. Firdousi et Nizami sont deux écrivains extraordinaires : je garde un souvenir enchanté du long poème de Nizami : les sept princesses ou les sept beautés selon les traductions et leur symbolique astronomique et chromatique qui ont influencé une partie des Mille et Une nuits.

  22. @Joaquim.
    Certes, je vous concède Nielsen et je reconnais que certaines phrases sont assez puantes de racisme « la race italienne » « la race juive » et qu’il critique Mendelssohn tout en reconnaissant que certaines de ses oeuvres sont des chefs-d’oeuvre (celles sur lesquelles s’est faite l’unanimité d’ailleurs) mais je vous rappelle qu’il fait aussi de grands éloges sur Schönberg et sur Mahler qui sont tout aussi juifs. ça devient pénible -et c’est très français aussi – de voir tous les arts (littérature, peinture, cinéma, musique…) jugé sous l’angle uniquement politique. Les idéologies meurent, la beauté reste !

  23. J’ai l’intention de ranger l’album Pléiade 2018, dans ma bibliothèque, entre « le Missel des Dimanches » et « l’Imitation de Jésus-Christ »… A moins de la ranger entre deux ouvrages de Philippe Manoeuvre consacrés à quelques idoles pop-rock ?… Que me conseillez-vous ?

    Ha Ha ! non, je vais m’éviter ce cas de conscience en laissant à disposition de mon libraire ce magnifique ouvrage afin qu’il le donne à ses pauvres…

      • Puisqu’il faut être sérieux pour être pris au sérieux, je le dis sérieusement : j’attends (un peu) plus d’un album Pléiade que les considérations énamourées d’une groupie. Pour cela il y a TF1 et internet.

        • Avez-vous eu l’album entre les mains ? Avez-vous déjà eu l’occasion de le lire ? Dans ce cas qu’est-ce qui justifie votre dédain ? De même pourriez-vous expliciter vos remarques sur le troisième volume consacré à Stevenson : en quoi a-t-il déçu vos attentes ? Je vous lirai avec attention. Merci par avance.

          • Le lecteur candide qui se ferait une idée du Stevenson des dernières années, des années vécues dans le Pacifique, une idée de son travail, de ses conceptions, de son art et de sa pensée, ce lecteur candide serait trompé dans ses attentes et resterait avec une pâle esquisse de l’homme et de l’oeuvre.
            Les commentaires ne dépassent pas le niveau « moyen », qu’on peut lire partout.
            On a droit à la continuation par un tâcheron d’une oeuvre laissée inachevée par Stevenson, ainsi que nous l’avait déjà signalé, je crois, Restif – pensum écrit sur ordre de l’éditeur d’alors pour des raisons purement commerciales – par contre pas trace des « Songs of Travels », pas le moindre article ou récit de voyage à se mettre sous la dent. Pourquoi son récit de la descente de l’Oise en canoë et le Voyage avec un âne dans les Cévennes, figurent-ils dans le premier volume, et pas, à sa place dans le second volume, « A travers les Grandes Plaines », soit sa traversée des Etats-Unis jusqu’en Californie, pourtant publié du vivant de Stevenson ? Je ne sache pas que la qualité littéraire de l’un surpasse celle de l’autre.
            « Pas un seul petit morceau de mouche ou de vermisseau » : articles, essais. Au moins l’important « Footnote to History: Eight Years of Trouble in Samoa » (1892) publié par Payot sous le titre « Les Pleurs de Laupepa: En marge de l’histoire, huit années de troubles aux Samoa ». Je l’avais mis dans mes valises, lorsque je suis parti séjourner à Wallis et Futuna, en lieu et place d’un quelconque « guide du routard », et c’est en le lisant et le prenant pour boussole que j’ai accompli le pèlerinage aux Samoas voisines. (Par parenthèse et pour achever mon portrait d’impénitent bavard, ou pour expliquer ma particulière sensibilité à l’égard de Stevenson, une petite sous-employée des Destinées, s’ennuyant sans doute dans son bureau de l’au-delà, a décidé de mêler les fils de mon obscure existence à ceux de Robert-Louis, en me faisant vivre quatre années à côté d’Origny-Sainte-Benoîte sur les bords de l’Oise qu’il descendit en canoë, puis six années à Saint-Jean-Gard, point de départ de son Voyage dans les Cévennes avec un âne – Saint-Jean-du-Gard devenu un petit Lisieux touristique consacré à Stevenson, comme certain quartier de Liverpool aux Beatles – et enfin, deux années à Wallis, à portée de grande pirogue des Samoas. J’ai sauté l’étape californienne et, hélas, j’ai depuis longtemps dépassé l’âge de 44 ans et ne laisserai point d’oeuvre mémorable.)

            Ces ouvrages manquant auraient donné à ce volume consacré à la période samoane la profondeur et l’identité qui lui manquent. Ce mince volume, me laisse sur ma faim. Dix ans d’attente pour cela, il y avait la durée et la place pour donner une véritable édition complète et fouillée. Telle quelle, cette Pléiade n’apporte rien. Elle est à l’aune des Jules Verne, London, Mark Twain. A quoi bon des Pléiades de ce type, pour ces auteurs populaires, dont on peut trouver quantité d’éditions bon marché ? Je me sens parfaitement en droit de m’estimer floué. Mais je n’empêche personne de penser le contraire, d’aimer ce livre et de le faire savoir.

            (A propos de Verne, j’ai défendu sa présence en Pléiade, mais, comme pour le présent Stevenson, j’ai déploré le travail a minima. Eh bien, que ce soit ici, sur ce site, ou bien dans « la vraie vie », je me trouve seul à trouver une utilité à ces Pléiades. Tout le monde autour de moi, chez les libraires, les bouquinistes, les bibliothèques, tous les lecteurs avec qui je discute, me demandent : « à quoi bon ? » En effet, à quoi bon ? De quoi s’agit-il ? D’arborer sur le mur du salon de la Pléiade, en guise de trophées de chasse, les têtes d’auteurs célèbres ?)

            Quant à l’album… cela ne vaut pas un débat. Chacun fait à sa guise et je n’empêche personne d’aimer çà, mais personnellement je ne lis jamais les hagiographies écrites par des fans ou des groupies ou bien « les gens de la famille »… Je suis un mauvais homme, rempli de malice et malintentionné…. Allez, je vais dire trois Pater et deux Ave en expiation, et prier Thierry qu’il me veuille absoudre !

  24. C’est amusant, l’auteur de « Comment parler des livres que l’on n’a pas lus ? » a également écrit un ouvrage intitulé « Le Hors-sujet » : ça ne s’invente pas.
    J’aurais bien plussoyé pour le silence, mais je crains qu’il faille être plus nombreux pour une pétition recevable.

    Sur les albums Pléiade : ceux que je possède sont pour moi des références iconographiques que je trouve tout à fait complémentaires de la collection « X par lui-même » dans la collection Écrivains de toujours chez Seuil, soit un peu plus d’une centaine d’ouvrages pour la plupart indispensables et que l’on trouve, eux, à petit prix parce qu’ils ne sont ni collectionnés ni l’objet de spéculations marchandes.

    Sur Stevenson : il semble qu’on l’aime ou qu’on ne l’aime pas et que ce soit aussi viscéral que pour les goûts et les couleurs. Certains dont je suis considèrent que c’est un maître de la fiction universelle, tandis que d’autres le méprisent au même titre qu’ils méprisent Dumas, Verne, Sue, Leroux, H.G. Wells, Wilkie Collins et tant d’autres pères fondateurs de la littérature « populaire ».

    Quant à la parution de Simone de Beauvoir en Pléiade, on va sans doute lire ici et ailleurs de bonnes grosses critiques bien phallocrates la concernant ; ça ne déparera pas les écrits outranciers qui frisent parfois le révisionnisme et il sera de bon ton de rouler dans la boue « le féminisme » quitte à mettre les rieurs de son côté.
    Par chance, ça n’empêchera pas ceux qui aiment et ceux qui pensent que la cause est juste de continuer le combat : « Celui qui combat peut perdre, mais celui qui ne combat pas a déjà perdu » (Brecht)

    Bonne soirée à tous. 🙂

    • C’est rigolo cette obstination que vous mettez à vouloir faire taire les personnes avec lesquelles vous êtes en désaccord. Je ne me souviens pas d’avoir jamais employé ce procédé à l’égard de ceux qui disent ou écrivent des choses que je n’aime pas. Une petite vocation rentrée de Commissaire Politique ? (Il est vrai que votre ami Brecht est une bonne référence en la matière. Moi aussi je peux donner dans le « coup bas ».)

      Par contre, il serait bon de ne pas tout emmêler : qui ici « méprise Dumas, Verne, Sue, Leroux, Wells » (pour Wilkie Collins : joker !) ? Pas moi, en tous cas, et je ne saurais citer le nom d’aucun des participants de ce blogue (oui, c’est exprès, j’écris volontiers en raymond-queneau…). Il semble que vous dégainez dès que vous voyez certains patronymes, sans y aller voir de très près, sinon vous n’ignorerez pas en quelle très haute estime je tiens Verne (pour qui j’ai assez brisé de lances contre ceux qui contestaient sa présence en Pléiade) et Stevenson. Vous n’êtes pas très regardant sur la qualité des munitions que vous utilisez.

      Autre point : vous vous gaussez de ceux qui « parlent de livres qu’ils n’ont pas lus », mais vous vous accordez le droit de juger d’avance de ce qu’ils vont dire (que vous avez sans doute vu dans votre boule de cristal) et, plus fort que tout, vous sondez les reins et les coeurs et connaissez de connaissance certaine ce qu’ils cachent au fond de leurs âmes noires (misogynes, crypto-nazis, etc.)

      Ah oui, flèche du Parthe : « iconographique », vous avez dit iconographique ? Voilà bien le cadet de mes soucis et je vous le cède volontiers. Je ne parle que de l’écrit. Nous ne parlons donc pas de la même chose, procédé infaillible quand on veut être sûr de ne pas se comprendre.

      Bon, je m’en vais faire une petite cure à Vichy, pour me débarrasser de mes mauvaises « humeurs » (à moins que ce ne soit le contraire, mince, mauvais choix, je viens encore de révéler mes coupables penchants). Je devrais plutôt aller faire un séjour à Hollywood, la nouvelle Mecque de la vertu.

      • Au fait, pour le féminisme, le fait que je n’ai jamais tué ni violé, ça compte ?
        Ou bien que, dans les années 70, lorsque j’étais au restaurant avec une femme, je demandais au serveur de faire goûter le vin rouge par la dame plutôt que moi ?
        Que je me trouvais quotidiennement au milieu de sociétés exclusivement féminines, ma présence de mâle puant les dérangeant si peu – inconscientes du danger que je représentais, les pauvres innocentes colombes ! – qu’elles devisaient librement comme si j’étais l’une d’elles (ce qui fait que je n’ignore rien de ce que se disent les femmes lorsqu’elles sont entre elles, y compris les choses les plus intimes ou les plus rudes pour l’autre sexe) ?
        Ou encore que, début des années 80, c’est moi qui me suis mis en congé parental pendant trois années, qui torchait les petits, qui les bordait et leur donnait le dernier bisou avant le sommeil, qui allait les chercher à la sortie de l’école, seul de mon genre à l’époque, au risque de passer pour un pédophile – au point que mon tout petit bébé, disant ses premiers mots, m’appelait en public : « maman » ? (Et qu’il n’est encore aujourd’hui, à trente ans et des brouettes, selon certains symptômes, pas loin de le penser in petto.)

        Allez donc faire vos procès staliniens dans les pays où ils sont encore de mode : ils ne manquent pas, hélas, dans notre monde actuel, je peux vous fournir la liste.

        • Ah, encore un mot, tant pis si j’importune. Mais, après tout, comme il y va de mon honneur et que c’est une chose à laquelle j’ai la faiblesse de tenir, je ne puis me contenter de répondre à vos actes d’accusation par un simple silence.
          Après ma misogynie, mon nazisme supposé, probable, certain, archi-prouvé : il suffit de le laisser sous-entendre, subodorer, supposer, pour que ces murmures prennent l’ampleur d’une clameur.
          Il se trouve, je l’affirme, que je hais le Rebattet des « Décombres », le Brasillach de « Je suis partout », et toute la clique, Drieu, Céline (lui, tout le temps de sa vie, car il ne s’est jamais repenti et n’a jamais changé d’avis, sa pensée a toujours été à la hauteur du caniveau – la bassesse, il en faisait profession, comme Genêt). Mais voilà, c’est bête, j’ai l’indigne faiblesse (et même pas l’excuse d’être chrétien !), non pas de pardonner (peste, non !) mais de plaindre les vaincus, même quand ils furent des salauds à l’époque de leur triomphe. (Certes, j’ai du mal à pleurnicher tout de même sur les dernières heures d’Adolf et des membres de sa camarilla).

          De n’avoir pas envie de les traiter comme ils avaient traité les autres.
          Et, surtout, de ne pas leur dénier la qualité d’êtres humains, même quand ils en avaient été indignes.
          C’est vraiment bête.
          Cela ne vaut ni pardon, ni amnistie.

          Dans ses Lettres de Prison, Rebatet fait preuve de plus de dignité que Brasillach et Céline, il consacre très peu de lignes à son sort de condamné à mort, attendant, les chaînes aux pieds, durant des semaines, le matin de son exécution (qui ne viendra pas). Il note à peine au passage, une seule fois, les cris de haine et les appels à mort de l’Humanité (vous savez, les thuriféraires du grand humaniste Staline ?).
          Quatre-vingt-dix pour cent de ses lettres sont consacrées à la littérature, à son travail, à celui de son correspondant (qui n’est pas du tout un fasciste), à la scène littéraire de ce temps, aux critiques d’oeuvres du temps présent et passé. Avec une rare lucidité, une grande qualité de jugement, et pas d’oeillères (même à l’égard des écrivains juifs ou homos). Peut-Être voulait-il partir en donnant une autre image de lui. Je n’ai pas votre talent pour sonder les consciences.

          Mais le sujet m’intéresse. Ainsi que le mystère de « l’âme » humaine, aussi passionnant à observer chez les « salauds » que chez les « saints ».

    • Je n’interviens pas souvent, seulement quand j’ai des avis littéraires à formuler. Mais ces attaques contre Domonkos sont fatiguantes. Il était là au début de ces commentaires, il a donné avec d’autres de la qualité aux échanges, si vous êtes aussi venu sur ce blog c’est grâce à lui car il alimente régulièrement la vitalité de ces echanges et s’il est parfois hors sujet c’est normal puisque l’essentiel des discussions sur la Pleaide a depuis longtemps été débattu. Vous avez le droit d’être en désaccord avec lui ou un autre, mais Domonkos a toujours un ton léger tandis que vos attaques répétées, Lombard, sont pesantes. Si vous n’êtes pas d’accord avec lui, ne le lisez pas, personne ne vous y oblige, et personne ne vous oblige à continuer des querelles larvées qui n’intéressent personne. Tout comme vos attaques contre Neo-Birt, qui a sans doute des défauts comme chacun, mais qui prend le temps à chaque fois qu’il est sollicité de répondre avec son savoir. Donc cessez d’être querelleur, on n’y gagne à rien sauf à être désagréable, on peut être en désaccord sans en faire continuellement une ritournelle, non? Surtout contre Domonkos a qui vous faites un bien mauvais procès. Comme de supposer qu’on est phallocrate quand on ne goûte pas Beauvoir en Pléiade ; vous tombez dans une invective à demi mot qui n’a rien d’un débat. Beauvoir en Pléiade, c’est parce que c’est lisible, que ça se vendra bien, voilà tout. Elle a des qualités mais ce n’est pas une prosatrice ni une romancière qui a marqué la littérature. D’autres auraient davantage leur place avant elle.

      • Pour quitter le terrain de la querelle personnelle sur lequel je me suis malencontreusement laissé entraîner, et « pour en finir avec le jugement de… » Beauvoir, je reviens sur les raisons purement littéraires qui me font considérer que la Pléiade à elle consacrée n’a aucun caractère de nécessité. Je sais qu’en disant cela, j’exprime un jugement qui sera contredit et même combattu, par d’éminents esprits même, comme Moury, si j’ai bien compris le sens d’une certaine récente intervention. Je les lirai avec attention et intérêt. C’est dire que je ne considère pas mon propos comme parole divine.

        Selon moi, selon mes critères, Beauvoir est un mauvais écrivain. Ou comme écrivain, ce que j’entends par « écrivain », son importance est de petite grandeur. A l’égal d’une quantité d’autres romanciers ou romancières de l’époque, dont je ne lui ferai pas l’injure de placer les noms à côté du sien et que personne ne songerait à publier aujourd’hui en Pléiade. (Je l’avais dit dans ma toute première intervention : j’aurais compris qu’elle entrât dans la collection il y a trente ou quarante ans.)

        Ses romans ne m’apportent rien de ce que j’attends dans ce domaine, ni sur le terrain des formes, ni sur celui des situations, des caractères, du sentiment (ajoutez ce que vous voudrez). Ils sont « bien » écrits, sérieusement faits. On peut en dire autant de Jules Romains ou de Georges Duhamel, que plus personne ou presque ne songe à lire aujourd’hui. J’ajoute que je l’ai fait, pour chacun des trois précités, et sur une longue période, je ne parle donc pas de « livres que je n’ai pas lu ». (Par parenthèse, je ne méprise pas autant les romans de Sartre qu’il paraît convenu de le faire : en d’autres temps je les ai lus avec plaisir et intérêt, j’y ai trouvé beaucoup de ce que j’y cherchais, et cet intérêt ne s’est pas affaibli avec le temps. Il est vrai qu’aucune lecture récente n’est venue confirmer ou infirmer ce sentiment.)

        A mon sens, elle reste et restera essentiellement comme mémorialiste et essayiste. Ses mémoires ont bien sûr valeur de témoignage irremplaçable, mais à lire sans jamais abandonner les outils critiques, car il s’agit de témoignage qui a un but, va dans un certain sens, remplit un certain rôle « d’engagement ». Oui, c’est presque toujours le cas, même pour les plus grands. Seulement, outre que l’écriture de S. de B. me fait autant d’effet qu’un verre d’eau tiède – sauf lorsque je suis vraiment assoiffé et ne dispose de rien d’autre – la chronique du monde vue de Saint-Germain des Prés ne m’intéresse guère. Et je ne suis pas sûr qu’elle ait encore le même écho universel qu’à l’époque, après l’effondrement du monde et des idéologies qui la sous-tendait.

        S’il y a un seul livre qui suffit à la gloire et à garantir la mémoire de Simone de Beauvoir, ce serait « Le Deuxième Sexe ». Non pas tant pour les théories qui y sont exposées, et qui font aujourd’hui l’objet de sérieuses critiques, y compris parmi les féministes les plus convaincues. Ainsi, la fameuse phrase (géniale) : « on ne naît pas femme, on le devient » peut être comprise de bien des façons, des meilleures et des pires, selon les interprétations, les personnes, les situations, les époques. Elle n’en garde pas moins sa formidable force de remise en question de bien des certitudes. Ce livre pose plus de questions qu’il n’en résout, ouvre plus de débats qu’il n’en conclut, et c’est son mérite. Il restera et gardera son prestige, quoi qu’on en pense, quelque valeur qu’on lui accorde, à cause de sa force inaugurale, de son statut de symbole. Dont acte.

        Le plus intéressant serait, je pense, dans sa correspondance. Là, même si Simone de Beauvoir en écrivant ses lettres, de nature intime ou publique, (pré)méditait certainement leur contenu et soignait leur forme, sachant qu’elles seraient un jour publiées, je crois qu’on entend mieux qu’ailleurs sa véritable voix (et aussi, en écho, celles d’autres personnes, parmi lesquelles nombre de grands caractères, d’éminentes personnalités).

        Tout cela ne fait pas pour moi de Simone de Beauvoir un écrivain qui doit prendre place dans la compagnie des grands écrivains à qui est, dit-on, consacrée la Pléiade. Ce qui ne veut pas dire qu’elle n’a pas sa place, ailleurs, dans une autre catégorie.

        Désolé de décevoir quelques-uns, je ne la traiterai pas de suffragette, de précieuse ridicule, de bas bleu, que sais-je, ni ne la confondrai avec des stars hollywoodiennes crachant dans la soupe au caviar. J’ai pour elle le plus profond respect, pour ce qu’elle a représenté, le rôle qu’elle a joué dans notre histoire intellectuelle, même si je juge avec sévérité (c’est le moins que je puisse dire) ses errements en politique (mais, chez elle, ils ne sont pas essentiels, contrairement à qui vous savez).

        Et puis quoi, quand même, je lui tire mon chapeau, le père Sartre, il fallait s’le farcir, et pendant quelques décennies ! Un sacré pied marin par gros temps, la Simone !

        …………………………………….

        PS : Euphorion, il me reste à vous remercier pour votre jugement salomonesque.

        • J’aurais dû parler aussi, dans la catégorie essais, de ses écrits sur la vieillesse et le sort des personnes âgées. Là ou dans « Le Deuxième Sexe » on entend une voix qu’on n’avait encore jamais entendue, on place au premier plan des préoccupations et de la réflexion publique, des problèmes qui n’étaient pas jugés de cette importance.

          Sur le plan seulement historique, ces essais de Simone de Beauvoir sont plus importants que n’importe quel livre de Jean-Paul Sartre.

          • En tous cas, si je me réfère à leur écho dans notre monde d’aujourd’hui. Je ne peux présager des siècles futurs (s’il y en a !).

  25. Wilkie Collins était un ami de Dickens qui a inventé un genre de roman d’aventure policière mystérieuse assez fascinant. Je n’ai lu que le plus connu. Il y a une chose que je ne supporte pas : parce qu’on estime que Dame Beauvoir la glougloutante dindonne qui se réjouissait tant que son dinConneau eut uriné sur la tombe de Chateaubriand est totalement indigne de la Pléiade, alors on est forcément un anti-féministe primaire et même tertiaire ? Quelle logique de clown.

    • J’ai dit « joker », car, si je possède un ouvrage de Wilkie Collins (« Seule contre la loi », Phébus), il traîne dans un recoin quelque peu obscure de ma bibliothèque (et de ma mémoire) et je ne me suis pas encore créé l’occasion de le lire.

  26. Je vois que l’on taquine Tata Castor ici ; ce n’est apparemment pas le cas du jury de l’agrégation de lettres modernes (qui ont peut-être des actions chez Gallimard ?), puisqu’ils viennent de mettre les Mémoires d’une jeune fille rangée au programme de la session 2019. Le Pléiade tombe à pic.

    • Les jurys d’agrégations de lettres classiques ou modernes sont composés depuis bien vingt ans maintenant de purs phraseurs sans une once respectivement de philologie classique sérieuse et d’érudition littéraire ; rien d’étonnant à l’irruption de Madame Tape-Dur parmi les auteurs au programme. Certains d’entre vous seront peut-être surpris d’apprendre les contorsions au milieu desquelles la plupart de ces beaux esprits se débattent lorsqu’il s’agit d’élaborer le corrigé de la version latine ou du thème grec – surtout la première, où il ne s’agit pas de proposer une simple resucée de la traduction existant en Budé, en particulier quand le texte soumis aux candidats descend d’une édition Teubner ou d’un Oxford Classical Text, généralement très discrépants d’envers les pages de droite des Budés… S’il se trouve un bon philologue parmi cet aréopage, il lui faut, avec la timidité requise pour ne pas jouer les esprits forts, faire remarquer les erreurs du corrigé.

    • Rien d’étonnant. Je pense qu’il y a clairement collusion. Car si Beauvoir est au programme de l’agrégation et sort dans la Pléiade, on retrouve aussi les Lais de Marie de France, au programme et qui sortiront en Pléiade à la rentrée prochaine. Je ne pense pas qu’il y ait une coincidence. D’autant plus que l’année dernière est sorti un Pléiade digest de Conrad, avec Au Coeur des Tenebres, qui figure dans le programme de littérature comparée de l’agrégation de lettres modernes, aussi. Que ce soit la Pléiade qui cherche à surfer sur le public des agrégatifs, c’est possible et probable.

  27. C’est bien leur inique et unique but. Gougnafier jusqu’au bout des ongles jusqu’aux tréfonds de son âme crasseuse l’épicier maison augure une vaste presse pour cette Pléiade, presse qui fera, oh le Graal, VENDRE!!!

    ps Écrivant cela je suis loin d’attaquer toute la Pléiade. Je l’ai dit, certains volumes m’ont rempli de joie et j’attends beaucoup des Kafka voir d’un des deux volumes de Kierkegaard. Critiquer une « opération Pléiade » particulièrement malodorante, ce n’est pas critiquer toute la Pléiade. Mais il est de fait qu’ils semblent prendre une bien mauvaise pente. Maintenant, que quelqu’un d’autre de plus littéraire arrive au gouvernail, tout peu changer.

    • Le seul côté « positif » de cette collusion c’est qu’il suffit de connaître à l’avance le programme des agrégations pour avoir une idée assez juste des prochaines Pléiades. A creuser !

  28. J’ai depuis longtemps envie approfondir ma connaissance très lacunaire des présocratiques. Que vaut le volume de la Pléiade, que j’ai pu me procurer d’occasion à un prix somme toute bien raisonnable?

    • Voici ce que j’écrivais ici il y a un an et demi :

      Ce volume se présente – pas assez clairement d’ailleurs ; il faut attendre la ‘Note sur la présente édition’, p. XXVII – comme la traduction avec appareil savant original du recueil classique Die Fragmente der Vorsokratiker édité pour la première fois par Hermann Diels en 1903 (2 vol.) et révisé jusqu’à sa mort, après laquelle son coadjuteur Walther Kranz (auteur du troisième volume, le célèbre et quasi exhaustif Wortindex) a porté les dernières retouches jusqu’aux années 50. Dans son ultime mouture, le Diels-Kranz ou DK comme le connaissent les spécialistes de philosophie ancienne et les hellénistes, était déjà ancien d’une génération lorsque Dumont le francisa assisté de Poirier et de Delattre (ce dernier devenu par la suite un excellent papyrologue, auquel on doit une savante édition du livre IV du traité Sur la musique de l’écpicurien Philodème de Gadara). Il convenait donc non seulement d’en expliquer les innombrables noms propres, allusions, difficultés de lecture et autres détails de civilisation opaque pour le grand public, comme ils le firent ; mais encore et surtout, dans les cas où cette « Bible » volontairement vierge de tout commentaire hormis l’apparat critique et la traduction allemande de la partie B (les fragments présumés littéraux des Anté-socratiques augmentés des Sophistes) avait vieilli de telle manière que la reproduire en français telle quelle revenait à rendre un mauvais service au lecteur de Parménide, Héraclite ou Empédocle, de signaler dans les notes que le texte de Diels-Kranz est devenu indéfendable et pour quelles raisons. Dumont et consorts ne l’ont pas fait, canonisant de la sorte indûment les décisions éditoriales ou textuelles et l’arrangement que les deux savants allemands les premiers ne considéraient que comme provisionnels et fluides et qu’il convenait donc de tenir au courant. Un seul exemple suffira : pour le traité gorgien Du non-être ou De l’étant, qui constitue un renversement à dessin catastrophique de l’ontologie parménidéenne, Diels-Kranz citent la version de Sextus Empiricus, philologiquement la plus facile à éditer, philosophiquement la moins forte et non sans repeints doctrinaux sous l’influence de l’empirisme propre au citateur. Or il en existe une seconde version, conservée dans le petit traité pseudo-aristotélicien Sur Mélissos, Xénophane et Gorgias, dont les exégètes se sont avisées depuis les années 70 qu’il semble constituer une paraphrase de bien meilleure qualité. Il convenait donc de la traduire, au moins en note, et d’aviser le lecteur innocent of Greek que les Fragmente der Vorsokratiker ont pris une mauvaise décision susceptible d’envoyer sur de fausses pistes le lecteur un tant soit peu philosophe. L’équipe française s’est par surcroît permise d’apporter des modifications malvenues au Diels-Kranz. Ce dernier numérote les auteurs de 1 [Orphée] à 90 [les Doubles dits sophistiques], si bien que les citations du DK dans la littérature savante se font depuis trois quarts de siècle sous la forme suivante : numéro de l’auteur + A (= témoignages) ou B (= fragments), parfois C (= imitations) + numéro du texte, ainsi dit 28 B 1 pour désigner le prologue du Poème de Parménide. Or les Présocratiques de la Pléïade suppriment cette numérotation des auteurs ; il est donc très malaisé de retrouver facilement dans ce volume un texte d’un Présocratique que l’on trouverait mentionné dans la littérature savante ou scolaire sous forme normalisée – il faut alors se reporter à l’édition allemande pour convertir la référence. Or le grand public cultivé n’est de toute évidence pas, ou pas seulement, la cible de ce tome hautement spécialisé de la Pléïade ; une occasion de faciliter l’accès aux textes souvent difficiles des Présocratiques a donc été manquée. Dans le même ordre d’idée, la transformation des chiffres arabes signalant les textes A, B, et C dans le Diels-Kranz en chiffres romains dans la Pléïade se prête facilement même chez un lecteur chevronné aux erreurs de manipulation, surtout lorsque nous possédons un nombre élevé de textes pour tel ou tel auteur (je pense à Démocrite et ses 309 B). Autre faute grave, Dumont e tutti quanti ne traduisent pas la totalité des textes qui précèdent les fragments eux-mêmes, c’est-à-dire les « chapeaux » introductifs des auteurs anciens qui nous ont conservés ces derniers ; ainsi, pour le fr I de Parménide seules les quelques lignes de Sextus Empiricus sont reproduites dans le volume de la Pléïade, alors que Diels-Kranz donnent juste après cette introduction une longue paraphrase du même auteur puis le « chapeau » introductif de notre second citateur, Simplicius. Sous ce rapport aussi, les Présocratiques ne constituent pas la traduction fidèle des Fragmente der Vorsokratiker que Dumont prétend avoir procurée. Il serait indélicat d’insister sur la présence d’erreurs de traduction dans son volume, car les fautes, rançon inévitable de tout labeur humain, ne pouvaient manquer sur une collection de textes à ce point variés. Je dirais tout au plus que les trois éditeurs de la Pléïade n’ont pas adopté une politique très claire en ce qui concerne leur rapport au grec de Diels-Kranz : ont-ils traduit directement ce dernier ou, pour les fragments, la version allemande ? Une collection de textes gréco-romains sans grandes ambitions scientifiques comme la traduction française de La sapienza greca de G. Colli (Editions de l’Eclat, 3 vol.) a au moins eu l’honnêteté de dire qu’elle francise les versions italiennes de ce dernier en s’avouant une « traduction de traduction » (on rappellera ici que Dumont, historien compétent de la philosophie ancienne, n’était pas grand philologue contrairement à Kranz et surtout Diels, véritable géant de l’édition et de l’interprétation des textes philosophiques grecs ; que le professeur de khâgne Poirier n’a jamais eu aucun travail scientifique à son actif ; et que Delattre était simple étudiant au début des années 80 – on a vu nettement mieux en fait d’équipe éditoriale dans la Pléïade). Enfin, vu la densité du grec en général et surtout du grec philosophique d’Empédocle et Parménide ou mock-philosophical de Xénophane, c’est folie que d’avoir rendu tous les passages poétiques du Diels-Kranz en alexandrins non rimés ; cette contrainte bien inutile aboutit à des vers de mirliton où abondent les chevilles et où se perd beaucoup trop du contenu de l’original, cela d’autant plus que les trois traducteurs se sont efforcés de ne pas délayer à l’excès (les 32 hexamètres dactyliques du prologue de Parménide, fr. I, sont ainsi devenus 35 vers français). Chez un penseur comme Parménide où presque chaque phrase comporte plusieurs gros problèmes d’interprétation et où le sens de nombreux mots-clés, y compris des mots-outils, continue de faire l’objet de très vifs débats entre spécialistes, la traduction de la Pléïade est tout simplement inutilisable. En conclusion, ce très beau volume a été imparfaitement conçu (peut-être en partie par la faute de Gallimard), mal planifié, dirigé de manière insuffisamment ferme, et manque de la fiabilité sans laquelle ce type de travail constitue un danger pour tout lecteur dépourvu du Diels-Kranz et qui ne dispose pas de la science du grec permettant d’identifier les erreurs traîtresses qu’ont commises ou reproduites Dumont, Delattre et Poirier.

      Je vous conseille franchement d’acheter, pour le prix d’une Pléiade neuve, le très gros volume d’André Laks et Glenn W. Most « Les débuts de la philosophie. Édition et traduction », Paris, Fayard, 2016 (version française de « Early Greek Philosophy » par les mêmes auteurs, ‘Loeb Classical Library’, Cambridge, Mass.-Londres, Harvard University Press, 2016, 9 vol.). Non seulement les défauts n’en étouffent pas les qualités, mais les textes grecs, latins, arméniens ou arabes sont bien meilleurs que ceux sur lesquels reposent les versions germano-francisées de la Pléiade et les traductions de Laks et Most sont fraîches.

      • Merci, je vais essayer de me débrouiller avec tout ça… Je note surtout le volume d’André Laks et Glenn W. Most qui semble une bonne piste pour comprendre (un peu) d’où viennent en partie des idées et concepts de ces 3000 dernières années.

      • Merci pour ces conseils sur le Laks–Most, dont voici une présentation: http://transfers.ens.fr/les-debuts-de-la-philosophiedes-premiers-penseurs-grecs-a-socrate

        Concernant la numérotation DK (https://en.wikipedia.org/wiki/Diels%E2%80%93Kranz_numbering), vous pouvez toujours imprimer ce tableau de l’entrée wikipedia et au choix le coudre dans votre habit comme Pascal, ou le glisser dans le rabat de votre Pléiade (effectivement, le Pléiade aurait pu fournir une correspondance de ce genre en annexe).

      • Petit commentaire encore: vous pensez vraiment que les traductions ont pu être, même en partie, basées sur la traduction allemande et non sur l’original? Pour quelle raison objective? Les trois éditeurs du volume étaient-ils incompétents pour traiter directement le grec? Cela semble tout de même difficile à croire…

        • Incompétents, sans doute pas (encore qu’il fallait l’être un tantinet pour croire qu’un rendu en alexandrins des hexamètres dactyliques grecs d’Empédocle, Parménide ou Xénophane pouvait rendre justice au sens comme à la poésie des originaux en français) ; distraits, et peu soigneux, certainement. Considérons un exemple significatif entre mille : soit Parménide, 28 B 1, 3 (DK, 6e ed.,, I p. 228 ~ Pléiade, p. 255) ἣ κατὰ πάντ΄ ἄστη φέρει εἰδότα φῶτα / hê kata pant’ astê pherei editota phôta est traduit par Dumont « qui, de par les cités, porte l’homme qui sait » avec la note 3 p. 1272 « nous retenons, faute de mieux, comme H. Diels, la correction manuscrite de M. Mutschmann : πάντ΄ ἄστη. La leçon manuscrite : ΠΑΝΤΑΤΗ est un locus desperatus ». 1° Mutschmann (qui se prénommait Hermann) n’a pas corrigé le texte du citateur de ce passage, Sextus Empiricus, il a mal lu l’un de ses codices, N, si bien que le texte qu’il croyait y trouver, πάντ΄ ἄστη / pant’ astê, est donné dans l’apparatus criticus de Diels-Kranz comme appartenant à N et fut adopté à ce titre pour des raisons de sens par Diels puis par Kranz (réminiscence du troisième vers de l’Odyssée où Ulysse a connu de nombreuses cités). 2° On se bat les flancs pour savoir pourquoi Dumont traduit mal ces deux mots : non point ‘de par les cités’, comme il l’imprime, mais ‘par TOUTES (πάντ᾽(α) / pant'(a)) les cités (ἄστη / astê)’, ce qui lui aurait du reste épargné la cheville ‘de par’ rendant la préposition κατά, ‘à travers, par, etc’. Une édition française où les conjonctions de telles erreurs aussi graves que basiques sont monnaie courante ne mérite que fort peu la confiance.

  29. Voici maintenant un exemple flagrant d’erreurs en cascade. Soit Diogène d’Apollonie, DK 64 B 5, début (DK, 6e ed., II, p. 61 ~ Pléiade, p. 714) : καί μοι δοκεῖ τὸ τὴν νόησιν ἔχον εἶναι ὁ ἀὴρ καλούμενος ὑπὸ τῶν ἀνθρώπων, καὶ ὑπὸ τούτου πάντας καὶ κυβερνᾶσθαι καὶ πάντων κρατεῖν· αὐτὸ γάρ μοι τοῦτο θεὸς δοκεῖ εἶναι καὶ ἐπὶ πᾶν ἀφῖχθαι καὶ πάντα διατιθέναι καὶ ἐν παντὶ ἐνεῖναι. Diels traduit : « und, wie mir scheint, ist das, was die Geisteskraft hat, die von den Leuten so genannte Luft, und von dieser Stoff werden alle gelenkt und über alle herrscht sie. Den gerade dies, scheint mir, ist Gott und überall zur Stelle und verwaltet alles und ist in allem darin ». Laks propose : « ainsi, il me semble que ce qui est porteur d’intellection est ce que les hommes nomment air, et que c’est par cela que tous à la fois sont gouvernés et dominent tout. Car c’est cela même qui me semble être le dieu et parvenir partout, organiser tout, être en tout » (« Diogène d’Apollonie. La dernière cosmologie présocratique », Lille-Paris 1983 , p. 43). Voici maintenant le français de Dumont : « à mon avis, ce que les hommes appellent l’air est ce qui possède l’Intelligence ; c’est lui qui gouverne tous les hommes et commande à toutes choses. En effet, à mon avis, l’air même est Dieu ; il est partout, il dispose toutes choses et réside en chaque chose ». On ose à peine appeler cela une traduction : les articulations syntaxiques sont ignorées, la proposition καὶ ὑπὸ τούτου πάντας καὶ κυβερνᾶσθαι / kai hupo toutou pantas kai kubernasthai a été comprise à l’envers (« c’est lui [sc. l’air] qui gouverne tous les hommes ! »), πάντα διατιθέναι / panta diatithenai fait l’objet d’un faux-sens, et le mot-clé ‘air’ ajouté dans la seconde phrase là où le grec s’en gardait même biaise l’insistance de Diogène.

  30. Cher Neo-Birt7

    Vous écrivez que Laks propose : « ainsi, il me semble que ce qui est porteur d’intellection est ce que les hommes nomment air, et que c’est par cela que tous à la fois sont gouvernés et dominent tout. Car c’est cela même qui me semble être le dieu et parvenir partout, organiser tout, être en tout »
    mais… « sont gouvernés et dominent tout » est une contradiction dans les termes puisque les deux verbes ont ici le même sujet.
    Ce serait vraiment ce que Laks a traduit en anglais du grec chez Loeb Harvard ou alors ce serait vraiment ce qui est traduit en français de dans le volume Fayard ? Ce serait grave dans les deux cas.
    Il faut lire : « sont gouvernés et sont dominés en tout ».
    Le « c’est lui qui gouverne tous les hommes et commande à toutes choses » de la Pléiade est, en revanche, correct pour le sens, simplement il adopte l’actif au lieu du passif, ce qui n’est pas trop gênant.

    Sinon une remarque matérielle : le volume Fayard n’est pas tout à fait l’équivalent matériel de l’original de Loeb Harvard. Dans un cas, un lourd volume broché de plus de 1500 pages à manier, dans l’autre neuf volumes plus petits, reliés, dont les tomes correspondent aux grandes coupures chronologiques.

    • Vous vous trompez, M. Moury. Traduisant καὶ ὑπὸ τούτου πάντας καὶ κυβερνᾶσθαι καὶ πάντων κρατεῖν dans sa thèse de 3e cycle, le livre que je citais et qui n’a rien à avoir avec son magnum opus en collaboration avec Most, Laks a eu le simple tort de mettre le pronom ‘tout’ en régime commun là même où le grec le répète (π ά ν τ α ς καὶ κυβερνᾶσθαι – π ά ν τ ω ν κρατεῖν), ce qui donne ‘et c’est par cela (καὶ ὑπὸ τούτου) que t o u s sont dominés et t o u s dominent » . La traduction Dumont est pour de bon profondément erronée ; avoir changé en actif le passif κυβερνᾶσθαι, loin de constituer une trahison vénielle, montre que ce professeur de philosophie et spécialiste du stoïcisme n’y entend rien.

  31. Diogène veut dire que les hommes mêmes, qui font de l’air un dieu, sont dominés (littéralement ‘gouvernés, mis en branle dans une direction’, comme un navire par son pilote) par lui de la même manière que l’air commande toutes choses. Dumont ne dit pas exactement cela et perd la saveur du grec, en commettant une quasi tautologie ; Laks pour le coup s’est fourvoyé sur l’allemand de Diels mais respecte mieux la structure du discours diogénien.

    Je ne sais trop si je suis explicite, je tape cela à toute vitesse sur la tablette de mon petit-fils.

  32. Votre exemple concernant
    Parménide, 28 B 1, 3 (DK, 6e ed.,, I p. 228 ~ Pléiade, p. 255)
     » (…) ἣ κατὰ πάντ΄ ἄστη φέρει εἰδότα φῶτα (…)  »
    m’a beaucoup intéressé car Martin Heidegger, « Le Commencement de la philosophie occidentale, interprétation d’Anaximandre et de Parménide », (1932) trad. G. Badoual, éd. Gallimard, Bibliothèque de philosophie, Paris novembre 2017, p. 141 édite ainsi :
     ἣ κατὰ πάντα τη φέρει εἰδότα φῶτα 

    • C’est un vers qu’il faut soit se résigner à laisser lacunaire avec Denis O’Brien (« Etudes sur Parménide », I « Le poème de Parménide. Texte, traduction, essai critique », Paris 1987, pp. 3 et 9-10) et Barbarin Cassin (« Parménide, Sur la nature ou sur l’étant. La langue de l’être », Paris 1998, pp. 70-71), soit corriger, la leçon du codex N selon Alexander Coxon, πάντ᾽ Ἄτη / pant’ Atê, étant peu ou prou impossible car une mention du Malheur personnifié (Atê) qui « mène à travers toutes (choses) l’homme qui sait » représenterait le comble de l’incongruïté, tandis que celle des mss. BVR retenue par Heidegger πάντα τῆ est simple cheville grammaticale sans apport sémantique, ce à quoi l’on ne se résignera pas facilement chez Parménide. Pour les conjectures disponibles, voir https://bit.ly/2qf096G à laquelle on ajoutera l’affreux πάντα τ᾽ ἦι d’Alberto Bernabé, traduit par lui « el que respecto al cuanto hay lleva por él el hombre sabio » où, entre autres bizarreries, la force de πάντα se perd. Avec Conche, dont la traduction est alambiquée et trop lâche, j’aurais tendance à préférer la conjecture paléographiquement très économique de Nestor-Luis Cordero πάντα τατῆι, qui rétablit la mention de la Déesse, ce qui est bienvenu pour le sens et le balancement de la phrase : la voie mène / porte « à c e l l e – c i via toutes (choses) l’homme qui sait ».

  33. WordPress a supprimé mes crochets obliques signalant les lettres ajoutées dans les conjectures de Bernabé et Cordero.

    Je reproduis donc mon texte :

    C’est un vers qu’il faut soit se résigner à laisser lacunaire avec Denis O’Brien (« Etudes sur Parménide », I « Le poème de Parménide. Texte, traduction, essai critique », Paris 1987, pp. 3 et 9-10) et Barbarin Cassin (« Parménide, Sur la nature ou sur l’étant. La langue de l’être », Paris 1998, pp. 70-71), soit corriger, la leçon du codex N selon Alexander Coxon, πάντ᾽ Ἄτη / pant’ Atê, étant peu ou prou impossible car une mention du Malheur personnifié (Atê) qui « mène à travers toutes (choses) l’homme qui sait » représenterait le comble de l’incongruïté, tandis que celle des mss. BVR retenue par Heidegger πάντα τῆ est simple cheville grammaticale sans apport sémantique, ce à quoi l’on ne se résignera pas facilement chez Parménide. Pour les conjectures disponibles, voir https://bit.ly/2qf096G à laquelle on ajoutera l’affreux πάντα τὰ τ᾽ ἦι / panta ta t’ êi d’Alberto Bernabé, traduit par lui « el que respecto al cuanto hay lleva por él el hombre sabio » où, entre autres bizarreries, la force de πάντα se perd. Avec Conche, dont la traduction est alambiquée et trop lâche, j’aurais tendance à préférer la conjecture paléographiquement très économique de Nestor-Luis Cordero πάντα ταὐτῆι / panta tautêi, qui rétablit la mention de la Déesse, ce qui est bienvenu pour le sens et le balancement de la phrase : la voie mène / porte « à c e l l e – c i via toutes (choses) l’homme qui sait ».

  34. Parution le 6 septembre 2018 du deuxième (ou second ?!) volume des Œuvres de Jean d’Ormesson…. joie et bonheur…. (c’est un peu exagéré là quand même non?!)

  35. Ravi de vous lire à nouveau cher Ramuz. J’ai l’impression (une erreur j’espère !) que la Pléiade ne publiera que 4 volumes nouveaux (Kafka, Jean d’O et les Lais) au second semestre 2018. C’est dommage vraiment. C’était l’année Apollinaire….

  36. J’ai terminé la lecture de « Résurrection » de Léon Tolstoï, qui se situe à la suite d’Anna Karénine dans le même volume de La Pléiade.
    La version publiée ici est la première traduction française du manuscrit intégral de Tolstoï ; en effet, les versions initialement éditées d’abord dans la presse puis par les premiers éditeurs, avaient subi plus de 1000 coupures (!) dont certains paragraphes entiers pour des raisons de censure.
    Sur le plan de l’écriture, je place ce roman au même niveau qu’Anna Karénine ; quant aux idées et à la sensibilité exprimées, je le trouve supérieur aux deux grands classiques de Tolstoï.
    Et pour les amateurs de notes, il y a un « Dossier de Résurrection » assez complet.

  37. Bonjour à tous,

    je lis avec intérêt ce blog qui est unique en ce genre. Passionné d’histoire, je voulais vous dire qu’à ma question, j’ai reçu en à peine 2 heures de la part de La Pléiade une réponse concernant le médiéviste Georges Duby, dont voici le contenu :
    « Monsieur,

    Nous avons bien reçu votre courrier et nous vous remercions vivement de l’intérêt que vous portez à notre collection.

    Pour répondre à votre question, un projet Duby est effectivement en cours, pour une publication d’ici 2022, probablement en un seul volume.

    En vous remerciant de votre fidélité, nous vous prions de recevoir, Monsieur, l’expression de nos salutations les meilleures. »

    Voilà, en espérant que cela ravisse d’éventuels lecteurs.

    une question : une réponse aussi rapide, c’est bon signe ou pas ? et 2022 sera finalement 2020 comme annoncé par Brumes ou plutôt 20205 ? et pourquoi un seul volume ?

    Qui vivra verra, me direz-vous….

    • « d’ici 2022 » cela veut dire que l’événement peut se produire avant 2022, non ?… et puis, tant qu’à cultiver les rêves les plus fous, « probablement en un seul volume » cela n’exclut pas totalement l’hypothèse de deux volumes, « et que si c’est pas sûr, c’est quand même peut-être » comme disait Le-Jacques…

  38. à domonkos : oui c’est possible.. « ce qu’il nous faut, c’est un peu d’bohneur ». au moins le projet est en cours et c’est le plus impportant

  39. Ai commencé à lire (avec intérêt et passion) depuis quelques jours, un bouquin de 2 200 pages sur papier « bible » (?), solidement relié, (dont 300 pages d’introductions et de présentation, plus notes et notices)…
    (Cela coûte 82 € prix éditeur et plus encore d’occasion, hors de portée de ma bourse, mais l’ai trouvé, neuf, jaquette et intérieur impeccables, dans une brocante associative, pour le prix inouï de… 1€ !)
    Cela s’appelle « Le Nouveau Paris » de Louis-Sébastien Mercier (je vis littéralement dans les rues de Paris pendant les jours de la Révolution) et c’est édité par…
    Ah mince ! Mercure du France… ce n’est pas une Pléiade !

  40. Vous avez eu très grande chance. Je le connais assez bien grâce à Gallica, mais n’ai pas le courage de tout lire sur ordinateur. Et le prix d’occasion est décourageant. J’aurais du l’acheter quand il est sorti au lieu de « Mon bonnet de nuit » du même Mercier même collection, quoi que ce soit un livre fort intéressant lui aussi. Mais Le nouveau tableau de Paris…C’est un « must » comme on dit en bon français.

    • Je confirme. J’avoue que je connaissais Mercier d’assez loin – quelques passages ou extraits du Tableau de Paris ; pas du tout attiré par son Paris en 2440, car le genre anticipation m’indiffère – et je me rends compte une fois de plus de l’ampleur de mon ignorance. Mercier souffre de cette réputation de « polygraphe », donc pas du tout pris en au sérieux. Chaque soir je monte dans ma Machine à Voyager dans le Temps et je vais passer quelques heures dans le vieux Nouveau Paris et je vis la Révolution heure par heure, par les yeux d’un témoin qui ne porte pas d’oeillères. Ce fut une chance inouïe de la trouver abandonnée sur une table, entre deux France Loisirs et quelques polars défraîchis, dans une « vente de charité »…

  41. Sur Jules Renard encore.

    Si j’avais besoin de chercher une raison à mon amour si entier pour Jules Renard, il me suffirait de relever, dans la note que consacre Georges Perros à son Journal, ce passage où il constate comme moi que l’homme est exempt de préjugés, et absolument incapable d’hypocrisie. Et rien que ceci, c’est déjà une chose inestimablement rare.

    Parfois on aime l’écrivain et peu l’homme. Il arrive qu’on aime les deux, c’est-à-dire qu’on aime deux fois, si vous voulez. Ce n’est pas mieux, ce n’est pas moins bien, c’est comme ça, c’est un fait, un accident de la vie du lecteur.
    L’amour que peut nous inspirer un auteur n’est pas nécessaire, selon moi, à cet effet de l’art, dont on a très tôt parlé, qui est qu’il fortifie en nous notre humanité, et j’entends par là notre sentiment d’appartenance à l’humanité — qui peut être débile, mal en point, eu égard à toutes les horreurs dont l’homme habituellement nous abreuve, et eu égard aussi à toutes les laideurs morales dont nous-mêmes nous nous rendons coupables quotidiennement. L’art a la vertu de restaurer, pour notre regard intérieur, la haute stature de l’homme : pendant qu’on se trouve dans la compagnie de l’artiste, on oublie tous ceux dont les méfaits ont failli nous désespérer de l’homme. L’artiste ne fait pas illusion, il nous redonne confiance en nous montrant ce que peut un homme.

    Les musulmans ajoutent toujours après une telle déclaration : « and God knows best ». Mais je ne suis pas musulman.

  42. Mon intention n’étant pas de réactiver le débat sur Maurras, je reproduis cependant quelques lignes du texte de présentation du choix d’oeuvres qui vient de sortir en « Bouquins », sous la plume de l’éditeur Jean-Luc Barré. Sans préjuger des éventuelles arrière-pensées de l’auteur de ces lignes, ni de l’aspect purement « commercial » de cet argumentaire, je ne trouve cependant rien à redire, sur le fonds, à ce texte, lequel, selon moi – en tous cas mieux que je ne saurais le faire – résume, en peu de mots et de façon claire, la problématique (et on pourrait utiliser les mêmes phrases pour les pamphlets céliniens).

    « Rééditer Maurras ? À l’heure où paraît ce volume, la question fera probablement débat. Au nom de quels principes des livres déjà existants devraient-ils se voir interdits de nouvelle publication ? Ce serait abdiquer face à des diktats incompatibles à nos yeux avec cette liberté d’expression dont notre pays reste l’un des meilleurs symboles. Pour autant, faut-il livrer tels quels des textes d’auteurs réprouvés à juste titre pour certains de leurs engagements ? L’un des intérêts de les exhumer est précisément de pouvoir apporter aux lecteurs, en s’appuyant sur le travail des meilleurs historiens, tous les moyens de les apprécier en connaissance de cause. »

    Je crois, quant à moi, qu’on ne peut effacer Maurras de notre histoire des Lettres et des Idées au XXème siècle, ou en faire un objet d’étude réservé uniquement à des initiés sans mettre ses textes essentiels à la portée de tous. (Je ne répondrais évidemment pas à toute éventuelle accusation de sympathies pour l’idéologie fasciste ou antisémite.)

    (Toutes mes excuses, une fois de plus, à Mme la Pléiade, maîtresse de ces lieux, pour cette inqualifiable introduction dans sa maison, d’un auteur qu’elle n’a pas invité.)

  43. Juste une info que j’ai eue par quelqu’un de très bien placé : la fameuse édition des pamphlets de Céline va se faire. Gallimard a déjà acheté les droits de l’édition canadienne, parait-il très bonne.

  44. Pour tous ceux que l’intronisation pléiadesque de Huysmans intéresse. J’ai récupéré pas mal d’infos sur le blog de Pierre Jourde qui fait partie de l’équipe d’édition :
    Soumission de Houellebecq a répandu le nom de Huysmans dans un large public. Le personnage principal est en effet un universitaire spécialiste de Huysmans. Cela a sans doute joué sur la décision prise par Gallimard de combler une lacune, et de publier un volume consacré à Huysmans dans la Bibliothèque de la Pléiade. Volume que j’ai l’honneur de diriger, avec André Guyaux, professeur à la Sorbonne, qui a déjà réalisé le volume consacré à Rimbaud en Pléiade. Hélas, un volume, cela signifie évidemment que nous ne publions pas les œuvres complètes. Sans parler de la correspondance et des articles disséminés ici et là, il manquera une bonne partie de l’œuvre : la critique d’art, et toute l’œuvre catholique, à l’exception d’En route. Mais tant pis : un volume, c’est déjà beaucoup mieux que rien. C’est renouer, d’une certaine manière, avec les vieilles Pléiade qui proposaient un choix d’œuvres. Concrètement, ce volume proposera les romans et les nouvelles de Huysmans, jusqu’à En route. Il sera déjà très chargé, et nous sommes obligés d’économiser sur les variantes, dont nous ne pourrons proposer qu’un choix limité. La petite équipe d’universitaires qui travaille à ce volume est très internationale. Il y a trois Belges, Jean-Pierre Bertrand, Jacques Dubois et André Guyaux, deux Italiens, Francesca Guglielmi et Andrea Schellino, un Suisse, Guy Ducrey, un norvégien, Per Buvik, deux français, Gaël Prigent et moi (damnation la parité n’est pas du tout respectée. Mais que fait Marlène Schiappa ?). Chacun s’occupe d’un ou plusieurs textes. A part l’organisation de l’ensemble, je me suis attribué A vau-l’eau et l’annotation d’A rebours. La sortie du volume est prévue à l’automne 2019, et, en même temps, aura lieu une grande exposition au musée d’Orsay, autour de la critique d’art de Huysmans, où figurerons des œuvres conservées à Orsay, bien sûr, puisque c’est là que se trouve la plus importante collection d’impressionnistes et de « pompiers » commentés par Huysmans, mais aussi au Louvre, au musée Gustave Moreau et au musée Rops de Namur. »

    • Huysmans est moins dans l’actualité. C’est la démarche normale d’un éditeur normalement constitué. Dès lors qu’on a décidé que Jean d’O. devait « en être », c’est maintenant ou jamais. Qui lirait le volume 2 dans trente ans ?

      • Des œuvres choisies de Huysmans en un seul volume ? Et si l’on s’orientait vers une solution semblable à celles adoptées pour Leiris, Aristote, Roth, et bien d’autres ? À savoir l’essai sur un tome, non numéroté, afin de tester l’engouement du public, puis la transformation de cet essai pour la suite de ses œuvres, en cas de succès ? D’ailleurs, ne semble-t-il pas que celles-ci soient envisagées dans l’ordre chronologique et s’arrêtent à mi-parcours ?

        • Bouquins avait lancé une édition en deux tomes de Huysmans. Le premier volume a paru en 2005 et devant la catastrophe commerciale, l’éditeur a renoncé à publier un jour un second.
          La réédition de certains livres d’Huysmans par Bartillat, dans la foulée de la « mode » lancée par Houellebecq, n’a pas fait mieux.
          Gallimard connaît son public, hélas, et ne prendra pas de risque (d’où d’Ormesson…)

  45. Il y eut une époque où un « fonds » d’acheteurs systématiques de Pléiades (dont certains n’acquéraient les prestigieux volumes que pour le décorum) assurait la pérennité de la collection et une vente à peu près régulière. Ce public a vieilli, s’est raréfié et ne s’est pas renouvelé. La perte de prestige de l’écrit, du livre en général, des Classiques et de la Pléiade en particulier, précipite sa disparition complète.

    Nul besoin n’était en ces temps réputés bénis, de faire des « coups » commerciaux ou d’écarter des auteurs considérés comme trop confidentiels. C’est-à-dire le système actuel… Est-ce que c’était mieux ? Les amateurs plus ou moins élitistes peuvent le penser. Mais quand on voit les indignes médiocrités que l’ancien système a produites, on peut en douter également. Les « modes du jour » qui prévalent successivement, dans la caste intellectuelle ou pseudo-intellectuelle, parfois n’ont rien à envier au « mauvais goût » populaire.

    Tout est dans l’équilibre, c’est l’excès, dans un sens ou dans l’autre, qu’il faudrait bannir. Et, malheureusement, je crains fort que, le désir de « faire du commercial », l’oeil rivé sur la comptabilité, ne nous conduise tout droit vers le second excès. Avec ce caractère aggravant que, les édiles présidant aux destinées de la ci-devant prestigieuse collection, désorientées à force de vouloir répondre à la « volatilité du marché » tout en conservant les quelques amateurs exigeants qui leur restent, jonglent avec le « en même temps » si cher à notre Président.

    Qui sait ? un retour de balancier n’est pas à exclure (je le dis sans y croire). Personnellement – non sans regret ni douleur – j’en ai fait mon deuil. Le destin de la Pléiade m’indiffère, de tous temps la disparition des espèces a été la règle, sans que cela se fasse toujours dans le sens du « progrès » (quelque idée que chacun se fasse de ce concept). Je continuerai de cueillir quelques beaux fruits bien mûrs à la treille et passerai en haussant les épaules devant les fruits pourris. Sachant que ce sont les fruits de son automne.

    • Ça tombe bien : étant moi-même à cette saison, il m’est plus facile de m’y résigner. Après moi le déluge et, peut-être, la refondation.

      • Heureusement, il y a Bouquins, Quarto, Champion, Folio même (je lis en ce moment William Thackeray en Folio classique : juste ce qu’il faut de notes, une chronologie, une bibliographie… Que demander de plus ?), et tous les autres éditeurs qui font du très bon travail.
        Et même, Pléiade, qui offre de temps à autre au promeneur solitaire un fruit inattendu et plein de jus malgré l’automne finissant.

  46. Le hasard fait, cher Domonkos, que je vais prendre l’exact contrepied de votre pessimisme pléiadesque (temporairement je l’espère). Les 2 volumes des Mémoires de Simone sont passionnants, intelligents riches et éclairants (du moins pour moi simple lecteur passionné). On y retrouve (enfin!) un appareil critique digne de ce nom qui nous permet de suivre les enjeux de l’écriture beauvoirienne au fil de la plume. Repentirs, corrections, suppressions, ajouts et. Des articles, entretiens et conférence éclairent le travail d’une vie de mémorialiste du Castor. Enfin, des extraits du Journal (hélas en grande partie toujours inédit) nous permettent de la suivre au jour le jour. Comment de « simples » ou « grands » faits rapportés dans un Journal personnel deviennent sous nos yeux une œuvre littéraire. Passionnant travail éditorial – qui me fait regretter les squelettiques Verne et Roth (entre autres volumes Pléiade !) Je n’ai fait que feuilleter les Kierkegaard mais ils me semblent de bonne tenue (la préface est intéressante). Vivre la Pléiade !

    • Je ne sais par quel canal (maçonnique ? mafieux ? KGB ? CIA ? Autres…) vous pouvez avoir accès aux Pléiades nouvelles avant qu’elles ne se trouvent sur les rayons de mes libraires, mais vous devriez avoir honte de vous en vanter et d’humilier ainsi le pauvre vulgum pecus que je suis…

    • Hé hé hé, n’empêche que vous gardez le voile sur vos sources secrètes, en bon Initié que vous êtes ; quant à moi, si vulgum pecus je feins d’être par coquetterie, je sais me taire cependant et me tenir sur le seuil du Temple où résident les secrets qui doivent le demeurer. Je me contenterai donc des enseignements et renseignements que vous avez bien voulu divulguer de votre voix de pythie – sans pourtant vous promettre que j’irai vérifier leur bien fondé lorsque les volumes beauvoiriens seront livrés aux mains des profanes. Quoique… vous n’êtes pas loin de m’avoir convaincu de piétiner mes préjugés anti-beauvoiriens. Mais je ne crois pas que ma bourse me permette de lever mes scrupules. J’en suis à faire de la cavalerie et je commence à avoir des ardoises chez mes dealers habituels d’ouvrages imprimés. Mon budget du mois prochain est déjà absorbé et celui du mois suivant entamé. Sans oublier qu’il faut bien manger, cependant. Offrir des fleurs à sa belle et des chocolats à ses petits-enfants. Toutes dépenses de première nécessité.

  47. Je viens de recevoir aujourd’hui le catalogue 2018. Peu de changements par rapport à 2017.
    Les volumes I de Boulgakov et Le Rêve dans le Pavillon rouge sont de nouveau disponibles
    Le Robinson Crusoe de Defoe sera l’oeuvre choisie en 2018 pour l’édition « light » avec la même traduction de Pétrus Borel.
    Le volume de Fielding, lui, passe du côté des épuisés. Tom Jones ne sera jamais réimprimé (c’était prévisible). De même, pour Jeux et Sapiences du Moyen-Âge remplacé -un jour lointain – par un théâtre du Moyen-Âge.
    – Les deux volumes de fiction de Kafka en nouvelle édition : traducteurs Jean-Pierre Lefebvre, Kalinowski, Lartholary et Pesnel.
    – Les Lais du Moyen-Âge : tous les lais de Marie de France + Jean Renart, Girard, Henri de Valenciennes, Robert Biket, Renaut, Huon le Roi, quelques lais traduits du Moyen-Anglais et du vieil islandais ainsi que les anonymes suivants : Désiré, Tyolet, Guingamor, l’épine, l’épervier, Doon, le lécheur, Tydorel, le court manteau. Philippe Walter a dirigé l’ouvrage.
    Michelet : 1er vol. de la Révolution française indisponible (sûrement en refonte).
    – Jean d’O : volume II (eh oui!) : le vagabond qui passe sous une ombrelle trouée, la douane de mer, voyez comme on danse, c’est une chose étrange à la fin que le monde, comme un chant d’espérance, je dirai malgré tout que cette vie fut belle.
    Personnellement, je vais sûrement craquer sur les Lais et peut-être sur les Kafka s’ils sont réussis.

    .

    • Acheter le volumes de Lais Médiévaux répondra pour moi à la fois à un désir profond et à une obligation morale : je ne peux tout au long de l’année critiquer les penchants de Gallimard vers la « facilité » et ne pas sortir mon portefeuille lorsqu’il publie un volume exigeant. Ne pas acheter le Jean d’Ormesson répondra également pour moi à un désir profond et à une obligation morale…
      Pour les Kafka, comme vous, Pliéadophile, j’attendrai de voir. Je succomberai probablement à la tentation, étant entendu que, pour autant, je ne revendrai pas mon ancienne édition, malgré tous les défauts qu’on lui peut imputer.
      Le Rêve dans le Pavillon Rouge est un des piliers inamovibles de ma bibliothèque, tandis que je ne possède pas le Boulgakov ; Restif m’oblige, le couteau sous la gorge, à l’acquérir… Cèderai-je à la menace ? Cela risque de faire une second semestre ruineux tout de même… Un comble pour une seule véritable nouveauté (2 en comptant le Comte au titre de courtoisie, mais justement, pour moi, cela ne compte pas) !

    • Je vous remercie, Tigrane, pour votre information sur l’identité du pilote des « Lais médiévaux ». Philippe Walter m’ayant fort laissé sur ma faim en tant que directeur du « Livre du Graal » dans la Pléiade et trop de ses théories sur l’imaginaire ou la mythologie du Moyen-Âge me faisant l’effet d’un brouillard conceptuel postmoderne, je ne réserverai pas son édition. Cela d’autant plus que des indices semblent laisser entendre qu’il a conçue cette dernière principalement avec ses disciples, dont Mme Magnusdottir (de laquelle je n’ose espérer espérer que sa future traduction Pléiade du Lai du Cor sera fraîche au lieu de reproduire celle, munie de notes frugales et peu nombreuses, que cette savante a donné dans l’Annexe I de la révision de sa thèse doctorale dirigée par Walter :  » La voix du cor », Amsterdam-Atlanta, 1998, pp. 377-384 ?).

  48. Il est certain que je vais acheter la réédition de Boulgakov tome 1, depuis le temps que je l’attends.Vous faites de votre numéraire ce qu’il vous plaît cher Domonkos,point ne pointe de lame sur votre gorge croyez-le bien. Mais si vous n’avez pas lu Le maître et Marguerite alors achetez le tome II, c’est si génial. Pour Kafka, comme d’autres ici, je vais voir. Quels titres ont été choisis? etc…
    Ps J’ai découvert Game of Throne (côté image) : ce n’est pas mal du tout.

    • @Joaquim Hock : la traductrice islandaise est Asdis Magnusdottir, professeure d’islandais et de français médiévaux à l’université de Reykjavik et traductrice en français de diverses sagas islandaises. Doctorat sur l’imaginaire médiéval à Grenoble et parfaitement bilingue. Elle semble très compétente.
      @Restif : le volume Romans contient toujours les 3 oeuvres : Le procès, le château, le disparu (nouveau titre validé pour Amerika). Le volume consacré aux textes brefs est divisé en 3 parties distinctes :
      – les nouvelles et récits publiés par Kafka de son vivant : Observation, la sentence, la métamorphose, dans la colonie pénitentiaire, un médecin de campagne, un virtuose de la faim, les aéroplanes à Brescia, le 1er chapitre de Richard et Samuel texte à 4 mains de Kafka et Brod (une nouveauté), le chevalier du seau.
      – Les récits et fragments posthumes extraits des journaux (journaux de Kafka ou presse ? non précisé).
      – autres récits et fragments posthumes : description d’un combat, préparatifs de noces à la campagne, pendant la construction de la muraille de Chine (nouveau titre), le terrier, suivi d’un etc.

    • Bien sûr que j’ai lu M et M de B. (encore une fois, il y a bien longtemps), mais il n’empêche que ma bibliothèque est désespérément vide d’ouvrages boulkakoviens… Sur ma gorge, oui, j’exagère, mais je sens bel et bien la pointe de votre épée dans mes reins, pour me faire avancer vers le Front de l’Est et l’Eternelle Russie !

      • Ou alors ce serait ma mauvaise conscience… (Mais, nouvelle question : ma mauvaise conscience se nommerait-elle Restif ? Ce serait pour le moins étrange.)

  49. Bonjour aux doctes.
    Dans le catalogue 2018 de la Pléiade, reçu ce matin, le n°497 tome I des œuvres de Boulgakov est encore « indisponible provisoirement ».

      • Eh bien bravo ! A cause de vous, j’ai eu un duel, au petit matin sur le pré, avec le redoutable Restif… Ah, il y en a, je vous jure, ils « feraient se battre des montagnes » comme disait ma pov’ mère… (Comme quoi, Bibine, les doctes pas si doctes que ça).

        • Et puis il a fallu se lever tôt ! Et le duel au lancer de Pléiades est épuisant (et onéreux). Heureusement, l’un des témoins a eu à l’ ultime moment la nouvelle qui rendait caduque notre noble affrontement.
          (Il y a le duel à l’Album Pléiade pour les lords. Je ne sais plus qui mourut d’un Balzac à la gorge.)

  50. Ai-je bien compté ? En 2018, seront publiés Hugo, Stevenson, S. de B. (2), Kierkegaard (2), Jean d’O, Les Lais et Kafka (2) soit encore et seulement 10 volumes. C’est (sauf erreur) une nouvelle année a seulement 10 volumes dans l’année… L’année 2017 était donc une exception ! Dommage. (Avec le goût des anniversaires des éditeurs, je m’étonne de l’absence d’Apollinaire cette année)

    • 10 dont trois nouvelles éditions d’oeuvres déjà présentes en Pléiades et seulement 7 « vraies » nouveautés 100% pur beurre. En ces temps de rigueur il faut se serrer un peu la ceinture…

  51. Je pense que la réédition et re traduction de Kafka peut (presque) être comptée comme une nouvelle Pléiade non? N’étant pas germaniste cela me manquait une nouvelle traduction faible de ses romans et nouvelles. Pour Les Misérables je vous l’accorde… vous avez raison.

  52. J’ai aussi noté que le « tirage spécial », Robinson Crusoe, est annoncé avec un appareil critique entièrement nouveau, ce qui il me semble diffère des précédents (en tout cas du Quichotte). Si quelqu’un a un avis sur la traduction (qui reste la même), je suis preneur.

    • Cela paraît un peu normal, l’édition Pléiade de De Foe étant vraiment ancienne (1959 si je ne me trompe pas ?) . S’il devait vraiment y avoir un appareil critique digne d’intérêt et inédit, cela constituerait une très bonne nouvelle et pourrait m’inciter contre mes principes, à acquérir ce tirage spécial.

      Pour Kafka, je ne veux pas en faire un objet de polémique, Tigrane : s’il est vrai que les deux volumes annoncés, portant les numéros des deux anciens et les remplaçant, ne seront donc pas de véritables nouveautés, il n’est pas moins vrai que nouvelle traduction, nouvelle organisation, quelques pages nouvelles, nouvel appareil critique, les apparentent à des nouveautés… Nous sommes dans le « en même temps » qui est tellement dans l’air du temps ! Hé hé !…

      Je ne suis d’ailleurs pas contre cette pratique de rééditions qui semble se généraliser ; c’est un peu normal, la Pléiade s’étant à présent constitué un fonds très important de Classiques, qu’elle veuille moderniser ses anciennes éditions, souvent obsolètes. Pourquoi pas ?

      Il n’empêche, pour moi, même si je ne compte pas pour rien le Kierkegaard, la véritable jubilation, la divine surprise, provient de ce « Lais du Moyen-Age » !

    • Petite question bête ; hormis l’adjonction d’un appareil critique dont la logique de l’évolution de la collection laisse présager qu’il sera léger, comme c’est le cas pour presque tous les auteurs modernes et contemporains, à quels besoins répond la publication en Pléiade d’oeuvres choisies de Segalen sachant qu’une sélection des écrits proprement littéraires de cet auteur équipée des notes les plus indispensables existe déjà chez Complexe et que l’on dispose en outre d’une intégrale honorable chez Robert Laffont ? Je redoute encore une entreprise de bas mercantilisme espérant battre monnaie avec la réputation, largement usurpée, de critique du colonialisme européocentré qui s’attache encore et toujours au nom de Segalen; une telle conception du volume à paraître fait trop souvent litière de la qualité philologique et exégétique, ainsi qu’on l’a vu avec Mme de Staël. Gallimard ne prend plus de risques en publiant de la poésie française sur bible depuis les échecs commerciaux de Boileau et Malherbe; pourtant, un tome ou deux sur les poètes français de la seconde moitié du XIXe siècle siècle autres que Baudelaire, Hugo, Gautier, mettons de Mendès et Banville aux décadentistes / Parnassiens, serait une oeuvre de salut public à proposer à cette frange de la jeunesse férue de rimes et d’allitérations. Et on nous va donner du Segalen, dont la poésie n’a mérité que cinq pages dans l’Anthologie de la Pléiade !

      • Je crains que vos… craintes ne soient au moins en partie justifiées, mais je me refuse à considérer comme une mauvaise nouvelle l’entrée de Ségalen en Pléiade. Bien sûr, elle ne m’apportera rien, personnellement, ayant de longue date fréquenté cet auteur et possédant les éditions que vous évoquez. J’ajoute que je suis totalement imperméable à tout ce discours post-colonial culpabilisant, idôlatrant les prétendus précurseurs, Gauguin, Ségalen (et même Stevenson). D’autant plus que ma récente expérience d’un séjour de deux années à Wallis et Futuna où mon épouse était Proviseure du Lycée d’Etat m’aurait complètement vacciné s’il en avait été besoin. (On peut trouver sur le net des traces de la merveilleuse hospitalité, dans la pure traditions locale, dont nous fûmes les heureux bénéficiaires.) Donc mes raisons de me réjouir ne résident pas là. Le bénéfice n’est pas à chercher du côté de Segalen mais exclusivement du côté de la Pléiade.
        Par contre, j’ai du mal à vous suivre quant à l’éventualité de « battre monnaie » avec Segalen. S’il s’agit de garnir le tiroir-caisse, mieux vaut compter sur d’Ormesson et consorts, non ?

        • D’ailleurs, pour mon compte, ce n’est pas le Segalen des îles qui m’intéresse, mais celui de la Chine. On peut, à la lumière de la science sinologique et de ses fantastiques avancées au cours du XXème siècle, en penser ce qu’on veut – y compris le plus grand mal – il a tout de même, sur ce terrain, touché quelque chose (découvert, pressenti, transmis…).

          • Avec Philippe Postel, on est, d’ailleurs, en plein dans la Chine de Segalen ; Christian Doumet qui dirigerait cette Pléiade a déjà co-dirigé le Cahier de l’Herne sur Segalen. Les indices récoltés ici ou là ne paraissent pas trop dériver vers les îles Pacifique, qui sont, je le crois, un élément assez marginal et pas le plus profond de l’oeuvre de Segalen (il semblerait d’ailleurs qu’une sorte de malédiction lie le plus souvent l’étude des civillisations du Pacifique au fantasme et au n’importe quoi, provoque une sorte d’égarement chez les auteurs a priori les meilleurs).

  53. Cher Neobirt7
    Si, parlant de cette jeunesse férue de rimes et d’allitérations, vous faites référence à cette horde agressive, inculte et dangereuse, amatrice de rap et autres bêtises slamesques, croyez bien qu’elle ne lira jamais une ligne de poésie Parnassienne !
    Je sais, hélas…, un peu de quoi je parle.
    Parlant du Parnasse, j’ai terminé de lire le volume Champion consacré aux Poèmes Barbares. Que dire d’autre si ce n’est que le prix demandé est amplement justifié. J’irais même jusqu’à croire que je préfère le papier du volume Champion, au papier bible ( et aux décidément minuscules caractères…) de la Pléiade. Sans compter que le travail D’Edgard Pich est en tous points remarquable.
    PS : J’ajoute que j’assume pleinement mon discours ( vaguement) réactionnaire 😄

    • Mon petit-fils, professeur de lettres classiques dans une institution privée de la banlieue marseillaise devenue très cosmopolite, obtient d’assez bons retours avec ses quatrièmes et ses troisièmes quand il étudie devant eux les Odes funambulesques de Banville. Il est vrai que la langue n’en est pas trop sophistiquée, et que ces piécettes sont rarement profondes.

  54. Neobirt7
    Comprenez que les Parnassiens ne sont déjà pas étudiés à l’Université, à tout le moins pas en Licence. Leur goût pour un lexique savant, technique, archaïque, pictural, architectural… La masse de références historiques, mythologiques, disséminées dans les poèmes, décourage, de facto, l’étudiant moyen. C’est une poésie élitiste, pas comme Mallarmé l’envisageait ( encore que le Mallarmé première manière à plus à voir avec le Parnasse qu’avec Baudelaire. Passons…) mais à cause du bagage culturel qu’elle suppose.
    J’ai suggéré à l’un de mes coreligionnaires, enseignant en lycée, de faire en classe, un parallèle entre la série Game of Thrones ( l’une des séries les plus passionnantes de ces dernières années ) et les poèmes barbares de L de L.
    J’attends ses retours…

    HS : j’ajouterais au Panthéon des séries télé révolutionnaires, la saison 3 de Twin Peaks…
    Fin du HS.

  55. Je vois que Gallimard choisit ses anniversaires : Segalen 2019 plutôt que Apollinaire 2018… Mais l’édition complète Bouquins restera pendant longtemps la référence. Sans compter les 18 volumes des Œuvres complètes chez Champion qui sont passionnantes. Cela nous promet des discussions acharnées au colloque Segalen à Cerisy cet été !!!!

  56. Une info assez ancienne de l’édition Pléiade de Maurice Blanchot est elle toujours d’actualité ?
    S’agit de ma part d’une bévue ? Merci à vous pour toute info supplémentaire ou point de vue!

  57. Pour Blanchot il y aurait de quoi faire un volume Romans et récits et un autre Essais. Je ne crois pas avoir lu sur cet page de projet en cours.

  58. Il était question d’un projet de Blanchot en Pléiade dans son Cahier de l’Herne mais cela date de 2014. Peut-être (encore) un projet retardé ou abandonné. Sait-on jamais…

  59. Dans un vieux petit volume de Pierre Reverdy, je tombe sur ceci :

    « L’effort de Mallarmé fut énormément dans la syntaxe, d’où ses imitateurs imitant sa syntaxe, cette minceur. Son intention est plus importante que son œuvre. Aujourd’hui [en 1919 — note de votre serviteur] l’effort porte sur la structure, d’où les suiveurs s’emparant des moyens de structure et ne prenant pas garde qu’ils entraînent la transformation de tout le reste avec eux. Vocabulaire, syntaxe, choix et limitation des éléments.
    Mais comment faire entendre qu’il faut quelque sobriété verbale, là ou l’on prétend améliorer grâce précisément à une ébriété verbale ! »

    Et je voudrais pouvoir faire lire ces lignes à la personne qui fréquentait ici à un moment, et qui a eu le courage d’écrire un livre spécialement sur cette question des imitateurs de Blanchot (une chose presque effrayante, quand j’y repense, que ces imitateurs, pour moi qui découvrais leur existence — il y a vingt ans — et qui essayais à l’époque de lire leurs élucubrations interminables ; c’était vraiment à y laisser sa santé mentale !). Et je ne doute pas qu’il y ait aussi des imitateurs et suiveurs de Georges Bataille (sont-ils aussi nombreux ?)

    Je ne me souviens malheureusement plus du nom de ce commentateur du blog auquel je pense. Qu’il me pardonne si par extraordinaire, passant par ici, il vient à découvrir cette note.

  60. Long week-end parisien qui, c’était prévisible, s’achève en sortie de route : La Maison d’âpre-vent, les romanciers du XVIIIe et le second volume de la correspondance de Madame de Sévigné. Pour information, choix remarquable au 23 rue Le Peletier, librairie Valleriaux (je n’y ai pas d’intérêt…)

    • Bonjour Draak,
      Quel est selon vous l’état des livres disponibles dans cette librairie ? Et, si cela est dicible, quel est l’ordre de prix auquel vous les avez payés – par rapport au prix du neuf et, éventuellement, compte-tenu de la rareté ? Merci et bonne journée.

      • Pas spécialement bon marché : Les épuisés sont à 50 € ou 45 €. Les autres environ 37 €. Toute la vitrine est faite de Pléiades (en gros, le prix ebay avec frais de port). Il y a une petite vitrine d’albums ; je ne m’y suis pas intéressé, ayant déjà épuisé mon budget. Mais Proust y est à 300 €, avec sa jaquette. Les livres sont en bon état. Les emboitages n’y sont pas toujours. Après hésitation, j’ai laissé un Dickens qui n’avait pas sa jaquette (David Copperfield).

          • J’ai connu un fou furieux qui les produisait lui-même, les vendait sur ebay et vous insultait copieusement (mais vraiment copieusement) quand vous lui faisiez remarquer que c’étaient des contrefaçons (bien faites en plus). Il m’a accusé d’acheter des Pléiades, « immondices judéo-pédophiles pour bourgeois pervers ». J’ai vite compris qu’il était complètement dingo.

          • J’évoquais plutôt les jaquettes anciennes que les acheteurs enlevaient pour afficher le dos en cuir de leurs Pléiade. Certains d’entre eux conservaient ces jaquettes et on les retrouve parfois – rarement il est vrai – sous forme de lots.

            Il existe également des jaquettes refaites à neuf pour les dix premiers albums de La Pléiade. Celles-là se trouve en permanence sur la baie, sont vendues un peu cher, mais sont strictement identiques aux originales (papier, impression, finition). Bien agréable quand on a la chance d’acquérir l’une de ces raretés, notamment parce que les enchères montent moins haut pour les albums sans jaquette.

            Dans le même ordre d’idées, les acheteurs enlevaient les rhodoïds, mais désormais on peut s’en procurer assez facilement. À noter que Gallimard a rogné sur l’épaisseur des rhodoïds comme ils l’ont fait pour les derniers coffrets. Les derniers rhodoïds se déchirent plus facilement et parfois gondolent.

            Au fait, je termine le volume des Essais de Montherlant.

  61. J’avais lancé un petit cailloux où s’inscrivaient les lettres de Game of Thrones, curieux de voir si quelqu’un relèverait cette incongruité de l’image venant faire saillie dans le sanctuaire des mots. Ce fut vous Zino. J’incline à penser comme vous que GOT est l’une des séries les plus passionnantes de ces derrières années, même si scénaristiquement on pourrait trouver de quoi discuter. Mais je n’en ai pas envie, je prends mon plaisir tel qu’on me l’offre, somptueux.Plastiquement déjà, elle est BELLE cette série. Quelle magistrale enluminure d’un conte!
    Indépendamment de ça, je viens de me ruiner en payant 75 euros pour le tome 1 de Boulgakov en Pléiade. Absolument neuf, encore sous blister. Maintenant j’ai les deux et je suis heureux.

  62. J’ai relevé les habituelles augmentations de prix, à partir des catalogues 2017 et 2018.
    Dès que j’ai un peu de temps, je déposerai ici la liste des titres concernés.
    En attendant, les hausses les plus importantes :

    Au bord de l’eau II : +11 euros
    Alain – Propos I : +10 euros
    Faulkner I : +10 euros

    Les hausses les plus faibles :
    Homère : +1euros
    Proust – La Recherche I : + 1euros

  63. Est-ce que quelqu’un ici aurait une idée de ce qui peut advenir du troisième et dernier tome d’A. de Vigny réservé aux « Oeuvres intimes », dont la correspondance ? On en reste pour ces textes au poussiéreux et malcommode second volume de l’édition Baldensperger, où le peu d’exégèse (quand il y en a) se trouve rejeté après le groupe d’oeuvres auquel il se rapporte. Il semblerait que les deux tomes de la nouvelle Pléiade Vigny se soient fort mal vendus, rançon peut-être de leur très haute tenue scientifique (la poésie et le théâtre, respectivement traités par Germain et Jarry, n’y reçoivent pas moins de 650 pages de notices, notes et dossier critique, y compris des synthèse d’une trentaine de pages sur ‘Vigny poète’ et ‘Vigny dramaturge’). En effet, Gallimard n’a apparemment toujours pas épuisé le premier tirage de ce tome I (imprimatur du 3/1/1986 sur les presses tourangelles de Mame et relié par Babouot à Lagny), lequel se vend sous boîtier illustré du nouveau type (non pas encollé mais replié), comme s’il s’agissait d’un reprint récent, témoin une commande récente de ma librairie auprès de l’éditeur. Si trente-deux ans après sa sortie, ce volume reste disponible dans son tirage original, il y a de quoi craindre que l’entreprise ne s’achève jamais, même si, comme il est plausible, les éditeurs des textes les moins courus de Vigny réservés pour le dernier volume ont rendu leur manuscrit il y a un certain temps déjà. Mais je me trompe peut-être, témoin le très long intervalle (26 ans) qui s’est écoulé entre la parution des tomes IV et V de Rousseau à la Pléiade.

  64. Neo-Birt je pense que la Pléiade a renoncé au troisième volume des œuvres d’Alfred en raison du peu d’acheteurs de son théâtre, poésies et prose. Mais vous trouverez facilement le complément de ce volume fantôme ailleurs. Dans la collection L’Intégrale Seuil vous lirez son journal (dit « Le Journal d’un poète ») dans sa forme originelle (différente du tome 2 de la pléiade évidemment !) et sa correspondance malheureusement assez souvent fautive car ces textes n’ont pas été revus d’après les manuscrits. Chez l’Harmattan collection les introuvables, j’ai encore une autre édition du « journal » (très recomposée !) et chez Garnier une éditon en 6 volumes de sa correspondance. Il en existe une autre chez puf (mais que je ne connais pas). Qui sait si un jour on ne nous annoncera pas, entre la publication des volumes 7 et 8 des Œuvres de Jean d’O, ce volume du bon Alfred ! On peut toujours rêver… « Ton rêve heureux enfant, n’est pas un vain mensonge»

    • Merci de ces précisions, cher Tigrane. J’évite par principe L’Harmattan, car le premier plumitif venu y peut faire paraître ses crottes, même savantes, hélas (les hittitologues anglo-saxons ne tiennent aucun compte des livres afférents signés Michel Mazoyer ou Jacques Freu produits par L’Harmattan sous les auspices de l’association Kubaba, alors que ces deux universitaires ont quasiment mis la discipline sous coupe réglée chez nous), et L’Intégrale Seuil m’a toujours inspiré force méfiance, hormis son magnifique Rabelais signé Guy Demerson. Le Vigny I de la Pléiade est la seule édition commentée à insister sur les rimes « pour l’oeil » d’un poète français du XIXe siècle en dehors des travaux purement savants chez Champion ou Classiques Garnier dernière mouture (« nous » ou « vous » répondant à « tous », qui n’était plus correct dès le XVIIIe siècle compte tenu de l’évolution phonétique, de même que « fils » / « logis » ou « louis » et « ours » / « débours » ou « toujours »), lors même qu’on rencontre bon nombre de ces rimes visuelles et non aurales chez Hugo en sus de l’instance classique où l’infinitif était censé répondre avec un substantif en er. Et c’est une entreprise pareille que l’on discontinue pour publier du Jean d’O. ou un tome anémié de Germaine de Staël !

      • Hélas, je crains que Vigny se soit trop mal vendu… Vos questions tombent à pic, dans le flux de ma vie, car j’ai plus ou moins caressé cette semaine le projet d’acheter tout le stock des Vigny I et II, et ce dans toutes les librairies de France, pour qu’une vague Vignyolâtre pousse enfin Gallimard à publier le IIIe volume. Serait-ce seulement suffisant ?

        C’est d’autant plus triste que, contrairement à certains volumes qui assemblent des textes déjà disponibles en de multiples éditions fort satisfaisantes, celle-ci pourrait offrir au lecteur des textes autrement introuvables. Introuvable, au moins pour le béotien. Sans parler de la philologie…

        Je me suis aussi fait la réflexion, en regardant le sommaire du deuxième tome Ormesson, que ça devait être la première fois que des livres français parus (et écrits) au XXIe siècle avaient l’honneur de la Pléiade*. En effet, le dernier volume ne compte-t-il pas un ou deux de ces barbants « C’est une belle chose que de vivre longtemps avant la mort » et autres « Ce fut un délice malgré tout que de vivre ma vie » qu’il publia à l’hiver de ses jours pour s’offrir un dernier plateau télévisé ?

        * En langue étrangère, le deuxième tome de Vargas Llosa doit compter un ou deux romans du XXIe.

        • Cela me fait craindre qu’il ne continue à écrire « après la mort » quelques ouvrages du même tonneau et non moins barbants et nous les fasse parvenir – via la Pléiade – de quelque au-delà où, nul ne peut en douter, son Dieu (je parle bien de son dieu personnel, celui qu’il s’est fabriqué sur mesures) l’a envoyé en récompense de services rendus.

        • N’étant possesseur que de l’ancienne édition de Vigny, je vais acquérir les deux volumes de la seconde édition (ma bourse me le permet, vu le peu d’intérêt que je trouve aux parutions de cette année, à deux ou trois exceptions près).

          C’est d’ailleurs une pratique qui est en train de devenir dominante chez moi, acheter les anciens volumes indispensables (en neuf ou en occasion), plutôt que d’obéir aux « injonctions » de Gallimard pour des nouveautés qui m’inspirent de plus en plus d’indifférence (j’essaie de dépasser l’énervement).
          Il n’y a déjà que trop, dans ma bibliothèque, de ces volumes aguichants parus ces dernières années, dont le dégoût m’est venu aussi vite que l’impulsion de l’achat. Des Pléiades qui deviennent de simples objets de consommation, inutiles, et dont on ne rêve que de se débarrasser dès le surlendemain de l’achat… Non, Monsieur Gallimard, « plus jamais ça ! »

        • Votre idée d’acheter le stock des Vigny me fait songer à l’époque où le Parti Communiste achetait en masse les exemplaires du « Zéro et l’Infini » d’Arthur Koestler (faisant, du même coup, du livre aborrhé, un best seller) mais lui, c’était pour les pilonner…

    • Pourtant, dans le catalogue 2018 ce tome III est toujours indiqué « en préparation »… De qui se moque-t-on ?
      Je parlais hier de mon intention de me procurer les deux premiers volumes de cette nouvelle édition et j’ai trouvé aujourd’hui, chez mon bouquiniste, pour la somme de 18€, le premier volume ! Me reste à me procurer le second, que je ne trouverai certainement pas à ce prix, considérant son prix neuf.
      Après avoir comparé les deux éditions, j’ai décidé de conserver également la première, du moins pour l’instant, puisqu’on y trouve, entre autres, le « Journal » (sans l’ombre d’une note, il est vrai, mais tout de même 500 pp pléiade de texte) qui devait (devrait ?) se retrouver dans l’hypothétique tome III nouvelle édition. On trouve également dans le premier volume quelques lettres, mais l’intérêt en est bien moindre, vu leur tout petit nombre et un choix qui n’obéit pas à un autre critère que celui de la célébrité des destinataires…

      Je me suis plongé dans ce volume, effectivement pourvu d’un appareil critique qui peut paraître à certains démesuré, et c’est avec un grand plaisir que j’ai retrouvé la langue de Vigny (d’une autre tenue que le pauvre Lamartine, selon moi).

      Gallimard devrait quand même, par respect pour l’auteur et, éventuellement, pour ses fidèles lecteurs, compléter cette édition, quitte à sortir un tome III un peu moins riche en notices et annotation.

  65. L’Intégrale Seuil ? Je connais parfaitement les 39 volumes de cette admirable collection hélas trop tôt disparue il y’a maintenant 40 ans pour vous assurer que son Vigny ne comporte ni Jounal ni Mémoires ni correspondance.

  66. S’agissant de la Pléiade, je donne la priorité au site de Brumes pour annoncer cette triste nouvelle qui ne surprendra personne : Georges Forestier, maître d’oeuvre du Racine volume 1, vient à l’instant de me confirmer par mail qu’aucun volume 2 n’est prévu sous sa direction. La phrase est lapidaire et cruelle (d’une efficacité racinienne) : « Racine pour tout le monde, c’est l’homme d’une douzaine de pièces et c’est tout. » (Ne comptez pas, ce n’est pas un alexandrin).
    Comme quoi, on ne perd rien à demander par une nuit d’insomnie, même si l’on s’adresse à bien plus occupé que soi. Cela confirme malheureusement ce que nous savions tous ici : le XVIIe se vend très mal. Je mettrai ce soir la réponse complète sur la page Racine de propagerlefeu.fr

  67. A Domenkos.
    Je pensais à ceci ce matin : en venant ici, vous avez échangé un désert contre un autre, mais au désert vous n’échappez pas. Ici il y a les mirages, mais chacun sait que le mirage est banalement un phénomène d’optique.
    Précipitez-vous sur les deux volumes Kierkegaard qui sortent la semaine prochaine. Vous y trouverez un reflet de votre solitude dans celle de ce poète de la philosophie, dont on peut dire qu’il sut être — et rester surtout, ce qui est plus difficile — admirablement, ridiculement seul.
    La parution de ces volumes, en concomitance avec les mémoires de Madame de Beauvoir, est peut-être le fruit du pur hasard, mais je me plais malicieusement à y trouver une signification cachée.
    Un deuxième tome de Jean d’Ormesson, posthume celui-là, est annoncé pour cet été (je crois). Et j’ai pu lire sur Internet des manifestations de joie, d’authentiques déclarations d’amour, nombreuses, de lecteurs, dont certains vont jusqu’à dire que cet écrivain a changé leur vie.
    Donc tout est bien, finalement.

    • Kierkegaard a fait écho à ma « solitude » dès l’âge de 15 ans – époque reculée… en 66 (avant ? après JC ?…) – les rares collections de poche aisément accessibles étaient : Le Livre de Poche, pour la littérature contemporaine essentiellement ; GF pour les classiques, surtout les Antiques ; Marabout pour la littérature populaire et le Fantastique et Idées-Gallimard, pour les essais et la philo. C’est dans cette collection que je lus (sans y comprendre grand chose sans doute) le Journal du Séducteur, le Traité du Désespoir, Riens philosophiques, le Concept de l’Angoisse… Et ma vie en fut changée – imaginez ! l’effet ravageur sur un cerveau de 15 ans, exilé dans une cité ouvrière où il passait littéralement pour le mouton noir, n’ayant pas accès non plus au lycée réservé à l’époque aux fils de bourgeois… (plus certainement, « tel qu’en lui-même enfin », que par d’Ormesson !… à l’encontre duquel je n’éprouve d’ailleurs aucune hostilité : si cet écrivain aimable rend ses lecteurs heureux, cela ne me dérange pas, mais que diable vient-il faire en Pléiade ?).

      Il y avait aussi Sartre, Céline… heureusement qu’il y eut Camus (« je suis tombé par terre, c’est la faute à Sartre, mais fus tiré du ruisseau c’est grâce à Camus », pardon pour l’absence de rimes).

      Quant à la Pléiade, elle a, pour moi, pris rang parmi les Belles Dames du Temps Jadis, et si je visite encore son Temple bien après qu’elle l’a déserté – c’est-à-dire les présents lieux – ce n’est plus que pour humer les dernières fragrances de l’encens qui brûla pour elle et qui s’évanouissent, remplacées par les nauséabondes fumées de quelque barbecue où Gallimard nous cuisine poissons avariés et viandes plus ou moins faisandées, arrosés d’innommables sauces à la McDo.

      • Comme Gide le dit à une jeune admiratrice qui l’attendait à la sortie d’un théâtre pour lui dire la joie qu’elle eut l’année précédente à lire ses Nourritures terrestres : — Quel âge aviez-vous ? — Dix-huit ans. — C’était trop tôt ; de même Kierkegaard vous aurait dit : Quinze ans, mon bon ami, c’était beaucoup trop tôt !

        Mais entre nous, je ne souscris pas à l’opinion gidienne. Il n’est pas bon de se limiter, et plutôt lire à tout âge ce vers quoi notre curiosité nous entraîne, et en particulier les livres qu’on ne comprendra que vingt ans plus tard : je dis qu’il en restera toujours quelque chose — peut-être l’essentiel ? Je jouais pour ma part — c’est le mot qui convient, et mieux d’ailleurs en anglais : I was toying — avec les pensées de Pascal vers l’âge de sept ou huit ans. Ce qui me frappait fort surtout c’était le côté fragmentaire : je trouvais cela terriblement mystérieux, et je sentais — comme l’on peut sentir à cet âge — qu’il devait y avoir là des choses pour ainsi dire sacrées. Je n’ai pas changé d’avis depuis.

        • Je pense aussi qu’il n’y a pas de question d’âge. Simplement, il est des livres qu’il faut lire et relire à plusieurs moments de sa vie. J’ai, depuis quelques années, au seuil de la vieillesse, inauguré une façon de « retomber en enfance » qui consiste à relire bon nombre des livres que j’ai découvert dans ma prime jeunesse. Et c’est bien retomber en enfance, car j’ai l’impression de les lire pour la première fois, tout en ayant, étrangement, le souvenir de les avoir lus autrement, autrefois. Entre ces deux âges « privilégiés » j’ai lu des tonnes de livres, en mon âge dit « mûr » et je ne me souviens de presque rien. Avec le sentiment d’avoir le plus souvent perdu mon temps. Ou de ne m’être pas enrichi.

          Il n’y a pas non plus de rencontres de hasard (comme pourrait le faire croire le fait que je me suis jeté sur Kierkegaard sans en rien savoir, uniquement motivé par la résonnance de certains titres en moi, comme j’ai lu à 17 ans « La Recherche » sans rien savoir alors de Proust, mais parce que l’édition en poche me séduisait avec ses couvertures reproduisant les carnets manuscrits, et je pourrais citer moult autres « accidents »). Il n’y a que des rencontres « providentielles » (c’est bien d’ailleurs le seul domaine où je crois en une « providence »). Je n’ai jamais eu à regretter une de ces rencontres, qu’elle arrivât « trop tôt » ou « trop tard », pour de bonnes ou de mauvaises raisons. Preuve supplémentaire, je ne suis jamais tombé sur des livres inutiles ou indifférents. Dans « Le Temple du Soleil » Tintin dit à son ami Haddock qu’il « doit y avoir un dieu pour les ivrognes », il doit en tous cas en exister un pour les jeunes lecteurs aventureux qui n’ont d’autre boussole que leur instinct.

          A contrario, les livres que j’ai « ratés » à l’époque – comme, malheureusement, Pascal – je n’ai jamais pu y accéder, ils n’ont jamais pu imprimer leur marque en moi, même lorsque j’ai pris la peine de les lire à l’âge où certains auteurs doivent obligatoirement être lus, sous peine de passer pour un béotien. Rien à faire, quelque temps que j’y passe, ils n’entreront pas dans mon panthéon personnel.
          Je ne sais pas si cela m’est particulier ou si la même chose arrive à d’autres (sans doute oui, on se voudrait unique, mais on est qu’un des sept milliards d’uniques que doit supporter cette malheureuse planète).

          • Je vous rejoins, Demonkos. Les auteurs que je n’ai pas dévorés collégien ou lycéen, fût-ce en sélection, voire en chrestomathie (je pratiquai assidûment les anthologies, en prose mais surtout en poésie, pour déterminer ce qui résonnait en moi le plus fortement afin de me jeter sur des éditions plus complètes), me sont toujours demeurés peu ou prou étrangers. J’ai mangé de la littérature médiévale à m’en écoeurer au cours de mon cursus de lettres classiques; j’ai lu tout ce qu’il reste de la philosophie antique pendant mes années de doctorat, dans l’original avec une traduction le cas échéant pour me guider; par la suite, je dois avoir ingurgité la totalité des belles lettres anciennes (y compris le colossal commentaire homérique d’Eustathe !), une bonne partie des classiques byzantins, beaucoup d’auteurs bas-latins – et pourtant, aucun de ces innombrables ouvrages ne m’a donné l’envie d’y revenir assidûment par plaisir comme c’est le cas pour notre littérature du XVIIe siècle, notre poésie du XVe jusqu’au tournant de la IIIe République, pour Voltaire, Laclos, Balzac, Villiers ou Proust. C’est notamment pour cela que je suis admiratif des polymathes comme Demonkos, Tigrane, Restif.

          • C’est bien pourquoi il faut gaver les enfants de lecture comme on gave les oies, il y a urgence, ils ne combleront jamais ce manque plus tard… (Est-ce qu’une cervelle d’enfant gavée de lectures est aussi délicate au palais qu’un bon foie gras ? Voilà une vraie question.)

  68. Lisant un article du journal Le Point en ligne, où l’on fait l’éloge d’un écrivain sénégalais qui écrit sur… l’homosexualité, j’ai la joie de trouver un peu plus bas sur la page un commentaire d’internaute qui — miraculeusement — a échappé aux ciseaux du censeur. Je le copie ici, sans lui en avoir demandé la permission (est-ce seulement possible d’ailleurs ?), pour dire quoi ? Pour avertir de ce que l’on pressent de plus en plus : la tendance à faire de la littérature, du cinéma, de vulgaires outils de propagande. C’est une chose suffisamment grave, me semble-t-il, pour qu’on s’en alarme : en France, la patrie des arts s’il en est une.
    Voici le commentaire de ce monsieur que je reprends tel quel :

    «  Par Biglotron le 15/05/2018 à 17:38

    La course à la bien-pensance

    Et si les prix récompensant les œuvres, qu’elles soient littéraires, cinématographiques ou autres — mais pourtant décernés formellement sous ces étiquettes — étaient à nouveau attribués pour saluer effectivement lesdites qualités (littéraires, cinématographiques… ). Ce serait en tout cas un retour vers l’ordre honnête des choses !
    Las… Aujourd’hui, tout est fait, dans le choix des lauréats, pour laisser apparaître, sinon proclamer, que les prix en question, et peu importe la discipline considérée, sont décernés avant tout pour consacrer une démarche activiste de correction politique.
    Cette fois-ci on salue la cause des homos et/ou des migrant… Pourquoi pas ? Ce sont des causes, comme d’autres, qui justifient des engagements. Fort bien mais la LITTERATURE dans tout ça ? Car il s’agit bien d’un prix de LITTERATURE, non ? Les qualités d’écriture de ce bouquin représentent-elles 98% ? 50 ? 20%… Ne serait-ce que 1% ? En tout cas résolument pas 100% : ce n’est pas l’art d’écrire mais bien le choix du sujet militant que l’on récompense ! Parce qu’il fera VENDRE et qu’il fera causer chez les bobos.
    Personnellement, je n’achète, ne regarde ou ne m’intéresse désormais à plus aucune de ces “œuvres” récompensées : je refuse de payer pour me faire administrer une leçon de morale, enrichir des prêcheurs et leurs sponsors ; ou même seulement en prendre le risque !
    C’est peut-être dommage car rien n’interdit de penser que je loupe à l’occasion quelque chose qui en valait la peine, mais tant pis. Je me ferai une raison : il existe par ailleurs tant de choses vraies (pas nécessairement récompensées) méritant de se passionner, et la vie est si courte… Je laisse aux hypocrites le snobisme de financer comme ils l’entendent la micro-planète prêchi-prêcha sur laquelle ils adorent s’ébrouer entre eux. Mais sans moi. »

    • O honnête lecteurs, fuyez, fuyez ! n’écoutez pas le chant de ces Sirènes mortifères !

      Article totalement biaisé jusqu’à la malhonnêteté et à l’insignifiance, faisant explicitement référence au « féminisme hollywoodien » tant à la mode du jour.

      La réponse de Gallimard expliquant que « force est de constater que l’histoire littéraire elle-même s’écrit au masculin jusqu’au milieu du XXe siècle ; et il n’est pas à la portée de la collection, si bienveillante soit-elle, de la corriger » est tout-à-fait juste et équilibrée (outre que plus élégamment exprimée que la lourde prose propagandiste de l’article).

      Pour preuve, les auteurs de l’article ou les contributeurs, sont obligés, pour nier ce fait et « refaire l’histoire littéraire » de faire appel, aux côtés de quelques auteures (voyez que je fais un effort) incontestables, à des noms dont l’entrée en Pléiade suffirait à achever son déclassement : « Louise Collet, Marceline Desbordes-Valmore, ou encore, cette femme, nègre littéraire, à laquelle Alexandre Dumas père a commandé des textes qu’il a publiés en son nom propre. » C’est proprement hallucinant ! (A noter, d’ailleurs, que « l’universitaire » n’est pas capable ou ne prend pas la peine de citer la « nègre littéraire » de Dumas : on pourrait lui rétorquer qu’il n’y a pas non plus de Pléiade Auguste Macquet).

      « L’universitaire » enfonce le clou en prétendant : « On ne peut pas accepter cette phrase selon laquelle, au fond, la bibliothèque de la Pléiade s’en tiendrait à la sous-existence littéraire des femmes. C’est totalement faux. Les féministes ont fait un gros travail d’exhumation, en montrant que bien entendu il existe des centaines d’écrivaines. Elles existent. Par conséquent, il appartient à la Pléiade de leur donner la place qu’elles méritent. »

      C’est effectivement ce qu’ont fait, en leur temps, les éditions « des femmes », parfois pour le meilleur, le plus souvent pour le pire. On peut effectivement penser qu’une écrivaine de quatrième ordre a sa place en Pléiade, plutôt que nombre d’écrivains majeurs qui n’y sont toujours pas, au nom de la « discrimination positive ». On ne fait pas mieux dans le révisionnisme et la négation de la réalité.

      J’ajoute que cette classification selon le sexe promu en qualité essentielle, par des personnes qui, d’ailleurs, nient la différenciation sexuelle à travers les « théories » du « genre » est assez croquignolesque ; je pensais qu’on écrivait avec son cerveau (qui n’est ni femelle ni mâle) et non pas avec ses ovaires ou ses testicules.

      • Quand vous résignerez-vous à admettre (car je ne puis croire que vous ne le sachiez pas) que France-Culture, cette nouvelle Pravda du politiquement correct, est infréquentable ?

      • En effet, cette tribune écrite par une militante ne va pas très loin. C’est hélas le trait majeur désormais de cette radio de s’être mise au service de bonnes causes (la culture n’étant plus qu’un alibi dans un combat politique).

        • Ps : des femmes oui, Akhmatova par exemple. Ou Cristina Campo. Mais alors Annie Ernaux non, non, non mille fois non. Pourquoi pas Duras pendant qu’on y est ?

          • Entièrement d’accord avec vous.

            Par parenthèse, l’auteur de l’article ne se tient pas au plus près de l’actualité de la Pléiade, puisqu’il ne cite pas Mme de Staël. Ce qui fait 13, « on les compte presque sur les doigts d’une main », je ne sais combien de doigts l’auteur possède à une main… Simple plaisanterie. N’a pas beaucoup creusé son sujet non plus : Marguerite de Navarre dont l’absence est regrettée, figure bel et bien dans le volume « Conteurs du XVIème siècle ». Louise Labé dans l’anthologie « Poètes du XVIème siècle » – Pernette du Guillet, itou – elles n’a pas un volume à elles consacré (vu la minceur de leur oeuvre), mais Clément Marot et Du Bellay non plus…

            Sont citées, ailleurs dans l’article, « Edith Warthon, Carson Mc Cullers, Ingeboch Bachman, Lou Andreas-Salomé, ou encore des femmes récemment nobellisées comme Doris Lessing, Alice Munro, Svetlana Alexievitch » ; je n’aurais rien à redire à deux ou trois de ces auteures. J’apprécie beaucoup Carson McCullers et Edith Warthon et la récente lecture (en surmontant certains préjugés que j’avais) de Svetlana Alexievitch m’a littéralement sidéré ! Mais je renâcle devant d’autres : pour ne citer qu’un exemple, où diable se situe l’oeuvre de Lou Andreas-Salomée – sinon comme femme d’influence, ce qui est loin d’être négligeable – dans l’histoire littéraire ?

            Je pourrais citer également quelques noms supplémentaires de grands écrivains qui se trouvent être biologiquement des femmes (à condition de ne pas les sélectionner en qualité de femmes mais d’écrivaine et sur leur seule valeur littéraire), mais on n’arrivera jamais à la parité sans sacrifier la qualité. Il y aurait, par exemple, la fameuse Murasaki Shikibu dont nous avons longuement parlé ici, et plusieurs chinoises ou japonaises (mais dont l’oeuvre, quantitativement, risque de ne pas remplir un volume pléiade, sauf à renouveler les opérations du genre Rimbaud, Lautréamont-Ducasse, Liaisons Dangereuses). Quelques poétesses, anglo-saxons généralement, j’aimerais pouvoir en citer de françaises, mais hélas !… S’il faut une philosophe, Hannah Harendt ferait l’affaire…

            Mais je m’aperçois que je suis en train de « plaider coupable », de chercher des justifications à un « crime » imaginaire et de tomber dans le travers que je reproche à ces Saint Just de la cause féministe : rechercher à tout prix des écrivaines pour la raison qu’elles augmenteraient la représentation d’un sexe. La diversité des auteures citées montre assez qu’il n’existe pas une « littérature féminine » (ou alors en sous-genre et ne concernant qu’une partie des auteures) est que, hormis la question biologique, il n’y a pas plus de parenté entre ces femmes qu’il n’y en a entre leurs collègues masculins.

          • Signe que la Pléiade n’est pas misogyne, il y a même déjà – ) l’époque giscardienne, je crois, une ministre disait que la cause serait gagnée quand on nommerait des ministres femmes incompétentes, elle doit être comblée aujourd’hui – deux ou trois écrivaines de médiocre qualité dans la collection (nombre qui va être augmenté avant la fin de ce joli moi de mai).

          • Le problème de ce genre de tribunes militantes et antilittéraires n’est même pas là, pas totalement en tout cas. Le problème est de rapporter l’entrée à la Pléiade d’un auteur exclusivement à son identité non à son œuvre.

            Cela correspond bien à cet âge identitaire où chacun est sommé de choisir une petite case puis de s’ériger en vigie du business victimaire de celle-ci.

            Que l’on parle de Beauvoir écrivain, qu’on la (re)lise un peu comme Christophe Mercier le fait dans Commentaire, sans préjugé ni révérence, qu’on en discute, qu’on critique ces volumes et cette œuvre (en bien ou en mal) mais pitié qu’on ne se contente pas de pointer des bâtons sur la feuille de match hommes à la Pléiade / femmes à la Pléiade.

          • Ah, cher brumes, permettez-moi de ne pas adopter ce point de vue. J’aimerais bien Duras en Pléiade ; il me semble que c’est une femme qui a compté, et ce serait pour moi l’occasion de découvrir une sélection de ses œuvres.

          • Rassurez moi, mon cher, vous avez bien vu ma boutade ? L’horrible Marguerite Duras y est déjà en 4 pesants volumes d’œuvres complètes…

          • Oups, désolé… Grosse fatigue intellectuelle de ma part. Je suis passé à côté d’à peu près tout, et – ce qui est particulièrement impardonnable – de la boutade elle-même. Honte à moi, même si j’ai de « bonnes » raisons d’avoir été si inattentif.
            J’en profite pour signaler (ça me servira pour mes archives) que j’ai terminé le volume des Essais de Montherlant, qui s’achève par les superbes « Écrits sous une Occupation ».

    • J’ai feuilleté les volumes de Beauvoir, dont je n’ai jamais lu les Mémoires.

      Je les ai sagement reposés. Et je pense que je m’en passerai très bien. Je ne suis tombé que sur d’affligeantes banalités (géo)politiques ou sur les remarques de tel ou tel officiel cubain ou soviétique, rapportées telles quelles.

      Non décidément, je me dispenserai de suivre les aventures de la famille Fenouillard de l’existentialisme puis du communisme.

  69. Cet article, avec son montage pataud de citations pas bien malignes et pour certaines tellement hors sol qu’on se demande quelle autorité scientifique est concédée par ses collègues à M. Mollier dans son domaine de compétences, dessert la cause des femmes de lettres et autres intellectuelles. Veut-on, au nom de la parité, canoniser sur Bible les radotages profondément sexistes, rances, et paternalistes de la comtesse de Ségur ? Ils épouvanteraient pourtant les parents d’aujourd’hui, si prompts à juger de l’éducation que reçoivent leurs chérubins au nom de la dernière antienne agitant la blogosphère ! Rééditer en Pléiade une partie du corpus de la Colet, au prétexte qu’elle fut une égérie dont le talent a mûri en s’en faisant donner par Flaubert et Vigny ? La meilleure partie de son oeuvre réside dans les lettres absolument délicieuses où Flaubert corrige, vers après vers, pour un résultat demeurant ô combien pédestre, la piteuse poésie de cette bagasse. Nul ne parle, en revanche, de la grande Enheduanna, fille de Sargon d’Akkad, la plus ancienne poétesse attestée au monde ainsi que l’auteur individuel le plus archaïque identifié à ce jour; comme grande prêtresse, elle a écrit plusieurs hymnes cultuels à la déesse Inanna des Sumériens dont la splendeur éclate même en traduction et qui n’existent pourtant qu’en versions anglaises soit lourdement savantasses soit superficielles. Son mince corpus, joint à ce qu’il nous reste de Sappho et de ses consoeurs plus obscures (moins de quatre cents pages en édition bilingue, dans la jolie traduction d’Yves Battistini « Poétesses grecques » à L’Imprimerie Nationale, collection La Salamandre, Paris, 1998) ainsi qu’au Cantique des cantiques, dont l’attribution à une femme ne tient guère mais qui n’en respire pas moins une subversion bouleversante des valeurs matrimoniales et conjugales, pourrait constituer l’épine dorsale d’une intéressante Pléiade sur les écrits et regards féminins des mondes antiques. Je pense que tout le monde sur ce fil conviendra avec moi que la qualité seule, et non point le genre, devrait décider de la Pléiadisation d’écrivaines, d’intellectuelles, de figures artistiques, quand bien même les fesse-mathieus de chez Gallimard à chaque fois n’y veulent voir que le retentissement médiatique loisible de conversion en bruits de tiroir-caisse. Il n’est pas certain ainsi que Beauvoir n’ouvre pas la voie à Agatha Christie plutôt qu’à Doris Lessing ou Patricia Highsmith.

    • Pourvu que vous soyez lu !
      S’il faut aider à financer un volume Pléiade « Écrits et Regards féminins des mondes antiques », j’ai beau ne pas être la Banque suisse, je donnerai le tiers de mon SMIC pour m’approcher de ces textes poétiques proches et lointains !

    • Je n’ai pas eu l’honneur d’être présenté à cette grande prêtresse mésopotamienne et vous me le faites regretter ; en parlant d’extrême-orientales je pensais à Sei Shonagon, Li Qingzhao et Hồ Xuân Hương… Mais comment ai-je pu oublier Sappho ? Ce qui me fait penser qu’au moins une anthologie de la poésie grecque antique ne serait pas malvenue, non ? Il n’existe aucun projet de ce genre ?

    • Ha ha ha ! J’avais oublié l’ineffable proposition d’une Pléiade Louise Colet ! Une grande écrivaine méconnue, d’après Wikipedia (une référence de la critique littéraire) : mais si, après avoir reçu des prix académiques de son vivant, elle est tombée en disgrâce c’est uniquement la faute à Flaubert. On ne fait pas mieux dans le genre d’article pravdesque.

      Le cas de l’Encyclopaedia Universalis est encore plus grave : même constat de départ, Colet tombée en disgrâce, « victime de la misogynie de la critique » qui a fait d’elle « le prototype du bas bleu arriviste à la plume incontinente »…

      Fort bien. Mais la suite du texte nous assène un jugement de l’oeuvre édifiant : « Certes, ses ouvrages sont médiocres : essais historiques, poèmes laborieusement académiques fabriqués avec l’aide de Flaubert et de Bouilhet, romans autobiographiques, indiscrets et perfides, comme Une histoire de soldat (1856) ou Lui (1860), mettant en scène Flaubert et Musset. » (Comme avocat, si quelque jour je devais en avoir besoin, je ne choisirai pas l’EU.)

      On pourrait croire, à lire ce qui précède que cette écrivaine est tombée dans l’oubli à juste titre ? Que nenni ! C’est à cause de ‘la misogynie de la critique » on se tue à vous le dire : « Mais on n’a peut-être tant souligné sa vanité, ses comportements extravagants, ses outrances sentimentalo-sexuelles ou sa faiblesse littéraire que pour mieux masquer (…) sa revendication véhémente à être reconnue en tant que femme et en tant qu’auteur. »

      Donc la démonstration est faite : vous pouvez être une écrivaine exécrable, doublée d’une personne infréquentable, vous devez tout de même être admise au panthéon des Lettres, parce que votre sexe, inscrit sur votre étendard, l’exige. « (…) en tant que femme et en tant qu’auteur, Louise Colet peut symboliser un passage obligatoire dans l’histoire de l’émancipation féminine. » A ce niveau d’analyse on entre dans le délire et le degré zéro de la pensée.

      Pour ma part, je ne suis pas moins féministe que la moyenne, mais je ne vois pas en quoi le fait d’être la maîtresse et l’élève maladroite et appliquée de quelques grands noms de la littérature de son temps peut permettre à une femme de représenter la dignité et la libération des femmes. Je serais femme et engagée dans ce combat, je m’insurgerais véhémentement contre cette caricature et clamerais qu’ériger Louise Colet en égérie du féminisme ne peut être qu’une idée des misogynes destinée à décrédibiliser cette lutte.

      Mais la pire expérience qu’on puisse faire ne réside pas encore là : elle réside dans la lecture des poèmes de la Dame. Je recommande aux âmes faibles de ne pas s’y aventurer, ils n’en sortiraient pas indemnes. Il faut avoir le coeur blindé pour supporter cette expérience et toute mon admiration ira à celui qui me dira qu’il en a pu lire sans disjoncter plus de quatre !

    • Il y a pourtant au moins un extrait de l’article qui me paraît pertinent :
      « Ce sont les instituteurs, les professeurs de collège, les professeurs de lycée, les professeurs d’université qui font des classements, décident des textes qui entrent au Panthéon littéraire. Ce sont ces jugements de valeur qui n’ont rien à voir avec l’existence de la littérature réelle, qui continuent à peser sur la littérature comme une épée de Damoclès. »
      Et c’est tellement vrai…

        • Bonne remarque. Une chose paraît quand-même assez réelle dans cette affaire, c’est que le choix des programmes scolaires et universitaires ne peut contenter tout le monde, et que les écrivains qui sont en odeur de sainteté à une période donnée retomberont peut-être dans l’oubli plus tard (et inversement) : La Pléiade est un exemple frappant des « modes » littéraires du moment. Ici aussi, chacun à ses écrivains chouchous et ses « tâcherons » têtes de turcs ; certains seront peut-être réhabilités ? 🙂

  70. N’oublions pas pour le dernier trimestre de l’année l’entrée en Pléiade de Marie de France et ses excellents lais arthuriens même si là encore l’oeuvre mince ne saurait occuper un volume entier.

    • Espérons, cher Pléiadophile, que les douze Lais bretons de Marie avec leur prologue général seront mieux édités et présentés en Pléiade qu’ils ne le sont actuellement dans les éditions standard. Le volume des « Lettres Gothiques » en particulier n’a rien d’une performance, sans doute parce qu’il n’émane pas d’une spécialiste de cette auteure: introduction superficielle et indigente (13 pages !), annotation étique (trop de pages de traduction ne comportent aucun éclaircissement; ceux qui s’y trouvent se bornent le plus souvent à citer un peu de bibliographie moderne sans jamais justifier la pertinence de celle-ci par rapport au détail de l’original poétique faisant l’objet de la note), établissement critique du texte inexistant puisque l’ancien français reproduit en vis à vis est une reproduction de celui de Warnke, et appendices décevants. Pour une poétesse croulant littéralement sous les études savantes et qui ne fait peu ou prou l’objet d’un consensus que sur fort peu de points particulier, ce n’est pas maigre, c’est minable.

      • L’autre édition récente importante est celle de Philippe Walter en « Folios Classiques », Paris, 2000, bilingue, dont la traduction et la courte introduction sont reproduites par Jean-Pierre Bordier dans son tome de la « Bibliothèque Gallimard », ibid., 2004, avec une quarantaine de page d’exégèse de son cru (pas bien fameuses, ni fallor); Walter pour sa part a traduit le texte critique de l’édition Blackwell d’Alfred Ehwert (Oxford, 1944), qui présente des divergences parfois aiguës avec celle de Warnke jusque dans la compréhension de l’ancien français.

        • Corrigendum: Ewert.

          On aurait bien aimé que la traductrice des Lettres Gothiques, Laurence Harf-Lancner, nous expliquât pourquoi elle a choisi Warnke plutôt qu’Ewert. Qu’elle ne l’ait pas fait donne une idée d’emblée défavorable de son travail.

        • Je souhaite que cette édition reçoive votre agrément, ce qui serait signe de sa qualité, mais je ne veux ni ne peux croire qu’une Pléiade consacrée aux Lais du Moyen-Age, en ces temps de vulgarité assumée, puisse être une mauvaise action.

  71. La preuve que la Pléiade n’est pas mysogine, je viens de recevoir le tout nouveau tout beau volume des Romans de Tony Morrison, mais c’est la Pléiade italienne ! Il est rangé au côté des volumes de Munro, Dickinson, Anna Banti, Deledda, Morante, Rosselli, Plath, Spaziani ( et j’en oublie !). Messieurs les français encore un effort !

  72. Cher Neobirt7
    Il faudrait jeter un coup d’œil sur l’édition Champion, « recommandée » pour l’agrégation 2019.
    Pour ma part, je suis heureux de voir que Marivaux y est en bonne place. Voilà bien un auteur qui aurait mérité une refonte en Pléiade ( excepté les deux volumes de théâtre, plutôt réussis)
    Et quel bonheur d’y lire également le nom de Scarron !

    • Cher Zino, c’est toujours un plaisir de vous lire ! Je connais bien les deux Maries de Champion, la belle traduction signée Pierre Jonin, précédée d’une utile discussion théorique (1972, pp. VII-XIII), et la grande édition Jean Rychner (« Classiques Français du Moyen-Âge » vol. 93, sortie en 1966 et réimprimée en 1968, 1971, 1973, 1983). Hormis l’introduction, pp. VII-XXVIII, qui se veut accessible, il s’agit d’une édition purement critique, par conséquent d’un accès malaisé pour le profane. Le texte y est fourni sans traduction mais arrimé aux rivages broussailleux de l’appareil critique (quarante pages de variantes autres que purement orthographiques [193-234], hélas imprimées selon la typographie exécrable de la collection, soit à la queue leu leu, sans espace ou barre séparant les unités critiques, ni même de caractères gras pour attirer l’oeil sur les copies manuscrites procurant les leçons adoptées ou rejetées, de sorte que la consultation en est fort laborieuse) et suivi d’une annotation très dense mêlant justification du texte adopté, commentaire explicatif ou grammatical, et exégèse lexicographique (pp. 235-288, elles aussi sans lumière ni hiérarchisation). La riche bibliographie (pp. XXIX-XLV) et le glossaire sélectif qui conclut l’édition après un bref index nominum (pp. 293-317) justifient à eux seuls l’achat du Rychner. Le long compte rendu qu’en a donné Jean Frappier (« Romance Philology » 22, 1969, pp. 600-614) a cependant montré que ce beau travail pouvait et devait être amélioré; de plus, quand donc les médiévistes apprendront-ils qu’un appareil critique que ne suit aucun cimetière de conjectures modernes reste à moitié du gué ?

  73. Neobirt7
    Vos vœux ont, semble-t-il, été exaucés puisque cette édition, s’appuyant sur les travaux de Rychner, est nouvelle. Nathalie Koble et Mireille Seguy, ont – visiblement- entièrement retraduit les Lais, et en ont ajouté d’autres, contemporains de ceux de Marie de France.
    J’ai commandé le livre, nous pourrons en parler, bien que mon niveau en ancien français, pour être honorable, ne me permettra pas de ferrailler avec vous. Je vais ressortir à cette occasion, mon Gaston Zinc ainsi que mes vieux cours d’amphi, que donnait à l’époque l’inénarrable Monsieur Roussineau.

    • Enfin une grosse édition Champion récente qui ne coûte pas un bras, rara avis in terris ! Vu l’épaisseur du volume, j’imagine que la typographie des textes bilingues est aérée et les notes infrapaginales, conséquentes. Je vais la commander; ce sera mon premier achat en ce domaine depuis une dizaine d’années (je fus fort déçu par les quatre tomes de l’édition Desgrugillers, purement paléographique). Zino, merci de l’information ! Je crains avoir poussé trop loin mon aversion envers Champion.

      Est-il permis de se demander si l’acceptation par Gallimard d’un volume de « Lais médiévaux » n’a pas quelque chose d’opportuniste, considérant l’essor considérable des études textuelles et exégétiques sur ce genre, qui rend possible à peu de frais intellectuels une présentation bilingue annotée de bonne tenue scientifique ? La Pléiade, passez-moi l’expression, nous fit le coup il y a quinze ans avec Saint Augustin: le résultat déçut les savants par son manque de vigueur, et de rigueur !, savantes ainsi que par le choix des ouvrages retenus (absence totale des sermons et de la correspondance, ainsi que des « Nouveaux Augustins » de Johannes Divjak et François Dolbeau), ennuya les étudiants, qui n’y trouvèrent un guide ni efficace ni sûr sur ce latin assez délicat, et proposa si peu de mise en contexte historique, psychologique, spirituelle dans son misérable appareil critique, que son attractivité pour un public cultivé ou croyant ne pouvait être que minimale. De fait, ces trois volumes semblent n’avoir pas été une aubaine commerciale, même pas celui contenant les Confessions (La cité de Dieu n’est guère accessible !). J’espère que les futurs « Lais médiévaux » n’auront pas de similaires relents de mauvaise cuisine, à commencer par un responsable éditorial choisi davantage pour son renom médiatique et mondain que pour son autorité savante et sa longue pratique de l’auteur édité (Jerphagnon sur Augustin au lieu de Mandouze ou Le Boulluec – pourquoi pas Luc Ferry ou Heinz Wisman ?).

      • Cher Neobirt7
        Je vous conseille, ipso facto, de réviser votre jugement sur Champion. L’acquisition des œuvres complètes de L de L, fut pour moi un bonheur total. Quant aux études sur le 17eme et le 19 ème, elles sont florès, et viennent compléter avantageusement, les mesquines Pléiades de certains auteurs pourtant majeurs. Et je ne parle pas de la grammaire et de la stylistique, mes disciplines favorites ( et accessoirement, ma spécialité ) on y trouve de remarquables études, en abondance, à des prix… Élevés. Hélas.
        Quant à Saint Augustin, je fais confiance à la bibliothèque Augustinienne, qui propose des éditions bilingues. J’en ai quelques volumes. Ils me satisfont. Mais je ne suis pas un spécialiste de la Patristique. Donc, ce n’est que l’avis d’un profane. Façon de parler…

        • Je ne me résous pas à payer la métacritique littéraire estampillée Champion ou Classiques Garnier au prix de la grande philologie de chez Brill, Walter de Gruyter ou Vandenhöck und Ruprecht. Et Champion fait aussi cher payer deux ou trois cents pages de notes au grand maximum à ses volumes grand format de classiques français que l’Oxford University Press des éditions grecques ou latines où le commentaire philologique occupe les trois quarts de l’espace (e.g., Annette Harder, « Callimachus. Aetia », 2012, 25 x 17,5 cm, vol. I: 362 pages d’introduction et texte critique, vol. II: 1061 pages de commentaire, bibliographie et indices, le tout pour 255 livres sterling). Les grandes Pléiades bourrées de notices, notes et variantes (quasiment la moitié des volumes chez Villiers de l’Isle-Adam, Vigny I-II, la poésie de Hugo II) ne risquent pas d’être concurrencées par l’extorqueur suisse !

  74. « l’extorqueur suisse » 😄 je n’aurais pas trouvé mieux pour qualifier la politique tarifaire de Champion.
    Pour les tarifs, vous avez totalement raison, ils frisent le déraisonnable. Quant aux éditions alternatives que vous mentionnez elles sont anglaises et n’intéresseront qu’une portion congrue du lectorat cultivé, nécessairement anglophone.
    Pour la Pléiade, j’ai suffisamment donné mon sentiment pour ne pas y revenir…

    • Vous ne m’avez pas bien entendu, Zino (mon style sûrement y est pour quelque chose !) ; je m’efforçais de contraster la maigreur des annotations dont nos savants littéraires français se contentent jusque dans des editiones maiores comme celle que Champion semble désormais le seul à produire, avec la richesse extraordinaire de ce que les Anglo-Saxons se permettent en matière d’exégèse textuelle. Pour un commentaire ligne à ligne et mot à mot comme celui de Gilson au Discours de la méthode, il s’en est publié des milliers en latin, en allemand et en anglais depuis la refondation des études classiques en Allemagne par Böckh et Hermann dans les années 1815. Pascal Arnaud déplorait ainsi, il y a plus de vingt ans, dans son excellent petit manuel « Les sources littéraires de l’histoire ancienne » (Paris, 1996), que le commentaire historiographique de textes anciens soit un genre étranger à la francophonie. On pourrait étendre cette remarque aux oeuvres religieuses et ethnographiques; en dehors d’un petit nombre d’éditions Budé récentes de textes techniques où l’annotation a été très développée et d’une ou deux révisions de grandes thèses doctorales (surtout Jeanne Roux aux Bacchantes d’Euripide), un commentaire de 625 p. in-8° comme celui de Nardelli aux 1500 mots grecs que compte la section théologique du traité de Plutarque Sur Isis et Osiris (épuisé en moins de six mois, quel hasard) constitue une entreprise sans précédent dont on n’ose espérer que l’exemple fera des émules. Voilà pourquoi je trouve irritant au plus haut point que l’on nous intime d’acheter à un prix extravagant des volumes Champion dépourvus de toute prétention à être des éditions commentées. Eh quoi ! le papier et le cartonnage sont-ils donc devenus si chers ?

      • Oui, le papier et le cartonnage sont devenus très chers, auxquels il faut ajouter la façon – impression, découpe, reliure – et la main d’œuvre…

  75. Un livre aussi brillant que l’édition avec commentaire critique des Silves de Stace par Gauthier Liberman (Paris, Calepinus, 2010) borne ainsi son exégèse à la moitié inférieure des pages, lors même qu’il existe, en langue anglaise, des commentaires globaux aussi massifs pour chacun des cinq livres que compte le recueil latin.

  76. Cher Neobirt7
    Je suis stylisticien, soit ; mais je n’ai pas la prétention d’être un arbiter elegantiarum stili. Je ne juge donc pas vos idiosyncrasies.
    Je regrette comme vous l’absence, en France, de travail réellement exégétique, notamment pour les auteurs anciens. Mais quand je me rappelle les commentaires virulents de certains intervenants ( dont je tairai les noms pour ne pas les embarrasser) je crois que le désintérêt pour les editiones maiores, se trouve du côté des lecteurs ( français, donc ) et pas nécessairement du côté des spécialistes. Bref, cette discussion n’a pas lieu de se prolonger, je suis fondamentalement, tout à fait d’accord avec vous. Et j’ai maintes fois déclaré ma préférence absolue pour les éditions savantes. Mais dans le désert français de l’édition scientifique, Champion est une oasis.

    • Le désintérêt est au moins autant du côté des chercheurs et des doctorants. Quand, en qualité de directeur de thèse consistant en édition (ou traduction) introduite et annotée, vous devez vous gendarmer pendant des mois pour persuader à votre élève d’étoffer son commentaire par des sondages systématiques dans la littérature secondaire quelle qu’en soit la langue et en remontant jusqu’à la fin du XVIIe siècle, histoire non pas tant de payer leur écot à nos grands devanciers que de s’assurer que le XIXe siècle ou le XXe n’ont pas commis de trop grosses impasses critiques ou exégétiques; lorsque le résultat de la rédaction de l’impétrant tient bien davantage d’une banale exégèse littéraire accumulant l’information là où elle est d’accès facile (parallèles thématiques ou verbaux, attendus stylistiques) que d’une lecture philologique exigeante, faute de reconsidérer les bases du texte, c’est-à-dire les variantes existantes ainsi que l’adéquation d’une leçon unanimement transmise aux possibilités du latin ou du grec de l’époque, du genre et de l’auteur (trop d’éditeurs jeunes et senior se figurent que s’il est licite de choisir la meilleure, ou la moins pire, des leçons chaque fois qu’il existe plusieurs variantes en concurrence, ce principe ne s’applique plus dès l’instant qu’une leçon est transmise de manière unanime, car il s’agit alors simplement de la traduire d’une manière congruente au contexte tel qu’il est compréhensible – telle est l’essence de la critique conservatrice); lorsqu’il s’avère enfin que plus vous aiguillonnez votre candidat pour qu’il réfléchisse par lui-même aux détails du texte sans se borner à soupeser, voire à énumérer, les autorités savantes, moins bel air a sa rédaction, car elle éclate de naïveté – dans de telles conditions, vous vous dites que la pesanteur des traditions universitaires est la plus forte et de guerre lasse vous rédigez un rapport point trop favorable à destination du jury. Je vous laisse imaginer quel volume Budé ou des Sources Chrétiennes l’impétrant devenu docteur tirera de son méchant pensum. C’est ainsi que Christine Amiech a publié sa terrifiante édition commentée des Phéniciennes d’Euripide, réalisée sous les auspices du pire critique de texte à s’être occupé des tragiques grecs au XXe siècle, j’ai nommé André Tuilier, ou que Pierre Lardet a donné un commentaire du « Contre Rufin » de Saint Jérôme en un gros et cher volume des éditions Brill où, entre autres merveilles, on découvre son incapacité à scander un simple hexamètre dactylique grec (forçat de la thèse, le même Lardet n’a plus rien publié ces vingt dernières années…). Rapprocher ces monstres des quatre superbes tomes du Baudelaire Pléiade par Pichois prend tout son sens.

  77. Neobirt7
    Je rebondis une dernière fois sur vos remarques pour dire que, une fois de plus, je suis d’accord avec vous. Cependant, cette situation que vous déplorez, est le fait d’une jeune génération dont les exigences personnelles sont terriblement basses. Là encore, je sais de quoi je parle… C’est cette même masse de doctorants qui représente ( en partie) ces légions de lecteurs « paresseux » nourris au lait caillé de Wikipedia. J’exagère bien sûr. N’empêche… Les faits sont là. Pourquoi en France plutôt qu’en Angleterre ou en Allemagne ? Mystère. Mais si vous espérez croiser parmi vos étudiants un Deloffre, un Pichois, un Cressot, une Garagnon, un Riffatere ou bien un Jean Rousset ( je parle de mon domaine) autant, je crois, changer de métier.
    C’est assez déprimant quand on y pense. Mais parfois, quelques étudiants arrivent encore à nous « bluffer »

    • Et du coup, la boucle étant bouclée, on se retrouve avec des Pléiades qui tendent à calquer le niveau de l’édition « Bouquins » moyenne – Verne, Duras, Simenon, Kundera, Staël – cependant que la Pochothèque s’enhardit à faire de l’édition scientifique (Diogène Laërce, Cervantes, etc). Moi qui espérai qu’un jour la médiocre Pléiade Eluard avec son appareil scientifique rempli de fatras ferait place à un travail plus appliqué, autant me faire une raison. Je commence même à craindre pour la continuation d’Aristote après la publication de ses traités les plus « sexy », et ne parlons pas de Sénèque ou Cicéron, qui mériteraient autant et plus qu’Ovide (il me paraît absurde de retraduire cet auteur alors que son édition Budé en reste au stade de vaste plaie…) une place sous la livrée vert émeraude.

  78. Ne critiquez pas la magnifique Pléiade et son Jean d’O tome 2 (?!) ni Honoré Champion et le lancement du dictionnaire Valery Larbaud ! Qui sait si à cette occasion une nouvelle édition du vieux Pléiade ne sera pas lancée…

    • Compte-tenu du succès (?!) du Valery Larbaud, il est fort à parier que, si par miracle un jour les stocks étaient (enfin) écoulés, il passe directement du purgatoire « provisoirement indisponible » à l’enfer « épuisé ».

  79. Hélas cher Lombard c’est bien possible. Pour tant il est encore lu, étudié, édité et réédité, sa correspondance et le dictionnaire montrent qu’il n’est pas encore (tout à fait) oublié…. Qui sait ? Un jour? Certains auteurs sortent mystérieusement un jour du purgatoire. Pour Valery je vous accorde volontiers que ce n’est pas gagné!!!

  80. Bonjour amis Pleiadophiles,
    Je voulais demander à Neobirt7, ce qu’il pensait de la Thébaïde de Stace, chez Budé. Comme visiblement c’est la seule édition disponible en France, autant ne pas avoir de remords après acquisition… Pour l’exégèse, ma foi, je me satisferai des travaux de Mme Franchet d’Esperey.
    D’avance, cher Neobirt7, merci pour vos suggestions.

  81. Triste la disparition de Philipp Roth. Il était pourtant en bonne forme, tellement fier de son Pléiade et fort sympathique, il y a à peine 2 mois à Paris. Goodbye Columbus !

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